Traité des sièges et de l’attaque des places - Sébastien Le Prestre de Vauban - E-Book

Traité des sièges et de l’attaque des places E-Book

Sébastien Le Prestre de Vauban

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Beschreibung

 Si les sièges et la prise des places ennemies nous rendent maîtres de leurs pays, la fortification nous en assure la possession, et peut garantir nos frontières des suites fâcheuses de la perte d’une bataille qui, sans ces précautions, pourrait donner lieu à l’ennemi d’étendre bien loin les fruits de sa victoire : c’est de quoi nous avons de grands exemples en France, aux Pays-Bas, en Italie, en Allemagne, et même en Espagne, tous pays dont les frontières sont fortifiées par quantité de bonnes places, notamment les Pays-Bas, où il y a peu de villes qui ne le soient. Tout le monde sait assez le temps qu’il y a qu’on y fait la guerre, sans qu’on ait jamais pu les conquérir totalement ; et qui voudrait faire attention sur ce qui s’y est passé depuis deux cents ans, trouverait qu’on y a donné plus de soixante batailles, fait plus de deux cents siéges de places en attaquant et défendant, sans qu’on ait pu les réduire entièrement.

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TRAITÉ

 

DES SIÉGES

 

ET DE

 

L’ATTAQUE DES PLACES,

 

PAR LE MARÉCHAL DE VAUBAN.

 

© 2024 Librorium Editions

ISBN : 9782385746124

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

AVERTISSEMENT.

UTILITÉ DES PLACES FORTES.

RÉSOLUTION DES SIÉGES.

MAGASINS.

INVESTITURE.

LES PONTS À FAIRE POUR SERVIR À LA COMMUNICATION DES QUARTIERS.

FAÇONS DES LIGNES.

PORTES ET BARRIÈRES DES LIGNES.

CONTREVALLATIONS.

PRÉPARATIFS DES ATTAQUES.

PRÉPARATIFS DU PARC.

FAÇON DES MANTELETS.

LES OUTILS.

OBSERVATIONS À FAIRE SUR LA RECONNAISSANCE DES PLACES.

OUVERTURE DE LA TRANCHÉE.

LA SAPE.

PLACES D’ARMES.

DEMI-PLACES D’ARMES.

PROPRIÉTÉS GÉNÉRALES DES TROIS PLACES D’ARMES.

DES SORTIES.

CONTINUATION DU CHAPITRE CONTRE LES SORTIES.

SORTIES INTÉRIEURES.

BATTERIES DE CANON.

BATTERIES À BOMBES.

MORTIERS À PIERRES.

DES TRAVERSES.

FAÇON DES CAVALIERS.

BATTERIES DU CHEMIN COUVERT.

DESCENTE DU FOSSÉ.

PRISE DE LA DEMI-LUNE.

PASSAGE DU GRAND FOSSÉ DE LA PLACE.

DES MINES.

FABRIQUE DES POUDRES.

DÉMONSTRATION DES EFFETS DE LA POUDRE

RÉFLEXION

MANIÈRE DE SUPPUTER L’EXCAVATION DES MINES.

TABLE

DIFFÉRENCE DES MINES.

Attaques d’une place située sur une hauteur qui n’est accessible que par une avenue étroite et difficile. Pl. 29[2] 1693. 1692. sixième exemple.

DU GÉNÉRAL.

DE L’ARTILLERIE.

ÉTAT-MAJOR.

AVERTISSEMENT.

B.

H.

I.

J.

K.

L.

M.

N.

O.

P.

Q.

R.

S.

T.

V.

CORRECTIONS DE L’ÉDITEUR.

MOTS ÉQUIVALENS

 

AVERTISSEMENT.

 

 

Composé au commencement de la guerre de la succession d’Espagne, lorsque l’art moderne des siéges n’avait encore fait que peu de progrès chez les puissances étrangères, le Traité de l’Attaque des Places ne devait pas être publié ; l’intention de son illustre auteur, exprimée dans la dédicace au duc de Bourgogne, était même que l’on n’en prît pas de copies. Cependant, suivant l’historien du corps du génie[1], du vivant de Vauban, beaucoup de personnes[2] avaient des copies de ses principaux ouvrages, au nombre desquels on doit compter le Traité de l’Attaque des Places, dont le libraire de Hondt donna la première édition, in-4o, en 1737, à la Haye. Cette édition était belle, accompagnée de grandes planches avec des légendes, comme dans l’exemplaire manuscrit qui nous a servi, et dont nous parlerons. De Hondt donna, en 1742, une nouvelle édition, in-8o, du Traité de l’Attaque des Places, avec de petites planches. Il n’y a point de différences essentielles entre cette édition et la première. Nul doute que de Hondt n’ait eu une copie fidèle, à quelques passages près qui y manquaient sans doute, du chef-d’œuvre de Vauban. Mais les éditeurs se permirent d’y corriger bien des fautes, disent-ils dans leurs préfaces ; de là des erreurs, un texte altéré, une ponctuation fautive en plusieurs endroits ; enfin des planches la plupart défectueuses.

Lorsque l’édition de 1737 parut, M. le comte d’Aunay, maréchal-de-camp et petit-fils de Vauban, forma le projet de donner en France une édition des Traités de l’Attaque et de la Défense des Places, de son aïeul, en faisant des changements et des interpolations dans ces ouvrages. Les deux volumes[3] de l’édition qu’il avait préparée, ont été compris, sous le no 38, au nombre des propres manuscrits de Vauban, dans différens inventaires. Nous y avons d’abord été trompé ; ce qui a donné lieu à la note de la page 220. Mais M. le marquis Le Peletier Rosanbo, pair de France, dépositaire des manuscrits de Vauban qui furent laissés à M. d’Aunay, (dont la fille unique épousa en 1737 l’aïeul de M. de Rosanbo)[4], ayant bien voulu nous recevoir à sa terre du Ménil, près Mantes, et mettre à notre disposition, avec une extrême obligeance, les manuscrits nécessaires à nos recherches, nous avons trouvé les minutes au net de M. le comte d’Aunay, conformes aux copies cartonnées, cotées 38, une préface de M. d’Aunay, une lettre qu’il écrivit aux maréchaux de France, et la réponse de ces derniers, qui approuvaient son projet ; il n’eut pas d’exécution.

