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Mai 1940, la France s'apprête à tourner une des pages les plus sombre de son histoire. Pierre Malet, personnage imaginaire, plus vrai que nature, héros anonyme de la bataille de France, se fond dans une aventure sentimentalo-dramatique, où il devient difficile de différencier le vrai du faux.
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Seitenzahl: 267
Veröffentlichungsjahr: 2021
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Introduction :
Chapitre 1 : La Grande Illusion.
Chapitre 2 : l’Age Adulte.
Chapitre 3 : Silence, l’Ennemi Guette…
Chapitre 4 : Sedan, Ville de Casernement et d’Histoire.
Chapitre 5 : Dans la Douceur des Ardennes.
Chapitre 6 : du « Casernage », au Badinage…
Chapitre 7 : Les Prémices d’une attaque ...
Chapitre 8 : vendredi 10 mai 1940.
Chapitre 9 : Un Déluge de Fer et de Feu !
Chapitre 10 : La Contre-Attaque du Désespoir.
Chapitre 11 : « Stonne », le Monde est Stone.
Chapitre 12 : Mont Maudit, la cote 215 ne répond plus !
Chapitre 13 : La Débâcle dans la Confusion.
Chapitre 14 : Drame et Mélodrame.
Chapitre 15 : Meurtri dans ma Chair et dans mon Ame.
Chapitre 16 : le Gouvernement Ment Paris est Allemand !
Epilogue : Vivre, ou se Laisser Mourir ?
Le récit que vous allez découvrir, est un roman sur fond de vérité historique. Le personnage principal Pierre Malet ainsi que toute sa famille, n’ont jamais existé. Néanmoins, héros anonyme, il symbolise une génération perdue, traversant une des périodes les plus sombres de notre histoire.
Je m’efforce à travers des journaux et des documents d’époque, de coller au plus près avec la chronologie d’événements vécus. Les anecdotes, bien que romancées, s’inscrivent sur des témoignages, ou sur ma propre expérience, au service militaire dans le milieu des années soixante-dix.
Toutefois, il ne faut pas prendre pour argent comptant, les positions politiques, prises par certains personnages, s’inscrivant soit dans la fiction du roman, soit par un sentiment d’époque, démenties plus tard par les historiens.
Afin d’éviter toute ambiguïté, sur des propos ou des situations imaginaires, les personnes physiques décrites dans ce roman ayant vécu ces événements, sont marqués d’un *.
A mon oncle Georges Ado Guadagnini (4eRTT), mort pour la France le 16 juin 1940 à Umpeau (Eure et Loir) à l’âge de 22 ans.
Je m’appelle Pierre Malet, je suis né le 29 novembre 1920 à Pontoise. Ma famille et moi, terminons nos vacances à Dieppe en ce mardi de 15 août 1939. Nous profitons des quinze jours de congés payés, que le front populaire, nous a arrachés trois ans plus tôt. A la fin de la semaine, nous retrouverons à Colombes le pavillon de mes parents, où nous habitons avec ma sœur Jacqueline.
Mon père est mécanicien automobile, chez Lorraine-Dietrich à Argenteuil. Face aux difficultés de la Société, il envisage de monter son propre garage. « François Malet », prétend descendre du général Claude François Malet, par son grand-oncle. Inutile de dire, qu’il est parfaitement anti-bonapartiste, républicain et accessoirement, encarté S.F.I.O. Et là, ce n’est pas une blague, il connaît personnellement Léon Blum, qu’il soutient à l’intérieur du parti, face à son grand rival Paul Faure.
En ce qui me concerne, je ne fais pas de politique, même si je m’y intéresse d’assez près, avec un grande méfiance vis-à-vis de la gauche. Nos discussions, sont parfois animées à table, heureusement que ma Maman est là pour y mettre un terme. En dehors des filles que je fréquente parfois, je passe l’essentiel de mes loisirs au stade Yves du Manoir de Colombes, L’hiver à manier le ballon ovale et l’été à courir sur la cendrée. Le 12 de la rue François Faber, n’a plus vraiment de secret pour moi. Les instructeurs, me reconnaissent un certain talent et voudraient que je m’oriente définitivement vers un de ces deux sports.
