Serial sniffer - Joël Jenzer - E-Book

Serial sniffer E-Book

Joël Jenzer

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Beschreibung

Tony Locker et son club d'amis ont une obsession très particulière, le reniflage des dessous féminins, et ils font le buzz sur le Net !

Je m’appelle Tony Locker. C’est mon « nom de scène », bien sûr. Je suis branché cul. Ça tombe bien, vous aussi ! Il paraît que je suis sex addict. Nous ne sommes donc pas si différents, vous et moi. En fait, je suis juste un renifleur de petites culottes. C’est dégoûtant, pensez-vous ? Je trouve cette passion plutôt excitante et je ne suis pas le seul. Avec mes amis obsédés, nous avons fait le buzz sur le Net, ce qui a bien sûr outré les bien-pensants si propres sur eux qui nous ont dans le nez, offusqués par nos trips de petits dessous féminins.
En cette période estampillée #MeToo et #BalanceTonPorc qui voit triompher le règne de l’autocensure dictée par la peur d’être lynché sur la place publique des réseaux sociaux, Serial sniffer n’est assurément pas un livre en odeur de sainteté.

Découvrez un roman érotique et culotté qui n'a pas peur d'outrer les bien-pensants et de soulever des questions dérangeantes, à l'heure du triomphe de l'autocensure, des #MeToo et des #BalanceTonPorc !

EXTRAIT

Ces derniers mois, j’ai mené une vie dissolue et débridée, qui n’a cependant pas eu l’heur d’amuser les esprits bien-pensants, au cœur de ce monde hypocrite dans lequel tout un chacun se fout à poil sur Facebook, Snapchat et Instagram tout en revendiquant une morale digne de moines bouddhistes, drapé dans les confortables idées prémâchées du prêt-à-penser. Si je prends la parole ici, ce n’est pas tant pour régler des comptes avec les ternes individus aux vies fades qui se sont empressés de me juger sur la place publique que pour témoigner en tant que membre d’honneur d’un groupement souvent considéré comme subversif : avec mes camarades de jeu, nous avons vécu une aventure extraordinaire, qui nous a conduits sur des chemins de traverse épiques, parfois étonnants, souvent excitants, plus d’une fois graveleux, voire glauques, en certaines circonstances, peut-être. Mais jamais ennuyeux. Je sens bien que vous voudriez savoir de quoi il retourne. Je peux bien le confesser, je suis un amateur de petites culottes. Et de grosses aussi, ne soyons pas ségrégatif. Non que je les porte. Je les respire, hume, sniffe à l’envi, les slips que ces dames ont portés et marqués de leur odeur intime. Je m’enivre de leurs effluves jusqu’à l’extase. Voilà qui est dit. Vous vous demandez sans doute si j’ai honte de cette pratique que d’aucuns jugeront déviante. Pas le moins du monde. Elle ne m’a apporté que joie et plaisir, notamment au sein de ce club que nous avons fondé avec d’autres amoureux des petits dessous parfumés. Si j’aime renifler n’importe quel type de culotte, je dois reconnaître que, visuellement, ma préférence va sans hésiter au string : imaginer cette ficelle enfoncée profondément dans la raie des fesses d’une femme, laissant son derrière nu sous son pantalon, sa jupe ou sa robe, me procure une excitation sans égale. Il m’est même arrivé de décommander un rendez-vous avec une jolie fille après que j’eus constaté qu’elle portait une culotte conventionnelle.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Une histoire à l’intrigue extravagante et enlevée, qui se déroule en partie dans la région, notamment lors d’un samedi soir endiablé à la Foire du Valais. - MAG, La Gazette (Martigny)

À PROPOS DE L'AUTEUR

Joël Jenzer, né en 1968, est journaliste culturel au quotidien Le Nouvelliste en Valais. Serial sniffer, son deuxième roman, ne passera pas inaperçu…

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Photographie de couverture : Jérôme Bonzon

Mise en page : Graphic Hainaut

 

ISBN : 978-2-931008-17-1

 

Dépôt légal : D/2019/10.213/7

 

Tous droits strictement réservés. Toute reproduction d’un extrait quelconque de ce livre par quelque procédé que ce soit, et notamment par photocopie, microfilm ou support numérique ou digital, sans l’accord préalable et écrit de l’éditeur, est strictement interdite.

