Marcher sur une crête - Hubertus Klink - E-Book

Marcher sur une crête E-Book

Hubertus Klink

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Beschreibung

C'est la traduction française de l'original allemand 'Gratwanderung', l'histoire de ma famille mosellane. C'est aussi une tentative de raconter l'histoire allemande en général - principalement celle des 19e et 20e siècles - à travers l'exemple d'une seule famille dans un seul village. Comme la Moselle est une région frontalière, il existe un certain nombre de points de contact avec d'autres pays, notamment avec la France. Le lecteur découvre entre autres comment le national-socialisme a pu trouver un écho favorable dans un village mosellan et quels conflits cela a pu engendrer, divisant ainsi des familles entières. Un épisode particulièrement passionnant est le chapitre qui décrit comment mon grand-père a aidé un aviateur américain abattu et les conséquences que cela a eu pour lui. L'histoire permet également d'avoir un aperçu profond de la vie rurale avant la Première Guerre mondiale, lorsque l'Allemagne était encore une monarchie et qu'un de mes parents travaillait à la cour d'un aristocrate local. Les données biographiques sont complétées par quelques chapitres factuels, par exemple sur l'histoire romaine de la région, le rôle de la viticulture, le destin de la petite communauté juive ou les personnages célèbres de la région de la Moselle.

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Seitenzahl: 425

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Traduit du l’original allemand (Gratwanderung, BoD 2018) par l’auteur avec l’aide du programme DeepL et de son chère collegue à Sofia, Mme. Florence Dobelle.

Salve, magne parens frugumque virumque, Mosella!

Pour Hubert et Annique

À la mémoire de mes ancêtres ruraux de Rhénanie et la Westphalie. À ma grand-mère Aenne Quint, née Franksmann-Tobergte (*1901 Altenhagen près d'Osnabrück, +1989 Wintrich/Mosel) avec amour et gratitude.

Sommaire

Prologue - Rencontre fatidique à Berlin

Préface

Des Compagnons sauvages - Les Quint déménagent en Moselle

Matthias - Acier sur ardoise

Huit mouillés - Service militaire à Metz

Les Aventures du chemin de fer - La maison à Korbel

Heimatfront - le canonnier Quint fait la Grande Guerre

Susanna - La prospérité sans baignoire

Wintrich - Otto rencontre Cétautomatix et Ordralfabétix

Bel étranger - Patrimoine et héritage des soldats de Rome

Georg - Un homme veut s’avancer

L'Empereur à Lieser

Katharina - Käthchen de la Moselle

Salve Mosella! - Constantin, Cusanus, Karl & Co.

La tombe des Allemands - Des Quint émigrer en Banat

Du Fluppes au Hochgewächs - Viticulture en Moselle

Aenne - La force d’une femme

Eduard - Fierté et jugement I

Erbhof - Une communauté forcée en période difficile

Ce n’était pas nous! - Juifs à Wintrich

Matthieu 35, 40

Rosa – Malheur précoce

St. Michael après la guerre - Fierté et jugement II

Hildegard - L'amour en temps d’exil

Walter- Il n'est pas facile d'être un fils

Jeunes Romaines - Les jumelles Hiltrud et Hedwig

Erika - Bonjour mademoiselle

Michael - La malédiction d'Icare

Heinz - Jo, Mehn!

Au-delà des montagnes, le soleil! - Perspective

Dis-moi où sont les fleurs - Impressions d'un monde disparu

Epilogue

Glossaire

Bibliographie

Bande sonore

Carte et tableau des ancêtres

Prologue - Rencontre fatidique à Berlin

Berlin-Lichterfelde, caserne des Tirailleurs de Garde, automne 1904

Dans la cour de la prestigieuse caserne de briques rouges (que l'on peut encore admirer aujourd'hui),1 les sous-officiers et les hommes de troupe de la 4e compagnie en attente de démobilisation se tiennent en rang.

Le bataillon de Tirailleurs de Garde est sans équivalent dans la grande armée de l'Empire allemand, une unité d'élite. Peut-être pas aussi exclusif que le 1er Régiment de Gardes à pied ou la Garde du Corps, mais en ce qui concerne les traditions et mise à l'épreuve sur divers champs de batailles, il y a peu d'unités dans la glorieuse armée prussienne qui peuvent rivaliser avec les "Nöffschandellers". Le corps des officiers est bien sûr 100% aristocratique; parmi les rangs des engagés, les professions forestières sont prédominantes, ainsi que dans les troupes de chasseurs en général. La 4e compagnie s'était particulièrement distinguée lors de la guerre allemande de 1866, lorsqu'elle avait emporté une batterie autrichienne au milieu de lourdes pertes lors de la bataille de Sadowa. La scène fut souvent dans l'Empire reproduite dans des peintures de bataille, peut-être à cause de l'uniforme spécial, comme la tunique verte flatteuse et le Shako noir (casque en cuir de forme spéciale, couvre-chef plus tard de la police allemande jusqaux années 60) réservés aux quelques bataillons de chasseurs et jusquaux tirailleurs de la garde.

Grâce à leur gloire d’ armes relativement récente, la 4e compagnie jouissait à nouveau d'un statut spécial, elle était pour ainsi dire "l'élite de l'élite". Ce jour-là, en plus des soldats, un groupe vraiment exclusif de messieurs a réuni sur le terrain de parade: représentants de la haute noblesse de sang et financière, principalement de Prusse, mais aussi d'autres États membres de l'Empire. Des hommes qui possèdent de vastes propriétés foncières et peuvent se permettre d'employer un grand nombre d’employés.

Une telle suite comprend naturellement un chasseur de cour ou chasseur de corps (Leibjäger). Celui-ci occupe à son tour une place de choix dans l'ordre de préséance des employés, puisque la chasse a été un privilège aristocratique pendant des siècles. Avec son chasseur de corps, le seigneur de la chasse est littéralement à portée de main lorsqu'il exerce la même activité, aussi choisit-on de préférence personnellement un tel homme. À cette occasion, les "candidats à la décharge", soit environ la moitié de la compagnie, se sont alignés en trois rangs, séparés par trois pas, afin que les grands seigneurs puissent passer entre les rangs.

Le front du premier rang est tout juste descendu Clemens August Michael Hubertus Antonius Aloysius Maria Freiherr von Schorlemer-Lieser - vraiment le nom complet de ce monsieur - président en chef de la province de Silésie, en congé, nommé membre de la Chambre des Lords prussienne, élu député à la Diète provinciale rhénane, 50 ans. L'ancienne noblesse de Westphalie, arrivé à ces hautes positions par compétence et capacité, ainsi que par le mariage, à une prospérité significative. Grande silhouette, grisonnante, moustache méticuleusement soignée, les cheveux gris et courts séparés par la raie alors obligatoire : d'après l'apparence, pas nécessairement le cliché du haut officier ou du fonctionnaire prussien, plutôt un lord anglais. L'homme bénéficie de la sympathie et de la confiance de l'empereur, et à un moment donné, cela peut devenir une amitié. C'est tout ce que vous pouvez obtenir dans une monarchie.