J’avoue que ma fierté en a pris un coup, 3 semaines plus tôt aux championnats de France juniors à domicile. Derrière Robert Hemery* d’Enghien Eaubonne, favori sur 400m, je m’attendais à devenir son dauphin. J’ai terminé 4e, à 2/10 de seconde de la place que je m’étais accordée par l’avance. Bref, je me demande si je ne préfère pas le rugby. Mon entraîneur, me place plus souvent à l’aile de la ligne de ¾, qu’au poste de « flanker ». Mon côté lévrier, le comble visiblement plus que ma détente en fond de touche. Le pack et le combat de près m’inspirent bien plus, malgré mes 75kg petits kilos pour mes 1m84.
Ma sœur de 18 mois, mon aînée, veille sur moi. Jacqueline, est une belle jeune fille de plus d’un mètre soixante-dix, qui tient sa blondeur de notre « Maman Greta », d’origine danoise. De mon côté, je suis brun comme mon père. Jacqueline, exerce comme infirmière à l’hôpital d’Argenteuil et ambitionne le plus grand avenir pour « son Pierrot ». Je viens de réussir la deuxième partie de mon BAC de mathématiques, mais je ne me suis pas fait encore de plan carrière. Le sport ne nourrit pas et Jacqueline a convaincu mes parents, que je devais devenir non pas médecin, mais « professeur de médecine ! »
Sans être un travailleur acharné, j’ai la chance de posséder une mémoire d’éléphant. Je lis un texte une fois, je l’emmagasine et le ressors par cœur sans problème. Bref à la rentrée, je vais rejoindre l’université René Descartes de Paris. Jacqueline est plus ou moins fiancée avec Marcel, un linotypiste qu’elle domine par la taille et la personnalité. Marcel est un gentil garçon « mais l’imprimeur manque un peu de caractère » ! Il faut dire que « La Jackie », n’est pas du genre à se laisser faire. Les éclats de voix avec ma sœur sont souvent fréquents, mais à la différence « du Marcel », elle finit toujours par tout me pardonner. J’ai presque fait le tour de la famille, mais j’ai gardé le meilleur pour la fin. Maman la discrète, surveille tout son petit monde et n’intervient qu’en cas de nécessité.
Elle laisse le soin à Jacqueline de jouer les mères vis-à-vis de moi. Situation que celle-ci affectionne et ne s'immisce dans les débats politiques de mon père, qu’en cas de débordement. « Maman Greta » fait quelques ménages, pour arrondir l’ordinaire.
Si je prends le soin, de coucher ce texte sur papier, c’est probablement parce qu’une incertitude me traverse l’esprit. Tous ces beaux projets familiaux, vont-ils voir le jour ? Depuis les accords de Munich de septembre dernier, la situation politique se tend un peu plus au fil du temps avec l’Allemagne. Guerre où pas guerre, le spectre un moment éloigné, se rapproche un peu plus chaque jour. Le thème reste tabou, pendant nos longues discussions à table. Mon père, a vécu les affres de la « Grande Guerre » et ses poumons, restent meurtris à vie, par l’ypérite. Lorsque le sujet est abordé à la radio, son visage se durcit et ses muscles se tendent, au fond de lui je pense qu’il ne doute pas, que le pire nous attend.
Pour l’heure, nous profitons encore de la baignade et des promenades en vélo, sous un beau temps. Nos chants et les rires qui les accompagnent, n’ont sans doute pour but, que de nous éloigner d’une l’actualité bientôt brûlante.
Lundi 21 août, chacun retourne à ses occupations. Marcel retrouve son imprimerie, Jacqueline son hôpital et j’accompagne mon père à l’usine Lorraine, histoire d’engranger quelque argent avant la rentrée universitaire d’octobre. Je suis venu pour me plonger les mains dans le cambouis, mais finalement je me retrouve dans les bureaux, au milieu des « cols blancs ». Visiblement, il n’est pas de bon ton de mêler un bachelier avec les « cols bleus ». La diversité de mes tâches, n’est pas faite pour me déplaire. Je passe d’un service à l’autre au gré des besoins, du courrier, à la compta en passant par le service commercial. Je suis considéré par « mes chefs », comme un débrouillard, à qui on peut confier des missions à la fois délicates et variées. Certains m’incitent même à faire carrière dans l’entreprise.