 

Le sexe masculin est ce qu’il y a de plus léger au monde, une simple pensée le soulève.

Frédéric Dard

Prologue

Je m’enferme dans la salle de bains. Non, je ne dois plus faire ça, je me le suis juré. Mais la salope au cul splendide porte un string, et je me demande ce qu’elle a caché dans sa corbeille à linge. Allez, juste une dernière fois, après, j’arrête, promis. Non, il ne faut pas…

Vous vous demandez qui je suis et ce que je fabrique dans ce tableau pathétique ? Je m’appelle Tony Locker, quarante-deux ans. Profession : informaticien. Très doué, ajoutent certains. Signe particulier : aucun. Bon, peut-être « obsédé sexuel ». Du moins selon les normes en vigueur dans notre société traditionaliste. Voilà pour les présentations, quelque peu sommaires, je n’en disconviens pas. Tony Locker, c’est mon nom de scène, évidemment. Ma véritable identité ?… Peu importe.

Ces derniers mois, j’ai mené une vie dissolue et débridée, qui n’a cependant pas eu l’heur d’amuser les esprits bien-pensants, au cœur de ce monde hypocrite dans lequel tout un chacun se fout à poil sur Facebook, Snapchat et Instagram tout en revendiquant une morale digne de moines bouddhistes, drapé dans les confortables idées prémâchées du prêt-à-penser. Si je prends la parole ici, ce n’est pas tant pour régler des comptes avec les ternes individus aux vies fades qui se sont empressés de me juger sur la place publique que pour témoigner en tant que membre d’honneur d’un groupement souvent considéré comme subversif : avec mes camarades de jeu, nous avons vécu une aventure extraordinaire, qui nous a conduits sur des chemins de traverse épiques, parfois étonnants, souvent excitants, plus d’une fois graveleux, voire glauques, en certaines circonstances, peut-être. Mais jamais ennuyeux. Je sens bien que vous voudriez savoir de quoi il retourne. Je peux bien le confesser, je suis un amateur de petites culottes. Et de grosses aussi, ne soyons pas ségrégatif. Non que je les porte. Je les respire, hume, sniffe à l’envi, les slips que ces dames ont portés et marqués de leur odeur intime. Je m’enivre de leurs effluves jusqu’à l’extase. Voilà qui est dit. Vous vous demandez sans doute si j’ai honte de cette pratique que d’aucuns jugeront déviante. Pas le moins du monde. Elle ne m’a apporté que joie et plaisir, notamment au sein de ce club que nous avons fondé avec d’autres amoureux des petits dessous parfumés. Si j’aime renifler n’importe quel type de culotte, je dois reconnaître que, visuellement, ma préférence va sans hésiter au string : imaginer cette ficelle enfoncée profondément dans la raie des fesses d’une femme, laissant son derrière nu sous son pantalon, sa jupe ou sa robe, me procure une excitation sans égale. Il m’est même arrivé de décommander un rendez-vous avec une jolie fille après que j’eus constaté qu’elle portait une culotte conventionnelle.

Cela dit, si je veux me montrer tout à fait sincère, je dois tout de même reconnaître que toutes ces péripéties ont fini par m’user. Il y a quelques mois, je me suis retiré des affaires et, depuis, je mène enfin une vie dite normale, raisonnable, même si je dois sans cesse résister aux tentations qui se dressent sur mon chemin, comme celle qui me taraude en ce moment précis, dans ces toilettes.

Il m’arrive souvent de repenser, avec une pointe de nostalgie, à notre « club de détraqués », comme l’ont défini dans les médias certaines personnalités garantes de la moralité au sein de notre société. Je me souviens bien du jour où tout a basculé, il y a un an et demi, par un matin ensoleillé de mai, sur un trottoir me conduisant chez un homme dont je n’avais pas envie de faire la connaissance.

Je vous raconte ?

