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Enzo Ferrari, Caroll Shelby, deux personnages parfaitement opposés, unie par une même passion, la compétition automobile. Le transalpin représente la vielle Italie traditionnelle, où la "combinazione", fait partie du décors, le texan, la décontraction et le rêve américain où tout devient possible. Les deux hommes auraient pu s'unir pour un même combat sportif, une incompatibilité de caractère, les divisent et les séparent. Leur antagonisme, va écrire la plus belle page de la course d'endurance.
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Seitenzahl: 523
Veröffentlichungsjahr: 2021
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Chapitre 1 : Caroll Shelby « The Chicane Boye »
Chapitre 2 : Enzo Ferrari, naissance d’une légende
Chapitre 3 : La montée en puissance
Chapitre 4 : Orgueil et vanité à Maranello
Chapitre 5 : Quand Aston mate Ferrari
Chapitre 6 : David Brown plus fort que Ferrari
Chapitre 7 : Lucky Casner, l’aventure, c’est l’aventure
Chapitre 8 : Carrol Shelby School
Chapitre 9 : Transition sans Shelby
Chapitre 10 : De l’AC Bristol à l’AC Cobra
Chapitre 11 : Du rififi à Maranello
Chapitre 12 : Total Performance
Chapitre 13 : La Cobra crache son venin
Chapitre 14 : A l’Ouest du nouveau
Chapitre 15 : La moitié du chemin reste à parcourir
Chapitre 16 : Des dollars, des chevaux et l’annexe J
Chapitre 17 : La marche en avant
Chapitre 18 : Puissance et Gloire
Chapitre 19 : Match retour
Chapitre 20 : La course du siècle
Chapitre 21 : Vers un passage sans Ferrari
Chapitre 22 : Epilogue de l’âge d’or
Maranello, février 1957, un grand texan dégingandé, a rendez-vous avec le « Commendatore ». Le texan, fait penser à un John Wayne à la recherche de chevaux-vapeur. Le Commendatore, tient plus du parrain, avec un soupçon de Sergio Léone. Tous les ingrédients sont réunis, pour faire un bon western « américano-spaghetti ». Accrochez-vous, le film va durer 10 ans, sur grand écran.
Enzo Ferrari, recherche toujours de bons pilotes, italiens de préférence, mais le marché américain, commercialement, l’intéresse au plus haut point. Caroll Shelby, possède le bon passeport, il a une gueule, et une réputation de driver qui commence à sortir des States. Les deux hommes, ont tout pour faire affaire… sauf une incompatibilité de caractères.
L’entretien est parfaitement détendu, Caroll va se voir attribuer un volant en sport prototype. Enzo, n’exclue pas de lui confier une formule 1 à l’essai, pour qu’il puisse faire ses preuves. L’affaire est dans le sac, lorsque Shelby, aborde les conditions financières. Mine de rien le texan a une famille à nourrir.
Ferrari, le regard caché derrière ses lunettes noires se tait, impérial.
Quelques secondes s’écoulent qui semblent une éternité et d’un revers de main, il joint la parole au geste : « Jeune homme, vous débutez et quand on la chance dans sa vie de conduire une Ferrari d’usine, on ne se pose pas la question de savoir combien ça rapporte ! » Shelby, remercie Ferrari de l’avoir reçu et regrette de lui avoir fait perdre son temps…
À partir de là, les deux hommes ne vont plus jamais se rencontrer. Ils vont communiquer, sans qu’aucun son ne sortent de leurs lèvres, simplement par des actes à sens unique, chacun de leur côté…
11 janvier 1923, dans le foyer Shelby à Leesburg, un village de 200 âmes, à 200km au nord-est de Dallas, le petit Caroll pousse son premier cri. Dire qu’il est bercé dès son plus jeune âge par le ronronnement des moteurs, serait à peine exagéré. Doit - on voir un signe en cet année 1923, avec la première édition des 24 heures du Mans ? Toujours est-il que son futur adversaire Enzo Ferrari, est déjà un fringant jeune homme de 25 ans, Directeur Sportif d’Alfa Roméo.
Il doit attendre ses quatre ans, pour s’asseoir dans une voiture, quand son père, Warren Hall Shelby, fait l’acquisition d’une Overland modèle 1925. Cette première expérience l’a visiblement marqué, quand nous voyons la description qu’il en fait dans ses mémoires : « C’était une limousine bleu sombre, aux ailes noires, décapotable avec des roues en noyer qui avaient conservées leur vernis. » Première expérience au volant également, pour le petit Caroll, sur les genoux de son papa, dans les chemins peu fréquentés autour de la maison.
Ayant obtenu une mutation dans les services postaux de la ville son père installe la famille à Dallas en 1930. Caroll, commence à prendre un volant « sans assistance », à quinze ans à peine. Il fait ses classes sur plusieurs montures, une Dodge 1934, une incontournable Ford modèle T, et une Willys 1938.
Caroll fait son entrée à la « high school », avec l’histoire et géographie, pour passion, plus que l’anglais ou les mathématiques. Un désir d’aventure, pour un adolescent, déjà en recherche de sensations fortes. L’automobile, reste sa passion première, avec l’aviation par envie des voyages.
Son père n’est pas insensible à son goût pour l’automobile, et lui fait découvrir la compétition. Dans les années 30, la course populaire se dispute dans une arène sur une piste ovale en terre battue. Baptisé stock-cars et sprint-cars, ces épreuves attirent un nombreux public. Il faut bien le reconnaître Caroll, poursuit plus ses courses que ses cours…
La bienveillance du paternel, compense la mine réprobatrice de la maman. Sauf qu’à un moment, il faut bien avouer que Caroll a l’intention de faire carrière « dans le milieu ». Toutefois les doutes ne sont pas levés. En cause, un souffle au cœur détecté par le médecin de famille à 9 ou 10ans. La médecine de l’époque, préconise une sieste l’après-midi, seul remède pour éviter les grands coups de fatigue. Physiquement, il tient de son grand-père, un échalas grand et mince. Sa taille lui vaut quelques sobriquets désagréables de la part de ses camarades : « Tête-à- trous », « Perche-du-Texas », « Longues-Tripes ».
Pour assouvir sa seconde passion l’aviation, Caroll se lance dans la mécanique. Il offre ses services à aéro-club du coin, contre quelques heures de vol. Caroll rencontre à 16 ans sa future épouse, Jeanne Fields, de leur union naîtront 3 enfants, Sharon, Patrick et Michael Hall. Les fiançailles se font rapidement et durent pratiquement 4 ans, avant le mariage en décembre 1943.
Entre temps, les États-Unis s’engagent dans la seconde guerre mondiale après Pearl Harbor en décembre 1941. Notre texan, devance l’appel en début d’année, pour entrer dans « l’Air force ». L’examen physique, qui aurait pu être un obstacle, se passe bien. Caroll fait ses classes à Randolph Filds, chez lui en plein Texas, après avoir décliné une offre dans l’infanterie qui devait l’expédier aux Philippines.
Les heures passées à l'aéro-club, lui ont permis de voler, mais…sans vraiment tenir le manche. Sa première expérience dans l’armée, consiste à aller récupérer du fumier dans les fermes alentours, pendant 3 mois, pour entretenir les plates-bandes de fleurs de la base. Le soldat Shelby, devient ensuite « pompier de service », au volant d’une autopompe, pour 3 mois supplémentaires.
Ses études secondaires, doivent néanmoins lui permettre, de tenter l’examen de sergent-pilote, après avoir passé de nouveaux tests physiques. Avec la prochaine entrée en guerre de « l’oncle Sam », les instructeurs, face aux besoins humains, se montrent moins exigeants. Néanmoins, le rapport taille/poids de l’individu rentre en ligne de compte et Caroll doit s’efforcer de prendre 4 à 5kg. Il passe au régime « banane lait » pour combler le manque.
Novembre 1941, l’élève pilote Shelby est muté à la base de Lackland pour poursuivre son instruction. Les leçons restent toutefois théoriques, basées sur des cours de navigation, de radio, et de mécanique. Caroll fait tout sauf monter dans un avion, d’ailleurs, il n’y en a aucun sur la base. Après 6 semaines, il est envoyé à Cuero, une petite ville située à 130 km à l’Est de San Antonio, pour passer à la pratique.