Son Excellence regarde donc les soldats en passant. Nombre d'entre eux ont suivi une formation de chasseur ou de forestier avant leur service militaire, ou ont appris une profession connexe, comme celle de jardinier. Mais surtout, ces hommes ont suivi une excellente formation militaire de deux ans, au cours de laquelle l'accent a été mis sur l'entraînement au tir. Les tirailleurs de garde sont, en fait, ce qu'on pourrait appeler des tireurs d'élite. Dans l'infanterie légère, il y a également une interaction différente, un peu moins rigide, plus égale entre les officiers et les hommes enrôlés, en raison de la manière particulière de combattre. Le statut de garde est la cerise sur le gâteau ; en conséquence, même un simple caporal est alors presque capable de satisfaction.

En bref : il n'y a pas de meilleur réservoir pour des Leibjäger en Allemagne.

Schorlemer n'a pas trouvé d'homme qui pouvait éveiller son intérêt dans le premier rang, ni dans le second. Il recommence maintenant à l'extrême gauche dans le dernier rang. Là se trouve le caporal, un sous-officier jeune et élégant. Schorlemer s'arrête. L'homme devant lui n'a pas exactement les dimensions d'un géant, c'est pourquoi il se trouve au dernier rang, selon les coutumes militaires encore pratiquées aujourd'hui.

Dans sa posture droite et correcte, l'homme ne se distingue pas de ses pairs. Le visage, par ailleurs rasé de près, est orné d'une belle moustache, comme celle que porte Sa Majesté l'empereur. Mais même cela n'a rien de spécial en soi à cette époque.

Les boutons en laiton sur la poitrine et les revers spéciaux "français" brillent sous le soleil de septembre. Mais quelque chose d'autre attire l’attention du Baron: Ce sont les yeux de mon arrière-grand-oncle. Ces yeux particulièrement sombres qui sont si caractéristiques de sa famille. Ils regardent leur homologue d'un air amusé et provocateur, pas du tout militaire ni même soumis. Non, il y a de la confiance en soi qui sort de ces yeux.

Êtes-vous catholique? "

"Oui, Votre Excellence!"

« Nom? Origine? "

"Oberjäger2 Georg Tobergte d'Altenhagen, pays d'Osnabrück! "

Quel métier avez-vous appris?

"Jardinier, Monsieur le Baron."

En ce moment, le destin de Georg Tobergte prend un tournant décisif. En peu de temps, le fils du fermier westphalien, issu d'un milieu plutôt simple, allait devenir un vigneron respecté et aisé en Moselle. Mais pour un parent de Georg, son mouvement vers le sud eut des conséquences profondes et orienta leur vie dans des voies complètement différentes de celles qui étaient apparemment prédéterminées. Ici et en ce moment, commence alors l'histoire de la fusion de deux familles très differentes.

La plus belle caserne de l’Empire allemand, photographie contemporaine tirée de l’album souvenir de Georg Tobergte

1 Voir glossaire

2 Terme utilisé exclusivement dans l’infanterie légère pour désigner le grade de caporal

Un mot d'avance

Les histoires de famille de nature non romanesque sont susceptibles d'occuper l'une des premières places dans la longue lignée des soporifiques littéraires. Pour contrebalancer cela, ce livre contient, par endroits, de bonnes pincées de sexe et de drogue, de crime et de violence ainsi que des potins mondains. Néanmoins - et j'y attache une grande importance - rien n'est inventé, mais au contraire TOUT est historique ou documenté par des témoins contemporains.

Ce livre s'adresse aussi explicitement aux jeunes lecteurs.

Wintrich, Haut Village, 21 mai 2017, 14 h 45.

Dans un instant, je vais me rendre à l'église paroissiale de St. Stéphane pour quatre heures. Alors, adossé à un mur, je profite quand même des chauds rayons du soleil. D'en haut, une femme descend la Pützgasse. Habituellement, aucun touriste ne s'aventure dans cette zone du village. Je lui lance un regard en pensant: c'est drôle, mais il y a au moins 50% de chances que je sois apparenté à cette personne qui m'est totalement étrangère. Comme pour saluer, elle dit: "Une dernière fois" et rit. C'est le dernier jour du festival de la Passion à Wintrich. Ce que cette petite ville met en place tous les cinq ans est tout simplement sensationnel. La moitié du village est directement impliquée, la chorale comptant à elle seule 88 membres.

Ligne ferroviaire, quelque part entre Berlin et Francfort. 20.05.2017

Je suis assis dans l'ICE - en route pour la Moselle - et j'écris. J'écris l'histoire de ma famille maternelle et je le fais - dans un train - depuis environ cinq semaines. Près de 200 pages sont déjà remplies, l'ébauche des chapitres personnels touche à sa fin. Depuis presque 20 ans, tout devrait être prêt, mais on a toujours peur de ces grands projets et il y a toujours une bonne raison pour laquelle on ne peut pas commencer les travaux.

Pourquoi est-ce que ça a démarré maintenant ? Je ne sais pas exactement moi-même. Pendant les vacances de Pâques, j'ai rendu visite à ma tante Hildegard, la "séniora" de la famille, pour la première fois depuis près de 25ans, à Fribourg. Ma tante sait beaucoup de choses, elle a surtout le don rare de donner des informations très précises et aussi de signaler résolument ses doutes, si elle n'est pas sûre à 100% de l'une ou l'autre chose. Vous pouvez clairement sentir sa formation académique.

Hildegard a presque 88 ans au moment de ma visite. Le temps de pouvoir converser avec les enfants d'Aenne et d'Eduard touche inexorablement à sa fin. C'était l’une des raisons. L'autre était une découverte qui m'a électrisé. Le dossier de mon grand-père à la Gestapo. Pendant des décennies, les dossiers du siège de la Gestapo à Trèves avaient disparu dans les archives militaires françaises; ce n'est qu'en 2015 qu'ils ont été redécouverts, et ils n'avaient été enregistrés grossièrement que quelques mois avant que je fasse mon enquête à l'université de Trèves. Néanmoins, on m'a fourni des informations très rapidement et de manière très complète, de sorte que j'ai appris pour la première fois le nom de l'aviateur américain abattu et que j'ai pu faire des recherches plus approfondies sur Internet.

Les connaissances, le contexte de ce livre ont été accumulés pendant plus de quatre décennies, tout était dans ma tête, il ne me restait plus qu'à le mettre sur papier. J'ai utilisé chaque minute de vacances, de temps libre et de voyage (une fois même en Afrique) dans les semaines qui ont suivi. D'une part, je dois à ma femme et à mes enfants un grand merci pour leur compréhension, d'autre part, cet ouvrage est écrit principalement pour eux.