1

Je ne suis pas un obsédé

« Il faut vraiment que tu ailles consulter. Tu as un gros problème et tu refuses de voir la réalité en face. » Sophie me bassine avec cette histoire depuis au moins six mois, m’assénant ce genre de phrases à longueur de journée. Tout homme ayant eu la faiblesse de se laisser entraîner dans une relation conventionnelle de couple sait qu’il ne sert à rien de lutter face à l’intransigeance féminine. Assommé par les tirs d’artillerie répétés, croulant sous le poids des innombrables boulets envoyés par ma chère petite amie, j’ai fini par rendre les armes et signer l’armistice. Davantage pour avoir la paix que par adhésion au point de vue de madame : moi, obsédé sexuel ? Bien que Sophie ait hésité à se lancer dans une formation d’infirmière, j’ai réfuté son diagnostic de pacotille, basé sur des arguments de gonzesse sentimentale à caractère possessif, du genre « Mais tu ne penses qu’à ça ! Il y a autre chose dans la vie. Et tu ne me dis jamais que tu m’aimes. Et tu crois que je ne remarque pas que tu mates le cul de la voisine quand elle sort les poubelles en leggins ? Tu es un détraqué ! » Certes, j’aime les plaisirs charnels plus que de raison, je m’astique volontiers le poireau devant des séquences pornographiques, et je regarde en effet souvent avec concupiscence l’arrière-train que la bimbo de 19 ans qui habite au-dessous de chez moi balance volontiers sous mes yeux, mais m’étiqueter comme « obsédé sexuel » relève d’une exagération dévoilant au grand jour une mauvaise foi crasse.

Pour la paix du ménage, et pour m’assurer que je n’appartiens pas encore au cercle fermé des psychopathes, j’ai préféré céder : en ce beau matin du mois de mai, je m’en vais consulter. Mais pas n’importe qui. Hors de question de me rendre chez un quelconque conseiller conjugal pseudo-psychologue à grosse barbe, chemise épaisse à carreaux, pantalon de velours et kit de théories tendance écolo. Je veux du haut de gamme. Tant qu’à faire, autant taper dans la classe supérieure. En fouillant sur le Net, je suis tombé sur un professeur. Il faut au moins ce titre pour se targuer de me traiter d’obsédé sexuel. John Karmish a le profil requis. Déjà, le portrait figurant au sommet de la page d’accueil de son site internet m’inspire une certaine sympathie : son crâne chauve garni d’une couronne de cheveux noirs coupés court et ses grosses lunettes à monture carrée lui confèrent un air de savant omniscient. Ensuite, il est Belge, ce qui le rend d’emblée cool à mes yeux, contrairement à un Français, qui ne manquerait pas de se montrer pénible et professoral, ou à un Allemand, rigide par essence. Le professeur exerce à Bruxelles et il a eu la bonne idée d’ouvrir une antenne à Lausanne, il y a quelques mois. Cela tombe bien. De surcroît, son curriculum présente un psychiatre et sexologue bardé de diplômes, qui a acquis, si l’on en croit les commentaires affichés, une réputation de haut vol auprès de ses pairs avec la publication de sa thèse de doctorat au titre de best-seller à emporter pour les prochaines vacances à la plage : Corrélation entre paraphilie et satisfaction sexuelle à l’aune des facteurs prédictifs de non-dysfonction. Pas de quoi m’épater, mais le bonhomme a l’air de maîtriser son sujet.

En arrivant à la gare de Sion, sous un soleil qui commence à chauffer l’atmosphère, une vision me terrasse : Kristen Lea vient de déboucher à l’angle de la rue, et mon cœur s’est mis à frapper ma poitrine comme une bille déchaînée à l’intérieur d’un flipper manié par un épileptique ivre mort. Elle se rend sans doute à son institut de massage. Kristen Lea, mon fantasme ultime, porte un pantalon beige très moulant, en tissu fin. En ce moment, une seule chose compte : me placer derrière elle pour admirer le fessier le plus infernal que mes yeux aient caressé jusqu’à ce jour de mai. Je fais un léger détour pour me positionner sans me faire repérer par ma cible. Je marche derrière elle, accélérant le pas pour m’approcher du Graal. À dix mètres, les données enregistrées de loin se confirment : Kristen Lea porte bien un pantacourt très serré ; à cinq mètres, les formes commencent à apparaître sous un meilleur jour : les fesses se balancent avec harmonie, à la manière de deux petits flans à la fois souples et fermes que l’on secouerait légèrement, tandis que mon sexe, lui, sans m’avoir demandé la permission, durcit tout seul comme un grand dans mon boxer soudain trop serré ; à deux mètres, l’évidence apparaît : ma masseuse attitrée a choisi ce matin un string blanc, dont le petit triangle magique se devine à travers le tissu du pantalon. Une belle manière de célébrer le printemps, même si cette couleur virginale ne correspond pas vraiment au pedigree de la demoiselle. À un mètre cinquante, Kristen se retourne, surprise, et me dit dans un sourire éclatant :

