Mauvais sang - Rachid Mokhtari - E-Book

Mauvais sang E-Book

Rachid Mokhtari

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Beschreibung

Tandis que, dans son bureau, aux heures bachiques du bouclage de son journal il est assailli par des nouvelles de massacres, un journaliste tente de se réfugier dans son passé. Dans ses enfances, fils du Ravin de la Femme sauvage et de veuve de Chahid, dans son adolescence, pastichant au Bois de Boulogne un roman policier à la James Bond, l’agent secret 007, dont il a gardé le manuscrit. Mais c’est une autre guerre qui vient mêler ses horreurs, ses armes, ses cris et ses promesses, à celle des manchettes de son journal de sang. S’amorcent alors, dans ce spectacle macabre, des itinéraires brouillés au fil desquels Bugeaud de la conquête à la baïonnette se métamorphose en Bijoh, le monstre des ténèbres qui se repaît d’enfants ; Zohra, l’héroïne des maquis de la Libération en Zohra la petite fille réfugiée au faîte d’un poteau électrique pour échapper à ses tortionnaires ou en Zohra, la serveuse du bar des Tropiques, rescapée d’un carnage dans les orangeraies natales, s’armant de son tire-bouchon pour égayer de vieux briscards à l’heure de la cuvée. Mais comment dire les tragédies ininterrompues d’un pays en évitant tous ces traquenards narratifs ?


À PROPOS DE L'AUTEUR


Rachid Mokhtari est universitaire, journaliste et romancier. Il a également publié plusieurs ouvrages consacrés à la littérature et la musique algériennes.

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DUMÊMEAUTEUR

MatoubLounes, biographie. EditionsLeMatin, 1999.

Lachansondel’exil, lesvoixnatales1939-1969, essai. EditionsCasbah, 2002.

CheikhelHasnaoui, lavoixdel’exil, essai. EditionsChihab, 2002.

LagraphiedeL’Horreur, essai. EditionsChihab, 2003.

Elégiedufroid, roman. EditionsChihab, 2004.

SlimaneAzem, AllaouaZerroukichantentSiMuhandUM’hand, essai. EditionsApic, 2005.

Lenouveausouffleduromanalgérien, essai. EditionsChihab, 2006.

Imaqar, roman. EditionsChihab, 2007.

L’Amante, roman. EditionsChihab, 2009.

TaharDjaout, unécrivainpérenne, essai. EditionsChihab, 2010.

Rachid Mokhtari

Mauvais sang

roman

CHIHAB EDITIONS

© Chihab Éditions, Alger, décembre 2012

Isbn : 978-9947-39-009-2

Dépôt Légal : 3335/2012

Toutcommenceaveccettehistoirevenuedufonddesâges : Leqboudhlemonstredesténèbresauventreinsatiable, Bijohdesenfumadesetdesconteseffroyables, lesKleberrantsetjappant, expertsendépeçage, Baâouchmille-pattes, silencieuxetgélatineux, arméesnocturnesseroulantetavançantenspirales, BoubritecondamnéparIblisàportersonsacremplidecrâneshumainsdepuisledébarquementdeseshordesauxbaïonnettesscintillantes, l’hydreàsepttêtesquis’enroulentaufonddespuitsd’eau, depétrole, etlesmeutesdeminotauress’ébrouantdanstonbureaudered-chefd’unjournal, tousavidesdesnouvellesmacabresdeleurrègnedeprédateurs, teplaignant, surletondelaplaisanterieparfois, d’êtredevenulescribeattitrédeleurfélonie.

Àforcedetriturertamémoire, cettedernièreetultimeidentité, tufinirasparl’assécher, l’essorertelleunevieilleserpillière. Maisest-cevraimentunemémoirequandc’esttonimaginairequitejouedestoursdanscebureauoùtutefaisvigilesolitaire, scripturaire (presquefunéraire) d’événementssanglantsquetudonnesàlirechaquematin, engrostitresdanstonjournal, parmid’autresépinglésauxdevanturesdeskiosques. Pourtoi, leplusimportant, c’estlalangue, l’orthographe, lachasseauxrépétitions, auxtournurestropsavantes, auxméandresinsoupçonnésdelaponctuation.

Pourlecitoyen, c’estl’effondrement, ledeuil, l’alarme, l’indignationetlapeur. Oui, tousceslambeauxdemémoirefragiles, éparpillés, ensanglantés, danscesfichiersconstellés, enregistréssurlebureaudetonordinateurquis’ouvrentetsefermentd’unclic, augrédescarnages, s’affolentquandunchevaldeTroie, cevirusmalicieux, bloquelafenêtre. Oui, deschevauxdeTroie, ilsétaienthabillésdetenuesmilitairespourtuerdesenfantsdansleursonge. Unemémoirevirtuellequetupeuxjeteràlapoubelle : « Voulez-vousvraimentsupprimercefichier ? Non ».

Lamémoirequetunepeuxsoi-disantlivreroudélivrerestlà, incrustéedanstonêtre. Elletedévore, teconsume, tejetteenpâtureaumondedesnuitscauchemardesques, éthyliques, t’assaillequandtuterefusesàsesavancesdémoniaquesderevisiterseslabyrinthes, degoûteràsonfiel, d’arpenterdespassésépineuxpiedsnus, deteprendrelamaindanslesbourbiersdetonenfance. Envéritétuaspeur, tufuis, tut’esquivescommeunlâche, tunepeuxpasl’affrontercettemémoire, tachiennedemémoire. AlorstutesurprendsàcomposeravectonRéel. Deslieux, desdates, desfaits, deschiffres, desinitiales, toujoursavecdes « hier » ou « àl’heureoùnousmettonssouspresse », « aujourd’hui », l’icietlemaintenant. Tutedis, àcesmomentsd’extrêmetensiondubouclagedetonjournal, quetoutcelan’étaitqu’uncauchemar, unemauvaisepasseetqu’unjouroul’autre, lelitdufleuvereprendraitsoncours. Mais, tut’embrouilles, tubrouilleslespistesdetoutelogiquehumaine, tut’embrouillesdanslesguerres, celledetonenfancedesmaquisdelalibérationetcelled’après-guerredesmaquisdeslibationspsalmodiques. Pourquoiremuertoutecettemélasse, toutecettecrassequiafaitdescroûtes, enrobantlessouvenirsdetonpasséetdeceprésentsordides ? Tut’échinesàtranscrire, écriscommeentranse, allantd’uneriveàl’autred’unfleuvemémoriel ; unfleuvedesang, demauvaissang, charriantdesarméesdeconquêtes, desoulèvements, d’insurrections, delibération, d’épuration, dereligions, quisemélangent, s’encornent, etdanslamêlée, s’accrochentauxbergesinfestéesdemeutesdeceschiens, Kleberrants, efflanquésaboyant, jappant, grognant, sereniflant, sedéchirantlesflancs, pataugeantdanslesangboueuxquileurcolleauxpattes, lesaffole, lesfaisantsejeterpêle-mêlesurdescarcasseshumainesaccrochéesauxgaletsoususpenduesauxarbustes, àleursbrancheschétives, avecdesmorceauxdetissu, desceinturesdelaine, desboutsdeficelle, desamulettesmulticolores, destouffesdecheveuxetdesrestesd’aliments.

