Andromaque - Jean Racine - E-Book

Andromaque E-Book

Jean Racine

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Beschreibung

Andromaque est une tragédie en cinq actes et en vers de Jean Racine écrite en 1667 et représentée pour la première fois au château du Louvre le 17 novembre 1667. Elle comporte 1648 alexandrins.
L'argument de la pièce se résume en une phrase : Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui cherche à protéger son fils Astyanax tout en restant fidèle au souvenir de son mari, Hector, tué par Achille en combat singulier pendant la guerre de Troie. Ou plus couramment: «Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui aime Hector, qui est mort.»

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Jean Racine

 

Andromaque

 

 

 

ACTE PREMIER

 

 

 

SCENE PREMIERE - ORESTE, PYLADE

 

 

ORESTE.

Oui, puisque je retrouve un ami si fidèle,

Ma fortune va prendre une face nouvelle ;

Et déjà son courroux semble s'être adouci,

Depuis qu'elle a pris soin de nous rejoindre ici.

Qui l'eût dit, qu'un rivage à mes voeux si funeste

Présenterait d'abord Pylade aux yeux d'Oreste ?

Qu'après plus de six mois que je t'avais perdu,

A la cour de Pyrrhus tu me serais rendu ?

 

PYLADE.

J'en rends grâces au Ciel, qui, m'arrêtant sans cesse,

Semblait m'avoir fermé le chemin de la Grèce,

Depuis le jour fatal que la fureur des eaux

Presque aux yeux de l'Épire écarta nos vaisseaux.

Combien dans cet exil ai-je souffert d'alarmes !

Combien à vos malheurs ai-je donné de larmes,

Craignant toujours pour vous quelque nouveau danger

Que ma triste amitié ne pouvait partager !

Surtout je redoutais cette mélancolie

Où j'ai vu si longtemps votre âme ensevelie.

Je craignais que le Ciel, par un cruel secours,

Ne vous offrît la mort que vous cherchiez toujours.

Mais je vous vois, Seigneur ; et, si j'ose le dire,

Un destin plus heureux vous conduit en Épire

Le pompeux appareil qui suit ici vos pas

N'est point d'un malheureux qui cherche le trépas.

 

ORESTE.

Hélas ! Qui peut savoir le destin qui m'amène ?

L'amour me fait ici chercher une inhumaine,

Mais qui sait ce qu'il doit ordonner de mon sort,

Et si je viens chercher ou la vie ou la mort ?

 

PYLADE.

Quoi ! Votre âme à l'amour en esclave asservie

Se repose sur lui du soin de votre vie ?

Par quel charme, oubliant tant de tourments soufferts,

Pouvez-vous consentir à rentrer dans ses fers ?

Pensez-vous qu'Hermione, à Sparte inexorable,

Vous prépare en Épire un sort plus favorable ?

Honteux d'avoir poussé tant de voeux superflus,

Vous l'abhorriez ; enfin, vous ne m'en parliez plus.

Vous me trompiez, Seigneur.

 

ORESTE.

Je me trompais moi-même.

Ami, n'accable point un malheureux qui t'aime.

T'ai-je jamais caché mon coeur et mes désirs ?

Tu vis naître ma flamme et mes premiers soupirs.

Enfin, quand Ménélas disposa de sa fille

En faveur de Pyrrhus, vengeur de sa famille,

Tu vis mon désespoir ; et tu m'as vu depuis

Traîner de mers en mers ma chaîne et mes ennuis.

Je te vis à regret, en cet état funeste,

Prêt à suivre partout le déplorable Oreste,

Toujours de ma fureur interrompre le cours,

Et de moi-même enfin me sauver tous les jours.

Mais quand je me souvins que, parmi tant d'alarmes,

Hermione à Pyrrhus prodiguait tous ses charmes

Tu sais de quel courroux mon coeur alors épris

Voulut en l'oubliant punir tous ses mépris.

Je fis croire et je crus ma victoire certaine ;

Je pris tous mes transports pour des transports de haine ;

Détestant ses rigueurs, rabaissant ses attraits,

Je défiais ses yeux de me troubler jamais.

Voilà comme je crus étouffer ma tendresse.

En ce calme trompeur j'arrivai dans la Grèce,

Et je trouvai d'abord ses princes rassemblés,

Qu'un péril assez grand semblait avoir troublés.

J'y courus. Je pensais que la guerre et la gloire

De soins plus importants rempliraient ma mémoire ;

Que, mes sens reprenant leur première vigueur,

L'amour achèverait de sortir de mon coeur.

Mais admire avec moi le sort dont la poursuite

Me fait courir alors au piège que j'évite.

J'entends de tous côtés qu'on menace Pyrrhus ;

Toute la Grèce éclate en murmures confus ;

On se plaint qu'oubliant son sang et sa promesse,

Il élève en sa cour l'ennemi de la Grèce,

Astyanax, d'Hector jeune et malheureux fils,

Reste de tant de rois sous Troie ensevelis.

J'apprends que pour ravir son enfance au supplice

Andromaque trompa l'ingénieux Ulysse,

Tandis qu'un autre enfant, arraché de ses bras,

Sous le nom de son fils fut conduit au trépas.