— Ah ! C’est toi ! Il me semblait que j’étais suivie… Tu fais le détective privé, maintenant ?

Je ne m’entends même pas bafouiller une pitoyable blague en guise de réponse. Quelque chose a changé chez Kristen : elle arbore un bustier taille XXL, trois ou quatre fois plus gros que la poitrine qu’elle affichait lors de ma dernière visite chez elle, il y a six mois. Elle a gonflé ses seins, ou alors elle remplit ses soutiens-gorges avec des pamplemousses. J’hésite à lui faire part de mon étonnement au sujet de sa poitrine, mais elle enchaîne :

— Tu reviens bientôt à l’institut pour un massage ?

Après lui avoir promis de prendre rendez-vous dans les semaines à venir, tout en sachant que je ne le ferai pas, je m’engouffre dans le train, direction le cabinet du professeur Karmish. Tandis que le paysage défile à vive allure derrière la fenêtre, je me remémore mon dernier passage entre les mains de Kristen Lea. Un après-midi pluvieux d’automne, il y a six mois, une lumière tamisée dans le petit local décoré et parfumé à la vanille, le contact avec la peau de cette femme qui me hante depuis plus de cinq ans, un désir que j’ai été contraint d’assouvir seul, de main de maître, certes, mais seul, quelques minutes après le massage, dans les toilettes de l’institut. Pitoyable. Voilà pourquoi je ne désire plus jamais m’infliger de séance de frustration dans son joli cabinet cosy. Je me dois d’avouer que je me branle sans cesse en pensant à Kristen. Avec frénésie, de plus en plus souvent. J’ai débarqué chez elle sur la recommandation de Nadia, ma meilleure copine, qui m’avait vanté une « excellente masseuse, très jolie, célibataire, tout à fait ton style », ajoutant qu’elle devrait me plaire. Après le premier rendez-vous, je suis parvenu à la constatation suivante : excellente masseuse, très jolie, célibataire, tout à fait mon style, elle me plaît ; je me suis très vite entiché d’elle, nous sommes sortis un soir dans un festival de musique, elle a poussé le vice jusqu’à me tenir la main et à me donner un bref baiser sur les lèvres, puis, le lendemain, elle s’est retirée du jeu, préférant « qu’on reste amis ». Mais ma nouvelle « amie » me rendait fou. J’ai cru un moment que je tombais amoureux. Cependant, le mal a fini par prendre une autre tournure : Kristen Lea a commencé à m’obséder, d’autant qu’elle ne porte que des strings, prétendant n’avoir aucune autre sorte de culotte dans sa commode, détail qui l’a placée sur-le-champ au firmament, au premier rang de mon « Top Érection », les petits dessous à ficelle, surtout s’ils sont bien portés, ayant la faculté de me faire perdre la raison. En clair, depuis que j’ai renoncé à une romance avec elle, son fessier d’enfer, qui me hante aujourd’hui bien davantage que son beau visage harmonieux, est devenu la cible à atteindre. J’ai dû toutefois vite déchanter : après avoir constaté que, eu égard à notre belle amitié naissante, il me serait impossible de coucher avec la dame, j’ai revu mes ambitions à la baisse, me fixant un objectif moins satisfaisant et glorieux qu’une conquête en bonne et due forme : renifler un de ses strings afin de connaître l’ivresse à plein nez.