Pour moi, la recherche et l'écriture ont été une expérience sans précédent et presque incroyable. Tant de choses sont devenues claires pour moi, qui m'avaient laissé perplexe pendant des décennies. Lorsque vous vous mettez intensément dans le rôle d'une personne dont vous savez beaucoup de choses, lorsque des pièces du puzzle peuvent alors être ajoutées de droite et de gauche, à un moment donné, une image presque complète émerge et, soudain, vous voyez clairement et comprenez beaucoup de choses qui semblaient auparavant mystérieuses. Une expérience fascinante que je ne peux qu'encourager chacun à faire pour lui-même.

Sauf indication contraire, les décennies dans ce texte font toujours référence au XXème siècle. Un arbre généalogique à la fin permet de se retrouver plus facilement dans cette famille largement ramifiée.

Mes deux tantes Hildegard Kling et Erika Moser ainsi que la voisine Pauline Simon, âgée de 93 ans, ont contribué à ce livre d'une manière particulière, en ce qui concerne les Quint. En ce qui concerne les Tobergtes et les Franksmanns, le cousin de ma mère Alex Himmermann (+ 2019) ainsi que mon cousin Matthias Quint et en ce qui concerne le village de Wintrich et son histoire, M. Paul Jüngling (+2020). Je lui dois aussi beaucoup d'aide pour les travaux de traduction (haut) allemand – dialecte de Wintrich. M. Günter Kettern, de Konz, que je remercie vivement pour son soutien multiple grâce à sa vaste base de données généalogiques. Bien sûr, beaucoup d'autres personnes ont contribué, notamment mon père et mes frères et soeurs.

Chaque famille a une mémoire collective, mais si elle n'est pas écrite de temps en temps, beaucoup de choses sont irrémédiablement perdues. Dans ma famille, il y avait un nombre remarquable de fortes personnalités, avec toutes les caractéristiques positives et négatives de ces personnes. Je mentionne ceci parce que c'est un grand avantage pour l'auteur de trouver des personnages authentiques et inimitables comme matériau de base. Je me suis efforcé de présenter mes ancêtres dans l'époque et les circonstances qui les ont façonnés. Je laisse expressément au lecteur le soin de juger personnellement de leur qualité.

Préface de la 2e édition:

Toute une série de découvertes de dossiers, en partie spectaculaires, ont donné l'impulsion pour procéder à la deuxième édition de cette histoire familiale.

Plus précisément: les dossiers de la dénazification de mon grand-père Eduard Quint et de mon arrière-grand-oncle Georg Tobergte - tous deux jouent un rôle de premier plan dans cette saga - ont mis en lumière un certain nombre d'aspects très intéressants et inconnus jusqu'alors. Dans ce contexte, je tiens à remercier le Dr Daniel Heimes et le Dr René Hanke du Landeshauptarchiv Koblenz.

Je dois de grands remerciements à Mme Elisabeth Quint de Rastatt et à M. Claus Quint de Wintrich, qui m'ont donné de précieuses informations sur le sort des Quint de Wintrich qui ont émigré dans le Banat au XVIIIème siècle. J'ai consacré un nouveau chapitre à leur destin mouvementé. Ainsi, une facette de la riche histoire de la colonisation allemande dans l'est de l'Europe trouve son expression dans cette chronique familiale.

Dans l'ensemble, je pense que le contenu de ce livre pourrait être complété et enrichi par les nouvelles informations.

J'espère que tous les lecteurs prendront plaisir à le lire!

Sofia, en juillet 2022

Aber da draußen am Wegesrand, Dort bei dem König der Dornen, Klingen die Fiedeln im weiten Gebreit, Klagen dem Herrn unser Carmen. Und der Gekrönte sendet im Tau Tröstende Tränen herunter.

Mais sur le bord de la route, Là-bas, par le Roi des épines, Les violons résonnent dans la large brise, Se lamenter auprès du Seigneur notre Carmen. Et le Couronné envoie dans la rosée, Des larmes de consolation vers le bas.

Fritz Sotke

Compagnons sauvages - Les Quint s'installent en Moselle

Le vigneron et agriculteur Matthias Quint est né le 18.12.1873 à Wintrich/Mosel. Son père s'appelait également Matthias et a vu le jour en 1835. A sa mort, mon arrière-grand-père avait 13 ans. Matthias l'aîné était le fils de Johann,3 qui vécut de 1807 à 1885. Johann était le fils de Jakob (*1774 + 1807), Jakob le fils de Michael, ce dernier enfin le fils de Gerlach, né en 1717. Un frère aîné de Gerlach (Johann) émigra dans le Banat en 1766. Notre branche Quint a failli s'éteindre dans les années trente du XIXème siècle, lorsque la mortalité infantile était particulièrement élevée, car des 5 enfants que Johann a eus avec sa Katharina Esselen, seul Matthias a survécu. L'acte de mariage du père Jakob et de la mère Anna Eva (d'ailleurs une femme analphabète qui signait avec des croix) conservé dans les dossiers est ainsi le premier document de la période française (03/03/1798) trouvé du bureau (Marie) de Lieser.

La mère de Matthias était Anna Maria Kiemes, également originaire de Wintrich. Dix jours avant son 16ème anniversaire, Matthias était orphelin. De plus, le grand-père Johann était bien sûr déjà mort; au début/milieu du XIXème siècle, ses gens ne devenaient pas aussi vieux qu'aujourd'hui. Ladite Anna Maria est morte à l'âge de 29 ans. Matthias avait quatre soeurs et un frère. À l'exception des soeurs Elisabeth (Liß) (*1869) et Anna (*1875), tous les frères et soeurs n'ont pas vraiment vieilli. Le frère s'appelait Johannes (Hanni, *1867); les deux soeurs restantes, Gret (*1868) et Marie (1871), sont mortes prématurément [commentaire de Tante' Lis: "Se hunn sej-ich iwer de Bur gelocht". Ils se couchent sur le bor (puits): Nous soupçonnons que la tuberculose sévissait dans la famille]. Gret était la soeur aînée et a pris la relève après la mort de ses parents. Les frères et soeurs sont restés ensemble et n'ont pas été répartis entre tous les membres de la famille, comme c'était généralement le cas dans ce genre de situation. La communauté des enfants gardait la tête hors de l'eau en élevant des boeufs. L'école a dû être très dure, ce genre de chose n'était pas rare à l'époque. Nous pouvons remonter l’ascendance de Matthias assez loin. les premiers Quint apparaissent vers le début du XVIIème siècle dans la région de Hunsrück (Hoxel). Ils venaient de l'extérieur de l'Allemagne, probablement d’une région de langue romane, vraisemblablement de Lombardie. Les plus anciens Quint que l'on trouve en Moselle pratiquaient une profession "malhonnête" et se déplaçaient en tant que colporteurs vagabonds dans le premier quart du XVIIIème siècle, du Hunsrück brut vers la belle Moselle.