Danslescontesdetonenfance, l’ogressecarnivore, poursuivantunenichéed’enfantsaffamés, alepouvoirdetransformerunerivièreendormieenunfleuveimpétueux, auxméandreshérissésderonces. Maislesenfantsavaient, euxaussi, ledond’yfairecoulerdumiel. Cefleuvequisedéchaînedanstamémoire, l’engloutit, l’aspiredanssestourbillonsgélatineux, aucunemagie, aucunesorcellerienepeutenchangerlecours. Toi-mêmetuesdéfait, exsangue, reclusdanstapropretragédie. Tueslà, danscepetitbureauoù, surlatableronde, s’amoncèlentlespapiersdel’Horreur, entrelefax, lemicroordinateuretletéléphonefixe. Tutetiensàdistancedumondedesàpeine-vivants, desjoiesimbécilesetéphémères. Alors, tuharnachestesdémonspourdesconquêtesdeterresencorehabitablesdanscetuniversgrouillantdeminotaures, deKleberrantsauxfusilsàcanonscié, deLaqboudh, cemonstredesténèbressanspiedsnitête, justeunénormeventreinsatiable, deBaâouchmille-pattes, deBijohdesenfumades, ettousacclamantlerègnedel’hydreàsepttêtes, lafaâ: hurlements, cris, fuiteséperdues, saccages, incendies, destructions, piétinements, razzias, râles, sauvageries, couléesdesangcommedelavesenébullition. Tuenconsigneslemoindredétail, poussanttaparanoïaàunecomptabilitépointilleuseetmacabre.

Cecarnetintime, accoléauxfichiersdel’immonde, enportecertainementlestraces. Parfoistutesurprends, unjourdecarnage, àl’évocationdetonenfance, detamère, desaradio, decettepetitemaisonenpiséquit’avunaître, àécriredefaçonautomatique, dansl’urgencedubouclagedetonjournal. Toifilsdechahid, filsdeveuve, filsdep…, tapropretragédiedeguerrenetesuffitplus. Tuvasfouiller, vampire, danslesnouveauxcharniersdestêtesd’enfantsdécapités, desseinsmaternelscoupés, tailladés, despoitrinestrouées, desjambescoupées, dessexeslardés, desmartyrsécrabouillésauseuilduvingtetunièmesiècle. Onappelletoutcela, uneréconciliation, lejourdupardonaulendemaindusacrificedumouton.

Filsdechahid, filsdeveuve, filsderien, secoue-toi, lève-toi ! TuétaistropjeunepourlemaquisdelaLibération, secoue-toiaumoinspourlesmaquisdelaLiberté ! Toi, quinefaispaspartiedetoutescesassociationsdevaleureuxfilsdemartyrsquiseréclamentdel’idéalperdudeleurgéniteur, montentauxtribunesdelacompromission, sedélectentdeleurhéroïquefiliation ; toi, tut’esbiengardédetirerprofitdu « sangversé » partonpèrepourunequelconquegloriole. Tun’aspasréfléchiàtoutcela. Parhasard, ouinconscience, peut-êtreàcaused’unecertaineimmaturité. Etrelefilsd’uneveuvedemaquisardde54, d’unejeuneetbelleveuvemontréedudoigt, proiedesregardsconcupiscentsdesancienscompagnonsdetonmartyrdepère, neprédisposeguèreàcerangd’héritier. Lesrescapésdumaquiss’étaientpromis, enquittantlesdjebelssouslesdrapeauxflottants, d’épouser, aunomduProphèteetdusursautrévolutionnaire, cinqveuvesdechahidetbienplusencoreaprèslesfestivitésdudéfilédel’Indépendancedanslesvillesreconquises.

Maislesveuvespréférèrentlamaigrepensiond’« ayantdroit » - Dequoi ? Dequi ? -, leplussûrmoyen, disaient-elles, desurvivreàleurguerre, àleurveuvage. Etilssemirentàlesdénigrer, àlessalir, ellesetleursfilles. Ilslesvoulurentpourlereposdesguerriers, desfemmessijeunesàprendredansl’impunitémasculinedel’indépendancearrachée. Filsdemartyr, filsdeveuve, filsdep…, lève-toi, disquelquechoseouécrisaumoins, sinonpourl’Histoire, dumoinspourlavercetaffrontfaitàtaveuvedemèreetauxfillesdemartyrs ! Mais, tueslà, pauvrejournaliste, danscettebaraquequitesertdebureau, où, toujours, tuesàl’affûtdenouvellesmacabres, denouveauxfilsetfillesdemartyrsetdeveuves, commetoi. LesjeunesfillesrescapéesdesviolscollectifspardeshordesdebêtessauvagessanguinairestaisentlesmêmesréalitésobscènesenduréespardesmilliersdevillageoisesvioléesaussilorsdesratissagesdesarméesdeBijohauxscintillantesbaïonnettesetd’incursionsnocturnesdeshordesdesKleberrantsarmésdefusilsàcanonscié.

Enfumeurs, violeurs, égorgeurs, lesbourreauxfestoyaient, s’affalaientsurlesbergesdel’histoire, tonhistoire, remplissantleurscoupesenmétalrouillédesangfrais, chaud, bouillonnant, l’ingurgitant, insatiables, dansdesgrommellementsfétides. Danstonjournal, tuauraisécrit « CommentpardonnerauxvioleursetauxégorgeursdeAntarZouabrietexigeràcoretàcriquelaFranceexcommunieBugeaud, Aussaressesetleurssemblables ? Lesbourreauxde1830nesont-ilspasdelamêmeengeancequeceuxde1990 ? » Ont’auraitrétorquéquetoutesceshistoiresneveulentplusriendire, quetunefaisqueradoter. Quetesmeutesdeminotaures, deLaqboudh, Baâouchmille-pattes, BijohetlesKleberrantsfontdésormaispartiedetarace, toi, filsdeveuve, filsdechahid, filsdesguerres, etquetuleurressemblesàforced’êtreleurscribe. Tuconsignes, àlafaveurdelaRésurrection, leursretourstriomphauxsouslessalvesd’honneur, depuislesforêtsépaisses, lescavernes, lesgrottes, lesravins, lesprécipicesetlesexcavationsoùilsapprenaientàleursprogénituresl’artdevioler, massacrer, assécherlesrivières, éventrerlesmontagnes, brûlerlesrécoltesetsaccagerlesrêves.