Jeudi 24 août, la une du quotidien « Le Matin » attire mon attention : « Le pacte Germano-Soviétique est signé ». La veille von Ribbentrop ministre des affaires étrangères du Reich, et son homologue soviétique Molotov, se sont rencontrés au Kremlin, pour parapher l’acte, d’une durée de 10 ans. Celui-ci stipule, un accord de non-agression entraînant une neutralité entre les deux états quel que soit l’évolution politique, aromatisé et saupoudré d’accord commerciaux, pour faire bonne contenance.
Autrement dit, l’expansionnisme allemand, peut se poursuivre en passant par les armes, sans l’intervention de Staline.
La Pologne, qui a pris des garanties de sécurité vis-à-vis de la France et la Grande Bretagne au printemps dernier, se trouve ainsi confrontée à la menace de « l’aigle à deux têtes » Germano-Soviétique. Les négociations entreprises au mois d’avril, entre l’U.R.S.S et les démocraties occidentales (France et Grande Bretagne) pour une assistance mutuelle en cas de conflit, deviennent de fait caduques.
À l’usine, si le sujet est abordé dans les bureaux, la plupart des employés, balayent le problème d’un revers de main. Ils font remarquer, qu’il s’agit d’un épisode de plus, sans conséquence directe, pour notre vie au quotidien. Dans les ateliers, par contre, la plupart des ouvriers sont confortés grâce à la lecture de « l’Humanité ». Le secrétariat du journal communique sur le mouvement de « Paix et de Liberté » conclu entre les deux pays, et largement entamé par l’Union Soviétique, toujours fidèle à l’idéal de sécurité des nations démocratiques et tenace dans l’effort pacifique, que n’ont cessé de préconiser les congrès de notre mouvement (sic).
Mon père furieux, contre le P.C poursuit la discussion le soir à table. Une fois encore, Paul Faure en prend pour son grade : « Ce pacifiste inconscient, qui aligne ses thèses sur celles du Parti Communiste Français ». Il est vrai que Léon Blum, prône depuis un certain temps un réarmement de la France.
Quant à l’absence de conséquence directe pour la France, il y’en a au moins une « indirecte ». Les réservistes des échelons 3 et 4 sont rappelés. Marcel, fait partie de la classe 17 à peine démobilisé en mars 1938, il fut rappelé en septembre 1938, lors de conférence de Munich. « Maman Greta » a beau redire que la mobilisation n’est pas la guerre, ses affirmations n’ont pour but de rassurer Jacqueline.
Une semaine plus tard, le différend sur le couloir Dantzig entre le Reich et la Pologne met le feu à la poudrière. Le Führer, réclame un accès à la Mer du Nord, en passant par cette bande de terre polonaise. Après l’Anschluss, le démantèlement de la Tchécoslovaquie, c’est la demande de trop.
Varsovie, refuse toute négociation, prétexte pour les armées allemandes, de déclencher les hostilités, sans déclaration préalable, à l’aube du vendredi 1er septembre.
Après une ultime tentative de négociation et un ultimatum voués à l’échec, la Grande Bretagne et la France déclarent la guerre à l’Allemagne, le 3 septembre 1939. Les deux nations tiennent ainsi leurs engagements, vis-à-vis de la Pologne, ce qu’elles n’avaient pas respectés auparavant, vis-à-vis de la Tchécoslovaquie.
Pour Marcel, la question d’être rappelé comme réserviste, ne se pose plus, les hommes de 20 à 50 ans sont mobilisés. Mon père en qualité de G.I.G (Grand Invalide de Guerre), n’est pas concerné. Nous sommes samedi, notre repas familial, n’a pas sa saveur habituel, les conversations se limitent « à passe-moi le sel, ou la carafe d’eau ! » Puis finalement, je crois que je suis le premier à briser le silence : « Daladier (Président du Conseil), pour une fois vient de prendre une décision énergique. Il interdit la parution de « l’Humanité » suite à leurs propos sur le pacte germano-soviétique ! » Mon père maugrée : « Je ne suis pas sûr, que le remède ne soit pas pire que le mal ! Les « cocos » vont encore se martyriser ! » Maman enchaîne « Marcel, sait à quel endroit il va être affecté ? » Jacqueline répond : « Pour l’instant, il est convoqué à la « caserne des suisses » à Saint Denis !