En 1740, des libraires de Leyde imprimèrent in-4o le Mémoire, pour servir d’instruction dans la conduite des siéges, que Vauban avait fait en 1669 pour M. de Louvois. Le confondant avec le Traité de l’Attaque des Places, ils l’annoncèrent comme ayant été présenté au roi Louis XIV en 1704. Il peut être curieux de connaître le jugement que Vauban portait de ce premier travail vers cette époque ; voici ce qu’on lit, écrit de sa main, sur le verso de la couverture de l’exemplaire que possède M. le marquis de Rosanbo :

« Cet ouvrage est bon et excellent, mais il demande beaucoup de corrections, et j’ai quantité de bonnes choses à y ajouter. »

« Il fut fait en l’année 1669, à l’instante réquisition de M. de Louvois, qui, n’entendant pas les siéges, avait pour lors grande envie de s’en instruire. Comme je n’eus que six semaines de temps pour y travailler[5], cela a été cause du peu d’ordre qui s’y trouve et de la quantité de fautes dont il est plein. »

Les premiers chapitres, où sont exposées les fautes que l’on commettait alors dans les siéges, renferment des avertissemens que l’on ne doit pas considérer encore comme tout-à fait superflus aujourd’hui. Quelques chapitres ont été transportés dans le Traité de 1704. Quelques idées qui nous semblent bonnes n’ont pas eu la même faveur. L’édition de Leyde, la seule qu’on connaisse, a été retouchée et est incorrecte ; mais, à tout prendre, elle est exacte ; seulement, la seconde partie, qui a pour titre Mémoire pour servir d’instruction dans la Défense des Places, n’est pas dans les exemplaires manuscrits.

L’avis de 1703, sur les attaques de Landau, est, à proprement parler, l’esquisse du Traité de l’Attaque des Places : c’est le même ordre, ce sont les mêmes idées moins développées, quelquefois les mêmes expressions. Deux seules choses y sont relatives à Landau : le choix du front d’attaque, et l’attaque des tours bastionnées telle qu’elle est dans le Traité de 1704.

Revenons maintenant aux éditions les plus connues de ce Traité après celles de de Hondt : savoir, celle de Jombert et celle de Foissac ; elles sont toutes deux tronquées ; il y manque les chapitres sur les mines, que l’on a joints, pour faire un troisième volume, à des fragmens sur le même sujet, attribués à Vauban. Il manque en outre dans celle de Foissac, faite en l’an 3, le chapitre des princes à la tranchée ; mais on y trouve des additions utiles à cette époque, et qui lui donnent encore quelque prix aujourd’hui.

Tous ces défauts des anciennes éditions avaient été signalés dès 1805 par M. le chevalier Allent, dans son excellente Histoire du corps du Génie. En octobre 1826, nous sûmes que M. le maréchal-de-camp baron Valazé s’occupait d’une nouvelle édition du Traité de la Défense des Places, revue sur les manuscrits du Dépôt des fortifications. Un an après, nous pensâmes à faire le même travail sur l’attaque des places, avec l’autorisation de Son Excellence le Ministre de la guerre ; et, examen fait des éditions et des manuscrits de cet ouvrage, nous résolûmes de suivre fidèlement le texte du bel exemplaire manuscrit, que possède le Dépôt des fortifications, et qui paraît être celui que Vauban présenta au duc de Bourgogne, en 1704.

Cet exemplaire, in-folio, est écrit sur beau papier, est doré sur tranches et relié avec luxe en maroquin rouge. Sur les plats de la couverture sont des filets à fleurs de lis en or qui encadrent les armes de France. Le dos présente sept entre-nerfs, dans l’un desquels, le deuxième, est écrit Traité des Siéges ; dans chacun des autres sont deux L couronnés et quatre fleurs de lis en sautoir. Il est le premier de la série in-folio des manuscrits de Vauban. La dédicace est ornée d’une vignette et signée Vauban. Les divisions de l’ouvrage ne sont pas indiquées autrement que par des titres en lettres capitales, reproduits semblablement dans cette édition. Le nombre des pages est de 623, y compris un Mémoire sur l’artillerie et les sapeurs, également adressé au duc de Bourgogne ; celui des planches est de 31 ; il y a en outre quelques figures dans le texte. Les planches sont faites avec soin et sont placées à la fin des chapitres auxquels elles se rapportent plus particulièrement. L’écriture est la bâtarde ; elle est très-belle et très-lisible. Il y a deux ou trois ratures au plus qui paraissent être de la main de Vauban ; mais plusieurs passages ont été grattés et récrits très-proprement. Un certain nombre de mots et de passages sont écrits en ronde : ils ont été imprimés en italique.

On trouve cependant dans ce manuscrit des fautes que l’on peut faire disparaître sans altérer le texte : un mot mal écrit par le copiste, ou par Vauban, mot dont l’orthographe ou le genre a changé ; quelquefois un mot omis, facile à restituer ; un pluriel pour un singulier, et réciproquement. Dans tous ces cas, nous avons cru devoir faire les corrections nécessaires ; mais nous présentons en regard, à la fin de l’ouvrage, sous le titre : Corrections de l’Éditeur, les mots que nous avons changés et ceux que nous avons mis en place. Nous avons respecté les locutions particulières à Vauban : à même temps pour en même temps ; à preuve pour à l’épreuve ; où pour lorsque dans quelques cas ; si comme particule affirmative, la manière plus ordinaire, pour la manière la plus ordinaire, etc. La ponctuation du manuscrit laisse beaucoup à désirer ; on trouvera également à la fin le petit nombre de phrases où elle a subi un changement important. Nous avons eu présent, en revoyant cette édition, ce passage de l’éloge de l’auteur par Carnot : « Le choix des mots, l’arrangement des phrases, les répétitions même apportent dans cet ouvrage une modification et un intérêt qu’on ne trouve plus dans les copistes. »

Les notes marginales, au nombre de sept ou huit, distinguées par un V à la fin, étaient dans le manuscrit ; toutes les autres sont plutôt des sommaires que nous avons ajoutés pour aider à faire des recherches dans l’ouvrage. Nous avons mis aussi au bas des pages quelques notes, dont une est tirée du Mémoire de 1669 pour servir d’instruction dans la conduite des siéges, et la plupart des autres de l’Avis de 1703 sur les attaques de Landau[6].

