Cheikh El Hasnaoui - Rachid Mokhtari - E-Book

Cheikh El Hasnaoui E-Book

Rachid Mokhtari

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Beschreibung

Né le 23 juillet 1910 au hameau Taâzibt, dans la tribu des Ihasnawen, commune de Beni Zmenzer sur les piémonts sud de Tizi-Ouzou, cheikh El Hasnaoui – Khelouat Mohamed pour l’état civil, Si Moh N’Amar Ou Moh de son nom agnatique, Simon pour les intimes – s’est éteint à Saint-Pierre de la Réunion le 6 juillet 2002. Mythe de son vivant de la chanson algérienne, son répertoire bilingue (arabe et kabyle) entamé dès 1937 en France et sans cesse reconstruit jusqu’au début des années 1970, marque durablement le substrat émotionnel et verbal du Maghrébin. Nul mieux que lui n’a senti, compris et traduit avec autant de sensibilités vocale, mélodique et poétique, les tourments intimes des expatriés de sa génération. Les 44 chansons de son répertoire peignent, dans un univers mélodique voluptueux hérité du chaâbi de la Casbah d’Alger où il vécut dans les pas d’el Anka, un monde déchiré entre la voix de Tamurt et celle de Lghorba.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Rachid Mokhtari est journaliste, romancier, essayiste et homme de radio. Il s’est spécialisé dans la critique littéraire et artistique. Il a publié plusieurs essais consacrés aux œuvres majeures de la littérature et de la chanson algériennes.

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CHEIKH EL HASNAOUI

La voix de l’errance

Rachid MOKHTARI

CHEIKH EL HASNAOUI

La voix de l’errance

2e édition corrigée et augmentée

CHIHAB EDITIONS

Du même auteur

– MatoubLounés, LeMatin, 1999.

– Lachansondel’exil :Lesvoixnatales (1939-1969), Casbah éditions, Alger, 2001.

– La graphie de l’horreur (2e édition 2018), Chihab éditions, Alger, 2003.

– Elégie du froid, Chihab éditions,Alger,2004.

– Slimane Azem, Allaoua Zerrouki chantent Si Mohand U Mhand, APIC éditions, Alger, 2005.

– Le nouveau souffle du roman algérien, Chihab éditions, Alger,2006.

– Les disques d'or du chef d'orchestre : Amraoui Missoum (1927-1967), Hibr éditions, Alger, 2007.

– Imaqar, Chihab éditions, Alger, 2008.

– L’amante, Chihab éditions, Alger, 2009.

– Tahar Djaout, un écrivain pérenne, Chihab éditions, Alger, 2010.

– Mauvais sang, Chihab éditions, Alger, 2012.

– Yamina Mechakra, entretiens et lectures, Chihab éditions, Alger, 2015.

– Moi, scribe, Chihab éditions, Alger, 2016.

© Éditions Chihab, 2018.

ISBN : 978-9947-39 -245-4

Dépôt légal : juillet 2018.

Introduction

Cheikh El Hasnaoui – Khelouat Mohamed pour l’état civil – est la voix mythique de la chanson de l’exil ; un exil partagé entre les données historiques de l’émigration algérienne en France, alors métropole coloniale et l’aventure individuelle d’un amour passionnel qui, interdit au pays, a pris pour viatique ses blessures dans la solitude d’outre-mer. Son exil a servi l’Algérie en exprimant, dans le contexte des plus grands bouleversements socio-économiques du XXe siècle, la sensibilité algérienne dans ce qu’elle a de vrai et de tragique. Les 44 chansons enregistrées qui composent son répertoire bilingue (kabyle et arabe parlé) ont marqué le substrat émotionnel maghrébin. Nul mieux que lui n’a senti, compris et traduit avec autant de sensibilités vocale, mélodique et textuelle, les tourments psychoaffectifs de l’émigré de la première génération des partants.

Depuis son départ en France vers 19371, il ne revit plus cette Tamurt qu’il a quittée dans la déroute collective et dont il fit l’espace natal de ses mélodies. Maison blanche,Rebbi el maâboud,Bou Tabani, Ya noudjoum ellil, Bnat essohba resteront à jamais dans le fonds commun de notre culture artistique. Hormis quelques fêtes familiales qu’il a animées avec cheikh M’hamed El Anka à La Casbah d’Alger qui fut son école artistique, cheikh El Hasnaoui ne s’est jamais produit en Algérie. C’est, pourtant, l’un des artistes dont la fréquence de diffusion sur les ondes de la radio algérienne, principalement la chaîne II, est la plus constante et ses chansons ne cessent d’être « repiquées » en cassette audio, souvent de mauvaise qualité, par une multitude de maisons d’enregistrement. Son disque 78T, une compilation de ses chansons enregistrées durant la première décennie de sa carrière (1942-1952) édité et commercialisé en Algérie par la maison d’édition A.A.A. (Artistes Arabes Associés)2 du regretté Ahmed Hachelaf, ex-responsable du département de la chanson maghrébo-arabe de la maison de disques Pathé Marconi, eut un vif succès.