Ainsi, mes ancêtres étaient "des princes en haillons et en loden, déshonorés jusqu'au sol", comme le dit la belle chanson du Wandervogel, ils allaient "en tourbillonnant sur les routes poussiéreuses" et "frappaient chez Veit et chez Velten"4 ... et de temps en temps ils se seront battus comme les ...

"Les Quint étaient et sont également connus pour leur irascibilité"5

La maison où Matthias est né existe toujours. Elle est située dans le couloir appelé "Thanischt" et est donc appelée dans le patois mosellan "auf Tónischt" (en celte: tanaoon; c'est la plus ancienne partie habitée de Wintrich). En fait, il ne s'agit pas du tout d'une maison unique et cohérente, mais plutôt d'un mélange d'au moins trois parties de bâtiments très différents et différemment anciens. Le produit typique d'une méthode de construction dans laquelle le manque d'espace est la mère et le manque d'argent est le père. Ici et là, quelque chose a été acheté et ajouté, et là et là, quelque chose a été reconstruit ou ajouté. Puis, en raison d'un cas d'héritage, il a fallu couper à nouveau quelque chose et, au final, un Frankenstein architectural a vu le jour, mais beaucoup plus petit et plus limité. En raison de la division franconienne de l'héritage, également appelée ‚Realteilung‘ (division réelle), les parcelles à bâtir dans les villages mosellans ressemblaient exactement aux vignobles dans les montagnes: des serviettes étroites et longues, les parcelles à bâtir étant presque toujours étroites, et presque toujours plutôt courtes.

Le constructeur de la partie la plus récente, qui forme l'aile droite de la maison, était le grand-père de Matthias, Johann. Par conséquent, le linteau (qui, avec les deux belles fenêtres de la partie centrale, enchâssées dans le grès et arrondies au sommet, constitue la seule décoration de la maison) est orné de l'initiale suivante: J 18 + 85 Q.

Johann fit donc construire cette aile, et jettant un coup d'oeil aux factures des artisans après l'achèvement des travaux tomba raide mort sur place. C'était en 1885 et en février, son petit-fils n'avait que 11 ans, cinq ans plus tard il serait orphelins. Une telle chose n'est pas amusante aujourd'hui, à l'époque c'était plutôt l'enfer.

L'emplacement d'une maison dans le village en dit long sur le statut social de ses occupants, c'est finalement la même chose partout. Il existe de bons sites, de moins bons sites et, bien sûr, de mauvais sites. En raison de la topographie spécifique de la Moselle (Ernst Jünger a utilisé l'adjectif "plastique"), un village mosellan typique ressemble à ceci: les meilleurs emplacements se trouvent le long de la rue principale et sur la place du village. La rue principale est éventuellement assez haute pour être à l'abri des inondations, mais en même temps pas trop haute que la topographie ne devienne pas trop abrupte/qu'il y n’ait pas de manque aigu d'espace.

A Wintrich, c'était le cas, une heureuse exception, car dans la plupart des villages mosellans, la route principale se trouve plus ou moins directement sur la rivière ou à son niveau, faute d'espace plat. Ensuite, les propriétés arrivent "en deuxième ligne", mais toujours sur le plat et aussi exemptes d'inondations que possible. Plus on monte dans la montagne, respectivement plus on s'éloigne de l'eau (ce dernier point n'est valable que pour Wintrich, dans de nombreux endroits les plus belles maisons se trouvaient au bord de l'eau et on en acceptait les conséquences), plus la situation est mauvaise.

À Thanischt se trouve sur une pente inférieure à moyenne: dans cette catégorie se trouve probablement le majorité de toutes les maisons de Wintrich jusqu'à nos jours. Comme avec un réfractomètre moderne mesurant le degré d'Oechsle du moût de raisin, nous pouvons déterminer sur la base de cette classification de manière étonnamment précise le statut social des Quint: ils se situaient socialement tout à fait dans la moyenne, c'est-à-dire: ils vivaient dans des conditions modestes mais adéquates. Pour nous contemporains, ils ont été assez pauvres. Ils étaient également pauvres par rapport aux conditions de vie des paysans dans d'autres régions (pas toutes!) de l'Allemagne à cette époque. Aujourd'hui, les étrangers associent par réflexe la viticulture à la prospérité rurale. Jusqu'à l'après-guerre, on pouvait trouver une pauvreté absolue dans les villages mosellans; à l'époque de Matthias, 40, voire 50 % de ses camarades de classe étaient issus de milieux plus modestes que lui.

3 Le nom de la maison des Wintrich Quint est "Haanesen". Il existe des théories contradictoires sur l'origine. La thèse, parce que dans la famille le prénom Johannes était si fréquent, est à mon avis complètement absurde. Il est plus probable qu'un Johannes ait prononcé son nom d'une manière ostensiblement étirée : "Ei-esch sinn der Joha-anes."

4 Ancienne expression pour tout le monde

5 Notes d’Eduard Quint, page 117

Matthias

Le 26 mai 1904, Matthias épouse Susanna Kettern, qui descend d'une famille relativement aisée du village voisin en amont de la Moselle. Pour cette histoire, Matthias est en quelque sorte le point de départ, le "géniteur". Quand nous pensons aux géniteurs, quelle image avons-nous en tête? Des hommes âgés, grands et vénérables, au crâne chauve et à la barbe ébouriffée, quelque chose comme ça, non?

C'est ainsi que nous pouvons nous imaginer notre Matthias, à ceci près que nous devons remplacer la barbe ébouriffée par une moustache, bien qu'elle soit belle. Vers la fin de la guerre mondiale, il portait même une barbe complète et soigneusement taillée. A ce propos, Matthias était un très bel homme: la photo de mariage le montre grand et fort, avec de grandes mains de paysan et, même à 30 ans, un crâne plutôt chauve. Cette tête est, bien sûr, une vraie tête de caractère: parfaitement régulière, avec un nez droit, les deux yeux bleus légèrement froids et condescendants (le signe indicatif de tous les vrais Quint: les yeux gris-bleu) et au-dessus d'eux, littéralement comme un couronnement: un front haut et très large. La tête d'un homme libre et fier, le crâne de celui qui suit obstinément et inébranlablement le chemin vers un objectif qu'il s'est lui-même fixé.