Les planches 2, 4, 12, 13, 14, 15, 21, 23, 25, 27 et 31, sont entièrement neuves, et ont été, à l’exception de celles 2, 13 et 14, gravées d’après des calques pris sur les feuilles de dessin du manuscrit[7]. Toutes les autres ont été corrigées, et en partie gravées de nouveau. Nous avons supprimé les légendes des planches 20, 22, 24, 26 et 30, qui étaient la répétition de celles des planches 13 et 14.

Nous avons revu, après le tirage, le premier exemplaire de cette édition avec M. le capitaine du génie Villeneuve, qui lisait le manuscrit ; et nous rapportons à la fin, sous les titres, corrections de l’éditeur, mots de l’ancienne édition restés dans la nouvelle, et errata, toutes les différences que cet examen nous a fait reconnaître entre le texte imprimé et le texte manuscrit.

Enfin, à l’exemple des éditeurs qui nous ont précédé, nous joignons au Traité de l’Attaque, l’éloge de Vauban par Fontenelle, et une table des matières par ordre alphabétique.

AUGOYAT,

chef de bataillon au corps royal du génie.

 

Allent

. —

Histoire du corps du Génie

, I

re

, partie,

Paris

, 1805,

page

701.

Le général Bacler Dalbe, reçut à Varsovie, en 1807, d’un colonel polonais, un exemplaire manuscrit du

Traité de l’Attaque des Places

, qui paraît être (autant que nous avons pu en juger en le parcourant), une des copies les plus fidèles de cet ouvrage. L’écusson aux armes de Mormez de Saint-Hilaire, qui est sur les plats de la couverture, annonce qu’il a appartenu au lieutenant-général d’artillerie de ce nom*, avec qui Vauban a rédigé le Mémoire sur l’artillerie qui paraît pour la première fois à la fin de cette édition. Cet exemplaire appartient actuellement à madame Bacler Dalbe. *

Note de M. Henin, capitaine d’artillerie.

Ils sont cartonnés et recouverts en papier gauffré. Bibl. Ros.

Les manuscrits échus en partage à M. le marquis d’Ussé, autre petit-fils de Vauban, sont dispersés. M. Dez, professeur de mathématiques à l’École militaire, qui avait beaucoup connu le marquis d’Ussé, et qui est auteur d’une note inédite très-curieuse sur Vauban, possédait en 1784 le manuscrit du

Traité de l’Attaque des Places

, sur lequel avait été copié l’exemplaire du duc de Bourgogne. Ce manuscrit, envoyé à cette époque à M. de Villelongue, commandant de l’école de Mézières, est perdu. La bibliothèque de l’École d’artillerie et du génie, où nous avions pensé qu’il pourrait se trouver, ne possède que deux copies du

Traité de

l’Attaque des Places

*, dont une est très défectueuse, et l’autre est une copie de l’édition de de Hondt. Le Dépôt des fortifications possède aussi une copie de l’édition de de Hondt. Nous ne saurions dire si ces copies sont postérieures ou antérieures à 1737.

* Note de M. le capitaine du génie Bugnot, à Metz.

M. le comte d’Aunay rapporte dans la préface dont j’ai parlé, que Vauban ne commença le

Traité de l’Attaque des Places

qu’au retour de la campagne de 1703, et deux mois après il eut l’honneur de le présenter au duc de Bourgogne.

Nous plaçons ici une note sur les

grenades à cuiller

, dont Vauban parle à la page 143 ; nous la devons à M. le général Bardin, auteur d’un

Dictionnaire d’art militaire

, ouvrage important, encore inédit.

« Grenade à cuiller ; sorte de grenades qui différaient de la grenade à main, et par le poids et par la manière d’être lancées.

« Vauban en parle ; mais les écrivains français qui étaient ses contemporains n’en disent rien, parce que cette mode était surtout espagnole.

« On se servait de grenades à cuiller pour la défense d’un rempart, d’une brèche, ou quand il fallait s’opposer au passage du fossé.

« Des enfans perdus ou des grenadiers se plaçaient sur deux rangs ; le premier rang était pourvu d’un instrument de bois de la longueur d’une pelle ordinaire, et de la forme d’une cuiller à pot ; chaque enfant perdu plaçait horizontalement cette cuiller sur son épaule droite, et en tenait le manche à deux mains ; les grenadiers du second rang logeaient la grenade dans le cuilleron de l’instrument, et y mettaient le feu ; les grenadiers tenant la cuiller, la faisaient basculer et lançaient paraboliquement le projectile.

« Cette méthode avait plusieurs avantages ; ainsi, au lieu de produire des feux de tirailleurs, elle produisait des salves.

« Si le premier rang était aperçu de l’ennemi, le second rang n’en était pas vu, et même tous les grenadiers pouvaient rester masqués par un épaulement ; il suffisait que le chef ou l’officier de fortune qui les commandait, regardât par-dessus le parapet à quel instant il était à propos d’agir ; alors, il donnait ordre au second rang de placer la grenade, et lui faisait le commandement : allumez l’ampoulette ; à un troisième signal, un jet d’ensemble s’exécutait ; c’était une espèce de feu de peloton.

« Peut-être était-ce l’homme du second rang, qui donnait lui-même l’ordre du départ du projectile pour prévenir tout accident.

« Les grenades qu’on jetait de cette manière, étaient de l’espèce des bombines, des bombes de fossé, des grenades de rempart, et pesaient de trois à dix kilogrammes. »

Nous avons laissé la légende de la planche

23

telle qu’elle est dans le manuscrit ; elle ne contient pas l’explication du signe, etc., placé sur le front d’attaque aux angles des flancs avec la courtine, pour indiquer des chemins ou communications ouvertes dans ces angles par l’assiégeant.