La presse du lendemain, insiste sur la résistance courageuse des troupes polonaises, et « sur l’enlisement de l’armée du Reich », toutes ces informations demandent bien entendu confirmation. Le 7 septembre, l’armée française passe à l’offensive dans la Sarre. L’état-major français, se donne les moyens avec 9 divisions opérationnelles. L’offensive se veut prometteuse, les troupes avancent d’une dizaine de kilomètres en territoire germanique, le premier jour. La résistance est moindre, les allemands ont concentré l’essentiel de leurs forces sur le front polonais.
Mon père, devient un peu plus jovial et entonne : « Nous irons pendre notre linge sur la ligne Siegfried » (équivalent allemand de la ligne Maginot).
La Chanson interprétée par Ray Ventura, inonde la diffusion de la T.S.F. Il enchaîne : « Fils tu n’as rien à craindre, nous ne sommes plus en 14, le conflit va se régler en quelques semaines, trois mois tout au plus ! Le 8, les allemands ont pris soin de miner les accès, les groupes de reconnaissances, en sont les premières victimes françaises. Le lendemain, quatre divisions blindées tricolores, envahissent les secteurs de la Sarre et de la Blize. Leur progression est toutefois stoppée, par les ponts qui ont été détruits auparavant. La première armée allemande ne contre-attaque pas, et se contente de fixer nos troupes.
Le 18 septembre, les troupes françaises ne sont plus qu’à 4 km de la ligne Siegfried. Face à une ligne de front fortifiée, nos forces ne disposent pas d’une artillerie de rupture. Les journaux français, continuent de se bercer en allégorie sur la victoire éclatante de l’armée française, contre une résistance allemande acharnée. À posteriori, la réalité est tout autre, la 111e division essuie des pertes considérables. 2000 de nos soldats vont y laisser la vie, pour un progression de terrain devenue désormais symbolique. Une mauvaise nouvelle ne venant jamais seule, l’armée soviétique attaque au même moment la Pologne sur son front Est.
Il faut bien se rendre à l’évidence, la Wehrmacht et l’U.R.S.S ne font qu’une bouchée d’une armée archaïque et inférieure en nombre. À la fin septembre, le pacte germano-soviétique, permet « aux deux associés » de se partager les dépouilles d’un état rayé de la carte. Une caricature de Staline et d’Hitler montre les deux comparses, traversant un fleuve avec la légende suivante : « Et le Danube bleu deviendra le Danube rouge… »
Cette fois la France, « la joue petit bras ». Le Généralissime Maurice Gamelin au lieu de conforter ses troupes, voyant que l’effondrement de la Pologne va retourner toutes les forces du Reich, contre notre armée, ordonne une retraite « qui se veut naturellement stratégique », sur la ligne Maginot. (Une décision inverse aurait-elle changé le cours de la guerre ?
Les analyses des historiens divergent sur le sujet. Le général allemand Siegfried Westphal (bras droit d’Erwin Rommel, considère que la situation à l’Ouest devenait délicate et que les troupes françaises, auraient pu prendre possession du bassin de la Ruhr en deux semaines, paralysant ainsi l’Allemagne d’une partie de son industrie.)
Début octobre, je viens d’intégrer la Faculté, l’excitation du départ retombe bien vite. Le recteur, tente de réorganiser tant bien que mal les plannings, avec le départ de certains professeurs et d’une partie du personnel dans les casernes. Les discussions entre étudiants, sont plus politiques et militaires que médicales. J’ai pris le temps de retrouver le stade de Colombes, pour « manier le cuir » et revivre le temps des mêlées.
Sur le front, il ne se passe plus rien, une partie de notre armée se terre dans la ligne Maginot, face à l’Allemagne, pendant que l’autre partie stationne aux frontières, attendant une hypothétique demande d’aide des gouvernements, Belge, Hollandais, ou Luxembourgeois. L’attente est longue, chacun se prépare, mais pour quelle perspective et quelle suite ?