Le Fairchild PT 19, un biplace monomoteur, monoplan à aile basse, très moderne, convient parfaitement pour son apprentissage. Néanmoins, Shelby est perturbé par une pneumonie, qui le cloue pendant deux semaines à l’hôpital. Bien entendu, ensuite, il doit ramer pour rattraper le retard sur les autres élèves. 9 ou 10 heures de travail par jour, sont nécessaires pour éviter d’être viré. Le temps de formation s’en trouve limité. Il y-a finalement beaucoup d’appelés pour peu d’élus.
Puis vient l’instant du premier vol solo, savoir vaincre ses peurs et ses doutes. Shelby avoue avoir loupé 4 ou 5 atterrissages, lors de ses premières sorties. La phase suivante, passe par d’autres types d’avions bimoteur ou chasseur, pour une nouvelle étape de développement à Solerman, toujours au Texas.
Caroll « le romantique » en profite, pour lâcher des messages en avion, tout en passant en rase-motte, au-dessus de la ferme des parents de Jeanne, sa fiancée. En septembre 1942, il devient enfin sergent-pilote à Ellington Field, près de Houston, avant de passer sous-lieutenant à la fin de la même année.
Poussant un peu plus loin la conquête de sa belle, au début de 1943, le sous-lieutenant Shelby, décide de lui offrir un baptême de l’air. Jeanne accepte, à condition d’être accompagnée par sa maman. Vendu ! c’est toujours bien, de se mettre dans la poche sa future belle-mère. Embarquer deux civiles dans un avion militaire, sans autorisation n’est pas très réglementaire. Mais pas vu pas pris, les deux femmes ont la chance de voler au-dessus de Dallas, dans un Beechcraft AT11 bimoteur. Caroll leur fait la totale avec piqué, chandelle et feuille morte, sous le regard conquis de belle-maman.
Shelby commence à avoir une sérieuse expérience en vol, néanmoins ses supérieurs décident de le perfectionner sur bombardier. Tous les modèles y passent, B18 « superforteresse », B24 « liberator », B25 « marauder ». Sa dernière expérience se fait en 1945 sur B29, le type d’appareil portant la bombe atomique, sur Hiroshima et Nagasaki. En quatre ans et demi dans l’Air Force, Caroll n’a jamais été engagé dans le conflit. Au cours des deux dernières années, il est alternativement instructeur ou pilote d’essai.
Même loin du combat, les risques sont bien présents. Ainsi, un jour il instruit sur un Beechcraft, deux élèves bombardiers. Un feu se déclenche, sous le tableau de bord dans la cabine. Les trois hommes sont obligés de sauter en parachute. Arrivé au sol, Shelby se trouve séparé de ses deux compagnons d’infortune. Il fait nuit, en plein désert, il doit se taper cinquante kilomètres de marche à pied pour rentrer au bercail, guidé uniquement par le cri des coyotes.
Porté disparu, par les élèves rentrés à la base, Caroll trouve refuge dans une grange, épuisé avec une hanche endolorie par son saut, puis est recueilli par des cow-boys.
Autre aventure sur un Beechcraft, mais cette fois avec un problème de « vapor lock ». Deux moteurs qui se coupent en même temps, ne laissent rien augurer de bon. Cette fois, c’est en plein jour, avec le paysage qui grossit à vue d’œil. L’atterrissage forcé sur le ventre, dans un ranch, lui laisse en souvenir, un choc sur le nez contre le tableau de bord.
Jeanne et Caroll s’unissent le 18 septembre 1943 ; de cette union la petite Sharon Anne, voit le jour le 27 septembre 1944. Une mutation les emporte du Texas au Colorado, pour la ville de Denver. Puis le Japon capitule en 1945. Le sous-lieutenant Shelby, peut demander sa démobilisation. Un major essaye de le convaincre de rester « dans la réserve » de l’Air Force. C’est définitivement non, quitte à jouer les casse-cou, autant le faire sur terre que dans les airs.
Shelby retrouve sa liberté, avec une famille à nourrir et sans un sou. Un retour à Dallas s’impose, et dans un premier temps un hébergement chez sa belle-famille. Il n’a pas quitté l’aviation militaire, pour se retrouver dans l’aviation civile, il lui faut donc trouver autre chose. La solution passe par un ami d’enfance Bailey Gordon.
Celui-ci, lui propose de se lancer en coopération dans du camionnage. Tout ce qui a des roues et un moteur peut séduire Caroll, si en plus comme l’affirme son ami, il y a de l’argent à gagner… Bailey possède déjà un camion, « un réseau » avec son beau-père propriétaire d’une entreprise de transport, Caroll n’a plus qu’à se procurer un véhicule. Son choix se tourne vers un Ford d’occasion à benne basculante, acquis naturellement totalement à crédit. L’activité ne manque pas, 12 heures par jour essentiellement pour des bétonniers.
L’argent rentre, et la famille s’agrandit. Michael Hall, nait le 2 novembre 1946. Shelby, décide de modifier son activité de transport par du négoce de bois. Le travail ne manque pas pendant toute l’année 1947, néanmoins des premiers signes d’essoufflement commencent à apparaître, faisant suite à la relance économique d’après-guerre. La perspective de se retrouver avec des camions et plus rien à transporter, après le boom dans le bâtiment, hante ses nuits.
La solution est toute trouvée, quand on habite Dallas… le pétrole ! Son beau-père, déjà dans la partie, lui suggère de partir du bas de l’échelle en travaillant sur les derricks. Aussitôt dit, aussitôt fait, pendant l’année 1948 et une partie de 1949. Le travail à la base est naturellement terriblement éprouvant, pour un salaire de miséreux. Shelby se rend bien compte, qu’il ne deviendra jamais un « JR » avant la lettre. D’autant que les dépenses s’accumulent, outre sa femme et ses deux enfants, Caroll doit prendre en charge les frais d’hôpitaux de sa mère malade, son père étant décédé en 1943, d’une crise cardiaque.
Une remise en cause devient nécessaire. Caroll a 26 ans, que peut-on faire au Texas à cet âge ? Le pétrole c’est fait, bien sûr il y a… le métier de cow-boy, mais la « variante Shelby » s’appelle « chicane boy », éleveur de poulets ! La demande grandissante des supermarchés, encourage ce type d’élevage, l’état pour satisfaire la demande, consent des avances sur trésorerie. En 1949, il voit grand et commence avec 20 000 poulets. Le premier résultat, après dix à douze semaines d’exploitation, lui laisse 4 à 5000 dollars de bénéfice net.
Le job est fatigant, mais bien plus rentable que le travail aux derricks. Une projection sur l’année, laisse entrevoir au bas mot 25 000 dollars. L’aventure malheureusement, tourne vite autrement. Comme dit le proverbe « adieu veau, vaches et… poulets » pour la circonstance. La deuxième couvée se voit frappée de « la maladie de Newcastle ». Plus connue au Texas, sous le nom de maladie du « cou raide ». En 48 heures, ses 20 000 poulets passent de vie à trépas.
Sans assurance spécifique, Shelby se retrouve ruiné, avec une exploitation en faillite et des dettes à n’en plus finir. 5 ans après la fin de l’armée, c’est un retour à la case départ en pire. Finalement, tout le ramène à son désir de toujours, la voiture. Un désir d’enfance, passe forcément par un ami d’enfance. Ed Wilkins, bricole une voiture construite par ses soins, équipée d’un châssis tubulaire, d’un moteur Ford V8, et avec un essieu avant rigide. Le tout, est habillé d’une carrosserie plutôt soignée.
Ed propose à Caroll de la piloter, pour une course de « dragster », qui se déroule en janvier 1952, sur la base navale de Grand Prairie, située entre Dallas et Forth Worth. L’épreuve, consiste à faire une accélération départ arrêté sur ¼ de mile.
C’est une première pour Shelby, mais aussi pour Wilkins qui va pouvoir tester « son bricolage » grandeur nature. Ce type de course, est extrêmement impressionnant pour le spectateur, mais aussi pour le pilote au niveau des sensations. Le « Drag » de Caroll, part en « Wheeling » sur 400 m laissant tous ses adversaires, la plupart équipés de MG, sur place. Ed fou de joie, propose à son pilote de conduire son MG TC personnelle, dans une vraie course pour voiture de sport.