ÉLOGEDU MARÉCHAL DE VAUBAN, PAR FONTENELLE.

Sébastien le Prêtre, chevalier, seigneur de Vauban, Bazoches, Pierrepertuis, Pouilly, Cervon, la Chaume, Épiry, le Creuset, et autres lieux, maréchal de France, chevalier des ordres du roi, commissaire général des fortifications, grand’croix de l’ordre de Saint-Louis et gouverneur de la citadelle de Lille, naquit le premier jour de mai 1633, d’Urbain le Prêtre et d’Aimée de Carmagnol. Sa famille est d’une bonne noblesse du Nivernais, et elle possède la seigneurie de Vauban depuis plus de 250 ans.

Son père, qui n’était qu’un cadet, et qui de plus s’était ruiné dans le service, ne lui laissa qu’une bonne éducation[1] et un mousquet. À l’âge de 17 ans, c’est-à-dire en 1651, il entra dans le régiment de Condé, compagnie d’Arcenai. Alors, feu M. le Prince était dans le parti des Espagnols.

Les premières places fortifiées qu’il vit le firent ingénieur, par l’envie qu’elles lui donnèrent de le devenir. Il se mit à étudier avec ardeur la géométrie, et principalement la trigonométrie et le toisé, et dès l’an 1652 il fut employé aux fortifications de Clermont en Lorraine. La même année il servit au premier siége de Sainte-Menehould, où il fit quelques logemens, et passa une rivière à la nage sous le feu des ennemis pendant l’assaut, action qui lui attira de ses supérieurs beaucoup de louanges et de caresses.

En 1653, il fut pris par un parti français. M. le cardinal Mazarin le crut digne dès-lors qu’il tâchât de l’engager au service du roi, et il n’eut pas de peine à réussir avec un homme, né le plus fidèle sujet du monde. En cette même année, M. de Vauban servit d’ingénieur en second sous le chevalier de Clerville, au second siége de Sainte-Menehould, qui fut reprise par le roi, et ensuite il fut chargé du soin de faire réparer les fortifications de la place.

Dans les années suivantes, il fit les fonctions d’ingénieur aux siéges de Stenay, de Clermont, de Landrecy, de Condé, de Saint-Guilain, de Valenciennes. Il fut dangereusement blessé à Stenay et à Valenciennes, et n’en servit presque pas moins. Il reçut encore trois blessures au siége de Montmédy, en 1657 ; et, comme la Gazette en parla, on apprit dans son pays ce qu’il était devenu ; car, depuis six ans qu’il en était parti, il n’y était point retourné, et n’y avait écrit à personne, et ce fut là la seule manière dont il y donna de ses nouvelles.

M. le maréchal de la Ferté, sous qui il servait alors, et qui l’année précédente lui avait fait présent d’une compagnie dans son régiment, lui en donna encore une dans un autre régiment, pour lui tenir lieu de pension, et lui prédit hautement que si la guerre pouvoit l’épargner, il parviendrait aux premières dignités.

En 1658, il conduisit en chef les attaques des siéges de Gravelines, d’Ypres et d’Oudenarde. M. le cardinal Mazarin, qui n’accordait pas les gratifications sans sujet, lui en donna une assez honnête, et l’accompagna de louanges, qui, selon le caractère de M. de Vauban, le payèrent beaucoup mieux.

Il nous suffit d’avoir représenté avec quelque détail ces premiers commencemens, plus remarquables que le reste dans une vie illustre, quand la vertu, dénuée de tout secours étranger, a eu besoin de se faire jour à elle-même. Désormais M. de Vauban est connu, et son histoire devient une partie de l’histoire de France.

Après la paix des Pyrénées7 novembre 1659, il fut occupé, ou à démolir des places, ou à en construire. Il avait déjà quantité d’idées nouvelles sur l’art de fortifier, peu connu jusque là. Ceux qui l’avaient pratiqué, ou qui en avaient écrit, s’étaient attachés servilement à certaines règles établies, quoique peu fondées, et à des espèces de superstitions, qui dominent toujours long-temps en chaque genre, et ne disparaissent qu’à l’arrivée de quelque génie supérieur. D’ailleurs, ils n’avaient point vu de siéges, ou n’en avaient pas assez vu ; leurs méthodes de fortifier n’étaient tournées que par rapport à certains cas particuliers qu’ils connaissaient, et ne s’étendaient point à tout le reste. M. de Vauban avait déjà beaucoup vu et avec de bons yeux ; il augmentait sans cesse son expérience par la lecture de tout ce qui avait été écrit sur la guerre ; il sentait en lui ce qui produit les heureuses nouveautés, ou plutôt ce qui force à les produire, et enfin il osa se déclarer inventeur dans une matière si périlleuse, et le fut toujours jusqu’à la fin. Nous n’entrerons point dans le détail de ce qu’il inventa ; il serait trop long, et toutes les places fortes du royaume doivent nous l’épargner.

Quand la guerre recommença en 1667, il eut la principale conduite des siéges, que le roi fit en personne. Sa Majesté voulut bien faire voir qu’il était de sa prudence de s’en assurer ainsi le succès. Il reçut au siége de Douay un coup de mousquet à la joue, dont il a toujours porté la marque. Après le siége de Lille, qu’il prit sous les ordres du Roi en neuf jours de tranchée ouverte, il eut une gratification considérable, beaucoup plus nécessaire pour contenter l’inclination du maître que celle du sujet. Il en a reçu encore, en différentes occasions, un grand nombre, et toujours plus fortes ; mais pour mieux entrer dans son caractère, nous ne parlerons plus de ces sortes de récompenses, qui n’en étaient presque pas pour lui.

Il fut occupé, en 1668, à faire des projets de fortifications pour les places de la Franche-Comté, de Flandre et d’Artois. Le Roi lui donna le gouvernement de la citadelle de Lille, qu’il venait de construire, et ce fut le premier gouvernement de cette nature en France. Il ne l’avait point demandé, et il importe et à la gloire du Roi et à la sienne, que l’on sache que de toutes les grâces qu’il a jamais reçues, il n’en a demandé aucune, à la réserve de celles qui n’étaient pas pour lui. Il est vrai que le nombre en a été si grand, qu’elles épuisaient le droit qu’il avait de demander.