Son répertoire, fondateur de la chanson de l’exil, est bilingue kabyle-arabe dialectal ; ces deux langues sont fortement marquées par le lexique religieux propre à la culture traditionnelle et à l’enseignement dispensé par les Timaâmrin (écoles coraniques) qui furent, tout au long de la première moitié du XXe siècle, le terreau d’une culture algérienne de repli face au modèle colonial. Entièrement inspirée de l’une des plus grandes tragédies de ce siècle, l’expatriement des Algériens sous la colonisation, son œuvre demeure, aujourd’hui, un document sonore de première importance pour une ébauche d’étude sur la sensibilité algérienne mise à vif par Lghorba qui a marqué, ainsi que le souligne Mohammed Dib3 « le substrat mental et donc verbal de l’Algérien parlant arabe et berbère ».

Après avoir fait école à La Casbah d’Alger auprès du père initiateur de la musique chaâbi, cheikh Mustapha Nador, il enrichit ce genre resté répétitif dans une interprétation imitative, de rythmes sud-américains alors en vogue en France : le tango, la rumba, le cha-cha-cha, la samba, etc. Cet apport fait que sa musique reste ouverte à tous les genres musicaux et de jeunes artistes l’adaptent à leur guise. Le regretté Kamel Messaoudi a trouvé en cheikh El Hasnaoui la fibre sentimentale de Ya chemaâ  en reprenant Ya noudjoum ellil et bien d’autres chansons. Madjid Aït Rahmane dit El Hasnaoui Amectuh a été propulsé sur la scène artistique kabyle par ses reprises systématiques du répertoire de son idole en l’imitant à la perfection.

Ses compositions, sur le plan technique, possèdent une cohérence générale rare par ailleurs. En effet, il est novateur dans l’expression du sentiment d’exil4 par le fait que la majeure partie de ses chansons kabyles ont été conçues sous la forme d’appels réponses entre une instance vocale féminine (celle des femmes esseulées au pays) dont le lieu d’émission est Tamurt et une instance vocale masculine (celle de l’émigré, de l’homme vaquant) dont le lieu d’émission/réception est Lghorba. Cet ensemble de chansons forme un dialogue inter chansons entre ce couple vocal. Les autres chansons en arabe et en kabyle traduisent une déploration de la condition de l’exilé, construisent une déontologie de l’émigré à partir de la figure négative de l’Amjah.

Entre le temps mythique de l’amour passionnel (qui relève de l’individu) et le temps historique (qui engage la communauté), ses chansons sont courtes et variées dans l’agencement des moments mélodiques – le prélude, le refrain et le couplet apparaissent comme un va-et-vient symbolique entre Tamurt et Lghorba, deux espaces dichotomiques desquels la voix erratique de cheikh El Hasnaoui a puisé le sublime et le tragique.

Khelouat Mohamed, de son nom agnatique Si Moh N’Amar U Muh s’est donné le pseudonyme artistique de cheikh El Hasnaoui à Paris, vers le début des années 1940. À un compatriote de son village qui l’avait hélé comme au village « Wa Si Moh ! », il répondit : « Désormais, je ne m’appelle plus Si Moh, mais cheikh El Hasnaoui ». Deux éléments composent ce nom artistique : cheikh, dans le contexte de la musique chaâbi, signifie le maître, qui a l’art du métier mul essanâa et El Hasnaoui, nomination géographique puisque son village natal, Taâzibt, hameau de Tadart Tamuqrant, fait partie du « arch »5 des Ihasnawen. Il s’énonce, comme tel, dans quelques chansons des débuts de sa carrière, à l’instar de cheikh M’hamed El Anka qui se cite dans de nombreuses chansons : qal El Hasnaoui (El Hasnaoui a dit), El Hasnaoui yetlahin (El Hasnaoui chante), El Hasnaouifehm it (El Hasnaoui, comprends-le).

Il est difficile de reconstituer l’itinéraire de cet artiste entre le 23 juillet 1910, date de sa naissance à l’année 1937, année de son départ en France. De cette période, deux témoignages en reconstituent quelques jalons : le premier est celui de sa demi-sœur, Fadhma, que nous avons rencontrée en 1993, au village natal de l’artiste où elle s’est mariée ; le second, celui d’un ami d’enfance du cheikh, Si Saïd Ou Lhadi, un ancien coiffeur à Bir Djebbah, dans La Casbah d’Alger, aujourd’hui décédé. Ses souvenirs confondent cheikh El Hasnaoui et cheikh M’hamed El Anka. Cependant, il se rappelle que cheikh El Hasnaoui a quitté sa région natale vers le milieu des années 1920. Fadhma était alors enfant au moment où son demi-frère venait d’Alger rendre visite à son père au village à partir du début des années 1930. Elle confirme, par ailleurs, que, suite, à une brouille familiale, cheikh El Hasnaoui n’est plus revenu au village quelques années avant la grande guerre de 1939.