Matthias avait en effet atteint son premier objectif important, pour ainsi dire, au moment où la photographie a été prise: en épousant Susanna, le jeune homme à l'enfance difficile, issu de milieux étroits, avait atteint la prospérité ; en tout cas, à partir de ce moment, il appartenait à la "classe supérieure" paysanne minuscule du pauvre Wintrich.6

Je crains que cet homme, qui a toujours été résolument rationnel dans sa pensée, et qui s'est efforcé d'être le plus efficace et le plus économe possible, n'ait pas fait la moindre allusion à des sentiments romantiques en ce qui concernant son mariage. Un exemple frappant peut illustrer cela: après la naissance d'un garçon (Eduard, mon grand-père) dans l'année qui suivit le mariage, comme il le souhaitait, Matthias a mis les lits à part, les "affaires de mariage" furent complètement arrêtées. L'héritier de la ferme était né, et toute autre fratrie n'aurait fait que réduire l'héritage et donc diminuer l'oeuvre de sa vie qui consistait à rendre enfin grande la ferme Quint (qui, compte tenu de la fortune héritée de l'extérieur, s'appelait encore ferme Quint-Kettern jusqu'à peu près au moment de la mort de Susanna). Pour ne pas être tentée, Susanna a même dû bientôt emménager dans une chambre sous le toit, car Matthias faisait toujours à 100% les choses.

Dans ce contexte, il faut savoir comment Matthias a fixé ses priorités très tôt et les a ensuite vécues de manière cohérente tout au long de sa vie: Il y a d'abord eu sa ferme. Puis plus rien pendant un long moment. Puis sont venus sa femme et ses deux enfants et enfin l'église. C'est tout.

Pas de peuple, pas d'empire et pas de Führer, qu'il s'appelle Wilhelm, Friedrich ou Adolf.

Digression sur les droits de succession:

En effet, la division franconienne de l'héritage (Realteilung) qui prévalait en Moselle semble à première vue juste et moderne, mais au final, elle a souvent conduit à réduire les exploitations, souvent déjà petites, en dessous de la limite économique (Eduard: "Le peuple s'est littéralement divisé à mort." En dialecte: "Sei hunn se-ich dootgedehlt"). Cette division a exacerbé la pauvreté générale. Le modèle opposé, le partage germanique de l'héritage (Anerbenrecht), prévalant dans des régions telles que la Westphalie, la Basse-Saxe, la Saxe, la Haute-Forêt-Noire, la Haute-Bavière et le Tyrol, favorisait un seul héritier. Cela désavantageait objectivement les autres frères et soeurs, mais assurait souvent la continuité des exploitations au sein de la même famille pendant des siècles. De son côté, l'héritier de l'exploitation ne pouvait pas, pour des raisons pratiques et aussi morales, refuser d'aider ses frères et soeurs s'ils se trouvaient dans le besoin. Matthias était clairement un ferme adversaire de la division réelle ou vice-versa et, pour être plus précis, il voulait que sa ferme reste à sa taille maximale le plus longtemps possible. C'était la vision de sa vie.

D'un point de vue socio-historique, d'ailleurs, le droit d'héritage est un transfert des structures claniques féodales vers la paysannerie. Projeté sur le cas individuel, le but de tous les rêves était donc: le Seigneur Matthias de Quint sur Korbel.

Pendant que nous sommes sur le sujet des seigneurs. En Moselle pauvre et viticole, sous le règne des princes-évêques, ils n'étaient en réalité que trois: 1. Le Seigneur au ciel, 2. M. le Curé et 3. Le commissaire aux vins.

_____________________________

De retour à notre Matthias: Ses ancêtres n'avaient jamais été confrontés au "problème" d'un riche héritage, Matthias a dû y réfléchir pour la première fois et agir en conséquence. Il l'a fait de manière cohérente et sans faille.

La "politique de l'enfant unique", reconnue plus tard comme progressiste par un autre Grand Président et copiée en conséquence, était quelque chose de tout à fait hors du commun dans les familles de vignerons de la Moselle, où l'on avait en moyenne au moins 4 enfants. Neuf ans plus tard, cependant, un "accident du travail" se produit, dont le résultat est la petite soeur Rosa Christiane, née en février 1914.

Qui était ce Matthias Quint? Alors, que savons-nous sur le Haanessen-Mattes?

À première vue, Matthias Quint, âgé d'une vingtaine d'années, ne se distingue en rien de la majorité de ses contemporains de Wintrich et donc de la Moselle moyenne. Il est issu d'une famille de vignerons relativement pauvre. Comme nous l'avons vu, cela aurait pu être le cas pour 80 à 90 % de ses pairs. Bien sûr, il y avait encore beaucoup de représentants de différents métiers (boulangers, bouchers, charpentiers, charrons, forgerons, cordonniers, tonneliers et bien d'autres), mais en règle générale, ils n'étaient pas plus riches. Seuls les meuniers ont souvent pu atteindre une prospérité plus ou moins modeste. Pour cela, bien sûr (comme par exemple avec les brasseurs), il fallait d'abord faire de gros investissements.

Matthias grandit à "Auf Thanischt" (Tónischt). La rue se trouve à la limite sud du village, sur une légère pente, non loin du cimetière. Dans les villages mosellans, en raison des conditions topographiques particulières, il y a presque partout cette étroitesse pressante et pesante (devant la rivière, derrière la montagne). Lors de la manipulation et des manoeuvres avec les véhicules et les équipements parfois assez volumineux d'une exploitation viticole, l'obstruction du passage, l'évacuation des eaux de pluie ou même du fumier, les constantes disputes de voisinage sont préprogrammées. Ainsi, l'accès à l'écurie de Thanischt était communal, il y avait constamment des problèmes. Matthias veut désespérément sortir de cet enfermement oppressant, de cette pauvreté misérable qui ne permet aucun développement. Cependant, il manque à Matthias presque toutes les conditions préalables pour mettre ses intentions en pratique. Il n'a pas de moyens financiers, son éducation correspond au minimum ou est tout à fait moyenne (école de village de 8 ans), il n'a pas de parents riches ou d'autres mécènes.

A propos de l'attitude politique de mon arrière-grand-père: Matthias était un Rhénanien catholique. Cela en dit long sur sa position politique dans l'empire du début du siècle, bien plus que ce que l'on pourrait supposer aujourd'hui. La vallée de la Moselle, comme la majorité des territoires de la rive gauche du Rhin, a été gouvernée pendant des siècles principalement par des princes-évêques (Wintrich appartenait à l'Electorat de Trèves). La domination des seigneurs de l'Église était généralement un peu moins oppressive que dans les territoires séculiers (d'où le dicton "Il se vit plus légèrement sous le crochet"). Ce régime relativement libéral a été encore renforcé lorsque les Français ont occupé tous les territoires de la rive gauche du Rhin à la fin du XVIIIème siècle et les ont annexés à la France. Bien que l'armée et l'administration françaises ne soient nullement populaires, en partie parce qu'elles collectent diligemment les impôts, les aspects positifs l'emportent au départ: la liberté politique et un système juridique moderne. Tout traitement privilégié des individus ou de certains groupes a été aboli et, pour la première fois, tout le monde était égal devant la loi.