Le train fend à vive allure le paysage baigné de soleil, direction Lausanne. Le décor carte postale du lac Léman a succédé à celui, plus rugueux et montagneux, du Valais. Le cabinet du professeur Karmish se rapproche. Je me demande ce que je vais faire chez ce sexologue, sinon calmer l’hystérie de Sophie, qui semble discerner en moi une sorte de Jack l’Éventreur en puissance. Cultivant l’art du paradoxe comme seules savent le faire les petites amies modèles et conventionnelles, elle s’offusque de sortir avec un « obsédé sexuel » tout en appréciant de se faire posséder par son psychopathe de mec dans les postures les plus indécentes et dégradantes. Quand je la prends, je pense à Kristen Lea, à chaque fois. Le film se déroule toujours de la même manière : tandis que je m’affaire en Sophie, sur un grand écran en couleurs s’affiche le fessier parfait de ma masseuse, garni d’une collection de ministrings en dentelle. Je ne m’imagine jamais ses seins ; une situation qui va peut-être changer, vu leur passage soudain et suspect de la taille de mandarines à celle de pastèques. Mais pourquoi s’est-elle fait monter des implants style bonnets D ? Se lance-t-elle dans une carrière d’actrice porno ? Ou alors, elle n’a rien entrepris, ses nichons ont poussé tout seuls, comme par enchantement, en une nuit. Il me faudra enquêter sur cette mue qui cache sans doute quelque pan de sa vie que Kristen ne m’a pas dévoilé. Tiens, il faut que j’aille au plus vite fouiller sur le Net dans la catégorie Big boops porn : ma masseuse a peut-être ouvert une page sous pseudonyme. Pour l’heure, je sors mon ordinateur portable et me branche sur le compte Facebook de la demoiselle : sur toutes ses photos, assez sages, elle a sa poitrine d’avant, je dirais un honnête et respectable bonnet B. Pas de quoi affoler un régiment de puceaux en permission. Quand va-t-elle poster des clichés dévoilant ses récentes nouvelles courbes ?

Le cabinet du professeur John Karmish ne se trouve plus qu’à quelques centaines de pas de la gare de Lausanne, sur l’avenue d’Ouchy. Mais pourquoi vais-je consulter cet éminent professeur, en fin de compte ? Il ne fera que confirmer le diagnostic établi par Sophie. Je l’entends déjà m’asséner avec son air pincé : « Monsieur, j’ai bien peur que vous ne soyez obsédé par la chose. Il va vous falloir du courage, lutter pour combattre ce fléau qui vous anéantit et qui risque de vous mettre au ban de la société. »

Après une brève discussion avec le médecin, le verdict tombe :

— Monsieur, d’après ce que vous m’avez dit, je n’ai pas l’impression que vous souffrez d’une maladie ou d’un trouble qui puisse vous empêcher de mener une vie tout à fait normale… À moins que vous ne m’ayez pas tout raconté…

John Karmish siège à son bureau massif, en train de rédiger des notes. L’aspect luxueux de son stylo-plume aux parures argentées, les tableaux géants d’art abstrait et le mobilier design de l’immense local au très haut plafond fournissent un indice très parlant sur le montant astronomique que je vais me faire le plaisir de régler pour cette brève consultation qui ne me servira à rien, même pas à faire se taire ma petite amie. L’aspect du sexologue correspond à l’image affichée sur la page de son site internet, à deux détails près : la couronne de cheveux est passée du noir au gris, et des lunettes fines presque invisibles ont remplacé la paire à l’épaisse monture foncée de la photo. Le médecin arbore une blouse blanche ouverte sur une chemise bleu ciel Hugo Boss. Il porte un pantalon à pinces gris ardoise du plus bel effet.

— Monsieur Kohler, quel est le trouble dont vous ne m’avez pas encore parlé, que vous considéreriez comme un vice ? demande le médecin sans même relever la tête.

Comme je ne sais que répondre, le professeur ajoute, le nez toujours pointé sur sa feuille de papier :

— C’est pourtant la raison qui vous amène chez moi.

C’est là que j’entends sortir de ma bouche la phrase que je n’ai même pas envisagée :

— J’aime sniffer les culottes sales.