Shelby, depuis « l’affaire des poulets » vit uniquement de petits boulots. Il prend donc le temps avec son ami, de peaufiner les réglages de la voiture, pour la rendre performante en compétition. Tout est prêt au mois de mai, pour l’aligner sur le circuit routier de Norman, dans l’Oklahoma.
Le terrain se révèle pour le moins rustique. Dessiné en forme de triangle, dans un immense parking pour avions abandonnés de la dernière guerre, le revêtement se compose de béton et de gravier. Trois pylônes, délimitent les virages, pour un parcours de 2400m en lignes droites, avec naturellement trois gros freinages à négocier.
La position des voitures au départ, se fait à « la bonne franquette », sans tenir compte de temps aux essais. « Shel », comme l’appelle Ed va devoir partir dans le paquet. Les voitures sont toutes des MG. Sauf que la sienne est d’un modèle strictement de série, avec une mise au point certes, mais sans aucune modification significative, permettant un quelconque avantage.
Au baisser du drapeau, « Shel » parvient à se faufiler dans le trafic, sans encombre. Il reprend quelques places, mais il lui faut plusieurs tours, pour enfin voir la tête de course. Caroll le joue « au métier », en collant son dernier adversaire, qui finit par chasser dans un virage, suffisamment pour « ouvrir la porte ».
Désormais la voie est libre, pour une victoire avec une certaine facilité. La journée n’est pas finie. Compte tenu de leur performance, les deux compères, se voient proposer de participer à la course suivante, d’un autre calibre.
Le plateau regroupe des Jaguar XK120. Le roadster « Jag » est sans comparaison en accélération et en vitesse pure, avec la MG. Caroll, ne peut compter, que sur la meilleure tenue de route de sa monture. La XK120 a une réputation sous-vireuse, avec un décrochement possible du train avant, sur les trois virages serrés. La tactique, consiste à virer large dans les virages, pour que la petite TC garde un maximum de vitesse. Le plan s’avère payant, Shelby contre tout attente, à commencer par la sienne, remporte la course.
Au mois de juillet, il se voit confier le volant d’une XK120 à Okmulgee, pour une nouvelle victoire. Charles Brown, un important propriétaire d’écurie de course, le contacte pour lui confier une Allard-Cadillac. Fini les courses de seconde zone, il s’agit maintenant de participer au SCCA (Sports Car Club of América). En novembre 1952, il fait la connaissance de Masten Gregory, un jeune débutant de 20ans, myope comme une taupe, à Caddo Miles (Texas). Avec son allure d’étudiant intellectuel, Masten donne du fil à retordre à Caroll, avant que la rupture de son câble d’accélérateur ne décide du sort de la course.
Le jeu fait place au métier, cette fois Caroll a trouvé sa voie, la course automobile pour une quinzaine d’années…
En cette fin de 19e siècle, la voiture n’est encore qu’un gadget réservé à quelques privilégiés richissimes. Une petite minorité se livre à une parodie de course, sur des routes poussiéreuses et mal empierrées. Le 18 février 1898, dans la ville de Modène en Emilie-Romagne, le petit Enzo Anselmo Ferrari, s’ouvre à la vie. Une tempête de neige sévit, reportant sa déclaration aux autorités que deux jours plus tard.
Il est le deuxième garçon de la famille, son aîné de deux ans Alfredo porte le nom du père, les parents le surnomment affectueusement Dino. Les Ferrari, font partie de la bourgeoisie industrielle de la plaine du Pô. Alfredo, dirige une société de construction métallique, employant une trentaine de personnes. Les affaires sont florissantes, Ferrari profite du développement des chemins de fer italiens en se spécialisant dans la couverture des gares et la construction de pièces pour les ponts.
L’avenir de l’entreprise paternelle, est assuré pour un bout de temps. Alfredo décide de se faire plaisir en se portant acquéreur d’une de Dion-Bouton. La société française, référence du moment, avec 400 véhicules produits dans l’année, fait figure de numéro 1 mondial. Les deux frères Ferrari sont absolument subjugués par la machine.
La complicité entre Alfredo junior et Enzo se veut sans faille, les jeux au milieu des ateliers du père, entre les soudeurs et les marteleurs de tôle, se multiplient. Papa Alfredo, souhaite que ses enfants reprennent l’entreprise familiale, Enzo se voit plutôt en chanteur d’opéra, ou en journaliste. La vocation, lui vient naturellement de la scala de Milan, ou du Teatro Regio de Turin, que la famille fréquente régulièrement.
Pour le journalisme, Enzo lit régulièrement la presse achetée par Alfredo, la rubrique automobile ne le laisse pas indifférent. Au point que le père, décide d’amener ses fils à une course locale, la Targa Bologna le 6 septembre 1908. Enzo est conquis par ses chevaliers des temps modernes, perchés sur leurs hautes montures, aux visages couverts de poussière simplement éclairés sous le soleil, par leurs lunettes aux reflets d’argent.
Leurs noms lui sont déjà familiers, Cléments Bayard, Fiat, Mors ou Lorraine-Dietrich. La victoire revient à Felice Nazzaro, malgré la domination de son coéquipier Vincenzo Lancia frappé par des ennuis mécaniques. Après réflexion, la vitesse, la compétition, n’est-ce pas la vraie vie, plutôt que le chant lyrique ou l’écriture ?
Le temps passe Alfredo suit son idée première, assurer sa succession. Il inscrit « Dino », dans une école d’ingénierie mécanique. Pendant ce temps Enzo, trouvant l'inspiration dans les articles de journaux, rêve de courses débridées, où il tiendrait la vedette. Il passe à la grande école en traînant des pieds. À quoi bon s’intéresser à des leçons de machines-outils, pour devenir pilote ?
En août 1914, les plans des fils et du père se trouvent bouleversés, l’Italie entre en guerre. Si Enzo a 16 ans et n’est pas encore mobilisable, Dino se retrouve dès 1915, au volant d’une ambulance pour le front. Le sort frappe la famille coup sur coup. Alfredo meurt d’une pneumonie, et Dino est emporté par la fièvre typhoïde. La guerre paralyse l’exploitation familiale qui fait faillite. Enzo et sa maman, passés de riches à miséreux sont contraints, de vivre d’emplois précaires, peu rémunérés.
En 1917, Enzo à son tour, se trouve enrôlé sous les drapeaux, dans une unité de montagne équipée de mulets, ça change des chevaux- vapeur ! Les conditions de vie en altitude l’hiver, sont particulièrement pénibles entre le froid et la neige. Enzo « reste dans la mécanique », affecté comme maréchal-ferrant.
Une pleurésie le frappe à son tour, il est hospitalisé à Bologne, dans des conditions sanitaires déplorables. Les jours pour lui, s’égrènent dans un état semi-comateux. Il devine quelques soins spartiates, apportés par des bonnes-sœurs transformées en infirmières. Le miracle a lieu, contre tout attente il va vivre !
L’armistice de 1918, le libère du joug militaire, à 20 ans il n’est plus qu’un jeune brisé par 3 ans de malheurs. Ruiné, dans une Italie affamée et désindustrialisée, ses perspectives d’avenir sont bien sombres. Une lueur d’espoir, passe par une lettre de recommandation du colonel de son régiment. Il prend la direction de Turin, pour un rendez-vous chez F.I.A.T « Fabbrica Italiana Automobili Torino » (ou en français « Fabrique italienne d'automobiles de Turin ») qui a déjà pignon sur rue.
Déception, la missive militaire, n’a aucune considération de la part, de l’homme qui le reçoit. Sans aucune qualification en mécanique, la firme reçoit des tas de propositions de personnes, dans un pays frappé par le chômage. Courrier ou pas d’un officier supérieur, Enzo n’a pas plus d’importance, aux yeux du responsable du personnel, que le pékin moyen qui vient frapper, tous les jours à la porte de l’usine.