Une partie non négligeable de l'attrait du régime des Français en tout temps et en tout lieu était leur langue euphonique, qui était capable de donner un air d'élégance et d'exclusivité même aux choses les plus banales. C'est ainsi que mon arrière-arrière-arrière-grand-père, le fermier Jakob, est devenu "Jacques", le "cultivateur", comme il est écrit dans l'acte de naissance de son fils Johann, pardon, Jean, dressé en mars 1807 en Mairie de Lieser, Département de Sarre. Mais les paysans rhénans ne devaient profiter de leur nouveau titre fantaisiste que pour 20 ans; après 1815, les Prussiens ont fait d'eux de simples "Ackerer", quelle affaire! "Mais le fait qu'ils ne nous aient pas appelés "Rackerer" (travailleurs durs) tout de suite, c'est tout ce qu'il y avait à faire", remarquait mon grand-père à cette occasion. Son père, d'ailleurs, n'a pas voté pour le Centre, mais pour des partis de droite, libéraux, nationaux, à la fin probablement le DNVP.

Lorsque, 20 ans plus tard, au Congrès de Vienne, la Rhénanie a été attribuée aux Prussiens antilibéraux, cela a dû avoir l'effet proverbial d'une douche froide sur ses habitants. En bref: les Prussiens n'étaient pas populaires en Rhénanie et cela est resté ainsi dans de nombreuses familles rhénanes pendant des générations. Jusqu'à une bonne partie du XIXème siècle, l'armée prussienne a eu des problèmes considérables pour recruter ses recrues rhénanes. Le service militaire prussien, long et dur, est très impopulaire, surtout en Rhénanie, et d'innombrables jeunes hommes tentent de l'éviter en fuyant ou en émigrant pour une courte période. Même s'il était possible de faire entrer un Rhénanien dans la "jupe bleue", il était généralement considéré par les Prussiens comme un soldat peu fiable et un questionneur gênant. L'attitude et la politique anticatholiques prononcées du premier ministre prussien, puis du chancelier du Reich, Bismarck, pendant les longues années de son règne, ont considérablement contribué au sentiment antiprussien généralisé et ont encore une fois renforcé de manière décisive l'aliénation.

Matthias n'avait rien à voir avec les Prussiens, à une exception près: leur proverbiale économie et leur sens de l'ordre et de l'organisation ont été admirés sans retenue par mon arrière-grand-père tout au long de sa vie. Les histoires selon lesquelles le roi soldat n'a pas acheté sa baignoire mais l'a empruntée à un voisin (du moins pendant un certain temps, cela est historiquement attesté), ou que le vieux Fritz préférait faire raccommoder cinq fois son manteau d'uniforme plutôt que d'en acheter un nouveau, ont été transmises de génération en génération à Quint comme des exemples brillants d'un mode de vie exemplaire.

Sinon, l'administration prussienne, bien que correcte et frugale, est perçue comme brutale. Même avec ma mère, je sentais clairement que tout ce qui se trouvait à l'est de l'Elbe était perçu comme profondément arriéré, voire primitif. Le fait que les agrariens de l'Elbe oriental battent leurs ouvriers agricoles a profondément consterné Matthias.

Un dicton courant en Rhénanie:

"Qu'est-ce que les Prussiens nous ont apporté?

Les puces (la pauvreté)

Les gendarmes (la violence) Le vent froid (l‘est)"

6 Seulement quelques années plus tard il était devenu le vigneron le plus riche du Wintrich.

Huit mouillés - service militaire à Metz

De 1895 à 1897, Matthias a effectué son service militaire obligatoire de deux ans dans le Rheinisches Fußartillerieregiment No. 8 (régiment d'artillerie à pied rhénan) à Metz. En principe, il lui suffisait de remonter la Moselle sur 160 km exactement pour y parvenir.

Metz était une "forteresse de premier rang" dotée d'une garnison presque gigantesque (bien sûr, cette puissance militaire concentrée servait à protéger la frontière occidentale de l'empire, on pourrait aussi dire qu'elle était dirigée contre la France). Autrement, la ville en Moselle était un important centre administratif (capitale de la Lorraine), une résidence épiscopale et un lieu d'industrie (dominé par les tanneries et le traitement du cuir). Metz comptait environ 60 000 habitants dans les années 90, du point de vue d'un jeune vigneron de la Moyenne Moselle, une grande ville absolue. (En comparaison, Trèves ne comptait que 36 000 habitants à la même époque). Une grande partie de la population urbaine de Metz - et plus encore la population rurale environnante - était francophone, tout comme l'ensemble de la Lorraine occidentale, qui avait été annexée par l'Empire allemand en 1871, après la victoire de la guerre contre la France, dans le cadre du ‚Reichsland Elsaß-Lothringen‘.

Au total, la garnison de Metz comptait environ 20 000 hommes et était donc l'une des plus importantes de l'armée allemande (il n'y avait pas d'armée impériale; selon la constitution de l'Empire allemand, toutes les unités de l'armée étaient subordonnées aux États impériaux respectifs. Il y avait cependant une marine impériale). Une particularité mérite d'être mentionnée: le "mélange hétéroclite" de troupes provenant de tous les États impériaux n'était pas du tout normal dans l'Empire et constituait une caractéristique particulière des garnisons d'Alsace-Lorraine, qui étaient "fournies" par tous les États constitutifs afin de souligner le caractère du "Reichsland".

L'artillerie à pied était le nom donné à l'artillerie lourde de l'Empire, qui, contrairement à l'artillerie de campagne (légère), était trop encombrante pour suivre immédiatement les troupes de combat. On se souvient que Clemens August Schorlemer a servi dans un régiment d'artillerie de campagne. Il était de la noblesse, mais seulement prussien du butin7 et - Dieu soit avec nous - catholique!8 En route pour les Bummsköppen!9

Un vrai Junker d'Elbe orientale ne serait jamais allé "là-bas".

Le régiment d'artillerie à pied rhénan n° 8 a été formé le 16 juin 1864. Dans certains cas, les compagnies/batteries individuelles ont des traditions plus anciennes qui remontent aux guerres de libération. Le régiment a reçu son baptême du feu lors de la prise des redoutes de Düppel en 1864 dans la guerre contre le Danemark, où il a joué un rôle de premier plan. Les guerres de 1866 et 1870/71 ont également vu le régiment en action.

La devise régimentaire du 8e régiment d'artillerie à pied était, outre le "zugleich!" (de concert!) encore valable pour tous les artilleurs aujourd'hui, depuis 1877 "Treu Metz alle Wege !" (toujours et partout Metz).

Le sobriquet des membres du régiment était "Nasse Achter" (huit mouillés). Une allusion à l'habitude de boire des artilleurs rhénans. De plus, la bière était moins chère dans le Reichsland que partout ailleurs dans l'empire allemand. (Nous savons donc maintenant pourquoi les Bavarois ont fourni le deuxième plus grand contingent de troupes à Metz).