Mon père a bien sa théorie : « Les fridolins n’oseront, jamais attaquer, ils savent très bien que le risque est trop grand face à la meilleure armée du monde ! » L’écrivain journaliste Roland Dorgelès trouve une expression pour la postérité « La drôle de guerre », traduction de l’anglais « phoney war » (fausse guerre), simple déformation de « funny war ».
Les semaines passent, le 29 novembre nous fêtons mes 19 ans tous en famille, Marcel pour l’occasion a obtenu une permission. Il est joyeux, monopolise la parole, son régiment le 101e d’infanterie, stationne à Maubeuge. L’ambiance est décontractée, il tue le temps dans les bistrots ou à jouer au football. Mes parents sont aux anges, Jacqueline et moi sommes plus sceptiques, le côté « colonie de vacances » nous laisse perplexe. Le lendemain l’actualité semble nous donner raison, l’Allemagne attaque la Finlande et annexe la province de Carélie. Mon père reste sur sa ligne : « Ils se contentent de s’acharner sur les faibles » !
À la Faculté, je m’ennuie de plus en plus, j’ai l’impression de perdre mon temps. Je ne vois que Jacqueline pour en discuter. « Tu veux abandonner, mais pour faire quoi derrière ? ». Avec la mobilisation, les entreprises manquent de bras, néanmoins trouver un travail intéressant avec mon manque d’expérience, devient délicat. En tout état de cause, je n’envisage pas un retour à « la Lorraine ». Dans un an tout au plus je vais être appelé « aux armées », le conflit contrairement aux prophéties de mon père, ne sera certainement pas terminé. La solution, pourquoi ne pas devancer l’appel ?
L’idée fait son chemin, je ne suis pas spécialement un « va-t’en guerre », néanmoins rejoindre le service médical des armées représente peut-être la solution. Je me confie à Jacqueline, qui est naturellement ravie, de me voir prolonger mon expérience dans les soins à apporter aux malades et aux blessés. Le tout maintenant est de vendre mon projet au reste de la famille.
Dimanche 24 décembre, Marcel n’a pas pu obtenir de permission pour Noël, il devrait être présent pour le nouvel an. Je ne pense pas avoir choisi le meilleur moment, mais je me jette à l’eau. À l’heure des cadeaux, je fais une annonce : « Je ne retournerai pas à la Faculté en janvier ! » Un ange passe. J’enchaîne, « Il est temps pour moi, de passer à « l’âge adulte », je vais devancer l’appel ! » Nouveau silence, « Maman Greta », le brise d’un ton sec : « Ouvre ton cadeau ! » Je déchire nerveusement le paquet, il s’agit d’un… stéthoscope. Dans un réflexe de protection, Jacqueline vient à mon secours : « ça tombe bien, Pierrot, va poursuivre dans le médical pour son engagement ! »
J’en profite pour m’engouffrer dans brèche, argumentant sur le fait que le travail à la Faculté devient de plus en plus difficile, je ne me vois pas faire 7 ans d’étude dans ces conditions. Puis j’en fais des tonnes sur le devoir de tout bon citoyen, tout en jouant sur la fibre nationaliste de mon père, en rappelant que dans le premier conflit mondial « les Hommes », se posaient moins de questions.
Bref en début de nuit, après avoir convaincu Jacqueline et retourné mon père, il ne me reste plus qu’à essayer d’arracher le consentement de Maman. Je décide de lui laisser un peu de temps, j’ai tout de même l’esprit chagrin, prendre une décision aussi importante, sans un consensus familial me parait inapproprié.
Je vais donc abattre mon dernier atout, avec le retour de Marcel « le guerrier ». Le futur gendre, est plutôt dans les petits papiers de belle maman et son influence, peut faire la différence. Dans cette soirée du réveillon du nouvel an, naturellement je l’incite à nous parler de lui. Pour une fois que Jacqueline, lui laisse la parole, il en profite. « Le « Cécel » part dans des descriptions a n’en plus finir. Des soirées dans les bars… au milieu des filles, puis se rendant compte de sa bévue et du regard vert devenu noir de Jacqueline, se met à bredouiller et passe à autre chose. Je l’engage sur le terrain militaire, les manœuvres, l’entraînement et tout le reste.