Après un silence embarrassant, pour moi du moins, je crois bon d’ajouter :

— Des culottes de femmes, donc.

— Monsieur, vous êtes atteint d’une forme de paraphilie qui est liée à l’excitation sexuelle par les odeurs : l’olfactophilie.

Merci, docteur, ce diagnostic en chinois m’avance beaucoup, j’ai vraiment bien fait de venir ! Déçu par la nonchalance de ce psycho-sexologue de pacotille, écœuré par sa suffisance, je suis sur le point de me lever lorsque l’homme à la chemise Hugo Boss se racle la gorge :

— Monsieur, je me demande pour quelle raison vous êtes venu en consultation chez moi. À vous entendre, je constate que, si vous vous adonnez à des plaisirs que la morale pourrait réprouver, vous ne vous sentez absolument pas dérangé par quelque déviation d’ordre sexuel que ce soit. N’est-il pas ?

— Pour tout vous dire, professeur, je ne serais pas venu vous rendre visite de ma propre initiative, même si votre cabinet est branché et sympa. C’est mon amie qui m’envoie. Comme elle a insisté et insisté, j’ai fini par céder pour avoir la paix. Vous connaissez sans doute mieux que moi la psychologie féminine. Elle me dit sans arrêt que je pense tout le temps au sexe, que je suis un obsédé, accro aux films X…

— En visionnez-vous souvent ?

— Euh… moins qu’à une époque…

— C’est-à-dire ?

Écrasé par un regard lourd et persistant, je cherche une réponse qui m’offrirait une sortie honorable. Les yeux de l’homme assis en face de moi semblent vouloir frapper aux verres des lunettes derrière lesquelles ils refusent de cligner. Je finis par dire d’un ton hésitant :

— Pas plus d’une fois par jour… C’est trop ?

Le médecin demeure silencieux. Le temps semble figé. Suspendu à ses lèvres comme un garnement convoqué chez le directeur de l’école, je me demande quelle terrible sanction va sortir de la bouche toujours inanimée de ce drôle de professeur Karmish.

— Monsieur Kohler, appréciez-vous la mer ?… J’organise des ateliers avec des patients autour de pathologies diverses : une semaine d’introspection, de discussions, d’échanges, de partages d’expériences, entrecoupée de moments de détente à la plage, située à cent mètres de l’hôtel où vous séjournerez. Tous frais compris, incluant le voyage et l’hébergement : mille huit cents euros. Début du stage, le 29 mai. Pensez-y !… Maintenant, je vous saurais gré de bien vouloir me raconter la première fois que vous avez reniflé une culotte de femme.

Respiration 1

Pas facile de se retrouver chez des grandes personnes en pension quand on a cinq ans et que l’on s’ennuie de ses parents. Même si mon séjour chez Bernard et Béatrice ne devait durer qu’une petite semaine, le temps que papa et maman reviennent de leur croisière en amoureux, je comptais les jours et même les heures, petit garçon renfermé jouant tout seul dans la chambre d’ami du couple qui n’avait pas d’enfant. Bernard était un collègue postier de mon père. Son épouse, Béatrice, m’a d’emblée frappé par sa beauté : un visage d’ange qui me rappelait les poupées de mes deux grandes sœurs ; j’ai aussi noté qu’elle avait un corps magnifique, observation qui peut paraître surprenante lorsqu’elle provient de quelqu’un de si jeune. Mais je me souviens bien avoir relevé sa silhouette harmonieuse. Avec le recul, le flou des années accumulées ayant peut-être enjolivé les histoires stockées dans ma mémoire, il me semble qu’elle avait un air de Romy Schneider.

Béatrice se comportait comme une maman avec moi : tendre et cajoleuse, elle me lisait des histoires pour m’endormir, d’une voix douce et claire. Plus tard, je me suis rendu compte qu’elle avait dû souffrir du fait de ne pas avoir enfanté. Elle m’emmenait à l’école, venait m’y rechercher, me préparait des petits plats, relevait mon col et relaçait mes chaussures. Sa présence chaleureuse et constante contrastait avec la froideur de Bernard, même si ce facteur un peu bourru avait un bon fond.