D’autres témoignages recueillis auprès de vieux émigrés de la région des Ihasnawen et dont certains ont croisé l’itinéraire du maître, notamment à Paris, confirment ces quelques jalons de sa carrière artistique en France allant de 1942 à 1968. Au début des années 1940, cheikh El Hasnaoui se produit essentiellement au café du métro Cambronne, dans le 15e arrondissement de Paris, chez Saïd UKaâwane, l’un des premiers mécènes de la chanson algérienne de l’émigration. Il fit ses premiers enregistrements sur rouleaux dans la période comprise entre 1940 et 1950 avec Maison-Blanche, Bnat Essohba, Tiqbayliyine, Lala Henni, Sidi Rebbi d arezaq. Durant cette première décennie, cheikh El Hasnaoui compose l’essentiel de son répertoire en langue arabe dans un style musical chaâbi de tradition ankiste, intégrant des rythmes sud-américains alors en vogue dans une France libérée du fascisme hitlérien.

Au début des années 1950, cheikh El Hasnaoui quitte Paris et part pour Antony où il a construit une maison. Un cafetier de la région des Ouadhias se rappelle avoir été invité à cette occasion en compagnie d’autres amis intimes du maître.

Au déclenchement de la guerre de Libération et jusqu’à l’indépendance, cheikh El Hasnaoui refuse de chanter à l’ORTF de Paris. L’A.K.A.6 (Antenne kabyle et arabe) de l’ORTF ne diffuse aucune de ses chansons. En 19587, il reprend à compte d’auteur la chanson historique Maison-Blanche en l’adaptant au contexte de l’engagement nationaliste de la communauté émigrée dans le combat libérateur, en soulignant avec plus de détails que dans la première version, la tragédie des campagnes algériennes suite à une fuite massive des paysans chassés par la faim de el oumma n nbi.

C’est durant la deuxième décennie (1958-1968) de sa carrière qu’il s’investit résolument dans la chanson de l’exil qui est essentiellement constituée d’une longue joute mélodique entre deux instances vocales, l’une de la femme natale, l’autre de l’homme vaquant, s’interpellant d’une rive à l’autre de la Méditerranée. Cet amour passionnel contrarié par la mer, le temps de l’absence et de la perdition, s’évertue à maintenir des appels réponses entre

Chapitrei : Esquisse d’une biographie

CheikhElHasnaouiestnéle23juillet1910auhameauTaâzib, attenantauvillageTadartTamuqrant, dansl’actuellecommuneIhasnawen, quijouxtecelled’AthZmenzer, regroupantlesvillagesAzibn’Ahmed, Ait-Ahcene, Ath-Mansour, TaddartTamokrantetTaâzibt. Cetterégionpiémontaise, àunequinzainedekilomètresausuddelavilledeTizi-Ouzouestbordéeàl’ouestparlacommunedeBetrounadontl’activitééconomiqueestdominéeparl’artisanatd’art, lavannerie enosier. L’undesvillagesdecetterégion, AïnMezyabest, dèsleXVIIIesiècle, lecentredecetteactivité. L’undesesreprésentants, AmezianeMohandAméziane, fut, alorsagentd’entretiendansunemanufacturederoulementsàbillesàRueil-Malmaison, prèsdeNanterre, l’undesartisteschanteursprochesdel’entouragedecheikhElHasnaouietamidel’undeschanteurskabyleslesplusenvuedanslegenrechaâbi, HacèneMezaniquiconquiertunecélébritédanscegenredanslesannées1950-1960enFrance. SurlesflancsestdesIhasnawen, lacommuned’AthDoualaestparseméedemausoléesdesaintspatronsvénérésdontlespremièreschansonsdecheikhElHasnaouiinvoquentlepouvoirextatiqueetlasagessedeleursdits :

Ayathwakalaberkane

sidimhamedelhadjnathdouala

Iyribenmsakitaâyane

Yurwenrebbifkanelawkala

Nchallahadqwlenfilamane

Ardaferhanelefraqyessaâbdyirlhala.

OsaintspatronsdelaTerrenoire

SidiMhamedelHadjNathDouala

Lespauvresémigréss’enremettentàvous

Faitesqu’ilsreviennentaupayssainsetsaufs

Qu’ilsgoûtentàlajoie, laséparationestpirequelamort.

(Chanson : « ayatwakalaberkane »)

Cetterégiond’AthDoualaestpourcheikhElHasnaouileberceaudelaculturehagiographiquequiconstituelesoclethématiquedesespremièreschansonsenkabyle: « ayathwakalaberkane », « llahh, llahhaqlaYnesbek », « ayemmayemma ». IlyfaitsespremiersapprentissagesdanslarécitationcoraniquedanslazawiyaAkalAberkane (littéralement « Terrenoire ») renommée ; sesadeptesayantréponduàl’appeldu « djihad » lancéparFadhmaN SoumercontrelapénétrationcolonialedescolonnesdugénéralRandon, furentdesTalebsérudits. CheikhElHasnaouipsalmodieleCorandanslazawiyaSidiMhamedElHadjNathDoualaetacquiert, danssavoixcaverneuse, deventriloque, cerythmeincantatoirepropreauxrécitantsdel’exégèsecoranique. Mais, sarégionnatale, pauvreenterrescultivables, n’aquedepetitslopinsmarécageuxencontrebasetsecs, pierreuxetmorcelésdanslespiémonts, nepermettantquedemaigresculturesvivrières.