Lespluscoriaces, disentlesnouvelleslégendes, sontlesjeunesKleberrants, rejetonsdelavieillemeuteaffaiblie, quiseterredésormaisaumoindrecoupdefeuetsenourritdecharognesd’animaux, chacals, sangliersou, àl’occasion, dequelquesanimauxdomestiquessurprisdansleslisières, tandisqued’autresKlébardserrants, avidesd’espacesetdeproiessortaientdesforêtsauxauroresouauxcrépuscules, lardaientdespopulationsvillageoises, semaientlamortabsurdedanslesvilles, seruaientsurdesrégimentsdemilitairesréfugiésdansleurcaserneet, repus, rassemblaientleurshordesengluéesdemagmasdechairhumaine, etseléchaientlesflancs. Lesgardiensdesforêtsécoutaientavecfiertélesexploitsdeleurprogénitureadolescente. « Nousavonsfaitcommeaujourdujugementdernier, traîné, poussélesinfidèlesdecemonded’ici-bas, detropdebassessespourIblis, versnosbrasiersduchâtimentrédempteur. Touslescheminsempruntésdenuitcommedejourmenaientauxgreniersdel’impiété. Nouslesavonsbrisés, jetélesblésimpursdansl’abîmedenosdéfections. L’humanité, vousnousl’aviezditetredit, s’estnoyéedansl’irréparableimpuretédesâmes. Elleestirrécupérable. Aucunerédemptionn’estpossible ! Nousavonsdésormaislemondeàportéedenoscrocs ! »LesKleberrantsexultaient. Laforêttoutentièrerésonnaitdeleursrugissementspurificateurs.

∗∗∗

22heures30

— Allô ?

— Oui ?

— C’estlecorrespondantdelavilledeS…

— Ah, bonsoircommentvas-tu ? Qu’ya-t-ildenouveau ?

— Tuasbouclé ?

— Presque !

— Unmassacreterroriste, lanuitd’hier, aendeuillélalocalitédeM. Jedonnel’info ?

— Attendsunmoment, resteenligne, necoupepas !

LeservicePAOs’apprêteàbouclerlejournal. J’appelleHam, sonresponsable, etlemetsaucourantdel’infodedernièreminute.

— Jepeuxattendreencoreunedemi-heure, pasplus.

— Allô ? Okc’estbon. Tuasconfirmé ? 

— Oui, biensûr !

— Jepensequ’unedépêchevatomber. C’estunehécatombe, jetedis ! 40personnesontététuéesdont12femmeset10écoliers.

— Putaindemerde !

Jefaisappelerl’appariteurdeserviceetluipassecommanded’unebriquedevinServiola. JeretiensladocumentalisteetluidemandedemesortirlesarticlessurlestueriescommisesdurantlesdeuxderniersmoisdanslarégiondeS. Zineestunenouvellerecruedujournal. SonexpériencededocumentalistedansuneentreprisenationaleetsoncôtéMadameBovaryontfacilitésarapideintégrationdansl’équiperédactionnelledubouclage. Aforcedeclasserdesnouvellesdel’horreur, elleafiniparmémoriserlecalendrierdeshorreurs ; elleestcapable, quandl’urgencedubouclagel’exige, defournirdemémoire, duseuildesonréduit, touteslesinfosconcernantunattentatcommislemoisprécédentenprécisantl’heure, lelieuetlebilandesvictimes.

Ellemaugrée, maissemettoutdesuiteàlatâche. Ellearéservétoutunrayonnageauxinfosqualifiéesde « sécuritaires ». Chaquematin, avecsonplidejournauxfrancophonesetarabophones, presseétatiqueetindépendante, elledécoupeenseservantd’undouble-décimètrelesarticlesclassésdansdeschemisesportanttouteslesréférencesutilespourd’éventuelsrappels.

23heures

J’attendslefaxdel’horreur. Lepapiertombe, froissé. Unebrève. Quelquespauvreslignespourunehécatombe ! Jerappellelecorrespondantenremplissantungobeletjetabled’unflotdeceServiola, d’unrougeclair. Ilnerépondpas. Quelquesminutesplustard, alorsquejem’apprêteàgonflerl’informationenajoutantquelquesrappelsauxfaits, letéléphonesonne.

— Allô !

— Oui ?

— C’estlecorrespondantdeCh. Jeviensd’apprendrelanouvelled’unmassacreàM, dansunerégionlimitropheàlaCh. Jedonnel’info ?

— Ilsefaittard. Dicte-la-moi. Attends, jeprendsunstylo. Vas-yc’estbon.

JesiffleungorgeondeServiolaetprendsl’infosousladictéeendemandantdesprécisionsgéographiquessurlelieudel’attentat.

Danspareillesituation, Hamgardeuncalmeolympien ; ilsepermetmêmequelquesplaisanteriesencesinstantscritiquesdubouclage. Ilévite, commed’habitude, dememettrelapression. Illibèretoutdemêmetouslesagentsdesaisie. Lesecrétairegénéralderédaction, unprofesseurdefrançaisàlaretraite, auteurd’unabécédairesurlapratiquedujournalismeques’arrachaientlesdébutantsdanscemétier, restesilencieux, sifflotedetempsàautre, attendant, irrité, unbouclagequin’enfinitpas.

— Tuasterminé ?

— Presque.

— Jemetscepapierdedernièreminuteenpage6etj’enlèveunedépêche.

— Non, onleplaceenbâtideUne. OnchangedeUneetd’édito.

— Tuesfou, àcetteheure ? Quandest-cequelejournaliraàl’imprimerie ?

— Onvafairevite.

— Pourlepapier, pasplusde2500signes. Etpuis, pourl’édito, jepensequ’ilvautmieuxlaisserl’initial. Sinon, celaferaredondantavectes « Une » alarmistesetsanguinolentes…

Jen’aipasletempsdepolémiquer. Leclavierdel’ordinateurfaitencoredessiennes. Ilfautl’avouer, jetapecommesurunclavierdemachineàécrire. Delacendredecigarettess’estaccumuléeentrelestouchesquibloquaient. CesPC, c’estdutoc.

— Voilà, jeviensdetel’envoyersurleserveur. Ham ! C’estbon.

23heures30

Messarrivepouremporterlesmorassesàl’imprimerie. Jesouffleunpeu. Chaquesoir, infailliblement, lescorrespondantsdesdifférentesrégionsdupaysm’annoncentencatastrophedesnouvellescinglantesetsanglantes : fauxbarragesmeurtriers, massacres, attentatsàlabombe « artisanale » souventactionnéeàdistanceaupassaged’unconvoimilitaire, d’untraindetransportdevoyageurs, villagesdécimés… Ilfautprendrenote, réécrirelespapiersfaxésoudictésautéléphoneet, surtout, apprendreàaccuserlescoups, àsupporterceshorreurs, àbaignerdanslesangdesinnocentesvictimessansvisage, sansnom, rienqu’unbilanchiffré, lesmotsdelabarbarie, unemacabrerhétoriquedel’urgenceàlaquellejesuisdevenuindifférenttantellem’estfamilière.

Lebureauestjonchédefeuilleséparses. Jeremplis, danslasolitudedel’aprèsbouclage, unautregobeletdecettevinassedeServiolaetj’ouvrelecarnetdes « Rendez-vousmaternels »

1.