Bref, à l’heure de passer au mousseux et dans l’euphorie des bulles « Maman Greta » lâche : « Si vous estimez tous, qu’il doit s’y préparer… » Bien sûr vous me direz qu’il n’y a pas de quoi être fier pour ma part. User de tous ces stratagèmes, afin d’arracher un consentement, histoire de se donner bonne conscience… Je ne peux pas vous donner tort et si c’était à refaire, je m’y prendrais probablement autrement.
Toujours est-il que début janvier, je confirme ma démission de la Faculté et entreprends les démarches administratives pour devancer l’appel. La réponse ne tarde pas, je dois être incorporé le lundi 5 février 1940.
Je me trouve aux aurores Gare de Lyon, en ce premier lundi de Février. Muni d’un billet aller simple de 3e classe, direction Montargis avec mon ordre de mission dans la poche. Je me pose la question de savoir, si j’ai fait le bon choix ? Le temps maussade, s’accompagne d’une pluie fine et glaciale, qui n’a rien de motivant. 7h11, la locomotive tire le lourd convoi pour quitter la gare. Un grand nombre d’hommes en uniformes fréquente le wagon. Je ne leur adresse pas la parole, non seulement par timidité, mais aussi parce que je crains de passer pour un « bleu ignare », sortant des jupes de sa mère.
La pendule approche des 9 heures, j’arrive à mon terminus. Un camion Citroën type 45 bâché, attend les futurs recrues et leurs bagages. Les conscrits eux, doivent rejoindre à pied le quartier Gudin, par les rues Emile Mangin et Paul Doumer. Nous passons le poste de garde du 38e régiment du Génie. La caserne, ressemble à une fourmilière en pleine activité. Un nombre important de matériel disparate s’empile çà et là. Poutrelles et éléments de ponts, côtoient d’autres objets plus ou moins hétéroclites.
La matinée, est consacrée à notre installation dans les chambrées. Nous touchons notre paquetage, dont le concept n’a pas beaucoup évolué depuis la grande guerre. Le marron clair, a simplement remplacé le bleu horizon et le casque Adrian modèle 1926, conçu d’une seule pièce par rapport au modèle 1915, se distingue par une couleur kaki.
La première instruction, porte sur la pose des bandes molletières au-dessus des brodequins. Quelle belle invention ! Le jeu consiste à boucler l’exercice en 30 secondes tout au plus. Je ne fais pas mieux que 45’’ et je suis loin d’être le plus mauvais. Le sergent instructeur, insiste sur la nécessité d’être rapide en cas d’alerte nocturne. De mon côté, je ne suis pas convaincu, que l’ennemi soit impressionné, par la grosseur de nos mollets.
Séance, chez le coiffeur, les miens sont déjà courts, mais le préposé aux ciseaux, trouve encore le moyen d’en couper. Nous terminons la journée par des exercices de « garde à vous » et de tentative de marche au pas cadencé, dans la cours de la caserne. Je ne sais pas si c’est pour nous accueillir, mais la nourriture est loin d’être mauvaise, je m’attendais à pire. L’extinction des feux se fait à 22 heures, j’essaye de me replonger dans les rêves, de mes longues chevauchées sur la cendrée de Colombes, ou de mes plaquages énergiques sur la pelouse.
Le clairon, fait entendre ses notes le lendemain à 6 heures. Après le café matinal, la journée commence toujours de la même manière, par un footing énergique en dehors de la caserne. Là, je suis dans mon élément et je n’hésite pas à prendre la tête du groupe. Une grande partie de mes nouveaux camarades, tire la langue. Ce deuxième jour, est voué au conseil de révision, avec une grande partie médicale. Assis tranquillement sur une chaise, j’attends mon tour patiemment, tout en préparant mes raisons, pour intégrer ce service. Si je me suis engagé, c’est bien pour faire partie d’un corps médical, c’est le vœu que j’ai formulé par écrit, lors de la constitution de mon dossier. Mon tour arrive, je garde au fond de ma tête, tous les arguments que je m’apprête à débiter.
Je suis reçu par un Capitaine Médecin :
- Malet, je vois dans votre dossier que vous étiez étudiant en médecine ?
- Oui mon capitaine !
- Vous étiez en combientième année ?