Ferrari reste sans voix, il se sent humilié par ce manque de considération. La fierté d’Enzo en prend un coup. Ne pas faire affaire, sans avoir eu la moindre chance de prouver ses capacités, c’en est trop, le Modénois saura s’en souvenir. En attendant, il faut rebondir. Le chômage, la misère entraînent au désespoir. Le populisme, amène au pouvoir à Milan l’inventeur du fascisme, un certain Benito Mussolini. C’est le temps des chemises noires, de la marche sur Rome, qui aboutit à sa prise du pouvoir en octobre1922, avec la bénédiction du Roi Victor Emmanuel III et de toute l’industrie du nord du pays.
Loin de toutes ces conditions politiques, Ferrari finit par trouver un emploi de chauffeur, dans une entreprise de récupération de petits camions militaires, afin de les transformer en véhicules civils. Enzo partage sa « vie routière » entre Turin et Milan. D’un côté, il récupère les châssis, pour les faire carrosser dans la capitale lombarde.
Au détour d’un bar, il rencontre Ugo Sivocci, un motocycliste branché compétition avec lequel il sympathise. Ugo est devenu pilote essayeur de la marque CMN « Costruzioni Meccaniche Nationali », marque fraîchement créée en 1919, dont l’objectif est de se forger une réputation en course. Engagé dans la Targa Florio, dont c’est la 13e édition en 1922, Ugo s’adjoint Enzo, comme mécanicien embarqué.
En ce début de 20e siècle, partir du nord de l’Italie pour rejoindre la Sicile représente tout une expédition. Il faut d’abord se rendre à Naples par la route, avant une traversée en bateau. En parcourant les Abruzzes, ils sont poursuivis par une meute de loups. Enzo, qui a gardé avec lui un pistolet de l’armée, fait feu sur les animaux, avant qu’un groupe de chasseurs, ne viennent leur porter main forte.
L’aventure continue pendant la course. Sur les routes mal carrossées, la CMN perd son réservoir d’essence. Le temps de bricoler une réparation de fortune, pour rallier l’arrivée, il n’y a plus ni contrôleur, ni spectateur. Les organisateurs, ont néanmoins laissé, un brave carabinier de faction, chargé, de constater l’arrivée des retardataires. La CMN se retrouve « officiellement », classée à la 9e place.
La jeune entreprise, a du mal à se faire une place au milieu des « cadors » transalpins. Fiat, Alfa Roméo et Maserati, occupent déjà le haut de l’affiche d’une industrie automobile encore balbutiante. L’inévitable ce produit, CMN dépose le bilan en 1923.
Enzo, fait la connaissance de Laura Domenica Garello, jeune femme de 21ans, dont les origines restent incertaines. Leur rencontre, se noue dans l’un de ces bars milanais fréquentés par les passionnés d’automobile. L’amitié du départ, laisse place rapidement à une relation amoureuse.
Enzo, italien pur jus, ne peut se contenter d’une seule conquête. Sans être un « bello », Ferrari profite du charme d’une stature imposante d’1m87. Le mariage en 1923, entre Laura et Enzo, passe vite de la brouille à la querelle, sans pour cela finir en séparation définitive.
Professionnellement, Ferrari amorce un virage en réussissant à se faire embaucher par Alfa Roméo en qualité de pilote d’essais. La marque milanaise possède déjà un solide historique. Fondée en 1906, par le français Alexandre Darracq, dans un premier temps à Naples, avant de déménager pour Milan, un consortium la rachète en 1910, pour fonder « Anonima Lombarda Fabricca Automobili ». Le succès est immédiat, la société a toutefois du mal à sortir quelques bénéfices. La grande guerre lui donne le coup de grâce.
Nicola Roméo, se voit confier par l’état italien la gestion du dossier épineux. Une grosse commandes de l’armée donne de l’oxygène à la nouvelle société « Alpha Roméo ». Après la fin de la guerre, l’entreprise prend son nom définitif, Alfa Roméo.
De pilote d’essais à pilote d’usine, il n’y a qu’un pas que Ferrari franchit allègrement. De 1923 à 1931, Enzo aurait participé officiellement à 19 courses. Le conditionnel est de rigueur, d’autant que ces compétitions sont souvent de seconde zone, donc difficiles à répertorier. On note tout au plus 3 victoires au Circuit di Modena 1927 et 1928, ainsi qu’au Circuit d’Alessandria 1928. Sa meilleure performance est finalement une 2e place au Circuit Tre Province 1931, derrière la super star de l’époque Tazio Nuvolari. Sa carrière de pilote, s’arrête avec la naissance de son fils Alfredo « Dino », en juin 1932.
Pilote quelconque, Ferrari ne peut en rien se comparer à des pilotes de la trempe d’Antonio Ascari (père d’Alberto), Giuseppe Campari, Achille Varzi, sans parler de Nuvolari. Enzo, est d’abord un organisateur dans l’âme. Ses employeurs ne s'y trompent pas, en lui confiant dès 1923, la gestion du service compétition d’Alfa Roméo.
Ferrari, n’est pas seulement un organisateur, mais également un fédérateur. Ainsi, il s’attache les services de jeunes ingénieurs comme Luigi Bazzi, « prise de guerre » à la FIAT, ou encore Vittorio Jano. Pour Bazzi, ami de Ferrari, c’est relativement simple pour Jano, c’est autre chose. Vittorio représente la référence du moment, son salaire de 1800 lires par mois, à la FIAT, se veut plutôt confortable.
Il entreprend la démarche avec le directeur des ventes d’Alfa, Giorgio Rimini. L’offre est alléchante 3500 lires plus un logement de fonction. Ferrari tient ses premières revanches, sur la société turinoise qui l’a éconduit en 1919. Ses démarches, amènent à terme FIAT, à renoncer à la compétition. Vittorio part avec une partie de son équipe et les plans du modèle 806, archétype de la voiture moderne de Grand Prix. Son moteur, équipé d’une culasse en aluminium (première mondiale), 12 cylindres de 2244cc, développe 240cv pour la vitesse exceptionnelle de 240km/heure.
Jano, pour être un génie, n’en est pas moins un tyran. Ainsi son Alfa Roméo P2, écrase la compétition au point de précipiter le spectateur dans l’ennui. Au G.P de Belgique 1925, après l’abandon des Delage, les Alfa sont seules en piste. Le public manifeste sa lassitude, par des protestations et des sifflets. Jano vexé et courroucé, donne l’ordre à ses voitures de s’arrêter aux stands. Il exige des mécaniciens de nettoyer les véhicules de fond en comble, pendant qu’il fait servir un repas sur une table dressée pour les pilotes ! Les quolibets de la foule, naturellement redoublent, sans empêcher les pilotes de finir leur festin avant de repartir.
La crise économique de 1929, va bouleverser également le marché automobile. Alfa Roméo renonce à son programme compétition en 1933. L’Allemagne, lui succède avec ses Auto Union et Mercédès, soutenues financièrement par le régime nazi. Ferrari toujours en 1933, ranime le flambeau italien, en créant son propre service de compétition. Il fait courir préférentiellement des Alfa jusqu’en 1939, où la firme milanaise crée Alfa Corse. Désormais la Scuderia Ferrari, devient totalement indépendante.
La séparation du service de compétition d’Alfa Roméo, dans un premier temps fonctionne. Ferrari, connaît bien la « boutique », 1933 n’est que le prolongement des années précédentes. Avec la montée en puissance des écuries allemandes à partir de 1934, les italiens perdent pied petit à petit. L’évolution des modèles de compétition, n’est pas sans poser de problèmes.
Entre des voitures, qui ne sont plus tout à fait Alfa Romeo, mais pas encore Ferrari, la confusion règne. Les différents services, engendrent des tensions inévitables. En 1937 Alfa, donne le feu vert à Ferrari, pour construire un nouveau modèle la Tipo 308, une monoplace, faite en partant de trois autres voitures existantes. Le modèle voit le jour en 1938 équipé d’un moteur 3 litres, correspondant à la nouvelle formule des Grands Prix. Ferrari, s’implique pour tenter de contrer les « teutons », en dérivant deux autres machines, les Tipo 312 et Tipo 316.