Cetteannée1910estmarquéepardeuxfaitshistoriquesmajeurs. LamortdeSiMohandOuMhanden19068àl’hôpitalSaintEugénie, àMichelet (actuellementAinElHammam) signelafindesgrandsaèdesjetéssurlesroutesdel’exodeàtraversleMaghrebgénérantungranddésarroiexistentiel ; laconquêtecolonialeayantdétruitlessymbolesactifsetfécondsdel’esthétiquepoétiquedubastionkabylequinevit, désormais, quesurlesdécombresdeversd’imitation, répétésàl’envi, déconnectédeleuruniverssocioculturelenlambeaux. Ledeuxièmefait, conséquentaupremier, estlatransformationagressivedupaysagephysiqueethumaindecetterégion. Debourgcaravansérail, Tizi-Ouzou, implantéedansunecuvetteentreAmraouiaunordetIhasnawenausud, s’agrandit, etdevientunevilledegarnisonmilitaireferméeauxpopulationsindigènes.

En1912, lamèredecheikhElHasnaouidécèdedemaladie. OriginairedeBiskra, maisayantfaitsouchedanslaCasbahd’Alger, ellen’estpasintégréeparmilesvillageoisquelquepeurustresdeTaâzibtquinel’appellentpasparsonprénommaisparsarégiond’origine, Biskra « Tabiskrit » (celledeBiskracommeuneétrangère). LesparentsdecheikhElHasnaouisesontmariésàAlger, rueMogadoràlaCasbah. Al’oréedel’année1900, lepère, Amar, pêcheurdesonétat, quitteAlgeretretourneavecsonépouseauvillageTaâzibtaumomentoùAlgerdevenaitunvastechantierdespremièresconstructionsd’immeublescoloniauxérigésavecfrénésiesurladestructiondelaCasbah.

LesretombéesdelaPremièreGuerremondiale, l’enrôlementdesjeunesindigènesaufront, leseffetsdésastreuxdelacriseéconomiquemondialede1929, l’épidémiedutyphusquidévastelespopulationsdeKabylie, lespolitiquesscélératesdel’expropriationdesterres, desplainesalluvialesdel’ouedSébaou, onteupourconséquencesunmouvementd’exodeverslamétropolecolonialeauseuildelaSecondeGuerremondiale.

Cettepériodedetouteslesturbulences, cheikhElHasnaouilavitentrelevillageetlavilledeTizi-Ouzouoùilsefrotteàunmondenouveau. IlfaitavecsonpèredecourtsséjoursàAlger, danslafamilledesamère. Vers1924-25, lepèreseremariecettefoisavecunefemmeduvillagequiluidonnedeuxenfants, ungarçonetunefille, Fadhma, quijoueunrôledéterminantdanslaviedeCheikhElHasnaoui. Samarâtre, l’épousedesonpère, l’aaiméetcouvécommesonproprefils. MaisHasnaouiquientredanssapréadolescence, porteuntraumatismedanssonaffectsuiteàlamortdesamèrequ’iln’apasconnueetqu’ilinvoque, tragiquement, danssachanson « ayemmayemma » réceptacledescomplaintesdesescontemporainsexilés. Selonsonamid’enfance, SiSaïdOuLhadi,lejeuneMohammedKhelouatfaisaitdéjàmontred’ungoûtartistiqueetd’unepassionmusicaleprononcés.

Ils’initieàlamusiquedanslafréquentationdequelquescaféschantantdelapériphériedeTizi-Ouzou. IljoueavecdoigtéaumendoledanslazaouiadecheikhBelkacemàTakhoukhtoùdesorchestresmaghribi, venantduMaroc, ydonnaientdesspectaclesenl’honneurdumaîtredescéans, interprétantdeschantshagiographiquesdont « SidiMeftahLeghrib » auxcôtésdestroupesdetambourinaireslocauxetcellesalgéroisesdeszornadjiscrééesparlepèredeBoualemTitiche, HadjAhmedTitiche, danslegenreT’BalS’hor.