« Nousnesavionsplussinousétionsfœtusoucadavres, s’ilnousfallaitlangesoucatafalques, sinousétionsàéleverouàensevelir. Lesensàjamaiscongédié, lesenssuspenducommeuncrisansbouchepourleproférer »

TaharDjaout, inL’inventiondudésert

L’enfants’étaitperduenvoulantrattraperdanssacourseunrayondesoleildansleschampsescarpés. Soudain, unefemmeemmitoufléed’unfichunoirl’agrippaparlataille, lemitsursondosetfonçaàtraverslessentiers, enemportantl’enfantraviauxsiensencejourd’été, saisonquin’estpourtantpascelledeTawkilt, l’ogresse, quiaimelesbourrasques, lesouedsenfurieetlesbébésendormisetquin’auraitfaitqu’unebouchéedececorpschétif. Onracontequ’unsoird’hiver, onavaitentenducrier, danslalangueque, paraît-il, tonpèreparlaitquandilétaitencoreaffublédesesgalonsdesergent-chefdel’arméefrançaise, dessoldatsquiavaientencerclélevillage. Enlongeantlecimetière, enfileindienne, ilsavaientfaittremblerlesdépouillesdesancêtres. LaMégèresortiedesatomben’enfitqu’unebouchée. Auxaurores, l’ogresserepue, lesmaquisardsvinrentrécupérerlesarmespuiss’enfuirentensefaufilantentrelessépultures.

« Tais-toi, jesuistagrand-mèreetjeteramènecheztoi. ». Lesoir, l’enfantfutl’objetdetouteslesattentionsdecettenouvelleaïeuleetd’unetantequilegavèrentd’œufsdursetdetranchesdepainfrançais. Cemêmesoir, lesdeuxfemmesdépêchèrentungroupedemaquisardsauprèsdesamère « Tonenfant, queDieutelegarde, cefilsdechahidestdanssafamillepaternelle, dansunebellemaisonoùilnemanquederien. IlirachezsonBienfaiteurdanslacapitalepourétudiercarilneméritepaslesortdebergerquetuluiréserves… »

Lesratissagesdel’arméefrançaiseempêchaienttoutdéplacement. Pourtantlesdeuxvillagesn’étaientqu’àunkilomètreàvold’oiseauentrelenordetlesud. Lamère, affolée, sollicital’aidedesvillageoisquilarabrouèrent : « Femmeinconsciente, remercieDieuquetonfilsquittecetenfer. Dequoiteplains-tu ? Tusaisbienquetonfilsestunétrangercheznous, danssonvillagematernel. Tonépoux, queDieubénissetouslesmartyrs, t’arépudiéedesonvivant, aucœurdesmaquis. Alors ? C’estàsafamillepaternellededéciderdesonavenir. BénisDieud’avoirencoreletoitpaternelavectasœur. »

« C’estlamaisondetonpère, ettupeuxfairecequiteplaît. Tuesl’hommedelamaison, maintenant. Monteaupremierétage, maisfaisattentionauxmarchesetaubalcon, net’ypenchepas ! Dansunesemaine, tuferasunlongvoyage. Tuirasdansunegrandevilleoùlesmursdistribuentdesbonbons, etlàtuirasàl’écoleetpluspersonneneteferadumal. Tumangerasàtafaimettuaurasdebeauxhabits. »

L’enfants’étaitégaréetlesoleilramassaitsesrayons. Ilregardaitalentour ; depuislamosquée, ildistinguait, verslesud, plusieursvillagesauxmaisonsserréescommeunefratriemenacéededispersion. Illuiétaitdésormaisimpossiblederetrouversamèredont, chaquesoir, ilperdaitunpeupluslesouvenirdesonvisage, desavoixetdesonodeur. Dessoldatssurgirentaudétourd’unsentieretcelalerassuracarc’étaientlesmêmesquiétaientvenus, avantqu’ilneseperdît, demanderàsamèredeschosesqu’ilnecomprenaitpas. Ilseplongeadanslesdélicesdesanouvellevie. Avecdescousinsqu’ils’étaitdécouvert, ils’aventuraitauxabordsdelacasernemilitaireoù, d’undépotoir, ilrapportaitdesboîtesdeconservesjetéesàpeineentamées. Ilraffolaitdecessardinesdégoulinantesd’huile. Aveclesboîtesmétalliques, ilfabriquaitdescharsqu’iltiraitavecdufildefer. Danslavastepropriété, ilgavaitlespoussinsdesauterellesattrapéesdansleursautillement.

Legrandjourdudépartauquelilnepensaitplusvint. Oùirait-il ? Arrivéauchef-lieud’Imaqar, ildécouvritl’autocar. Sagrand-mèreparlalonguementavecungrandmonsieurhabilléd’uncostumenoirdontlavesteavaitperdusesboutons. Elleluiembrassaitledosdelamaincommepourlesupplierd’accepterlamissionimportantequ’elleluiconfiait. « Netefaispasdesouci. Jemechargedelui, commesic’étaitmonfils. Tiens, installe-lesurcesiège, justederrièremoi. Tuesrassurée ? Allons, bon, c’estl’heuredudépart ». Elleremitàl’enfantunepetitevalisegriseetl’embrassasurlefront. Ellerepritsaconversationaveclegrandmonsieurassis, lesmainsposéessurunénormevolant. « Quetaroutesoitbénie », dit-elleenquittantl’autocar. L’enfantsentitsagorgeseserrer. Uneétrangebêtes’éveillaenluiaumomentoùl’autocardémarradansunfracasdeferraille. Elleletiraitparlespiedsetlesmains, compressaitsapoitrineetlepétrifiaitsursonsiège. Sesyeuxseremplissaientdelarmes… Lechauffeurseretournaversluidansuneffroyablecrissementdeboîtedevitesses : « N’aiepaspeur, monfils, tuesentredebonnesmains. Lesenfantsdetonâgenepleurentpas ! » L’enfantneregardapasl’hommenin’entenditsesparoles. Labête, lasolitude, étaittapieenlui. Despaysagesplats, desfermes, desconvoismilitairescroisés. L’autocarmarquaunehaltedansunevillebruyante, maisilnequittapassabanquette. Lechauffeurluiapportaungrandverredelaitcaillé, uncroûtondepainetdeuxœufsdurs. Illuiindiquaunebouteilleenplastiqueremplied’eaususpendueaudossierdusiègeduchauffeur. Lesvoyageursdescendirentetsepressèrentautourdesmarchands, agglutinéslelongdel’autocar. Personneneprêtaattentionàlui. Ilregardait, lefrontcontrelavitre, desenfantstenantlamaindeleurpère, s’arrêtantdevantdebeauxmagasins, riantousautillantd’aiseetdeplaisir. Ilsportaientdesculottescourtesetétaientsoigneusementpeignés. L’autocarrepritsarouteaprèsquelechauffeurs’assuraquetouslesvoyageursavaientreprisleurplace. Lesenfantsdisparurentetlavillenefutplusqu’unamasdemaisonsquis’estompèrentpourlaisserplaceauxvastesorangeraiesprotégéesdelaroutepardeshaiesdifformesderangéesderoseaux. Lesvoyageurss’étaientassoupisetlesilenceaccentualebruitassourdissantdumoteurquiahanaitencôte. Lesoleildéclinaitàl’horizonquandl’enfantsentituneétrangeodeurportéeparlabrisequiluidonnadesfrissons. « Regarde, àtadroite, tuvois, c’estlamer ! ». L’enfantsuivitladirectiondel’indexpointéduchauffeur. Uneétenduedelainebleueportaitd’étrangesmaisonsquidansaientauloin. Ildétournaleregardetserecroquevillasursabanquette. Uneenviepressanted’urinerleprit. Ilserralesjambesetappuyadessuslapetitevalise. L’autocarlongeaunegranderue, peinaàsuivreunelonguefiledevoitures, cahotaaupassaged’untramwayets’arrêtaàproximitéd’unénormehangar.