Rien n’y fait, conséquence Vittorio Jano sert de fusible. Le décès de Vincenzo Lancia le 15 février 1937, à 55 ans, d’une attaque cardiaque, donne l’opportunité à Vittorio, de changer de casaque. Alberto Massimino, lui succède avec Gioacchino Colombo, il crée le chef d’œuvre de la marque « au trèfle à quatre feuilles », l’Alfetta 158. Monoplace extrêmement moderne, équipée dans un premier temps d’un moteur 1500cc à simple compresseur, qui va révolutionner la course d’après-guerre.
Ferrari se sent frustré. Il réclame une partie de la paternité de l’Alfetta, qu’il a peut-être inspirée, mais sans vraiment être impliqué dans son étude et sa réalisation. À partir de là, le divorce est consommé, il sera effectif en novembre 1938.
Enzo Ferrari, a désormais 40 ans, il se sent parfaitement mûr pour assumer ses propres créations et lance Sociéta Auto Avio Construzione, dans les locaux de Modène, dont il est toujours propriétaire. Un contrat passé avec le gouvernement pour la fabrication de machines destinées à la production de moteurs d’avions, lui permet de constituer une manne financière.
Pour la conception des voitures, il engage Alberto Massimino et Enrico Nardi, transfuge de chez Lancia. Deux voitures sont rapidement mises en chantier, pour être opérationnelles aux Mille Miglia du mois d’Avril 1939. Malgré leurs abandons, les débuts sont encourageants.
Après la crise de 1929, le second conflit mondial est un nouveau coup d’arrêt. Les relations entre Mussolini et Ferrari, ne seront jamais clairement établies. Toutefois le « Duce », peut revendiquer les sobriquets de « Commendatore » et de « Cavaliere », attribués à Ferrari.
Auto Avio Construzione, ne va pas survivre à la guerre. La première « vraie Ferrari », court pour la première fois à Piacenza le 11 mai 1947, aux mains de Franco Cortese. Equipée, d’un moteur V12, 1500cc à compresseur, elle est l’œuvre de Giacchino Colombo, Aurélio Lampredi et Luigi Bazzi.
Une rupture de pompe à essence, prive Cortese d’une première victoire. Néanmoins les quatre sorties suivantes, se soldent par autant de succès à Rome, Vercelli, Vigevano et Varese.
À l’aube de la saison 1953, Caroll Shelby, devient un véritable professionnel. Charlie Brown, continue de lui faire confiance au volant d’une Cadillac Allard. Le londonien Sydney Allard, fonde la Allard Motor Company en 1946. Le pilote Anglo-Américain Tom Cole, décide de monter dans une Allard J2, un moteur Cadillac au début de l’année 1950. La paisible voiture de sport, se transforme sous le nom de Cadillac Allard J2x, en véritable bombe des circuits.
Les quelques modifications apportées par Cole à l’ensemble, ne suffisent pas à rendre l’engin homogène. Pour être performante la J2x, n’est pas à mettre entre toutes les mains. Le dessin du train-avant inadapté à la puissance du moteur, rend le pilotage particulièrement pointu et dangereux, avec un sous-virage accentué. Shelby, qualifie lui-même la machine de « casse gueule ».
Au mois de janvier Caroll, remporte sa première course de l’année avec la « Cad-Allard » à Caddo Mills. Si le texan, maîtrise parfaitement la machine, il doit bientôt déchanter, Charlie Brown décide de la vendre. Pour l’instant Shelby, ne vit pas de la compétition, il se tourne vers l’élevage de faisans et de setters irlandais pour nourrir sa famille.
La relance de sa carrière, passe par un coup de fil de Roy Cherryhomes. Cherryhomes vient de perdre son pilote attitré Roy Scott, et propose à Shelby de lui offrir le volant de sa Cad-Allard. Il gagne une première fois à Omaha, puis le 5 juillet il se retrouve à la base d’Eagle Moutain à Fort Worth. La réunion est très sérieuse, avec deux courses de SCCA Nationale.
La journée va rester dans l’histoire pour la postérité. La chaleur est accablante, Caroll travaille à la ferme et s’aperçoit en regardant sa montre qu’il n’y a plus de temps à perdre pour se rendre au départ de la course. Ne prenant pas le temps de se changer, il arrive vêtu d’une salopette à rayures, sa tenue de fermier (voir photo de couverture). Il remporte la première course devant Jim Hall (futur constructeur des Chaparral) sur Allard également. Puis s’incline dans la deuxième avec une Ferrari 340 Mexico, derrière la Jaguar XK120 de Masten Gregory. Le lendemain, photo à l’appui, la presse, titre plus sur sa tenue de pilote, que sur ses performances dans les deux courses. Cette publicité gratuite, va l’encourager à garder cette marque de fabrique, pour les courses à venir.
Enzo Ferrari est déjà un homme arrivé. En 5 ans de compétitions, ses voitures ont remporté, les 24 heures du Mans en 1949, le championnat du Monde des conducteurs avec Alberto Ascari en 1952. Ascari, double la mise en 1953 et Ferrari remporte le premier championnat du Monde des voitures de sport avec des victoires aux Mille Milles, aux 24 heures de Spa-Francorchamps et aux 1000 km du Nurburgring.
Ce nouveau championnat, tombe bien pour asseoir un peu plus son aura. La voiture de sport coupé ou spider, est avant tout le fond de commerce du Commendatore. La Scuderia Ferrari, dont le coût estimé, s’élève à un million de dollars par an, ne peut vivre autrement. La réputation de ses voitures, ont largement dépassé les frontières européennes pour conquérir l’Amérique, par l’intermédiaire de Luigi Chinetti , le milanais de 42ans naturalisé américain en 1946 est une vieille connaissance du Cavaliere. Il lui apporte 3 victoires aux 24 heures du Mans, du temps d’Alfa Roméo en 1932, 1934 et plus récemment sur Ferrari 166MM.
Pilote par passion, Chinetti, est avant tout un homme d’affaires. Importateur exclusif de Ferrari aux Etats-Unis, il va créer une écurie de légende en 1958, le North American Racing Team. Chinetti est non seulement l’ambassadeur de Ferrari aux États-Unis, mais aussi son meilleur agent commercial. D’un côté, il vend des Grand Tourisme à de riches propriétaires en mal de sensations fortes, de l’autre il séduit les patrons d’écuries, en leur démontrant qu’une Ferrari reste le meilleur investissement pour les faire gagner. De John Edgar à Tony Parravano en passant par Briggs Cunningham, ils ont tous cédé un moment à l’appel des « sirènes de Modène ».
Côté technique, Aurelio Lampredi, succède à Giacchino Colombo. Le département moteur, reste toujours la priorité de Ferrari dans la construction d’un véhicule, où le V12 s’élève à la hauteur d’une institution. La puissance moteur est poussée au firmament, souvent au détriment de la tenue de route. Le comportement pointu des voitures, séduit l’acheteur, par l’habillage des plus grands carrossiers du moment. Ils sont tous Italiens, les Bertone, Michelotti, Pinin Farina, Touring et autre Vignale, dont les noms s’inscriront bientôt dans l’histoire.
Ferrari, continue d’entretenir une double vie. Il y’a « l’officielle », avec Laura et Dino sur Modène et une « officieuse », entretenue avec sa maîtresse Lina Lardi à Castelvetro. De cette union, naît le 22 mai 1945, un fils prénommé Piero. Il faudra attendre la mort de Laura le 28 février 1978, pour qu’Enzo reconnaisse enfin son fils, devenu depuis Piero Lardi Ferrari.
La vie des Ferrari, bascule le 30 mai 1956 avec le décès de Dino à 24 ans atteint d’une myopathie. Enzo encaisse le coup, sans montrer le moindre signe en public. Néanmoins, il se rend tous les jours sur sa tombe et bon nombre de modèles, monoplace et sport vont désormais porter le nom de « Dino ». Pour Laura, un autre choc, apporte un chagrin supplémentaire, quand elle apprend au même moment, l’existence de Piero. Sa colère n’est plus rentrée, l’attitude d’Enzo reste impénétrable, il laisse simplement passer l’orage.