Fortdesesacquisartistiques, perfectionnistedansl’âme, cheikhElHasnaouidécide, suruncoupdetête, dequitterlevillage, déterminéàmenerunecarrièreartistiquesousd’autrescieuxpluscléments, oùilpeutselancerdanslamusiqueetproduiredesdisques. L’histoired’amourcontrariéeetquasi-légendairepour « Fadhma » qu’onluiprêteetquiauraitétéàl’originedesafuiteduvillage, estsansdouteunefabulation, quiacontribuéaumythed’un Hasnaoui exilépourl’amourd’une « Fadhma » inaccessible, cernéedetoutepartdehautesmuraillesdesatribuetsurveillée, jouretnuit, parunearméed’invasion, promiseàunvieilenturbanné, pleuranttoutesleslarmesdesonâmepoursonamoureux. Cetteimageidylliquede « Fadhma » est-ellecellemythiquede « QaysetLeila » oudel’égérie « Hyzia » dupoèteBenguitoune ? Est-elleunecréationdecheikhElHasnaouiinspiréedesrépertoiresduchaâbiquilouentlabeautéensorcelantede « Fatima » « Fettoum », filleduProphète tellelachanson « MersoulFatma » decheikhMhamedElAnka. Dansseschansons « AFadhma », « Ruhaboutabani » (Va-t’en, vieilenturbanné) et « Asminelladigurdane » (Quandnousétionsenfants) cheikhElHasnaouimetencontrastesapassiond’amourpourFadhmaetlesmœursrigidesdelatribuquil’ontpromiseàunvieilhommericheetarrogant.

Mais, iln’yapasque « Fadhma » commesymboleàlafoisdel’émerveillementdevantlabeautéféminineetdeladésolationd’uneâmeéploréequêtantl’impossibleamour ; ilyaussid’autresfiguresfémininesdanslerépertoire « amoureux » decheikhElHasnaoui. EllesontpournomZahiadanssachansonenarabequienportepourtitreleprénometOuerdiadans « ayabridyerwanetulas » (Ochemingavédejeunesfilles). Selonsonamid’enfance, SiSaïdOuLhadi, cheikhElHasnaouin’apasfuilevillageenraisond’unedéceptionamoureusepourFadhma. Beaucoupdejeunesdesonâgequittaientlarégionsouslapousséedelamisèreetdelafaim.

Vers1925-1926, cheikhElHasnaouiprendlarouteversAlger, parsespropresmoyens, àpied, commeSiMohandUMhand. IlconnaîtvaguementlaCasbahoùsesparentsontvécuavantdevenirs’établiràTaâzibt. Lafamillematernellel’aidemaisilprendsonindépendance. Iltravaillesurlesquaisduportd’AlgeretfréquenteassidûmentlecafédelaMarineoùnombredechanteursseproduisaient, propulsésenavant-scènesdesspectaclesdesgrandesvedettesorientalessurlesplanchesduthéâtredeMahieddineBachtarzi.

Selontoujourssonamid’enfance, SiSaïdOuLhadiquilerejointàlaCasbahoùilestcoiffeuràBirDjebahauxenvironsde1926, l’adolescentMohammedKhelouat – iln’ apasencoreprislepseudonymeartistiquede « cheikhElHasnaoui » – pénètrelemilieuduchaâbideCheikhMhamedElAnkaparl’entremised’undénomméBirouSaïd, hommecraintetrespectédanslaCasbah, unmécènedelamusiquechaâbiet « imprésario » decheikhMhamedElAnka, originairedelarégiondeFreha, àunequinzainedekilomètresàl’estdeTizi-Ouzou. Grâceàcethommedebienquiorganiselesfêtesfamiliales, mariages, circoncisions, départsetretoursdespèlerinsmecquois, lejeuneMohammedKhelouats’intègreainsidanslemilieumusicalduchaâbiinitiéetdéveloppéparlemaîtredelamusiqueandalouse, cherchelloisd’adoption, originairedeFreha, luiaussi, cheikhMustaphaNador.

Douéd’uneoreillemusicaleinouïeetd’unjeuinstrumentaloriginalaumendoledontila, dit-on, modifiélenombredecordes, cheikhElHasnaouigravitleséchelonspourtantsidursàconquérirdansl’artmusicalduchaâbi. C’estaudébutdesannées1930qu’ilacquiertletitrede « cheikh » quiremplace, sousl’impulsiondecheikhM’hamedElAnkal’ancienqualificatifhonorifiquede « maâlem » désignantlesmaîtresdelamusiqueandalousedelaCasbahpré-ankiste. L’impétueuxMohammedKhelouatprendlepseudonymeartistique « cheikhElHasnaoui » construitsurletoponymedesarégionnatale, Ihasnawen. SiSaïdOuLhadisesouvientavoirassistéàunefêtedemariageàTahtaha, danslaCasbahoùs’étaientproduitsCheikhElAnkaetcheikhElHasnaoui, précisantquecedernieravaitdéjàcomposél’unedeseschansons-phare « Ayemmayemma » dontildonneuneautreversionalorsinstalléenFrance.

SilaCasbahestlevivierdelamusiquechaâbietdesesgrandesvoix, ellenenourritpas, enrevanche, sonhomme. PourSiSaïdOuLhadi « lliyedkhoulBabAzouniselekrassu » (QuientreàBabAzzoun, sauvesatête), résumantainsil’atmosphèred’insécuritéparceuxqu’ondésignaitduterme « Goumènes », maquereaux, hommesdesbouges, voleursàlatireetautresmalfrats, généréeparledésordredelaconquêtecolonialequiadétruitlesstructurestraditionnellesdelaCasbahdevenueunesortede « dortoir » pourlespopulationsruralesayantfuiledésastrecolonial.