« Terminus ! Toi, nebougepas. Nousattendronsici » J’attendisdonc. Quoi ?

Lavilleétaitéclairée. Deslampes, partout… surlesténèbresdesasolitude. Dansuntohu-bohu, desvoyageursattendaientquelechauffeur, montésurletoitdel’autocardescendîtleursbaluchons. Lessiègess’étaientvidés. L’enfantsuivaitduregardlesdéplacementsduchauffeur, lesmainsserréessursapetitevalise. Illevits’éloigner, alleràlarencontred’unesilhouettequis’approchaitàgrandspasdulieudestationnement. « Ah ! n’aiecrainte, lepetitestarrivéàbonport. » L’hommeentra, pritlavalise, caressalajouefroidedel’enfantquiesquissaunmouvementderecul. Ilseleva, lesjambesengourdies. Ilavaitpeuretlabêtes’affolaenlui. Ilurinadanssonpantalon. SonBienfaiteurlepritparlamain, puisilstraversèrentungrandjardinauboutduquelilsattendirentunbus. Unmonsieurquidistribuaitdesticketschuchotaàl’oreilleduBienfaiteurquiscrutad’unairsévèrelepantalondel’enfant. Ilspénétrèrentdansunerangéed’immeubles, longèrentuncouloiretentrèrentdansunemaison. Unefemmelesaccueillitdansuntintamarredevaisselle. « Change-le, ilaprisfroid ».

Lelendemaindetonarrivée, tuétaisl’objetdelacuriositédesvoisinsdepalieretdesétagesdel’immeuble. « Meskine, c’estunfilsdechahid. Etsamère ? Unemèreindigne, auveuvagedouteux. Uneogressequimangesesenfants. Unebergèrequicourtlesravins. Croyez-vousqu’unemèredignedecenompuissesurvivreàcetteséparation ? ÔMonDieu ! qu’ilnousenpréserve ! » Tuétaisunecalamitévivante. Lesmèresinterdisaientàleursenfantsdetonâgedejoueravectoi « aveccegaminvenuonnesaitd’où, néonnesaitcomment, lerejetonrescapéd’uneveuveauxdentsdescie, auxonglesracornis, sale, ébouriffée, auxmotsorduriers. Unevillageoiseinculte. Ellenepeutengendrerquedelamauvaisegraine ». Etlesbonnesmèresdefamille, lematin, penchéesdeleurbalcon, tescrutaient, secouaientleurlingedelanuitsurtatête. TuétaisleSolitaire, sobriquetreprisplustardaucabaretLeKoutoubia, aujourd’huifermécarparaît-il, affrontàlamémoiredeDidoucheMouradquinepouvaittolérercelieudedébauchequienflammelesnuitsdesarue – tut’attablais, etZohralaserveuse, entraîneuseàl’occasion, toujourslamême, petiteetgrassouillette, habilléedenoir, tehélait « hé, leSolitaire ! L’orchestreajouétachansonyemayemadeAllaouaZerrouki. Çaméritequandmêmeungeste, non ? » Piètrerepriseparunjeuneserveurqui, nostalgiquedesaSoummamnatale, s’étaitimproviséchanteurletempsd’unesoirée, pendantl’entracted’unsemblantdeballet.

« Change-le, ilaprisfroid ! » Tueusdéfinitivementfroidendépitdetouslesvêtementschaudsquetuaseuàporterdanstavie. « Comment, tuespartiauBoisdeBoulogneaveccefilsdeveuve ? Tuasosé ? Nesais-tupasquec’estunsauvage ? Attendsquetonpèrel’apprenne ! » Lesoir, aupremierétage, desraclées, descoupsdemartinet – lemartinet, suspenduàunclouderrièrelaported’entrée, avaitunmanchedeboisrougeetdeslanièresdecuirnoires – Répète « jen’iraisplusaveccefilsdeveuve, répète, jen’iraisplusaveccefilsdechienne, jen’iraisplusavec… ». D’autrescoupsdemartinet, répète… Tunedormaispas. Tusuppliaislecardeteramenerlàoùilt’avaitpris. Delà, tusavaisqueturetrouveraislechemindeshautesherbes, tesânes, tarivière, tespaysannesauxsandalesdecaoutchouc, tessentierspierreuxettuoublieraistoutdecela, detousces « cela » desétagesencimentfroid. Maispourquoifairemaintenantquel’enfancequis’estnourriedeleurabsencen’estplusqu’uneillusiond’optique ? Tuescondamnéàrechercherleslieuxdetonenfanceerratiquedevillageenvillage, devilleenville, debarenbar, d’unseinàunautre, d’unmassacreàunautre, colonial, terroriste, intime, sanssépulture.

Quetouteslesplaiessereferment, quetouteslesportess’ouvrent, quetunesauraispanserlavraieblessurenifrapperàlabonnedemeure. Tuesunorphelindeguerre, d’uneautreguerre. Uneguerred’enfanceetuneautredevieillesse. Cellesd’unarrachement. Ilsemblequetamèrepleuratoutesleslarmesdesoncorpsetqu’elleperditlepeuquiluirestaitdesourires ; ellecherchaittouteslesruellesetsentiersduvillagequiauraientpul’emmenerverssonenfantvolé. « Elleaattrapélemauvaissang », disaientd’ellelesvoisines. « IlvitprèsduRavindelafemmesauvage, oui, danslacapitaledesmartyrs ! Tuyastapart, nelesais-tupas ? LeslibérateursontjurésurleCoranquetouteslesveuvesdechahidhabiteraientleschâteauxdelacapitale, làmêmeoùsevautraientlesépousesdescolonelsdel’arméefrançaise ! Pauvredetoi, filsdeveuve, filsdechahid, filsdesguerres, filsde… Commenttequalifier ? Pauvredenous ! Qu’attends-tupouryaller ? Ilyadesdéfilés, desdrapeaux, desserments, dessermons, delargesavenuesquilongentlamer, desrichessesàpertedevue ; lavraieindépendance, c’estlà-bas, pasdanscesmontagneschauves ; oui, ilsl’ontdit : tuaccrocherasàtaceinturedelainelesclésdebellesvillasdescolonschassésgrâceauxhommesdelatrempedetonmartyrd’époux ; tuaurasdesmédecinspourguérirtesrhumatismes, ettun’aurasplusbesoindesamulettesquipendentàtoncouousontnouéesàtaceinture ; àlaKaâbadel’indépendance, tun’aurasplusàcraindreleshiversettumangerasàtafaim. Etlà-bas, tuchercherastonfils. Tondemi-frèreestunancien, undurdesdursduquartierdesTroisHorloges, vas-y, qu’attends-tu ? Cen’estpourtantpasledjebelOuaqOuaq. Tuaurastapartduparadissurterre, touteslesbelleschosesquelesFrançaisontbâties, tulesaurasàtespieds. Del’eauàsatiétédanslesrobinets, del’électricité, desjardinsexotiques, degrandsboulevardsrebaptisésauxnomsdesmartyrsdelaRévolution, degrandsmagasinsdonttunepeuximaginerlavariétédesproduitsqu’ilsproposent ; ettudécouvriraslamertouteproche. Situveuxtapartdeparadis, c’estlemomentpropicepourentreprendrelevoyage. Touslesmaquisardsdelarégions’organisentenconvoispouryallerdéfiler.