Avec l’avènement de Juan Manuel Fangio, meilleur pilote au monde, l’Automobile Club Argentin, multiplie les organisations au point d’obtenir la première manche du championnat du Monde des constructeurs 1954. Il s’agit des 1000 km de Buenos-Aires disputé le 24 janvier. La semaine précédente, Fangio a déjà remporté le G.P d’Argentine première épreuve, qui va l’amener en fin de saison à son deuxième titre de champion du Monde des conducteurs. Dix Ferrari de tous types sont au départ, sous la bannière de la Scuderia, ou de privés qui assurent non seulement une rentrée d’argent, mais une publicité pour la marque, sans parler d’une possibilité de victoire.
Caroll Shelby, entame une première dans le championnat d’endurance, sur la Cad-Allard de Cherryhomes, qu’il partage avec Dale Duncan. Journée poissarde pour les partenaires d’un jour. Les deux ailes avant de type « moto », commencent à s’envoler suite aux vibrations, puis une succession de crevaisons les retardent, au point de ne plus avoir de roue disponible au stand. Enfin, un début d’incendie est maîtrisé par Dale Duncan… en urinant sous le capot ! Malgré tous ces déboires, la J2x termine à une très honnête 10e place. La victoire revient à la Ferrari 375 MM d’usine de Farina-Maglioli, devant la 250 MM privée de Schell-de Portago.
Ce premier contact avec le très haut niveau, permet naturellement à Shelby de rencontrer des personnalités. Des pilotes comme Fangio, Hawthorne, Peter Collins et bien d’autres, mais aussi des team-managers. Finalement, il a tapé dans l’œil de John Wyer, directeur de compétition d’Aston Martin. Peter Collins, organise un rendez-vous à trois autour d’un verre. Le texan est d’abord surpris par la personnalité de Wyer. « Le Buster Keaton » de l’automobile, à la réputation de taciturne et d’introverti, se livre lors d'une discussion sans retenue. L’anglais, demande à Caroll s’il envisage de faire carrière en Europe ? Celui-ci, lui répond que c’est impossible par manque d’argent. Qu’à cela ne tienne, en attendant, il lui propose le volant d’une Aston Martin DB 3S pour les 12 heures de Sebring du 8 mars.
Wyer apprécie Shelby, c’est une certitude, de plus, Aston Martin lorgne sur un marché juteux, pour ne pas laisser la place uniquement à Ferrari ou Jaguar. Avoir un pilote Américain, dans l’épreuve américaine la plus convoitée en sport, incarne une publicité assurée. La négociation va tourner autour de son coéquipier. Caroll n’a pas d’état d’âme, déjà bien heureux de piloter une telle monture. Les organisateurs voulaient absolument Charlie « Chuck » Wallace, qui n’était pas le premier choix de l’écurie. John Wyer comprit où était son intérêt et finit par céder.
La Scuderia Ferrari, estimant les primes de départ insuffisantes, fait l’impasse sur la course et ne peut compter que sur deux 375 MM et une 250 MM privées. Du coup, Lancia engage quatre spiders D24 3,3 litres et fait figure de favori, avec deux équipages vedettes, Ascari-Villoresi et Fangio-Castelotti. Passer de la Cad-Allard à l’Aston, c’est comme échanger un tracteur muni d'un moteur d’avion, contre une beauté à l’équilibre parfait. Si son 6 cylindres 3 litres délivrant seulement 225 cv, est un peu juste, son agrément de conduite, en particulier sur route humide est incomparable.
Favoris et outsiders vont finir tous sur le flan. L’essieu arrière de la DB3S de Shelby-Wallace se rompt au 77e tour, alors que la voiture naviguait aux alentours de la 10e place. Des quatre Lancia, seule la moins rapide de Rubirosa-Valenzano, termine à la 2e place, battue par la petite Osca 1500cc de 120cv, piloté par Stirling Moss et Bill Lloyd (gendre de Briggs Cunningham). L’Austin Healey de Macklin-Huntoon, complète le « podium des petits », alors qu’aucune Ferrari, ne franchit la ligne d’arrivée.
La situation de Shelby évolue rapidement, lors de sa rencontre avec Guy Mabee, magnat du pétrole, qui entreprend avec son frère Jo la construction dans son propre garage d’une voiture. Son gros moteur Chrysler lui permet de dépasser les 300 km/h… en ligne droite. Pour le reste, un essieu avant rigide, l’empêche d’avoir un semblant de tenue de cap dans les virages. Shelby se voit confier le rôle de rendre l’engin « conductible » avec un gros paquet de dollars à la clef.
Pas vraiment convaincu Caroll, propose un deal à Mabee. S’occuper « de son piège », à condition qu’il lui en donne les moyens et de faire une partie de la saison en Europe. Marché conclu, Mabee achète une Aston Martin DB3S, pour que Shelby puisse se faire la main, en attendant de trouver un volant d’usine.
Caroll débarque seul en Angleterre début mai. Son premier rendez-vous, se fait à Feltham, chez Aston Martin, reçu par John Wyer. Wyer tient sa promesse de Sebring, en lui confiant une voiture pour la Aintree International du 29 mai. La course, se dispute autour de l’hippodrome mondialement connu, pour son « Grand Steeple Chase ». L’épreuve est relativement courte, sur 10 tours de 4 km830. Le plateau, bien garni permet néanmoins de s’étalonner. Ses principaux concurrents sont Duncan Hamilton et Jimmy Stewart (frère, aîné du futur triple champion du Monde Jackie Stewart), sur Jaguar C de l’écurie Écosse. Sous la pluie, Caroll fait une bonne performance, en s’intercalant à la 2e place, entre les deux Jaguar.
Suffisant, pour convaincre Wyer d’engager Shelby définitivement pour les prochaines 24 h du Mans, des 12 et 13 juin 1954. Aston Martin n’a pas la faveur du pronostic, tout le monde s’attend à un duel entre Jaguar et Ferrari. La marque de Coventry, tenante du titre, engage trois Jaguar type D, révolutionnaires et flambant neuves, confortées par une type C de l’écurie Francorchamps. Modène, réplique avec trois 375 plus, épaulées par une étrange 375 MM de l’écurie Cunningham modifiée, avec un original système de freinage hydraulique, à refroidissement par eau. Pour essayer de contrer les 260 chevaux de Jaguar et surtout les 320 de Ferrari, David Brown multiplie les astuces. Sur les quatre DB 3S, deux sont converties en coupé pour gagner en aérodynamisme. L’équipage vedette Reg Parnell, Roy Salvadori bénéficie d’une barquette équipée d’un compresseur, permettant de gagner 30 chevaux supplémentaires. Enfin la barquette « classique », destinée à être vendue à Guy Mabee, peinte aux couleurs US, blanche avec deux bandes bleues, sera pilotée par Shelby et l’excellent pilote journaliste écrivain, Paul Frère.
David Brown, souhaite également relancer la marque Lagonda qu’il a rachetée en 1947. Le vieux moteur V12 est réactualisé, pour être mis sur un châssis de DB3 S reconverti. Malgré tous ses efforts, la course va tourner à la catastrophe pour Aston Martin. La Lagonda, trop lourde abandonne dès la 4e heure, le moteur en fonte, rajeuni en aluminium, ne tient pas la distance. Le premier coupé de Whitehead-Stewart est pris dans un accident, avec la Gordini de Behra-Simon à 22h15. Prince Bira, sur le second coupé, est aussi accidenté à 4h15 du matin. Parnell-Salvadori, réussissent à se maintenir pendant 6 heures à la 6e place, avant que le compresseur ne cède à 11h50.
Partis prudemment, Shelby-Frère, sont remontés à la 8e place à minuit. Peu après, il pleut, Shelby sort à Mulsanne en voulant doubler Cunningham. Il va mettre pratiquement 45’, pour dégager la voiture ensablée. Après un bref passage de contrôle au stand, l’Aston est tombée à la 16e place. La remontée se fait longue, peu avant 2 heures du matin, Shelby ressent une vibration du train avant à Arnage qui s’accentue à Maison Blanche. Une fusée de roue à l’avant droit, est endommagée, incident probablement dû au séjour dans le bac à sable, c’est l’abandon. Le final est à couper le souffle. Il ne reste plus qu’une Jaguar valide face à une unique Ferrari. Sous une pluie diluvienne, Gonzales-Trintignant (Ferrari) l’emporte, au bout du suspense, face à Rolt-Hamilton (Jaguar).