Durantlapériodedelafindesannées1920jusqueverslemilieudesannées1930, cheikhElHasnaouin’apascoupélespontsavecsonvillageTaâzibt. Danslesannées1933-1934, ilsemarie – ouvitencouple – avecuneoranaise. Ilorganisesavieentresontravailauportd’Algeretlamusiquequiprenddeplusenplusd’espacedanssonemploidutemps. Ilfaitdeséconomiesetchaquefêtedesaïds, ilrendvisiteàsafamilleauvillageTaâzibt, avec, sesouvientsademi-sœur, Fadhma, desdenréesrarespourl’époque : semoule, farine, caféengrainsetsucre. IlinvitesonpèreetsamarâtreàAlgeroùilssontaccueillisavecbeaucoupderespectetd’avenantparsacompagne, unecitadineracée, trèsenavancesursontemps. Alaveilledelaconscription, cheikhelHasnaouimonteauvillageetconstitueundossierdechargédefamille. Iléchappeainsiàlaréquisition. Ilgagneconfortablementsaviegrâceàsontravailauportd’AlgeretauxsubsidesconséquentsqueluiprocurentsestournéesmusicalesàAlgeretOran, villenataledesacompagne. Ilsuitmêmedescoursdusoiretapprendàlireetàécrireenfrançais9.

Vers1935-1936, ilfaitunvoyageenEspagneoùilassisteàl’horreurdufascismequiletraumatisedurablement.

Al’abridubesoinetayantacquisunenotoriétéartistiqueàAlger, etlorsdesesnombreusestournéesartistiquesàtraverslepaysinitiéesparlacaravaneitinérantedeAbdelhamidAbabsaetdanslestroupesdeMahieddineBachtarzi, cheikhElHasnaouin’apasoubliésademi-sœurFadhmaqui, àchacunedesesvisitesauvillage, s’étonnequ’ellenesoitpasencorescolarisée. Ilimploresonpèredeluidonnerlapermissiondel’emmeneravecluiàAlgeretpouvoirainsil’inscrireàl’école, ayantlui-mêmeprisconsciencedelanécessitédes’instruire. Sademandeprovoqueunecolèrenoiredupaternelquiluiopposeuncinglantrefus. Dépité, ilquittecettefoisTaâzibtdansunallersansretour.

En1937, suiteàunebrouilleavecsacompagneetauchômageendémiquequigagnelesouvriersduportd’Algeroùl’activitéducharbonnagealorsflorissante, s’étiole, ilembarquepourlaFrance, àbordduKairouanpourunautreallersansretour, cettefoisplusélargidanssesterritoires. AMarseille, ilrencontredeschanteursetmusiciensformésdanslegirond’ElAnkadontAchati, uninterprètetalentueuxdurépertoiredecheikhMhamedElAnka, connudanslemilieumusicalduVieuxMarseille, surtoutdanslaruedesChapeliersàfortedensitédenord-africainsetdefamillesjuives.

Vers1939-1940, ilmonteàParisetgrâceàsesanciennesrelationsdanslemilieumusicaljuifdelaCasbah, ilréussitàvivredeseschansons, grâceauxnombreusestournéesdanslescaféschantantetdansantetdanslescabaretsparisiens, notammentceuxdelaruedelaHuchette, dansle17earrondissement, le« Tam-Tam »,« LesnuitsduLiban », « ElDjazair »,leplusconnu, géréparlepèredelachanteuseOuerdaelDjazairia. Ilselied’amitiéavecSalimHellali, l’étoiledelachansonpopulairemaghrébinefestive, originairedel’estalgérien, Annaba ; deMauriceElMedioni, frèredeRénettel’oranaise, grandpianisteetchefd’orchestrephilarmoniqueetd’autresmusicienscommeKaddourCherchalli, peintreenbâtimentdeprofession, banjoïstedetalent, sortidugirondecheikhMhamedElAnka ; deDahmaneElHarrachi, restélongtempsmusicienaubanjodansl’orchestredeAmraouiMissoumdanslesannées1950avantd’enregistrersespropresdisquessousl’impulsiondecedernier.

UnpremiernoyaudemusicienstalentueuxseconstitueautourdecheikhElHasnaoui : cheikhAliRidouh (violon), KaddourCherchalli, DahmaneElHarrachi (banjo), KakénouTeppazetElKahlaouiTounsi (qanoune), SidAliTemmam (violon), desonvrainomMohamedTemmam, peintreetminiaturiste, épouxdelachanteusekabyleBahiaFarahetdirecteurdumuséeLeBardotd’Alger (1970-1980) violonistetrèssollicitéparleschanteursmaghrébinsdutoutParis. LepremiermusicienàladerboukadecheikhElHasnaoui, dénomméOuzerzour, estuncompatriotedesonvillage, décédédansl’anonymatàTadartTamuqrant.

