Un obscur secret - Philippe Ducourneau - E-Book

Un obscur secret E-Book

Philippe Ducourneau

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Beschreibung

Ce récit d’une famille ordinaire nous fait découvrir, au fil des pages, un terrible secret familial. Commençant par une introspection dans les années soixante-dix en Bretagne, où l’on plonge dans les grandes vacances aoûtiennes décrites avec précision, l’auteur prend le contrepied et, à travers des lignes ombrageuses, nous emmène à Paris pendant la Seconde Guerre mondiale.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Philippe Ducourneau a gardé de profondes blessures de la période difficile que vécut son père, typographe dans les années cinquante, pendant la Seconde Guerre mondiale. Il s’en est inspiré pour écrire Un obscur secret.

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Philippe Ducourneau

Un obscur secret

Roman

© Lys Bleu Éditions – Philippe Ducourneau

ISBN : 979-10-377-8680-7

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Du même auteur

- Souvenirs d’enfance, Le Lys Bleu Édition, 2021 ;
- Souvenirs d’enfance - Tome II - Mes jours heureux, Le Lys Bleu Édition, 2023.

À mes trois filles,

Mélodie, Marine et Émie,

et aux générations futures…

Chaque biographie est une histoire universelle…

Bernard Groethuysen

Un secret de famille, c’est toujours un silence bien bruyant…

Tahar Houhou

Tout homme est une histoire sacrée…

Patrice de La Tour du Pin

De l’aphorisme obscur retiens la possible étincelle…

Yves Broussard

Chapitre 1

Chronologie

8 janvier 1932, naissance de mon père Henri, l’aîné d’une fratrie de quatre enfants, dont deux filles naîtront un peu plus tard, Josette en 1936 et Irène en 1938. Henri sera affublé bien plus tard du surnom de « Riton ». Henri, prénom de roi, lui a été donné par ses parents en hommage à sa sœur aînée « Henriette » qui n’a survécu que très peu de temps après sa naissance. Mon père était né dans le 4e arrondissement de Paris, aujourd’hui appelé le quartier du Marais. La zone était en effet marécageuse avant d’être asséchée. Eh oui, on supprimait déjà à l’époque les zones humides pourtant très importantes pour toute une biodiversité, l’urbanisation était déjà galopante dans un Paris des 18e et 19e siècles. Le quartier de papa s’étendait donc de la Bastille à la place des Vosges et du centre Georges Pompidou à l’hôtel de ville. Il s’agissait d’un arrondissement de Paris concentrant un nombre très important de monuments ou d’hôtels particuliers, et aussi de restaurants et de bars. « C’est actuellement le quartier Gay de Paris. »

De très grandes figures emblématiques y ont vécu comme Victor Hugo ou Maximilien de Béthune, duc de Sully, fidèle conseiller du roi Henri IV. Mais revenons à nos moutons, ce roman va vous narrer des faits historiques mêlant des bouts de vie ayant réellement existé et d’autres totalement fictifs. Le père d’Henri, d’origine bordelaise, appelé plus communément pépé Roger, et sa mère, Marie, de lignée bourguignonne, au doux surnom de mémé Mariette.

Chapitre 2

Départ en vacances

Je voyais une seule fois par an mes grands-parents dans l’année, en général pendant les grandes vacances, et j’avais hâte de retrouver ma mémé à qui je vouais une admiration sans bornes. Je ne lui trouvais que des qualités : courageuse, opiniâtre, travailleuse et discrète. Ces adjectifs, à mon sens, ont de vraies valeurs humaines aimées de tous, Mariette les incarnait avec merveille. Ils avaient hérité d’une toute petite retraite et étaient partis vivre en province où la vie était beaucoup moins chère qu’à Paris. 600 km nous séparaient d’eux et je me souviens de ce long voyage épique. À l’époque, en 1972, il y avait peu d’autoroutes et il nous fallait une journée entière pour les rejoindre. C’était la fin des Trente Glorieuses, la France prospérait encore, mais plus pour longtemps, le premier choc pétrolier n’étant pas loin. Le litre était à 1 franc et le service était fait par le pompiste où souvent une discussion s’engageait en parlant des choses de la vie courante. On pouvait gagner des lots avec des bons en papier que l’on nous remettait à chaque plein que l’on effectuait dans la station-service que l’on choisissait au préalable. Rappelez-vous pour les plus vieux, les stations-service, Esso, Antar, Shell. Le pompiste vous accueillait avec un large sourire et vous faisait le plein de la voiture, pas de radar sur les routes, les contrôles routiers étaient peu nombreux et les automobiles, en nombre beaucoup moins important, roulaient beaucoup moins vite qu’aujourd’hui.