La paix d’Aix-la-Chapelle étant faite2 mai 1668, il n’en fut pas moins occupé. Il fortifia des places en Flandre, en Artois, en Provence, en Roussillon, ou du moins fit des desseins qui ont été depuis exécutés. Il alla même en Piémont avec M. de Louvois, et donna à M. le duc de Savoie des desseins pour Verue, Verceil et Turin. À son départ, S.A.R. lui fit présent de son portrait enrichi de diamans. Il est le seul homme de guerre pour qui la paix ait toujours été aussi laborieuse que la guerre même.

Quoique son emploi ne l’engageât qu’à travailler à la sûreté des frontières, son amour pour le bien public lui faisait porter ses vues sur les moyens d’augmenter le bonheur du dedans du royaume. Dans tous ses voyages il avait une curiosité dont ceux qui sont en place ne sont communément que trop exempts. Il s’informait avec soin de la valeur des terres, de ce qu’elles rapportaient, de la manière de les cultiver, des facultés des paysans, de leur nombre, de ce qui faisait leur nourriture ordinaire, de ce que leur pouvait valoir en un jour le travail de leurs mains, détails méprisables et abjects en apparence, et qui appartiennent cependant au grand art de gouverner. Il s’occupait ensuite à imaginer ce qui aurait pu rendre le pays meilleur, de grands chemins, des ponts, des navigations nouvelles, projets dont il n’était pas possible qu’il espérât une entière exécution, espèces de songes, si l’on veut, mais qui du moins, comme la plupart des véritables songes, marquaient l’inclination dominante. Je sais tel intendant de province qu’il ne connaissait point, et à qui il a écrit pour le remercier d’un nouvel établissement utile qu’il avait vu en voyageant dans son département. Il devenait le débiteur particulier de quiconque avait obligé le public.

La guerre qui commença en 1672, lui fournit une infinité d’occasions glorieuses, surtout dans ce grand nombre de siéges que le Roi fit en personne, et que M. de Vauban conduisit tous. Ce fut à celui de Mastricht, en 1673, qu’il commença à se servir d’une méthode singulière pour l’attaque des places, qu’il avait imaginée par une longue suite de réflexions, et qu’il a depuis toujours pratiquée. Jusque-là, il n’avait fait que suivre avec plus d’adresse et de conduite les règles déjà établies ; mais alors il en suivit d’inconnues, et fit changer de face à cette importante partie de la guerre. Les fameuses parallèles, ou les places d’armes, parurent au jour ; depuis ce temps, il a toujours inventé sur ce sujet, tantôt les cavaliers de tranchée, tantôt un nouvel usage des sapes et des demi-sapes, tantôt les batteries à ricochet, et par là il avait porté son art à une telle perfection, que le plus souvent, ce qu’on n’aurait jamais osé espérer, devant les places les mieux défendues il ne perdait pas plus de monde que les assiégés.

C’était là son but principal, la conservation des hommes ; non-seulement l’intérêt de la guerre, mais aussi son humanité naturelle, les lui rendait chers. Il leur sacrifiait toujours l’éclat d’une conquête plus prompte et une gloire assez capable de séduire, et, ce qui est encore plus difficile, quelquefois il résistait en leur faveur à l’impatience des généraux, et s’exposait aux redoutables discours du courtisan oisif. Aussi les soldats lui obéissaient-ils avec un entier dévouement, moins animés encore par l’extrême confiance qu’ils avaient à sa capacité, que par la certitude et la reconnaissance d’être ménagés autant qu’il était possible.

Pendant toute la guerre que la paix de Nimègue termina, sa vie fut une action continuelle et très vive ; former des desseins de siéges, conduire tous ceux qui furent faits, du moins dès qu’ils étaient de quelque importance, réparer les places qu’il avait prises, et les rendre plus fortes, visiter toutes les frontières, fortifier tout ce qui pouvait être exposé aux ennemis, se transporter dans toutes les armées, et souvent d’une extrémité du royaume à l’autre.

Il fut fait brigadier d’infanterie en 1674, maréchal-de-camp en 1676, et en 1678 commissaire général des fortifications de France, charge qui vaquait par la mort de M. le chevalier de Clerville. Il se défendit d’abord de l’accepter ; il en craignait ce qui l’aurait fait désirer à tout autre, les grandes relations qu’elle lui donnait avec le ministère. Cependant, le Roi l’obligea d’autorité à prendre la charge, et il faut avouer que, malgré toute sa droiture, il n’eut pas lieu de s’en repentir. La vertu ne laisse pas de réussir quelquefois, mais ce n’est qu’à force de temps et de preuves redoublées.

La paix de Nimègue

1678

lui ôta le pénible emploi de prendre des places, mais elle lui en donna un plus grand nombre à fortifier. Il fit le fameux port de Dunkerque, son chef-d’œuvre, et par conséquent celui de son art. Strasbourg et Casal, qui passèrent en 1681 sous le pouvoir du Roi, furent ensuite ses travaux les plus considérables. Outre les grandes et magnifiques fortifications de Strasbourg, il y fit faire, pour la navigation de la Bruche, des écluses dont l’exécution était si difficile, qu’il n’osa la confier à personne, et la dirigea toujours par lui-même.

La guerre recommença en 1683, et lui valut, l’année suivante, la gloire de prendre Luxembourg, qu’on avait cru jusque-là imprenable, et de le prendre avec fort peu de perte. Mais la guerre naissante ayant été étouffée par la trêve de 1684, il reprit ses fonctions de paix, dont les plus brillantes furent l’aqueduc de Maintenon, de nouveaux travaux qui perfectionnèrent le canal de la communication des mers, Mont-Royal et Landau.