Ilsontenroulédesdrapeaux, misdebeauxuniformesetsesontrasésdeprès. Ilssesontparfuméscommedesfemmesinvitéesàunmariage, commejamaisilsnel’avaientfaitaumaquis. Ilssontjeunes, ilssontbeaux ! Ledéfilédel’ArméedeLibérationNationaleaucœurdelasplendeurcoloniale ! des « hadtnin, djabouhalmoudjahidine » (une, deux, lesmoudjahidinel’onteue). Ilsvonthonorerleschouhadaet, paraît-il, ilyauraaussiundéfiléspécialdesfilsdemartyrs, habillésdespiedsàlatêtepourlacirconstanceauxcouleurséclatantesdel’Indépendance. Tonfilsseraparmieux, c’estsûr. VaetqueDieutevienneenaide. Tun’auraspasàtesoucierdecequetulaissesderrièretoi, unemasurequimenaceruine, desboutsdechampsàflancderavins, descrapaudsquinousempoisonnentl’existence, desânesquibraientdanslesdemeuresdeshommesetvoilàtout. Qu’est-cequetuaurasperdu, dis-moi ? Écrisàtondemi-frèredesTroisHorloges. Tudemanderasauchauffeurducar, celuiquiaemmenétonfils, detedéposeràlaPlacedesChevaux, unnomqueturetiendrascertainementetlà, comments’appelle-t-ilaufait, ahoui, Tahar, viendrat’attendre. Ilremueracieletterrepourretrouvertonfilsetdéfoncerbiendesportespourtelogerdansunesomptueusedemeurecoloniale. LesanciensdesTroisHorlogessontdesdursàcuire. Ilsnebadinentpasaveclenif. SiDieuveut, tureviendrasunjournousrendrevisiteavectonfilsàbordd’unevoitureneuve. Tuneseraspluslaveuvedechahid, laveuvede…, montréedudoigt ! Va, jetedis, profitedecespremiersjoursdefête, deliesse, demarcheshéroïques, detransespourl’Indépendance. Secoue-toi. Dequoi, dequias-tuhonte ? Tun’asrienàperdre, avectouslesragotsquisecolportentsurtoi, avectouteslesmisèresquetuasenduréestoutescesannéesdeguerre, tunevasquandmêmepasavoirdesscrupulesdejeuneveuvesansappui, d’uneorphelinequinecessedemaudiresonsortingrat. Faishonneuràtonmartyrd’époux ! Oui, c’estbienvrai, lesveuvesdesmartyrsnesontpaspartiesscander « had, tnin, djabouhalmoudjahidine ». Ellessontrestéesdanslesvillages, cachées, pariasdel’Indépendance. CellesquilouaientlavaillancedesguerriersdeSidnaAlidanslabatailledeBadr, leurportaientdesgrappesdedattesaucœurdesDjihad, pansaientleursblessures, lavaientleurlinge, chantaientleurbravoure, excitaientleurlibidosouslesballesdel’ennemi, disputaientleursdépouillesauxchacalsaffamés, ehbien, ellessontmaintenantcloîtrées, interditesdelagrandefête. Onditque, pourdepauvresveuves, ellessonttropjeunesetbellespourentreprendreunvoyagerisqué. Ellesdescendentengroupes, chausséesd’espadrilles, unefoispartrimestreauchef-lieud’Imaqarpourpercevoirleurmaigrepension. Ellessontrestéesdanslestaudis, esseulées, danslademeuredeleurpère. Leursbelles-familleslesont « répudiées » etellesonttoutesétédéshéritéesdesbiensdeleurdéfuntépoux, tombéauChampd’honneur.

Lessurvivantsdesmaquisontpromisquejusticeleurseraitrendue. Mais, depuisqu’ilsontgoûtéauxdélicesdel’Istiqlaletqueleurhéroïsmeaprisduventre, ilssesontoctroyécequ’ilsleuravaientfaitmiroiter : deslicencesdetaxi, despermisdeconstruire, desmagasinsdanslacapitale. N’attendsriendesancienscompagnonsdetonépoux, c’estdésormaisdel’Histoire. Ilrestelavie. Ilterestelavie. Tonfilst’yattendsûrement, neveux-tupasleretrouver ? Personneneleferaàtaplace. Tuessamère ! Mêmes’ilterepousse, accroche-toi, iltereviendratôtoutard. RacontetonmalheuràTahar, legardiendesTroisHorloges, danssesmoindresdétails. Tuverras, ilretrouveratonfilsenuntourdemain. LeRavindelaFemmesauvage, pourlui, c’estaussipetitqueImaqarpourtoi ! »

Cettevoixintérieurelaharcelait, surtoutlanuit, t’avait-elleditplustard, quandlevillage, ettouslesautresalentour, repusdesfestinscélébrantlespremièresheuresdelaLibération, retrouvaientleurangoisseexistentielle. « Commentaurais-jeeulaforced’allerdanscettevilleétrangère, peupléededjinns, oùlesroutess’entortillentcommedesserpents. Unemersansfondquiengloutit, desmaisonsquidonnentlevertige ; jenesentiraisplusmespiedssurlaterreferme. LesaintSidiElHadjAmarneveutpasm’accompagnerdesesbénédictions ; ilm’aditdansmonsonge, memenaçantdesacanne, quec’estunevilledekouffar, celledetouslespéchés, oùlesfemmesontjetéleurvoile, fréquententlescafés, lesbars, sepavanentsurlesboulevards, seruentaujourd’hui, sansquémanderlepardondeDieu, verslesjardinsd’impiété. Uneveuvedemartyrdanslagrandeville, auRavinschisteuxdelaFemmesauvage, auxTroisHorloges ? Tusaliraslamémoiredetonépoux. Lesmartyrs, dansleurderniersouffle, ontinvoquélessaintsdelacontrée, deleurChampd’honneur. Ah, esclavedeDieu, es-tupriseparlesdémonsdetajeunesseaulieudeprendreledeuil ? Ah, oui, tonfils, n’aiecrainte, c’estunhomme, non ? Ilaurahontedetoi, detaprésence. Tun’esjamaisalléeloind’Imaqar. Laissecettevilledesmiroirstrompeursvenirverstoi. Lapatienceestl’amiedeDieu. SidiElHadjAmarbranditsacanneetasséchamestorrentsdelarmes. Maislefleuvequiteséparaitdemoigrossitdetousleshiversdetonabsence. J’aiimploréSidiElHadjAmar, SidiM’handAmazit, SidiAliOuthaïrauxvertescoupoles. Ilssonttousvenusversmoidansmonsonge, sesontassis, làoùnoussommes, danslepatio, commeaujourd’hui, encettesaisonoùleschatssomnolentsurlestoits. Ilsm’ontdemandéderemplird’eaucettepetitejarrequetutiens. Àtourderôle, ilsontaspergélepatio, lachambreetlacouretteenprononçantdesincantations. « Femme, nousnesommesqueSesintercesseurssurterre. Tonfilstereviendra. Quandilouvriralesyeuxsurlemonde, ils’apercevraquelamère, unique, estirremplaçable. Combiend’émigrésduvillagesontrevenusdeleurlointainexilàl’appeldeleursmères ! Ellessontvenueslesappelerdelafenêtredenossanctuairesetleurvoixatraversélesocéans. Demain, nousporteronstavoixlàoùesttonfils. Ilt’entendra ! »