La ceinture de sécurité non obligatoire ni à l’avant ni à l’arrière du véhicule, pas de téléphone chez Mariette pour la prévenir que l’on arrivait, il fallait appeler chez l’épicier Victorine. Les dialogues existaient entre les personnes et les gens du cru que l’on rencontrait sur les bords des routes. Pas de GPS quand on était perdu, on se débrouillait avec la carte Michelin, papa nous faisait passer par des départementales ou nationales. Je pouvais ainsi voir défiler une cohorte de platanes plantés au bord des routes. J’adorais les compter, le regard rivé à la vitre, j’observais le paysage environnant évoluer constamment au fur et à mesure de notre voyage. On traversait la grande couronne avec ses quelques usines industrielles qui subsistaient dans une banlieue en grand changement. Les cheminées crachaient des fumées noirâtres, polluantes. On entrait ensuite dans le département de l’Eure-et-Loir où des kilomètres de champs de blé émergeaient à perte de vue. La moisson était proche et je contemplais ces vastes étendues comme une mer agitée par grand vent, ce paysage de morne plaine à Waterloo, plat et monotone…

La Mayenne nous apparaissait, suivie de cette bonne ville de Laval où papa aimait s’arrêter. Ensuite le Perche et la ville d’Alençon réputée pour sa dentelle fine. J’apercevais de jolis bocages normands avec ses vaches laitières qui pâturaient dans les prés. On traversait Saint-Malo et ses vieux remparts, Dinar puis Saint-Brieuc. L’arrivée était proche, on longeait par la suite la côte bretonne, où l’on pouvait distinguer la mer. Cela me rappelait le film de Jacques Tati, Les vacances de M. Hulot. À travers différentes anecdotes, le film nous racontait les vacances à la mer, le rite annuel de beaucoup de Français, ce qui était notre cas à la fin de notre séjour, nous repartirions sans que rien d’important ne se soit vraiment passé.

On effectuait un arrêt casse-croûte au cul de la 204 Peugeot, nous déjeunions avec toute notre ménagerie dans le coffre, en plus des valises. Papa sortait la pitance, cochonnailles à volonté et bouteille de vin. On préparait de délicieux sandwichs jambon beurre avec du pain frais, en guise de dessert nous avions le droit à d’exquis yaourts en carton de la marque Malo que maman s’empressait de sortir de la glacière. On se mettait, ma sœur et moi, à étudier la carte Michelin pour savoir où l’on était et voir le parcours de l’itinéraire dans sa totalité. On prenait un bon bol d’air dans la campagne environnante tout en admirant le panorama. On s’arrêtait dans des villes étapes comme Alençon, Lamballe, Rennes pour se restaurer et faire quelques courses. J’adorais ce moment de transition et égrenais avec satisfaction le temps écoulé dans ma tête, heureux de bientôt retrouver ma mémé. Papa portait des rouflaquettes avec sa casquette écossaise à pompon qu’il ne quittait pratiquement jamais, j’avais pensé un instant que mon père devait dormir avec. Il avait une Gauloise Caporal perpétuellement vissée au bec, même en voiture, il fumait, nous importunant, car les nuages voluptueux et acres de sa cigarette venaient nous piquer les yeux, ce qui nous faisait tousser, nous étions alors des fumeurs passifs.

Riton revêtait un jean usagé, des mocassins très tendance pour l’époque et une chemise de couleur à carreaux. Maman avait la classe, elle arborait une robe flashy avec des motifs à fleurs jaune et orange, légèrement psychédélique, un large chapeau de paille et une énorme paire de lunettes de soleil, on aurait dit une mouche. Ma sœur et moi étions habillés de maillot, jeans pattes d’éléphants et de sandalettes en cuir. Assis sur la banquette en skaï, nous arrivions après une dizaine d’heures de route à bon port avec les fesses complètement endolories. Je revois encore aujourd’hui le petit chien en plastique sur la plage arrière hocher la tête dès qu’une bosse survenait sur la route.

Les vitesses étaient passées au tableau de bord, une conception archaïque actuellement sur nos voitures contemporaines où les leviers de vitesse sont situés au plancher. Prévenus la veille par Victorine, ils nous attendaient devant la maison qui donnait face à l’estran. Les chiens nous faisaient la fête en nous voyant arriver, j’étais heureux de retrouver ma mémé, c’était le début des grandes vacances où seule l’insouciance nous guidait dans notre quotidien, plus de devoirs, plus besoin de se lever à l’aube, plus aucune contrainte. Pépé Roger, lui, restait en retrait, papa ne lui adressait pratiquement pas la parole, pourtant il ne l’avait pas vu depuis un an, seul un bonjour lui était adressé sans même un regard amical.