Il semble qu’il aurait dû trahir les secrets de son art par la grande quantité d’ouvrages qui sont sortis de ses mains. Aussi a-t-il paru des livres dont le titre promettait la véritable manière de fortifier selon M. de Vauban ; mais il a toujours dit, et il a fait voir par sa pratique, qu’il n’avait point de manière. Chaque place différente lui en fournissait une nouvelle, selon les différentes circonstances de sa grandeur, de sa situation, de son terrain. Les plus difficiles de tous les arts sont ceux dont les objets sont changeans, qui ne permettent point aux esprits bornés l’application commode de certaines règles fixes, et qui demandent à chaque moment les ressources naturelles et imprévues d’un génie heureux.

En 1688, la guerre s’étant rallumée, il fit, sous les ordres de Monseigneur, les siéges de Philisbourg, de Manheim et de Frankendal. Ce grand prince fut si content de ses services, qu’il lui donna quatre pièces de canon à son choix, pour mettre à son château de Bazoches, récompense vraiment militaire, privilège unique, et qui, plus que tout autre, convenait au père de tant de places fortes. La même année, il fut fait lieutenant-général.

L’année suivante, il commanda à Dunkerque, Bergues et Ypres, avec ordre de s’enfermer dans celle de ces places qui serait assiégée ; mais son nom les en préserva.

L’année 1690 fut singulière entre toutes celles de sa vie ; il n’y fit presque rien, parce qu’il avait pris une grande et dangereuse maladie à faire travailler aux fortifications d’Ypres, qui étaient fort en désordre, et à être toujours présent sur les travaux. Mais cette oisiveté, qu’il se serait presque reprochée, finit en 1691 par la prise de Mons, dont le Roi commanda le siége en personne. Il commanda aussi, l’année d’après, celui de Namur, et M. de Vauban le conduisit ; de sorte qu’il prit la place en 30 jours de tranchée ouverte, et n’y perdit que 800 hommes, quoiqu’il s’y fût fait cinq actions de vigueur très-considérables.

Il faut passer par-dessus un grand nombre d’autres exploits, tels que le siége de Charleroy en 1693, la défense de la Basse-Bretagne contre les descentes des ennemis en 1694 et 1695, le siége d’Ath en 1697, et nous hâter de venir à ce qui touche de plus près cette académie. Lorsqu’elle se renouvela, en 1699, elle demanda au Roi M. de Vauban pour être un de ses honoraires, et si la bienséance nous permet de dire qu’une place dans cette compagnie soit la récompense du mérite, après toutes celles qu’il avait reçues du Roi en qualité d’homme de guerre, il fallait qu’il en reçût une d’une société de gens de lettres en qualité de mathématicien. Personne n’avait mieux que lui rappelé du ciel les mathématiques, pour les occuper aux besoins des hommes, et elles avaient pris entre ses mains une utilité aussi glorieuse peut-être que leur plus grande sublimité. De plus, l’académie lui devait une reconnaissance particulière de l’estime qu’il avait toujours eue pour elle ; les avantages solides que le public peut tirer de cet établissement avaient touché l’endroit le plus sensible de son âme.

Comme, après la paix de Riswick1697., il ne fut plus employé qu’à visiter les frontières, à faire le tour du royaume, et à former de nouveaux projets, il eut besoin d’avoir encore quelque autre occupation, et, il se la donna selon son cœur. Il commença à mettre en écrit un prodigieux nombre d’idées qu’il avait sur différens sujets qui regardaient le bien de l’État, non-seulement sur ceux qui lui étaient les plus familiers, tels que les fortifications, le détail des places, la discipline militaire, les campemens, mais encore sur une infinité d’autres matières qu’on aurait crues plus éloignées de son usage, sur la marine, sur la course par mer en temps de guerre, sur les finances même, sur la culture des forêts, sur le commerce, et sur les colonies françaises en Amérique. Une grande passion songe à tout. De toutes ces différentes vues, il a composé douze gros volumes manuscrits, qu’il a intitulés ses Oisivetés. S’il était possible que les idées qu’il y propose s’exécutassent, ses oisivetés seraient plus utiles que tous ses travaux.

La succession d’Espagne ayant fait renaître la guerre, il était à Namur au commencement de l’année 1703, et il y donnait ordre à des réparations nécessaires, lorsqu’il apprit que le Roi l’avait honoré du bâton de maréchal de France. Il s’était opposé lui-même, quelque temps auparavant, à cette suprême élévation, que le Roi lui avait annoncée ; il avait représenté qu’elle empêcherait qu’on ne l’employât avec généraux du même rang, et ferait naître des embarras conraires au bien du service. Il aimait mieux être plus utile et moins récompensé, et, pour suivre son goût, il n’aurait fallu payer ses premiers travaux que par d’autres encore plus nécessaires.

Vers la fin de la même année, il servit, sous monseigneur le duc de Bourgogne, au siége du Vieux-Brisach, place très-considérable, qui fut réduite à capituler au bout de treize jours et demi de tranchée ouverte, et qui ne coûta pas 300 hommes. C’est par ce siége qu’il a fini, et il y fit voir tout ce que pouvait son art, comme s’il eût voulu le résigner alors tout entier entre les mains du prince qu’il avait pour spectateur et pour chef.

Le titre de maréchal de France produisit les inconvéniens qu’il avait prévus ; il demeura deux ans inutile. Je l’ai entendu souvent s’en plaindre ; il protestait que, pour l’intérêt du Roi et de l’État, il aurait foulé aux pieds la dignité avec joie. Il l’aurait fait, et jamais il ne l’eût si bien méritée, jamais même il n’en eût si bien soutenu le véritable éclat.

Il se consolait avec ses savantes Oisivetés. Il n’épargnait aucune dépense pour amasser la quantité infinie d’instructions et de mémoires dont il avait besoin, et il occupait sans cesse un grand nombre de secrétaires, de dessinateurs, de calculateurs et de copistes. Il donna au Roi[2], en 1704, un grand manuscrit qui contenait tout ce qu’il y a de plus fin et de plus secret dans la conduite de l’attaque des places, présent le plus noble qu’un sujet puisse jamais faire à son maître, et que le maître ne pouvait recevoir que de ce seul sujet.