- Heu… Première année, mon capitaine !
- Autrement dit vous n’y connaissez rien !
- Mais…je ne demande qu’à apprendre, mon capitaine !
- Oui, nous verrons ça plus tard, en attendant vous allez être soumis à un certain nombre de tests, je vous conseille de les faire sérieusement !
Pour le reste, après examen je suis bon pour le service. Des tests, j’avoue que pris de court, je n’ai pas osé demander de détails. Je vais être fixé demain mercredi. En discutant le soir avec mes compagnons de chambrée, qui sont tous plus ou moins de mon âge, la quasi-totalité, se prépare à une école d’officiers ou de sous-officiers dans les transmissions. L’un d’eux, me fait un historique sur le 38e régiment de Génie de Montargis.
J’apprends, que les transmissions sont intégrées dans les régiments de Génie (les transmissions, deviendront une arme distincte du Génie par décret du 1erjuin 1942.). J’ai ensuite droit, à un historique sur le quartier Gudin, lieu d’implantation du 38e RG. Charles Etienne Gudin, est un général d’empire, mort pendant la campagne de Russie en 1812. Je commence à comprendre que les « fameux tests », rentrent dans le cadre de l’école de transmissions, pour former des sapeurs-télégraphistes et des radiotélégraphistes. Tout cela, m’éloigne un peu plus de mon projet initial, d’intégrer le corps médical. Après réflexion, je me dis que ce n’est pas le moment de jouer au plus malin. Le capitaine m’a demandé de faire les tests sérieusement, je vais donc m’y atteler.
Le lendemain matin, nous « les bleubites », avons tous droit à un cours théorique sur l’apprentissage de l’alphabet du code Morse international, ainsi que sur l’alphabet phonétique.
Je profite de mes facultés de mémoire pour ingurgiter facilement, les différents signes matérialisés par des points et des traits. Alfred Morse, a inventé son système en 1832, l’armée l’a adopté en 1903. Le sergent instructeur, insiste sur ce mode de communication moderne. Pour nous en convaincre, il fait remarquer que l’armée allemande a un temps d’avance sur nous. Il nous dispense la méthode de Ludwig Karl Koch, qui facilite l’apprentissage selon lui, par rapport à la méthode de Philo Farnsworth, basée sur des codes couleurs.
L’après-midi, un casque sur les oreilles, une Radio Marconi me diffuse ma première pratique. Il s’agit de noter les différents signaux et ensuite de les traduire. Les premiers exercices sont relativement simples et je n’éprouve aucun mal à les retranscrire. Finalement je ne suis pas insatisfait de ma journée, la transmission n’a rien avoir avec le médical, néanmoins je suis plutôt sous le charme.
D’entrée, nous avons été prévenus, qu’aucune sortie ne se fera en dehors de la caserne, à l’exception du footing quotidien, pendant les trois premières semaines, de notre incorporation. Pas de sortie, pas de permission, et une campagne de vaccination, est au calendrier de vendredi prochain.
L’apprentissage, continue le jeudi matin à partir de 10h00, avec une révision des travaux effectués la veille. L’après-midi j’ai droit à ma première pratique de « piano » (le piano est l’expression attribuée au manipulateur morse). Là encore nous sommes sur du basique et si je suis encore loin des 60 mots minutes, critère indispensable pour valider la formation, j’effectue néanmoins un sans-faute. Puis je passe de l’autre côté, en me mettant à la réception pour évaluer un camarade. Au bout de 10 minutes, je suis en panique ma lecture devient incompréhensible. Le sergent instructeur éclate de rire, il s’aperçoit que mon homologue, n’est pas bon à la « frappe ». Il demande d’échanger nos postes, la confiance me revient de nouveau.
Nous sommes déjà vendredi, je n’ai pas vu filer la semaine, entre cours théorique et pratique, j’ai un peu perdu la notion du temps. La formation s’intensifie, le matin nous faisons une grosse séance de lecture, une évaluation devant avoir lieu l’après-midi.
Nous avons une entretien individuel à partir de 14 heures, en présence de Baumann, notre sergent instructeur et du Lieutenant Duval, responsable de la formation. Les entretiens, sont plus ou moins longs entre 5 minutes et un quart d’heure, en fonction du stagiaire. Certains sortent soulagés, d’autres font grise mine.