Un incident amusant s'est produit au tout début du séjour de Matthias à Metz. Après s'être dûment présenté à son unité pour le service le 1er octobre (un mardi), il devait être habillé des le lendemain. Un problème s'est alors posé. Selon l'inscription dans le passeport militaire, que je garde comme un trésor, la pointure de Matthias était de 30,5 cm, ce qui correspond à la pointure actuelle de 48. Ces bottes d'une taille inhabituelle n'étaient tout simplement pas en stock à la caserne de La Ronde, pas une seule paire. Deux paires ont été spécialement commandées, mais il faudra attendre au moins deux semaines avant qu'elles ne soient prêtes. Avec bonhomie, les Prussiens ont libéré notre Matthias pour qu'il retourne chez lui pour cette fois. En raison de ses pieds trop grands, il a commencé son service militaire tardivement, le 17 octobre (comme il est indiqué dans son passeport militaire), ce qui constitue certainement une exception rare.

Un peu moins d'un an après l'enrôlement, un incident s'est produit. Matthias s'était brouillé avec un sous-officier à propos d'une affaire, une dispute s'en est suivie, et le sous-officier a fini par en venir aux mains. Or, comme on le sait, l'armée prussienne n'était pas un pensionnat pour filles. L'entraînement était dur et le ton presque universellement rude, surtout dans les garnisons frontalières, où, face à face avec l'ennemi, pour ainsi dire, on ne voulait pas se permettre le moindre relâchement. D'autre part, il y avait des règles claires qui devaient être respectées, et par tout le monde. Enfin, il existe un droit de plainte et, à partir de 1918, il doit même y avoir une sorte de délégué syndical dans chaque entreprise, une première mondiale à l'époque. En bref, l'armée prussienne était également, à cet égard, très en avance sur de nombreuses autres armées européennes. Le châtiment corporel sévère (la course en allée - qui entraîne souvent la mort du délinquant) avait déjà été aboli par le Vieux Fritz, mais toute autre forme d'agression était également strictement interdite depuis un certain temps."

Matthias a déposé une plainte écrite le soir même. Dès le lendemain, la plainte a été acceptée et le sergent a été envoyé en "prison" pour une semaine entière. Mais le canonnier Quint a également été puni, avec un jour d'arrêt. Le tribunal avait-il reconnu et puni la complicité? Non. Matthias n'avait pas respecté le délai prescrit pour déposer la plainte. Selon les règles, l'appelant était censé "dormir" sur l'affaire pendant au moins une nuit avant de déposer son mémoire. Un règlement très sage, nourri de beaucoup d'expérience de vie, qui s'appliquait aussi à mes jours de soldat 90 ans plus tard et qui s'applique certainement encore aujourd'hui. Matthias, un peu tête brûlée, n'avait pas fait preuve de cette patience, il avait enfreint la règle et pour cela il était autorisé à se calmer en taule.

Un lieutenant ou premier lieutenant en charge de l'affaire, qui avait vraisemblablement écouté les deux soldats et qui ne détestait pas Matthias et ses actions, lui ordonna de le rejoindre après qu'il ait purgé sa courte peine et en fit son brosseur. A court terme, Matthias était donc hors de la ligne de mire, ce qui devait être l'intention principale du supérieur bien intentionné. Cela a amélioré de manière décisive son séjour restant à Metz.

7 Expression allemande désignant les nombreux Allemands originaires d'autres anciens États souverains et régions, qui ont été incorporés à la Prusse au cours du XIXème siècle.

8 Pour l'anecdote, le père de Karl Marx, aspirant juriste issu d'une dynastie rabbinique, ne s'est pas converti au catholicisme, comme il aurait été prudent de le faire dans ce contexte, mais au protestantisme, sous l'emprise des nouveaux maîtres, bien malin de sa part!

9 Terme péjoratif pour les artilleurs

La maison à Korbel

La première étape a été le mariage en 1904, suivi quatre ans plus tard par la seconde, plus durable: Matthias construit une nouvelle maison. Même le choix du site de construction était basé sur des considérations stratégiques. L'espace est très important, et en même temps la nouvelle ferme doit être proche de ses vignobles ("Je ne paie pas mes ouvriers pour aller se promener") les meilleurs - puisque la plupart d'entre eux ont été apportés dans le mariage par Susanna - sont situés dans ou vers Piesport. La maison doit donc être située à la limite sud du village, où de nouveaux terrains à bâtir viennent d'être désignés. Le couloir s'appelle Korbel, "auf Korbel", six nouveaux lotissements sont construits le long de la route de Niederemmel entre 1907 et 1919, dont cinq fermes de différentes tailles. Ce n'est que par une ruse que Matthias obtient le terrain à bâtir tant convoité.

Les maisons de Korbel se trouvent un peu à l'extérieur du village, à environ 300 mètres des maisons les plus proches. Non pas qu'il y ait beaucoup d'espace, mais beaucoup plus que dans les ruelles exiguës du village. Matthias construit une maison impressionnante: grande et d'une clarté simple, les proportions sont équilibrées. Cela ressemble à ce que font les enfants lorsqu'ils peignent une maison: plan rectangulaire, deux étages, toit en forme de tente avec de hauts pignons des deux côtés.

La décoration du bâtiment est riche: la maison est entièrement construite en ardoise (épaisseur du mur d'environ 70 cm), ce qui n'est pas inhabituel à cette époque, mais tout le monde ne peut pas se le permettre. Toutes les fenêtres et les portes ont des linteaux en grès rouge magnifiquement travaillés. La grande porte de grange est en chêne, tout comme la porte d'entrée richement sculptée. Les initiales des deux constructeurs et l'année de construction sont gravées en lettres courbes sur le linteau (M.Q. + 1908 + S.K.).

Les initiales se trouvent également sur la clé de voûte au-dessus de la porte de la grange. Les fenêtres des deux étages sont peintes en blanc avec des volets peints en vert des deux côtés. La porte, comme nous le savons tous, est la carte de visite d'une maison. Les constructeurs ont choisi une porte en chêne à deux battants, sculptée de manière ornementale, avec des fenêtres dans la moitié supérieure, comme celles utilisées uniquement par les riches propriétaires de l'époque. La zone d'entrée ouverte à l'avant, d'une profondeur d'environ 50 cm, est décorée à droite et à gauche de 4 représentations picturales chacune, dont plusieurs scènes de personnes travaillant dans les vignes, liant, lisant (les femmes des ‘Muselmänner’ portaient toutes un foulard à l'époque) ou pressant le vin. En haut à gauche, un buveur de vin dans un beau paysage de Moselle, en haut à droite, un dévot sous un crucifix. Au milieu du pignon de l'espace de vie se trouve une niche dans laquelle se trouve, comme décoration supplémentaire et de grande valeur, une représentation de Saint Michel sculptée dans du grès gris. Il donnera plus tard son nom au domaine.

Korbel en 1965

La maison a coûté 32 000 RM (un ouvrier gagnait environ 1 500 RM par an à l'époque), le Saint-Michel seul 300 RM, autant qu'une demi-charrette de vin.

Pourquoi St. Michel? On peut exclure avec certitude qu'un homme de la stature de Matthias n'en pensait pas moins.