En 1706, après la bataille de Ramillies, M. le maréchal de Vauban fut envoyé pour commander à Dunkerque et sur la côte de Flandre. Il rassura par sa présence les esprits étonnés ; il empêcha la perte d’un pays qu’on voulait noyer pour prévenir le siége de Dunkerque, et le prévint d’ailleurs par un camp retranché qu’il fit entre cette ville et Bergues, de sorte que les ennemis eussent été obligés de faire en même temps l’investiture de Dunkerque, de Bergues et de ce camp, ce qui était absolument impraticable.

Dans cette même campagne, plusieurs de nos places ne s’étant pas défendues comme il aurait souhaité, il voulut défendre par ces conseils toutes celles qui seraient attaquées à l’avenir et commença sur cette matière un ouvrage qu’il destinait au Roi, et qu’il n’a pu finir entièrement[3]. Il mourut le 30 mars 1707, d’une fluxion de poitrine accompagnée d’une grosse fièvre, qui l’emporta en huit jours, quoiqu’il fut d’un tempérament très-robuste et qui semblait lui promettre encore plusieurs années de vie. Il avait 74 ans moins un mois.

Il avait épousé Jeanne d’Aunoy, de la famille des barons d’Épiry en Nivernais, morte avant lui. Il en a laissé deux filles, madame la comtesse de Villebertin[4] et madame la marquise d’Ussé.

Si l’on veut voir toute sa vie militaire en abrégé, il a fait travailler à 300 places anciennes, et en a fait 33 neuves ; il a conduit 53 siéges, dont 30 ont été faits sous les ordres du Roi en personne, ou de Monseigneur, ou de monseigneur le duc de Bourgogne, et les 23 autres sous différens généraux ; il s’est trouvé à 140 actions de vigueur.

Jamais les traits, de la simple nature n’ont été mieux marqués qu’en lui, ni plus exempts de tout mélange étranger. Un sens droit et étendu, qui s’attachait au vrai par une espèce de sympathie, et sentait le faux sans le discuter, lui épargnait les longs circuits par où les autres marchent, et d’ailleurs sa vertu était en quelque sorte un instinct heureux, si prompt qu’il prévenait sa raison. Il méprisait cette politesse superficielle dont le monde se contente, et qui couvre souvent tant de barbarie ; mais sa bonté, son humanité, sa libéralité lui composaient une autre politesse plus rare, qui était toute dans son cœur. Il seyait bien à tant de vertu de négliger des dehors, qui, à la vérité, lui appartiennent naturellement, mais que le vice emprunte avec trop de facilité. Souvent M. le maréchal de Vauban a secouru de sommes assez considérables des officiers qui n’étaient pas en état de soutenir le service, et quand on venait à le savoir, il disait qu’il prétendait leur restituer ce qu’il recevait de trop des bienfaits du Roi. Il en a été comblé pendant tout le cours d’une longue vie, et il a eu la gloire de ne laisser en mourant qu’une fortune médiocre. Il était passionnément attaché au Roi, sujet plein d’une fidélité ardente et zélée, et nullement courtisan ; il aurait infiniment mieux aimé servir que plaire. Personne n’a été si souvent que lui, ni avec tant de courage, l’introducteur de la vérité ; il avait pour elle une passion presque imprudente, et incapable de ménagement. Ses mœurs ont tenu bon contre les dignités les plus brillantes, et n’ont pas même combattu. En un mot, c’était un Romain qu’il semblait que notre siècle eût dérobé aux plus heureux temps de la république.

Sa place d’académicien honoraire a été remplie par M. le maréchal d’Estrées, vice-amiral de France, grand d’Espagne, chevalier des ordres du Roi, gouverneur du comté nantais.

Suivant MM. Dez*, Noel**, Allent, orphelin dès l’enfance, et sans ressources, Vauban fut recueilli et élevé par le prieur de S

t

.-Jean, à Semur, petite ville peu éloignée du lieu de sa naissance, qui est Saint-Léger de Foucheret, dans le département de l’Yonne, 4 lieues au sud-est d’Avallon.

* Note citée page ij.** Auteur d’un éloge de Vauban.

Au duc de Bourgogne.

Le Traité de la Défense des Places.

Marquise de Mesgrigny d’Aunay.

À

MONSEIGNEUR

LE DUC

DE BOURGOGNE.[1]

Monseigneur,

Ce n’est qu’en tremblant que je prends la liberté de vous dédier cet ouvrage : je l’aurais fait plus hardiment au ROI votre Grand-Père, parce qu’ayant le bonheur d’être connu de lui depuis longues années, sachant quelest mon génie, et de quoi je suis capable, il aurait la bonté de me pardonner les fautes qui pourraient m’échapper à cet égard, persuadé qu’il est que mon cœur n’y aurait point de part. Je suis si peu connu de vous, Monseigneur, que je n’ose m’en promettre la même grâce ; je brûle cependant du désir de vous plaire ; et ce que je prends la liberté de vous présenter, en est une preuve évidente. Vous n’en trouverez pas le style fleuri ni éloquent, mais très-simple, et d’un homme qui, n’ayant point d’étude, cherche à se faire entendre du mieux qu’il peut. Trop heureux si je puis rendre assez intelligible pour que vous ne soyez pas ennuyé de sa lecture. Tel qu’il est, c’est le précis de ce que j’ai pu recueillir et imaginer de mieux depuis cinquante ans et plus, que je pratique la fortification, pendant lequel temps il m’a passé presque autant de siéges par les mains, dont partie sous les yeux du Roi même ; une autre sous ceux de Monseigneur[2]; et un seulement[3]sous l’honneur de vos ordres, qui véritablement n’a pas été un des moindres ; d’ailleurs, j’espère de n’en pas demeurer là. La grâce que j’ose vous demander, Monseigneur, est de vouloir donner bien vous donner la peine de lire ce Traité avec attention, et qu’il vous plaise de le garder pour

Louis, duc de Bourgogne, père de Louis

XV

; mort en 1712.

Louis, Dauphin, père du duc de Bourgogne ; mort en 1711.

Celui du Vieux-Brisach, en 1703.

TRAITÉ

DE

L’ATTAQUE DES PLACES.

UTILITÉ DES PLACES FORTES.