Déçu, John Wyer n’en veut pas à Shelby, et l’engage pour le G.P Supercortemaggiore à Monza du 27 juin. Deux semaines après le désastre du Mans, la plupart des voitures sont encore en maintenance. Conséquence, une seule DB3 S prend le départ avec Graham Whitehead, frère de Peter, pour coéquipier de Caroll. La course se dispute sur 1000 km, Ferrari est grandissime favori, d’autant que les Jaguar d’usine sont absentes. Aux essais, sur les 25 participants, l’Aston réalise le 12e temps. Shelby-Whitehead, jouent la prudence, ce qui leur permet de couper la ligne d’arrivée en 5e position. Les 2000 dollars de prime récoltée sont les biens venus, d’autant que Shelby a engagé la voiture à son nom.
Jeanne a rejoint Caroll en Europe, néanmoins le séjour sur le vieux continent est sur le point de se terminer. Il dispute encore une course le G.P British à Silvertone le 17 juillet. Peter Collins, Roy Salvadori et Caroll Shelby sont au départ sur les DB3 S de l’usine. Ils terminent dans cet ordre, devant la grosse Lagonda de Reg Parnell 4e. les Jaguar C de l’écurie Écosse ont dû baisser pavillon.
Pour la petite histoire Guy Mabee, n’a finalement pas acheté l’Aston Martin, préférant bidouiller sa « Mabee-Spéciale » (c’est son véritable nom), pour l’engager dans des courses à record de vitesse en ligne droite !
De retour au bercail, Caroll est contacté au mois d'août par Donald Healey. Là encore, l’objectif est d’établir de nouveaux records, sur le lac salé de Bonneville, très juteux en termes publicitaires pour les marques. Deux Austin 100S « lightweigh » à carrosserie spéciale, dont une à compresseur sont élaborées à cet effet. Avec la complicité de Roy Jackson-Moore et Donald Healey, Shelby les 23 et 24 août 1954 dans le désert de l’Utah, améliore 70 records départ arrêté ou lancé, du 25 km aux 24 heures. Healey aux anges, propose en récompense à Caroll de participer à la Panaméricaine du mois de novembre.
Nous abordons, la 6e et dernière manche du championnat constructeurs pour voitures de sport. Ferrari avec 3 victoires en Argentine, au Mans et au Mille Milles a déjà le titre en poche. Il s’agit de la 5e édition du 19 au 23 novembre, sur les routes et « les pistes mexicaines » dans une sorte de Paris-Dakar avant l’heure. Deux Austin sont à disposition pour Shelby en équipage avec Jackson-Moore, alors que Lance Macklin fera sa course en solo. Caroll, prend le premier relais au départ de Tuxtla Gutierrez. N’ayant pas eu le temps de faire les reconnaissances nécessaires, les deux équipiers sont particulièrement nerveux. Pas besoin de préciser, qu’il s’agit de la course la plus dangereuse au monde. Ford Robinson sur une Ferrari, perd la vie pratiquement d’entrée. Shelby ne dépasse pas le kilomètre 175, en faisant connaissance avec un rocher. La voiture est détruite et Shelby ne vaut guère mieux.
Des indiens lui portent secours, son coude droit est en miette, il a de nombreuses fractures, sans parler des coupures. Caroll après plusieurs heures d’attente, prend place dans une ambulance direction Puebla, 160 km plus loin. Le rapatriement au Texas, ne se fait pas tout de suite, les indiens ayant dérobé deux roues de l’Austin en souvenir. Administrativement, il a interdiction de quitter le pays. Shelby est entré au Mexique avec une voiture à quatre roues, donc il doit en sortir avec une voiture… équipée de 4 roues !
Bref, il faut magouiller pour trouver deux roues, et les faire passer pour les originales. Les fonctionnaires finirent par mettre les précieux coups de tampons, permettant la sortie du territoire. Pour le reste, les soins du coude nécessiteront huit mois d’hospitalisation, avant de le voir débarrassé en août 1955 du dernier plâtre.
1955, une année noire pour la course automobile. Endeuillée par l’accident aux 24 heures du Mans, qui va faire plus de 80 victimes et menacer l’existence même de la compétition en Europe. Sur le plan sportif, Mercedes rafle tout, des championnats du Monde de Formule 1 et des voitures de sport, ne laissant que quelques miettes à Ferrari et Jaguar.
Entre deux soins, Caroll Shelby reprend la compétition dès le 27 février, dans une épreuve de SCCA à Fort Pierce. Malgré les séquelles pesantes de son accident, il réussit une bonne 2e place sur une Ferrari 375MM d’Allen Guiberson. La voiture, se distingue par une dérive, façon « Jaguar D », dans le prolongement de l’appui tête.
Il monte en puissance, lors de la 2e épreuve du championnat aux 12 heures de Sebring le 13 mars. Toujours pour Guiberson, il partage le volant avec la vedette américaine montante, Phil Hill, dans une Ferrari 750 Monza 3 litres. La voiture flambant neuve, tourne du feu de dieu. Le départ, type le Mans se fait dans la confusion. Six voitures grillent le départ et sont disqualifiées par le « drapeau noir ». L’arrivée ne va pas l’être moins.
Hill et Shelby sont déclarés vainqueur dans un premier temps avec 3’08’’ d’avance, sur la type D de l’écurie Cunningham pilotée par Hawthorne-Walters. Un recours est fait après la course. 8 jours plus tard à New-York, le résultat est inversé, la Jaguar l’emporte avec 24’’4/10 sur la Ferrari. Hill-Shelby, se contentent de la victoire… à l’indice de performance !
Pendant toute la saison, Shelby va trouver un subterfuge pour courir. Il fait enlever son plâtre avant les courses et le fait remplacer par une attelle en fibre de verre. L’astuce, lui permet de remporter des courses de SCCA à Forth Worth en juin et Torrey Pines en juillet toujours pour Allen Guiberson. Il prend ensuite le volant de la Ferrari 375 plus, de Tony Paravano, pour une nouvelle victoire à Bremerton.
Ayant retrouvé 100% de ses capacités, il décide de terminer la saison en Europe. Après un mauvais début à Oulton Park le 27 août, avec une Ferrari 121 inadaptée, Shelby se voit proposer une Porsche 550 d’usine à partager avec Masten Gregory, pour le Tourist Trophy. Le circuit Dunrod près de Belfast, avec ses étroites routes de campagne, n’est pas adapté aux machines les plus puissantes. La pluie rend la course particulièrement dangereuse, en particulier au lieu-dit « le saut du cerf ». Après plusieurs carambolages, 7 voitures sont impliquées, Jim Mayers, Jimmy Smith, et Dick Mainwaring trouvent la mort. Sur l’agile Porsche, Shelby-Gregory, s’en tirent au mieux, avec une 9e place au scratch et une victoire en catégorie 1500cc.
La Targa Florio du 16 octobre, ne laisse à Shelby, que l’image d’un vol plané, laissant la Ferrari 750 Monza « Paravano », sans aucune roue. Histoire de ne pas garder un mauvais souvenir de la Sicile, il prend pour la première fois le volant d’une formule 1, à l’occasion du G.P de Syracuse la semaine suivante. Maserati lui confie une 250F d’usine, pour épauler Musso, Villoresi et Schell. 4e temps des essais sur les 15 machines engagées, après plusieurs passages au stand, Caroll doit se contenter d’une 6e place à 4 tours de l’étonnant vainqueur du jour, Tony Brooks sur Connaught type B.
Avec le retrait de Mercedes en 1956, chacun reprend espoir. Ferrari fait de gros investissements, humain et matériel. Au retrait de Lancia en formule 1 à la suite du décès d’Alberto Ascari, Enzo Ferrari, rachète l’ensemble du matériel. Les D50 V8, sont bien plus performantes que ses 625 et autre Squalo. La nouvelle Lancia-Ferrari, ne diffère que peu de l’ancien modèle.
Côté humain, c’est la révolution complète, avec l’arrivée d’Eugenio Castelotti en provenance de chez Lancia, Luigi Musso de chez Maserati, Peter Collins de chez Aston Martin et surtout de Juan Manuel Fangio, après deux années passées chez Mercedes. Pour l’encadrement, l’ingénieur Aurelio Lampredi, irrité que ses choix techniques soient remis en cause, quitte la scuderia pour FIAT. Le team manager, Nello Ugolini démissionne pour Maserati, remplacé par Eraldo Sculati.