Un matin, alors que je venais de terminer mon pipi du réveil, mon regard a été attiré par un bout de tissu gris, posé sur le bord de la baignoire : en m’approchant, j’ai constaté qu’il s’agissait d’une fine culotte de dame. Je l’ai touchée d’un geste hésitant et tremblant, me retournant pour m’assurer que personne ne me voyait. La matière lisse et douce glissait le long de mon doigt. J’ai saisi le slip de Béatrice, et, sans trop savoir pourquoi, comme si ma main obéissait à une télécommande, je l’ai porté à mon visage, juste sous mon nez, et j’ai respiré l’étoffe : une senteur inconnue est montée dans mes narines, une douce odeur qui n’avait rien à voir avec la lessive imprégnée dans les habits fraîchement lavés. À cet instant-là, je n’ai pas compris que je venais de découvrir le parfum de femme.

2

Je ne suis pas un obsédé

Dans le train du retour, en buvant un café infect dans un gobelet en carton qui me brûle la main, je me demande pourquoi j’ai accepté la proposition. Je vais griller une somme coquette pour me retrouver en colonie avec une bande de dégénérés, contraint de partager tout mon temps avec ces malades et de déclamer, assis en cercle, l’air béat : « Bonjour, je m’appelle Philippe, je suis obsédé sexuel, je suis un horrible sniffeur en série de petites culottes sales ! » Et tous les autres répondront : « Bonjour, Philippe ! »

Arrivé à la gare de Sion, en voyant une bimbo en maillot de bain sur la couverture d’un magazine de fitness, une idée me traverse l’esprit et me bloque le ventre aussitôt : et si, en dépit de la décision que j’ai prise, j’allais rendre une visite de courtoisie à cette chère Kristen Lea ? Je pourrais prétexter une douleur soudaine aux vertèbres lombaires, une urgence qui m’ouvrirait les portes de son institut et conduirait sur mon dos ses douces mains fines aux ongles colorés. Sur mon dos, en attendant des jours meilleurs où elles exploreraient le reste de mon corps. Je file donc en direction de l’institut Le Poudrier, place du Midi, le cœur frappant ma poitrine de plus en plus fort à chaque pas qui me rapproche de ce temple de l’érotisme. Le parfum vanillé reconnaissable entre mille embaume déjà le couloir. Pas de doute, me voici à Kristen Lea City. Je sonne en lisant l’affiche qui indique Ne reçoit que sur rendez-vous. Nulle réponse. J’appuie sur la poignée, qui résiste à la pression : la belle est sans doute sortie boire un lait de soja ou manger une carotte râpée. Au moment où je me dirige vers la sortie de l’immeuble, elle apparaît derrière la porte vitrée, habillée d’une autre manière que ce matin : elle porte une combinaison ample beige, son uniforme en quelque sorte.

— Oh ! Philippe ! Mais que fais-tu ici ? me lance-t-elle dans un sourire de commerçante qui paraît un peu crispé.

Je réponds à la belle que je passais dans le quartier et que, comme je souffre d’un insupportable mal de dos, je me demandais si elle n’avait pas une plage de libre dans son programme du jour. Elle me dit d’entrer, ce que je fais, le souffle court. Elle consulte le registre posé sur le comptoir. Ses seins semblent d’une taille plus raisonnable sous sa tunique moins moulante que son top de ce matin. Mais ils ont gonflé, c’est certain. Elle a dû subir une opération pour se monter des nichons d’actrice porno américaine, la salope.

— Malheureusement, j’ai une cliente qui va arriver dans quelques minutes. Il faudrait que tu prennes rendez-vous, dit-elle en relevant la tête.

J’ai à peine le temps de noter qu’elle n’a pas qu’un beau cul, mais des yeux superbes aussi, qu’elle me propose de revenir le jeudi 18 mai à quatorze heures. Dans huit jours. Comment refuser une invitation si glamour ? Après lui avoir volé deux bisous furtifs et reniflé au passage son doux parfum vanillé, je prends congé de la belle, troublé et confus, me dirigeant comme un automate vers la porte de sortie de l’institut, à la manière d’un prisonnier politique qui vient de subir une lobotomie dans un laboratoire des services secrets avant de se faire expédier dans une geôle au fin fond d’une province désertique.