Si les sièges et la prise des places ennemies nous rendent maîtres de leurs pays, la fortification nous en assure la possession, et peut garantir nos frontières des suites fâcheuses de la perte d’une bataille qui, sans ces précautions, pourrait donner lieu à l’ennemi d’étendre bien loin les fruits de sa victoire : c’est de quoi nous avons de grands exemples en France, aux Pays-Bas, en Italie, en Allemagne, et même en Espagne, tous pays dont les frontières sont fortifiées par quantité de bonnes places, notamment les Pays-Bas, où il y a peu de villes qui ne le soient. Tout le monde sait assez le temps qu’il y a qu’on y fait la guerre, sans qu’on ait jamais pu les conquérir totalement ; et qui voudrait faire attention sur ce qui s’y est passé depuis deux cents ans, trouverait qu’on y a donné plus de soixante batailles, fait plus de deux cents siéges de places en attaquant et défendant, sans qu’on ait pu les réduire entièrement. La raison est, que les places fortes arrêtent la poursuite des armées victorieuses, servent d’asile très-sûr à celles des ennemis qui ont été battues, et donnent moyen de tirer la guerre en longueur ; pendant quoi il arrive des conjonctures bizarres, et des changemens d’intérêt dans les états voisins (naturellement ennemis des prospérités l’un de l’autre), font que vos amis devenant vos envieux, cessent de vous assister, ou ne le font pas de bonne foi, ou changent ouvertement de parti ; ce qui est arrivé si fréquemment dans ces derniers temps, que l’on a souvent vu les progrès des conquérans arrêtés par de telles et semblables conduites, et eux contraints de passer de l’offensive à la défensive, dans le temps que le bonheur de leurs armes semblait leur promettre le plus d’avantages ; d’où s’est ensuivi des retours de prospérité qui ont produit des paix à des conditions onéreuses qui les ont obligés à restituer tout, ou la meilleure partie de ce qu’ils avaient conquis, après des consommations immenses d’hommes et d’argent, et beaucoup de pays ruinés. Qui voudrait pousser cette digression plus loin, et repasser sur ce qui est arrivé dans le monde connu, depuis que les hommes ont commencé à rédiger par écrit les démêlés qu’ils ont eus entre eux, trouverait qu’il a bien moins fallu de temps et d’efforts pour se rendre maître de l’Asie, et de beaucoup d’autres pays d’une étendue immense, qu’il n’en a fallu pour conquérir une partie des Pays-Bas,La poursuite d’une armée battue dans un pays fortifié, ne s’étend pas à plus de 2, 3 ou 4 lieues. qui ne contiennent pas la centième partie près, l’étendue de ceux-là. La raison en est évidente : c’est qu’une bataille perdue dans ces pays-ci n’a pour l’ordinaire que peu de suite. La poursuite d’une armée battue ne s’étend pas à plus de deux, trois ou quatre lieues au plus ; parce que les places voisines des ennemis arrêtent les victorieux, donnent retraite aux vaincus ; les empêchent d’être totalement ruinés, et font qu’à l’abri de leur protection ils se raccommodent en peu de temps, et obligent l’armée victorieuse à se contenter de la supériorité le reste de la campagne, ou au plus, de la prise d’une place qui lui coûte beaucoup, l’affaiblit considérablement, et donne temps à l’armée battue de se mettre en état de reprendre la campagne,Après une bataille perdue, dans un pays ouvert, le vaincu est obligé de recevoir la loi du vainqueur. et de se saisir des postes qui fixent les progrès de son ennemie ; au lieu que, dans ces vastes pays ou il n’y a point ou peu de places fortes, l’armée du vainqueur pousse l’armée vaincue jusqu’à son entière dissipation, qui est ordinairement suivie d’un saccagement de pays, qui le force à recevoir la loi du vainqueur. C’est ce qui arriva à Alexandre, qui, en trois batailles, se rendit maître de ce prodigieux empire des Perses ; et ce qui est arrivé à César après la conquête des Gaules, car il assujétit tous les pays où il porta la guerre, après le gain d’une ou de deux batailles ; et pour ne pas remonter si haut, l’Espagne ne fut-elle pas conquise par les Maures, après la perte d’une bataille ? Teimurlangt, ce fameux conquérant de l’Asie, ne se rendit-il pas maître de la Perse, de l’Arménie, de l’Indostan et de beaucoup d’autres états, après le gain de trois ou quatre batailles ? S’il y avait eu de bonnes places dans ces grands pays, il est certain qu’il n’en serait pas venu si facilement à bout, puisque trois ou quatre villes que César trouva dans les Gaules en état de lui résister, lui firent tant de peine, qu’elles l’obligèrent à y employer onze années pour les réduire : pareille chose est arrivée à tous les conquérans qui se sont trouvés dans ce cas : ce qui prouve aux souverains la nécessité des places fortes pour posséder leurs états en sûreté contre le dedans et le dehors, et à même temps celle de se former un art de prendre les places de leurs ennemis qui peuvent les inquiéter, et s’opposer à leurs desseins. C’est ce qui va faire le sujet de ce Traité.

 

RÉSOLUTION DES SIÉGES.

La résolution des siéges s’agite et se prend dans le cabinet ; mais l’exécution qui s’en fait en campagne étant une des plus sérieuses parties de la guerre, est celle qui demande le plus de mesure et de circonspection ; car elle dépend :

1o Du secret, sans quoi rien ne réussit.

2o Des forces que l’on a sur pied pour attaquer et défendre ; car ce n’est pas tout de faire des siéges, il faut se mettre en état d’empêcher que l’ennemi n’en fasse dans votre pays.

3o De la disposition des ennemis ; car s’ils sont réunis et aussi forts que nous, ils peuvent nous empêcher d’en faire.

4o De l’état des magasins les plus à portée des lieux sur lesquels on peut entreprendre.

Considérations sur la résolution des siéges.5o De la conjoncture des temps, car tous ne sont pas propres aux siéges : rien n’étant plus ruineux pour les armées que ceux d’hiver, on doit les éviter tant que l’on peut.

Et 6o des fonds nécessaires à leur dépense, car l’argent étant le nerf de la guerre, sans lui on ne saurait réussir à rien.