Sonfidèleami, SalimHellali, l’unedesplusgrandesvedettesalgériennesdelachansonpopulaire, auteurnotammentdelachanson « Dourbihhayachibani, dourbihha » dupatrimoineoralmaghrébin, propriétairedeplusieurscabaretsenFrance, enBelgique, enAllemagneetauMaroc, l’introduitdanslesmilieuxhuppésdescabaretsorientauxdeParisetl’engagedansplusieurstournéesprivéesenEuropeauseindegrandesfamillesjuivesaristocratiques.

1938-1939, alorsquetonnedéjàlesecondconfitmondial, cheikhElHasnaouis’installeàParisetorganisesontempsdemanièrepresquemonastiqueentresestournéesmusicalesetsesséancesd’enregistrementsdedisques78TdanslesMaisonsdedisquesOdéon, Gramophone, LaVoixdesonmaîtreetColumbiaoùilenregistresespremièreschansonsenarabeetenkabyle : « yamahlallilbnoudjoumoulqamar », « madjitinichwaâlach », « choufouchoufou », « analmamhoune », « redbalek », « ayabridyerwantulas », « andaarataffegh » « atinahamlagh », quieurentunsuccèsimmédiatauprèsdestravailleursémigrésnord-africains.

Soucieuxd’unehygiènedeviejusqu’àl’obsession, ayantunepeurbleuedestramwaysetdesvoitures, c’estenvéloqu’ilsedéplace. Ilnefréquentepaslemilieuinterlopedesescompatriotesémigrés. Lorsdesestournéesdanslescafésnord-africains, ilimposeunsilencedominicalparsastature, imposantrespectetconsidération, écouteattentivesanseffusions ; uneposturesansdoutehéritéedelatraditionchaâbiedes « qaâdates » decheikhMhamedElAnka.

Au début de l’année 1940, il habite Pigalle où il fait une rencontre qui va changer le cours de sa vie. Il a alors trente ans et c’est un artiste confirmé, les Maisons de disques et les grandes scènes de Music hall de l’époque se l’arrachent. Par une fin d’après-midi, l’été 1940, il est attiré par une jeune femme, une couturière qui sort de son travail. Il l’aborde, elle s’appelle Giselle Denise, elle a 24 ans. Ils emménagent dans une chambre d’hôtel dans le quartier de Clignancourt, boulevard Rochechouart, 9e arrondissement de Paris.

Leur vie commune dure 52 ans, sans enfant. Madame Giselle Khelouat n’a assisté à aucun de ses spectacles : « S’il ne me l’a jamais demandé, c’est qu’il ne devait pas le désirer », confie-t-elle plus tard à l’un des animateurs de la chaîne « A.K.A » (Antenne Kabyle et Arabe de l’O.R.T.F. émettant en alternance en langues kabyle et en arabe. Mais Giselle tient les cordons de la bourse et c’est elle qui s’occupe des démarches administratives : elle déclare son époux aux droits d’auteurs, lui établit une carte de la Sacem, range précieusement ses disques. Giselle est, ainsi, restée en retrait de la vie artistique de son époux ; même si elle a partagé l’intimité du travail de création et de composition de son « petit bonhomme » comme elle l’a toujours appelé affectueusement. Mais, le couple vit la terreur de l’occupation allemande. Les nazis occupent la maison d’enregistrement Odéon de Paris.

1941-1942, cheikh El Hasnaoui animant souvent, sous le nom de « Simon » des cérémonies au profit de riches familles juives andalouses, a été arrêté et emprisonné par la Gestapo au moment des rafles nazies et des déportations. Il n’a dû son salut que grâce à l’intervention de personnes influentes dans le gouvernement de Vichy. Cheikh El Hasnaoui passe tout de même une quinzaine de jours dans les geôles de la Gestapo. Libéré, il prend ses distances des scènes artistiques, sous le contrôle des nazis qui donnent la chasse au mouvement des « zazous »10 dont l’acteur Jean Marais a revendiqué la paternité.

Ce mouvement artistique, rebelle aux conventions sociales, est associé à la musique jazz et à la danse du swing. La presse française collaborationniste décrit ainsi le spécimen du « zazou » : « une jeunesse turbulente et sans éducation qui, sous prétexte d’être swing, se croit permis tous les excès » et anathématise leur jazz et leurs petits swings de « musique nègre dégénérée ». Les zazous se font remarquer par leur accoutrement jugé scandaleux : « cheveux dans le cou, entretenus dans un savant désordre, petite moustache à la Clark Gable, veste de tricot sans revers, pantalons rayés, chaussures à semelles très épaisses, démarche syncopée. (…) Pendant les numéros, ils s’agitent, se lèvent, dansent. Ils lancent des avions en papier. Ils poussent des cris d’Indiens sioux ».