Maisàquoitesert-ilderemuerlecouteaudanscetteplaievive ? Lesmaisonssontdésertées, danslespatios, l’été, lesvieuxracontaientd’autresguerresau-delàdesocéans. Cetété-là, leurstêtesavaientroulédanslapoussière. Delapoussière, pascelledesventsdusud. Celled’unearméedeminotaures, deBaâouch, deKleberrants, deLaqboudh, deBijoh, del’hydreàsepttêtesquiataritouslespuitsdupays, d’eauetdepétrole, rapportentlesdépêchesd’agence. Ilssontarmésdefusilsàcanonscié, decouteaux, descies, bardésdetoutcelapourtuerdesenfants. Nepouvaient-ilspaslestueràmainsnues ? Desvillagesdémembrésdesiècleensiècle, demémoireenmémoire, aucunrépit, aucunehalte ; lesenfumades, lesratonnades, lesdébandades, saisonsviolées, desprintempsnoirs, desdécenniesnoires. Paysnoirci.

Onfrappaàlaporte, eninsistantmaistun’ouvrispas. Tuétaisrestédanstaposture, allongésuruneméchantepaillasse, lescoupsreprirent ; tufixais, enretenanttarespiration, cetteportedemalheurquetupressentaisannonciatriced’undrame. Tuauraisdû, tedisais-tu, resterunpeupluslongtempsauBardesTropiquesquefréquentaientdescheminotsretraités, sirotantleurbouteilledevindeMascaradansdepetitsverresdecafetiers. Unefeuilleblanchearrachéed’uncahieràressortsetpliéeendeuxfutglisséesouslaporte. Tuattendislongtempsavantd’ylire « TamèreaétérappeléeàDieu », unephraseenarabe, uneseule, sanscommentaire. Tumisenmietteslemessageet, assuréquetesvisiteursn’étaientplusderrièrelaporte, tusortisetallasd’unpaspresteversLeBardesTropiques. Ilbruinaitsurcettebanlieueestdelacapitale, bruyanteaudébutetàlafindejournéemaisagréableàvivrelanuit. Tamèreétaitmorte.

« TamèreaétérappeléeàDieu ». Dieurappelleàluilesbons, lesjustes, cellesetceuxquionttropsouffertsurterrelessupplicesendurésparSidnaAyyoub. Dieuaentendusesplaintesetl’aguéridesesmisères « Frappelaterredetonpied : voiciuneeaufraîchepourtelaveretvoicidequoiboire. Etprendsdanstamainunfaisceaudebrindilles, etavec, frappecela. Etneviolepastonserment. Lapatienceestl’amiedeDieu ».Ayyoubretrouvasaprophétieantérieure, safamilleetsesbiensfurentfructifiés.TuretrouverastonfilsetcommeAyyoub, neperdpasfoienDieuauplusfortdetespeines. » IltefallaitregagnerImaqarpourlaveilléemortuaireetl’enterrement. Lesterresdupaysn’arrivaientplusàcontenirlestombes. Oncreusaitjouretnuit, àlahâte, destrous, rienquedestrous, tantetsibienquelesairesdescimetièresdébordaientsurlesterrainsvaguesdescitésdortoirs, ouvenaientlécherlebitumedesautoroutes. Ilenmouraitdetousâges, égorgés, dépecés, éventrés, brûlés, décapités, émasculés, pendus. Lesvivantsdevenaientdes « encore-vivants ». Tuétaistoi-mêmedevenuuncroque-mortdanslerewritingdecesinfosmacabres. Lespapiersdescorrespondantsdetonjournaltombaientdufaxàunrythmeeffrénésuivisd’appelspressantspourquelebilandesmassacressoitrevuàlahausse. Tonsoucialorsétaitd’ydénombrerlenombredenourrissonsétêtés, deleursmamanséventrées, desenfantssurprisdansleursommeilauroraloudanslanuitdeleurssongesdelaitaprèsunelonguetétée, repus, lajoueensanglantéesurletétonmaternel, inerte. Danslamaisonmortuaire, celleàétagedetatante, sœuraînéedeladéfunte, iln’yavaitquedesfemmesréuniesautourdunaâch. Lamaisonmaternelleavaitétéfermée, abandonnéeauxrats. « Tunepourraspasypasserlanuit. Crois-tuquec’estencorecelledetonadolescence ? Pauvredenous ! Desratssortentdetouslescoins. Ilsontrongélesfilsélectriques. J’yaitrouvédescharognesempuantiesprèsdel’âtreoùtamèreaimaitécouterlaradio, t’ensouviens-tu ? Voilàcequ’ilenreste ! Lenaâchétaitrecouvertd’untissudeveloursvert. Toutelamaisonnataleétaitdedans, inerteetfroide.

L’oraisonfunèbreétaitdite. Laveille, tuétaisparvenuàImaqaràbordd’un « taxi ». Leconducteurdéglingué, unvieilhommeébourifféetédenté, auxonglessales, n’avaitexigéquequatretournéesdebièresSambaencoursderoute, dansdesgaragesconstruitsenparpaingsnusenguisedebars, toutaussiclandestinsqueson « taxi ». Vousaviezsympathisé. Tuluiavaisditquetuallaisàladjanazamaternelle ; ilt’avaitregardésansdireunmot, ets’étaitarrêtéàhauteurd’unautregaragequiaffichait, surunmorceaudecontreplaquéclouéàuntroncd’arbre « StellaArtois ». Cettefois, cefutluiquipayal’addition. Iltetransportajusqu’àImaqardormantpresquesursonénormevolant. Ilconnaissait, t’avait-ilassuré, laroutesurleboutdespieds. Lesrendez-vousmaternelsétaient, immanquablement, desrencontresratées, àcommencerparcelledetonenfance.