 

 

Ce matin, au bureau, suçotant la brique qui ne contient plus de chocolat froid depuis plusieurs minutes, je peine à me concentrer, encore perdu dans le parfum de ma masseuse. Mes deux associés, Mike et Patrick, m’ont soumis un mandat qui m’interloque : créer un site internet pour La Foi Réunie, ensemble vocal mixte ultrabranché sur la religion, comme son nom l’indique d’emblée. Je dois dire que ça m’a fait bien rigoler : cette équipe de bigots de bonne famille qui font appel à WebWallis, une société informatique composée des trois plus gros queutards de la ville. Et dans ce groupe, je suis encore le moins contaminé par le virus du sexe : bien que hautement dépravé, à côté de mes deux acolytes, je fais figure d’enfant de chœur, un innocent aux mains même pas pleines. Et je ne parle même pas des litres d’alcool que ces deux ours engloutissent. À ma gauche, Mike, trente-sept ans, surdoué de l’internet, gros nounours de près de deux mètres, dont le cerveau s’est développé surtout à l’intérieur du gland ; le gars, abonné à plus de cinquante sites pornos, qui parle davantage qu’il n’agit et qui ne perçoit le monde qu’à travers une faille qui ressemble plus ou moins à un vagin. Ce fou aime visiter tous les entrejambes féminins, même si la seule vallée qu’il aurait le droit de parcourir se trouve entre les cuisses de Brigitte, sa petite amie depuis cinq ans, la pauvre. À ma droite, Patrick, trente-huit ans, le beau ténébreux, éternel célibataire, tombeur de ces dames, qui serait doté d’un engin aux normes ahurissantes, du genre fusée Ariane garée dans son boxer, toujours prête à sortir du hangar pour une mission d’exploration. Selon la rumeur, monsieur Patrick aurait vu plus de culs de bonnes femmes qu’un gynécologue en trente ans de carrière. Bref, sans doute une exagération, une légende urbaine propagée par quelque conquête aveuglée par l’amour. Un chic type, en tout cas, mais à ne jamais présenter à mon « amie » Kristen Lea.

Voilà trois jours que j’ai consulté Karmish et je me demande toujours pour quelle raison saugrenue j’ai signé pour son stage à mille huit cents euros la semaine. D’autant que, comme le bon docteur me l’a dit, je ne suis pas malade. Enfin, selon son diagnostic, je semble tout de même souffrir de sa « paraphilie » des odeurs, bien que renifler des petites culottes ne s’apparente pas à une souffrance pour moi. Bien au contraire ! Mais plus j’y pense, plus l’idée de cet atelier me fait grincer des dents : sept jours, mille huit cents euros ! A ce prix-là, ils nous amènent des putes et du caviar ? Il faut que j’annule cette arnaque de pseudo-thérapie. D’un autre côté, je me dis que si je participe au stage, Sophie se calmera peut-être, croyant que je me soigne. Tiens, Sophie ! J’ai encore oublié de lui téléphoner, je vais me faire sonner les cloches ce soir : « Tu ne penses pas à moi, tu ne dis jamais que tu m’aimes, tu ne m’offres des fleurs qu’à mon anniversaire. » Et si je rompais, histoire de me rendre libre pour enfin pouvoir sortir avec Kristen Lea ? Je me demande quel parfum se dégage du petit string de cette bombe : son odeur n’est certainement pas très prononcée, pas du genre foufoune de brune du sud qui fouette le poisson trente centimètres à la ronde. Son minou doit sentir la vanille, les îles ensoleillées, l’amour. Et elle se « rase intégral », selon ses propres termes ! Elle me l’a dit il y a quelques années lors d’une soirée où une fois de plus, j’étais rentré bredouille. « Je ne supporte pas les poils et je n’aime pas le ticket de métro. »

— Sors de tes rêveries et prends tes capotes, mon pote ! Y a le mec le plus hot de la ville qui nous attend pour une méga partouze avec sa femme, me lance Mike en passant sa tête de nounours barbu dans l’entrebâillement de la porte.