Quant aux femmes zazoues, « elles cachent sous des peaux de bêtes un chandail à col roulé et une jupe plissée fort courte ; leurs épaules, exagérément carrées, contrastent avec celles des hommes, qui les  portent  tombantes ; de longs cheveux descendent en volutes sur leur cou ; leurs bas sont rayés, leurs chaussures plates et lourdes ; elles sont armées d’un grand parapluie qui, quelque temps qu’il fasse, reste obstinément fermé ». Les nazis donnent la chasse aux zazous en édictant des règles vestimentaires très strictes, imposant un « costume national » : vestons sans revers ni martingale, dos à soufflets bannis, pantalons de golf interdits, longueur maximum des pardessus, largeur des ceintures, etc. Dans ce contexte, les vestes ultra longues des zazous et la profusion des poches à rabats qui les parsèment relèvent de la provocation.

Cheikh El Hasnaoui qui a vécu cette période a lui aussi été un « zazou » dans la musique « swing » de ses chansons en arabe telle celle du rythme swing « ya mahla llil b noudjoum wa lqamar ». Dans l’une de ses premières chansons (1946) « Tilifoune sonni sonni » (Téléphone sonne, sonne) Allaoua Zerrouki, chanteur contemporain de cheikh El Hasnaoui, associe la figure de « l’Amjah », l’émigré égaré, irresponsable, qui ne pense pas aux siens restés au pays, qui a perdu le fil de son histoire d’exilé, dépense sa quinzaine dans les plaisirs et l’alcool, à un « zazou » :

Tilifoune soni soni

I waghrib di Lpari

Lebsa ines d azazou

Akustim yerna afrizi.

Téléphone sonne, sonne

A l’émigré de Paris

Il s’habille en zazou

Coiffure toupets frisés.

Danssachanson « bnatessohba » (fillesdecompagnie, sorted’escorte-girl), cheikhElHasnaouidécritl’accoutrementduzazouquisuccombeaucharme des « bnatelghorba » :

Iaâlmulekted’haf

Lbasmkullwani

Baâinektekhttef

Tefhhamseralaâilmenniswani.

Ellest’apprendrontàtetireràquatreépingles

Aporterdesvêtementspanachés

Etdetespropresyeux

Tucomprendraslesecretdumondeféminin.

1945 : AlafindelaSecondeGuerremondiale, Paris, libéréeestenfête. Lesactivitésartistiquesreprennent. CheikhElHasnaouimultiplientsestournéesenFrance, Belgique, Allemagne, Espagne. Lecouples’installeàAntony, grandevilleducentrenorddelaFrance, situéedansledépartementdesHauts-de-SeineenrégionIle-de-Francecélèbre, nonseulementpoursesnombreuxparcsmaisaussietsurtoutpoursesbalsmusettesetsesguinguettes. Ilycomposedeuxdesesplusbelleschansonsenarabe « Bnatessohba » et «  HulaHoop »11danslaquelleilpeintlescharmesenvoutantsd’unsoird’étéauclairdelune, lescouplesdansantaurythmedelarumba. Ilyexprimeégalementsaprofondepassionpourlamusique.

Mahlahhalilla

Bndjoumwalguemra

Tdhouwibdhyahha

Kulwahedghzaloumaâhh.

Douceurdelanuit

D’étoilesetdelune

Quil’éclairent

Chacunavecsagazelle.

Kinesmaâlmuziga

Figuelbitaâmeldega

Nebdanerqesfzenqa

Nnastqulrebbiblahh.

Quandj’entendslamusique

Ellefaitvibrermoncœur

Etjedanseenpublic

Lesgenssedisent « Dieul’amaudit ».

Lmuziqayabadri12

Naâceqfihhamensughri

Fihhayefnaaâumri

Nmuthbibellah.

Musique, Omapassion

Dematendreenfance

Enelle, maviearriveraàsonterme

Jemourrai, esclavedeDieu.

Matoub Moh Smaïl, dans les pas du Maître

CompagnondecheikhElHasnaoui, onclematerneldeMatoubLounès, barde-musicien, MatoubMohSmaïlachantédanssespérégrinationsàtraveslescafésnord-africainsdelarégionparisienne, lamisèreetlanostalgiedupaysdespremiersouvriersalgériensexpatriés. Sonmendoled’erranceenaétél’exutoire. Durantlapériodedel’entre-deux-guerres, l’émigrationalgérienneconnaituneforteinstabilitééconomiquemaissestraditionspaysannesrevivifiéesparl’expatriement, luiassuraientunefortecohésionsociale, communautaire. Lescafés, lesgarnis, reconstituaient, lescommunautésvillageoisesd’origine. Lespatronsemployeursdecettemain-d’œuvrebonmarchétirentprofitdecetteorganisationtribalefortementsoudée, codifiéeetl’utilisentdansleurpolitiquedel’embaucheafind’assurerdansleursmanufactures, usinesdeconstructionautomobile, aciéries, unebonnedisciplineetdemeilleursrendements ; lescontremaîtreschoisissantparmileschefsd’équipe, lesouvriers, celuiquijouitd’unascendantmoralsursescompatriotes.