Je dois être le cinquième ou sixième à passer. « Ah Malet ! s’exclame le lieutenant, asseyez-vous ! Dites-moi, vous avez été radio amateur dans le civil ? » « Non mon Lieutenant pas du tout ! » il s’entretient à voix basse avec le sergent, sans que je puisse saisir le moindre mot. Puis, il revient à la charge : « Vous n’avez donc jamais manipulé de radio, avant votre incorporation ? » « Non mon Lieutenant ! ». Puis, tout sourire, il enchaîne : « Très bien nous reparlerons de tout ça lundi ! ». Après le salut réglementaire, je prends congé, je n’ai pas dû rester plus de deux minutes dans son bureau et je ne sais pas quoi penser. Il me reste un peu de temps pour méditer, avant la séance de vaccination, puis en réfléchissant, je n’ai plus envie de me prendre la tête, nous verrons bien lundi.
Direction l’infirmerie, où nous recevons tous une injection intramusculaire TAB (anti Typhoïde, Diphtérie, Tétanos). Je me dis que je pourrais être à la place « des piqueurs » et pour être franc, je ne les envie absolument pas. À la sortie du cabinet médical, il est 17 heures, je regarde les permissionnaires la valise à la main, passer le poste de garde. Une certaine nostalgie et une forme de décompression s’installent en moi, je sens que je ne vais pas faire de vieux os ce soir.
Après le repas ma soirée est donc raccourcie, je retrouve la chambrée vers 21 heures, tout en m’endormant avant l’extinction des feux. Le réveil du lendemain se veut plutôt laborieux. Un œdème de la grosseur d’un œuf de caille, boursouflé et surmonté d’un halo rouge apparaît à l’endroit où j’ai été piqué la veille. De plus, je me sens fiévreux.
Sans être particulièrement inquiet, je me rends tout de même à l’infirmerie. L’infirmier de permanence, me rassure en me disant qu’il s’agit d’un effet indésirable du vaccin, me donne deux cachets d’aspirine et me conseille de rester allonger une partie de la journée. Bon d’un autre côté, j’aurais pu faire le diagnostic moi-même.
Je décide d’écrire à la famille pour donner des nouvelles. Une lettre pour les parents, une autre pour Jacqueline. La première exprime un ton rassurant, je mange bien, je dors bien etc… la seconde est plus personnelle, je demande à ma sœur des nouvelles de Marcel et sur comment se passe son travail à l’hôpital. Dans les deux cas, je passe sous silence mon activité de télégraphiste et sur le trait que je dois désormais tirer, sur le milieu médical. J’ai réussi à trouver un journal et je me plonge dans les dernières nouvelles. Rien de vraiment neuf à nos frontières, les journalistes sont dithyrambiques, sur le moral positif de nos troupes. Par contre, les alliés décident d’aller au secours de la Finlande, où les combats font rage avec les Russes.
Après le dîner pris à 19 heures, un radio de permanence, m’invite à venir jouer aux cartes. L’espace servant à capter les messages, se transforme en tripot, avec fond de musique d’ambiance, diffusé par le radiorécepteur de service. Je crois bien, que nous avons dépassé l’heure du couvre-feu, sans aucun contrôle. Le dimanche se passe plus tranquillement, la veille pendant la soirée, j’ai été privé de bière à cause du vaccin. Je me réveille sans fièvre mais avec le bras toujours gonflé et endolori.
Lundi 12 février 1940, je suis dispensé de footing, comme la majorité « des piqués » du vendredi, ayant eu des effets secondaires. Mon activité reprend en solo, vers 10 heures, je suis soumis à un programme de lecture morse, tout aussi poussé que celui du vendredi matin, mais totalement différent. Je retrouve un des radios, avec qui j’ai tapé le carton le samedi soir et qui me sert de « sparring-partner. » La lecture a duré une heure la fois précédente, mais s’éternise cette fois-ci. Au bout d’un moment, je finis par demander grâce. Il me dit avec un grand sourire : « Très bien, nous arrêtons ! » Machinalement, je regarde ma montre, il est 11h30, je suis complètement vidé.