Fangio est un parfais gentleman. Courtois, il ne prononce jamais un mot plus haut que l’autre et parle d’une voix douce, presque fluette. Son calme imperturbable, se retrouve dans sa façon de piloter et fait partie de sa réussite. Le Commendatore, n’apprécie pas les gens sur lesquels, il n’a pas d’emprise. Lui le sanguin, qui aime à provoquer, à déstabiliser, se retrouve face à un mur lisse, bref il ne l’aime pas ! Pourquoi l’a-t-il embauché ? Simplement parce qu’il est le meilleur et qu’il préfère le sentir dans son écurie que de le subir à la concurrence.
La scuderia Ferrari est grandissime favorite pour le titre. Seule Maserati semble en mesure de les inquiéter, avec un Stirling Moss de plus en plus performant. Enzo Ferrari, n’a qu’un rêve faire échouer Fangio pour qu’un de ses trois autres pilotes, ramène le titre à Maranello.
Ses « petites manœuvres » en coulisse vont échouer. L’argentin, reproche de ne pas disposer du meilleur matériel mis à sa disposition. Ferrari le taxe de paranoïaque. Fangio le « maestro », bénéficie du plus profond respect de la part de ses coéquipiers. Enzo Ferrari, n’a pas voulu désigner de numéro 1, il le devient de fait. Le changement de véhicule est toléré en course à l’époque avec un partage de points. Ce point de règlement va permettre à Fangio, de remporter un quatrième titre de champion du Monde. Certes, le quatrième de ses cinq titres, est le moins glorieux, mais pouvait-il en être autrement ?
Tout commence dès le premier G.P en Argentine. Fangio victime de sa pompe à essence, reprend la voiture de Musso pour l’emporter. Puis ça se poursuit à Monaco. Peter Collins, loupe ses qualifications et part en 4e ligne. Au bout d’un tour, il remonte en 3e position, derrière Moss et Fangio. L’Argentin, commet une des rares erreurs de sa carrière, en partant en tête à queue à Sainte Dévote, il tombe en 5e position. Le maestro, se lance alors dans une poursuite infernale, derrière Moss et Collins. Il réussit à passer son équipier au « bureau de tabac », avant de frotter sa roue arrière, au 32e tour contre un muret. Contraint de ralentir, Peter le repasse. Le campionissimo, s’arrête au 40e tour, pour changer de roue arrière, l’embrayage est malade. Castelotti qui a abandonné auparavant reprend sa voiture. Fangio, fait pression sur Sculati, pour faire arrêter Collins. Peter s’exécute au 54e tour, Fangio reprend ainsi la 2e place qui lui rapporte 3 points, au lieu des 6 destinés à Peter Collins !
Enzo Ferrari, goûte cette plaisanterie de mauvais goût, et le fait savoir à Sculati. Par ailleurs, Peter Collins va devenir rapidement le « chouchou » du Commendatore, de préférence à Eugenio Castelotti, ou Luigi Musso, pourtant de nationalité italienne.
Peter, prend sa revanche, le 2 juin à Spa, lors du G.P de Belgique. Fangio menait confortablement avec 30’’ d’avance sur Collins, quand sa Ferrari se retrouva sans propulsion, suite à un problème de transmission. Fangio, n’était plus en position de réclamer quoi que ce soit et Collins l’emporta. Dans la foulée, Peter double la mise au G.P de l’ACF à Reims le 1er juillet. Les Lancia-Ferrari, font un festival dans la plaine champenoise, ce jour-là, simplement troublée en début de course, par la Vanwall d’Harry Schell. Fangio, mène encore, lorsqu’un raccord de canalisation d’essence mal fixé, l’oblige à un arrêt au stand, le condamnant à la 4e place. Castelotti, échoue sur le fil, 2e à 3/10e de Collins.
En position défavorable par rapport à son jeune équipier, Fangio rétablit l’équilibre au G.P de Grande Bretagne du 14 juillet à Silverstone. L’argentin, se trouve pour une fois en difficulté en début de course. La Maserati de Stirling Moss, domine les Lancia-Ferrari jusqu’à mi-distance, avant qu’un arrêt ne s’avère obligatoire, pour remettre de l’huile. Un problème de fuite d’essence, condamne l’anglais à la panne sèche un peu plus tard. Entre temps, Peter avec une pression d’huile à zéro, se rabat sur la voiture de De Portago, pour aller chercher la deuxième place derrière Fangio.
De Portago a remplacé Musso en mai à la suite d’un accident. Luigi retrouve son volant pour le G.P d’Allemagne du 5 août, néanmoins le marquis espagnol conserve le sien. De ce fait, cinq Lancia-Ferrari sont présentes sur la ligne de départ. Avant dernière épreuve du championnat « le ring », tourne rapidement à un duel Fangio-Collins, tous deux meilleurs temps des essais. Peter dut s’arrêter au stand, peu avant la mi-course, avec un phénomène de « vapor lock », le mettant au bord de l’asphyxie. Après un moment de récupération, il repart sur la monture d’Alphonse de Portago. Alors que la 3e place se profile, pour le britannique, derrière Fangio et Moss, Peter n’a pas retrouvé l’intégralité de ses moyens et percute un arbre près de Brünnchen. Il est indemne, mais sa voiture est détruite.
Dernière manche, le G.P d’Italie à Monza du 2 septembre. Fangio est en position favorable pour conserver son titre avec 30 points. Toutefois l’argentin avec 5 résultats dans les points, devra retirer 3 points à son total en cas d’une place dans les 3 premiers. Les cinq meilleurs résultats de la saison sont uniquement retenus. Collins avec 22 points, a une petite chance pour le titre en cas de victoire et si l’argentin ne fait pas mieux que 4e.
Ferrari et Maserati mettent le paquet, « le cheval cabré » en présentant aux essais une 6e Ferrari pour von Trips et « le triangle » une 250F carrossée « streamliner ». Le plan incliné de l’autodrome, dévore la gomme des pneus Englebert équipant les Ferrari, et force sur les ponts De Dion pendant les essais. Moss et Collins n’ont que le 6e et 7e temps, alors que Fangio, Castellotti et Musso occupent dans l’ordre, toute la première ligne. Les deux italiens, devant leur public veulent faire le spectacle et montrer, qui est le successeur d’Ascari. Comme prévisible, la démonstration tourne court, dès le 4e tour avec un retour aux stands et des pneus arrière, sans bande de roulement. Au 10e passage, Fangio, Moss, Schell (Vanwall) et Collins ne sont séparés que d’une seconde. Schell prend la tête peu après, pendant que Collins rentre au stand avec un pneu déchiqueté. Auparavant au 6e et au 9e tour de Portago et Castellotti ont dû renoncer avec des pneus éclatés. Qui va sortir indemne de cette course « à la gomme » ?
Peter repart en 7e position avec peu d’espoir, pendant que Moss occupe la tête devant, Schell, Fangio, Behra (Maserati), et Musso. La course bascule, quand Fangio rentre au stand avec une biellette de direction faussée. Les mécanos changent la pièce, en la prélevant sur la voiture de Castellotti. Mais oh surprise, Eugenio repart sur la voiture de l’argentin. Nous sommes au 30e des 50 tours, Moss toujours aux commandes, devance un Musso des grands jours, Collins qui ne désarme pas a repris la 3e place devant Schell et Ron Flockhart (Connaught). La transmission de la Vanwall d’Harry Schell cède deux tours plus tard. Le stand intime l’ordre à Musso et Castellotti, de rentrer pour une vérification des pneumatiques.
Finalement, alors que l’on change les roues avant de la voiture de Musso, Fangio demande à reprendre le volant. Luigi, fait la sourde oreille et repart en trombe. L’argentin n’a qu’une crainte, que Moss casse et que Collins remporte la course et le titre. Le destin bascule, c’est au tour de Peter de s’arrêter pour une vérification des pneumatiques, quand il décide volontairement, de laisser son siège au maestro.
La course n’est pas terminée. Au 47e