D'un point de vue politique, il est le patron de l'Empire allemand et ce, depuis la victoire du Otto I - qui était, en sa qualité d'ancien propriétaire de vignobles au même endroit, quasiment un collègue (voir le chapitre sur Wintrich) - sur les Hongrois en 955 sur le Lechfeld. D'un point de vue ecclésiastique, l'archange le plus haut placé était le saint patron de l'église fortifiée, l'ecclesiae militans.

Matthias était d'esprit bien patriotique et a donc voté,

il était fidèle à son église,

et il était aussi quelquefois militant.

Tout correspondait à 100%.

La maison est divisée en deux parties: le secteur résidentiel à gauche, la grange et les écuries pour les deux chevaux de trait et les 4-5 têtes de bétail laitier à droite. Tout est bien pensé et prévoyant. Les ouvertures des fenêtres de l'étage supérieur de l'aile de la ferme (derrière laquelle se trouve le grenier à foin), qui ne sont pas nécessaires en soi, sont poursuivies selon le même modèle que dans la zone d'habitation. Cela donne à la maison un aspect plus uniforme et plus spacieux. À droite de la maison, une allée en pente pavée mène à la cour située derrière la maison et à l'entrée de la cave à vin. Au sommet du pignon de la partie de ferme se trouve la grande trappe du magasin à foin (avec grue de traction), et au centre du pignon inférieur se trouve l'entrée de l'écurie avec le tas de fumier devant, sur lequel se trouve la dépendance obligatoire pour tous les occupants. Sous le fumier se trouve le "Meastepoulskaul", la fosse septique.

Autre particularité: la cave (à vin). La maison est grande, une cave complète est chère et n'aurait pas été nécessaire pour les conditions économiques de l'année 1908 (production annuelle de peut-être 7000 l). Matthias, encore à l'étroit il y a 5 ans, voit cependant loin et grand. La maison est entièrement construite avec une cave, lui-même n'utilisera jamais la cave complètement. Ses successeurs lui en seront reconnaissants.

Dès le début, Matthias avait prévu une extension, mais pour des raisons de bonne gestion (il ne s'endettait que de manière très mesurée), il ne l'a réalisée qu'en 1921 en ajoutant une autre partie économique à gauche de la zone d'habitation: un spacieux pressoir à vin avec une nouvelle écurie (derrière la porte séparée de l'écurie à gauche du portail, qui est encore bien visible aujourd'hui, se trouve maintenant la distillerie de la maison). L'étage supérieur est ajouté à l'espace de vie. La nouvelle aile est adaptée à la partie plus ancienne de 15 ans jusque dans les moindres détails. En conséquence, la maison est maintenant largement symétrique et spacieuse: à droite et à gauche de l'espace de vie se trouvent deux zones de travail avec des portes identiques. Il y a probablement peu de fermes contemporaines en longue Moselle qui surpassent la maison de Matthias et Susanna en termes de bon goût et de beauté.

La maison n'était pas initialement assurée contre le feu. "Et si la foudre tombait et qu'elle brûlait?", a-t-on reproché au constructeur. "Alors je vais construire une nouvelle!" fut sa réponse.

L'apparence extérieure décrite de la maison seigneuriale ne doit tromper personne: dans la maison Quint la grande prospérité n'avait nullement éclaté. Même si cela avait été le cas, Matthias n'aurait pas changé son style de vie traditionnel, ne serait-ce que par pure obstination. À l'intérieur, la nouvelle maison était finalement une simple maison de paysan.

Par la belle porte d'entrée en chêne, on pénètre dans un couloir au sol en terrazzo (au milieu un grand lys et sur les bords une bordure décorative noire), à partir duquel, à droite et à gauche, une porte mène aux deux grandes pièces donnant sur la rue. A droite, il y avait la "bonne chambre". Son seul ornement était une belle armoire murale en chêne placée dans une grande niche à l'avant. C'est là que se trouvait la "chaise de grand-père" du maître, dans laquelle il jouait de la pipe après la messe le dimanche. En face, il y avait le royaume de Susanna. Il était utilisé pour divers travaux domestiques et avec ses rouets, sa baratte à beurre et autres équipements, il avait plus le caractère d'un atelier que d'un salon. En continuant tout droit dans le couloir, on atteignait l'escalier en bois, avant cela, on pouvait accéder à la "pièce de tous les jours" sur la gauche, aujourd'hui on dirait le salon. En passant l'escalier sur la droite, on arrive à une porte en chêne qui n'a rien à envier en beauté à la porte d'entrée. Je souligne ce point parce que je trouve remarquable que le maître de maison n'ait fait aucun sacrifice esthétique, même avec sa porte arrière donnant sur la cour.

A droite avant l'escalier se trouvait la pièce la plus importante, la cuisine. C'était la première et la dernière pièce fonctionnelle de la maison utilisée quotidiennement, ce qui signifie qu'au moins une personne s'y trouvait toujours tout au long de la journée. La cuisine était clairement le centre de la maison, tous les repas étaient préparés et consommés ici. Il était de taille appropriée, j'estime à environ 4,5 x 6 m. L'ornement de la cuisine était un sol en terrazzo qui faisait tout le tour de la pièce sur une largeur d'environ 1,5 mètre. Dans la partie centrale restante, qui était à nouveau bordée de sa propre garniture noire et blanche, se trouvaient des planches de chêne massif (toutes les autres pièces étaient en bois tendre).

A l'étage, il y avait un certain nombre de chambres. Toutes les pièces avaient un plancher simple en bois tendre ordinaire et étaient par ailleurs d'une grande simplicité, les murs étant blanchis à la chaux. Le mobilier était limité au strict nécessaire.

Si l'on suit l'escalier susmentionné, qui se trouve exactement au milieu des pièces d'habitation, on atteint le grand grenier. Immédiatement à gauche se trouvait l'entrée de la chambre des fruits. Dans la grande salle, dont la chape était particulièrement fine et lisse, on stockait les céréales, les légumes et diverses provisions (les pommes de terre ayant besoin d'humidité, elles étaient stockées dans la cave, où se trouvait d'ailleurs le four à pain).

A côté de la chambre à fruits se trouvaient deux chambres simples pour les domestiques. Le reste de la grande et haute pièce était utilisé comme garde-manger, lieu de stockage des vêtements et réserve. Je dois également mentionner le fumoir ("Rä-äschhaisjen") dans le coin droit. C'est également là que les saucisses et le jambon étaient conservés. La pièce au-dessus des écuries était un grenier à foin jusqu'au faîte.

Jusqu'à présent, je me suis limité aux quartiers d'habitation et aux parties du domaine qui servaient à la transformation ou au stockage des produits agricoles. Il manque encore les parties qui servaient à la production agricole. À côté des écuries pour les chevaux de trait, les vaches, les cochons (4) et les poulets (20), se trouve l'endroit qui transforme une pure ferme en domaine viticole, la cave à vin.