TamèreétaitdésormaisdanslatribudesAïtLakhartqu’ellechérissaittantdesonvivant. ElletedisaitquesonpèreAli, tongrand-père, enfourchaitsajumentverteBouraq, montureailéedesprophètes. SidnaIbrahimElKhallilluiavaitmissaselleauxrubiséblouissantsetl’avaitenfourchéepourallerrendrevisiteàsonfilsàlaMecque ; tongrand-pèrematernelluimitsonmorsd’émeraudeetsurlecoursiermagiquetraversalesseptcieuxsouslaprotectiondeJibril, àtarecherche, allantdevillageenvillage, devilleenville, jusqu’auxconfinsdesdésertslesplusarides, deduneendune, detenteentente, pourterameneràlamaison ; elledisaitaussi : « Tonpèrevenaitauxaurores, duDjebelOuaqOuaq, vêtud’unburnoustisséparlesgardiennesduDjebelOuaqOuaqpourtevoirgrandir, et, titubantdetantdeblessuresdeguerres, desesguerresdeDienBienPhuàImaqar, techerchaitsansfin. Queluidiresansajouteràsessouffrances ? Jemetaisaisensaprésence. Avantqu’ilnerepartelàoùlessaintstutélairesrepoussentlesHabitantsduFeu, elleluiremplissaitlacapuchedefiguessèchesenluipromettantqu’iltereverraitàsaprochainevisitesilesSaintsétaientconsentants : Bénissez-nous, gensdesAïtLakhartquiveillezsurnous. Tôtoutard, nousseronsdesvôtresetfaitesquenotrevoyagesoitsansdouleuretsanscri. Protégez-nousdelahonte. » Elleétaitlà, allongée, reposée, inerte, danssonnaâch, écoutantsansdoutelespsalmodiesdesTolbas. Elleaimaitceschants. Uneannéeauparavant, danslesténèbresd’unpaysdémembré, elleavaitapprisunmotfrançaisassénéparsonmédecintraitant « l’angoisse » : « morted’angoisse ». Uneveuvedechahid, uneveuvedeguerre, nepeutquemourirdecettemaladiediffuse, dece « mauvaissang » quirongelecorpsetl’esprit, interditlajoie, l’appétitetl’embonpoint. Unepourriture, cemauvaissang ; oui, cetteangoissematernelle…

Laville, telleunemarâtre, t’accueillitfroidement. Lespremiersjoursdetonarrivée, sesmursmagiquestedistribuaientdesbâtonsderéglissesetlesmarchandsambulantsdetanouvellecitét’offraientdepetitscornetsremplisàrasborddecacahuètes. Assissurunechaiseenosier, faceàlamer, turestaisébahidevantlespectacledesbateauxàquai. Lecarquit’avaitamenéétaitsansdouterepartipourannonceràtagrand-mèrequele « colis » étaitarrivéàbonport. L’orphelin, cefilsdechahid, cefilsdeveuve, ce « pupilledelanation », suscitaitdelapitiédanslequartierquis’extasiaitpourceuxquit’avaientrecueillipourassurertonavenirent’inscrivantàl’école, toi, sauvédejustessedeschacalsetdescrapaudsd’Imaqar. Lesvoisines, mèresdefamillebienrangéescommeleursmeubles, s’apitoyaientsurtonsortetredoublaientdeprotectionpourleurprogéniture, devantlespectacledésolantdecetenfantrecueilliquetuétais, n’ayantdanstonlangageni « père », ni « mère ». Al’écoleoùtufusinscritsurletard, aucunpersonnagedeteslivresdelectureneteressemblait. Tulesdétestais, lesrepoussaislesoirquandc’étaitl’heuredefeindrededormir. Maistoninstitutricequitegavaitdebarresauchocolatpourtesprouessesencalculmentalt’offritunjourSansfamilled’HectorMalot. Rienn’yfit. Tun’avaispastatrouped’animauxsaltimbanques. Tuavaisditcelaàlamaîtressequitrouvalaremarqueeffrontée. Tongoûtpourlalecturenet’estpasvenudel’écolemaisdetasolitude, decettephrasequicognedanstatête « Change-le, ilaprisfroid ».

Danslabéancecauséeparl’absencematernelle, tucherchaisdesrefugesimprenables, desescapadesimaginaires : entrerdansunedesfourmilières, nombreuses, danslacourenterrebattuedelacité ; terecroquevillerdansunecaged’escalierdansl’attenteduretourducarquit’avaitvolé ; allertecacherdansunegrottesurlesversantsrocheuxduravindelaFemmeSauvage ; t’inventerdeshérosimbattables, desJamesBondet, danstonimpuissanceàt’anéantir, tudésiraistantneplusteleverlematinpouralleràl’école. « C’estunpauvreorphelindeguerre, avaitditlamaîtresseaudirecteurdel’écolequiépluchaitlesfichesderenseignementsdesélèvesinscrits. Ilaétérecueilli. Ah, laguerre ! Lesenfantsensontlespremièresvictimes. Donnez-luiunechanceenluifaisantsauteruneclasse. Ilestintelligentetilfaitdesprogrèssurprenantsenlecture. IlaluSansfamilleetn’enapasparutouchépourautant. Ilyabeaucoupdepassions, commentdire, despassionsréfrénéesenlui. Ilcommenceàécrirefortbien ; sesrédactionsrévèlentunimaginairevifetfécond. »

Tuavaisrelucetteappréciationunetrentained’annéesplustard, alorsquetuavaissoifdeslieuxdetonenfance, defugues. Decetenfant, tunecessesdet’émerveillerettulecherchesdanslesmoindresreplisdetamémoire. Tuétaisallérevoirlaplacetteettonécoleàsadroite. Surlesbancsdujardindévasté, tunetesouvienspassic’étaientlesmêmes, quelquespersonnesâgéeslisaientlejournalsouslescrisjoyeuxd’écoliersquicouraientderrièreunballondechiffonsettunesavaispas, quidesvieux, oudesbambins, teressemblaient. Leportailàdeuxbattantsenboisdel’école, tuétaissûrquec’étaittoujourslemême, s’ouvritetdesnuéesd’enfantssortirentenbraillant. Lesvieuxplièrentleurjournal. Alasortiedesclasses, prolongéescetété-là, cejourdejuillet, lebruitdeshélicoptèrescouvritlefracasdeviedesbambins. Ilslançaientdespaquetsdepetitsdrapeauxencartonentournoyantau-dessusdel’école, décrivaientdescercles, s’éloignaient, puisrevenaient, leshélicescommedestoupiesenfolie. Surlechemindetacité, unefoules’égosillait, dansaitetlesjoueursdecornemuseauxchéchiasrougeslafaisaientredoublerd’ardeur. Tutrouvaslacitéeneffervescenceetlacourpleinedecespetitsdrapeauxencarton. Desbalconscommuns, donttuaimaislafraîcheurducimentlisselesjoursd’été, lesfemmespoussaientdesyouyousstridents, agitaientleurfoulardetleurchevelure, aupassaged’unhélicoptère, selibéraitelleaussi, desjoursdomestiques. Tuesfilsdechahid, non ? Alors, chante, danseavecnous. Tueslepremierconcernéparcejourbéni.

Maistoi, tuavaisfaim. Iltefallaitteprocureruncroûtondepainettusavaisoùletrouver. Surlereborddelafenêtreduconciergepied-noirdelacité. Ilgavaitsesoiseauxetseschatons. Lafenêtreétaitouverte, maisiln’yavaitpasdecroûton, pasd’oiseaux, nidechatons. Tut’agrippasaureborddela