Chapitre 3

Kernéléhen

À l’époque dans les années soixante-dix, le terme de mémé était courant, à l’instar de mamie qui est aujourd’hui plus communément utilisée. Je pense à l’excellent livre de Philippe Torreton, Ma mémé, qui est à lire absolument. Mariette était de petite taille avec de jolis yeux bleus et de très grosses mains presque masculines qui dépareillaient avec son corps menu. Tous les deux étant nés au début du 20e siècle. Je chérissais tant ma grand-mère alors que je n’avais aucune affinité avec mon grand-père. Il me le rendait bien, il me l’avait dit à plusieurs reprises quand j’étais marmot qu’il ne me portait pas vraiment dans son cœur, il me trouvait trop pleurnichard. Il n’avait que des aspirations envers ma sœur jumelle, Catherine.

Je le revois encore très distinctement dans ma mémoire avec ses cheveux peignés en arrière, ses lunettes cerclées et sa pipe constamment rivée à son bec, les doigts jaunis par le tabac brun. Fagoté comme un as de pique d’un pull en laine crotté et troué, laissant pendre de sa poche une vieille montre à gousset, traînant à ses pieds une antique paire de charentaises usagée. Habillé souvent de bleu, il avait un côté militaire dans le choix de ses vêtements. Il avait une superbe prestance et avait dû être un très bel homme dans un passé lointain. J’avais observé une photo de lui dans les années 1925 à Paris, je le revois vêtu d’un complet noir avec gilet et chapeau à haute-forme sur la tête et des guêtres à ses chaussures. Avec du recul, j’avais trouvé cette photo d’un autre temps et complètement ridicule pour moi.

Une blague à tabac et son tire pipe trônaient au milieu sur une vieille table en formica qui était recouverte d’une toile cirée aux motifs crédules. Un vaisselier orné de belles rosaces en bois garni d’assiettes peintes en faïence de Quimper, un calendrier des postes bien en vue accroché au mur ainsi que son journal fétiche le Télégramme sur la table. Des baromètres étaient suspendus un peu partout dans la pièce principale où un unique lit en fer trônait dans un coin. Pépé détenait sur lui en permanence un carnet des marées journalières qu’il lisait souvent, me rebattant les oreilles en m’expliquant le rôle des marées et du célèbre mascaret, cette vague colossale qui se formait chaque année sur la Gironde. Il me racontait l’attraction de la lune sur la mer avec des termes scientifiques bien à lui.

Dans la pièce principale, il y avait une cuisinière à charbon qui dominait le centre de la salle ainsi qu’une vieille cheminée en pierre de granit. Tous les jours, mémé Mariette allait chercher avec son seau des boulets de charbon qui étaient entreposés dans les crèches situées sur le côté de la bicoque. La cuisinière chauffait presque tout le temps, et il y régnait généralement une chaleur presque étouffante, même en période d’été, celle-ci étant allumée constamment pour pouvoir préparer les repas du midi et du soir. Elle servait également à faire sécher les vêtements lors de crachin intempestif, souvent nombreux dans notre belle Bretagne. Mariette retirait régulièrement des bouts de mâchefer, un résidu solide de la combustion du charbon ou du coke issu de déchets urbains.

Au début de notre ère, le paysage breton avait été largement modifié, de la très grande anse de Térenez, au fil des siècles, la mer avait reculé, des digues furent construites pour assécher définitivement ce nouveau territoire conquis par l’homme, le marais breton était né. Une multitude de prairies riches faisaient un foin d’excellente qualité, de nombreuses fermes ont vu le jour où, sur de petits lopins de terre, quelques vaches trouvaient une nourriture abondante. La bouse n’était pas perdue pour tout le monde dès la fin août, les bouzas étaient retournés pour sécher au soleil avant d’être rangés dans l’étable ou la crèche qui communiquait avec la pièce à vivre. Les bouzas alimentaient les cuisinières et les âtres de bon nombre de Bretons pour le café, chauffer l’eau ou bien griller une poule d’eau, et le soir cela servait pour mijoter la soupe. Peu de flammes, mais une braise bien rouge, un peu comme celle que donnait la tourbe de Brière.