On dit que, peu sensible aux charmes d'Hermione,

Mon rival porte ailleurs son coeur et sa couronne.

Ménélas, sans le croire, en paraît affligé

Et se plaint d'un hymen si longtemps négligé.

Parmi les déplaisirs où son âme se noie,

Il s'élève en la mienne une secrète joie.

Je triomphe ; et pourtant je me flatte d'abord

Que la seule vengeance excite ce transport.

Mais l'ingrate en mon coeur reprit bientôt sa place.

De mes feux mal éteints je reconnus la trace,

Je sentis que ma haine allait finir son cours,

Ou plutôt je sentis que je l'aimais toujours.

Ainsi de tous les Grecs je brigue le suffrage.

On m'envoie à Pyrrhus, j'entreprends ce voyage.

Je viens voir si l'on peut arracher de ses bras

Cet enfant dont la vie alarme tant d'États.

Heureux si je pouvais, dans l'ardeur qui me presse,

Au lieu d'Astyanax lui ravir ma princesse !

Car enfin n'attends pas que mes feux redoublés

Des périls les plus grands puissent être troublés.

Puisqu'après tant d'efforts ma résistance est vaine,

Je me livre en aveugle au destin qui m'entraîne.

J'aime ; je viens chercher Hermione en ces lieux,

La fléchir, l'enlever, ou mourir à ses yeux.

Toi qui connais Pyrrhus, que penses-tu qu'il fasse ?

Dans sa cour, dans son coeur, dis-moi ce qui se passe.

Mon Hermione encor le tient-elle asservi ?

Me rendra-t-il, Pylade, un bien qu'il m'a ravi ?

 

PYLADE.

Je vous abuserais, si j'osais vous promettre

Qu'entre vos mains, Seigneur, il voulût la remettre :

Non que de sa conquête il paraisse flatté ;

Pour la veuve d'Hector ses feux ont éclaté ;

Il l'aime.

Mais enfin cette veuve inhumaine

N'a payé jusqu'ici son amour que de haine ;

Et chaque jour encor on lui voit tout tenter

Pour fléchir sa captive, ou pour l'épouvanter.

De son fils, qu'il lui cache, il menace la tête,

Et fait couler des pleurs, qu'aussitôt il arrête.

Hermione elle-même a vu plus de cent fois

Cet amant irrité revenir sous ses lois,

Et, de ses voeux troublés lui rapportant l'hommage,

Soupirer à ses pieds moins d'amour que de rage.

Ainsi n'attendez pas que l'on puisse aujourd'hui

Vous répondre d'un coeur si peu maître de lui :

Il peut, Seigneur, il peut, dans ce désordre extrême,

Épouser ce qu'il hait et punir ce qu'il aime.

 

ORESTE.

Mais dis-moi de quel oeil Hermione peut voir

Son hymen différé, ses charmes sans pouvoir ?

 

PYLADE.

Hermione, Seigneur, au moins en apparence,

Semble de son amant dédaigner l'inconstance

Et croit que, trop heureux de fléchir sa rigueur,

Il la viendra presser de reprendre son coeur.

Mais je l'ai vue enfin me confier ses larmes :

Elle pleure en secret le mépris de ses charmes.

Toujours prête à partir, et demeurant toujours,

Quelquefois elle appelle Oreste à son secours.

 

ORESTE.

Ah ! Si je le croyais, j'irais bientôt, Pylade,

Me jeter...

 

PYLADE.

Achevez, Seigneur, votre ambassade.

Vous attendez le Roi. Parlez, et lui montrez

Contre le fils d'Hector tous les Grecs conjurés.

Loin de leur accorder ce fils de sa maîtresse,

Leur haine ne fera qu'irriter sa tendresse.

Plus on les veut brouiller, plus on va les unir.

Pressez, demandez tout, pour ne rien obtenir.

Il vient.

 

ORESTE.

Eh bien ! Va donc disposer la cruelle

A revoir un amant qui ne vient que pour elle.

 

 

SCENE II - PYRRHUS, ORESTE, PHOENIX

 

 

ORESTE.

Avant que tous les Grecs vous parlent par ma voix,

Souffrez que j'ose ici me flatter de leur choix,

Et qu'à vos yeux, Seigneur, je montre quelque joie

De voir le fils d'Achille et le vainqueur de Troie.

Oui, comme ses exploits nous admirons vos coups.

Hector tomba sous lui, Troie expira sous vous ;

Et vous avez montré, par une heureuse audace,

Que le fils seul d'Achille a pu remplir sa place.

Mais, ce qu'il n'eût point fait, la Grèce avec douleur

Vous voit du sang troyen relever le malheur,

Et, vous laissant toucher d'une pitié funeste,

D'une guerre si longue entretenir le reste.

Ne vous souvient-il plus, Seigneur, quel fut Hector ?

Nos peuples affaiblis s'en souviennent encor.

Son nom seul fait frémir nos veuves et nos filles ;

Et dans toute la Grèce il n'est point de familles

Qui ne demandent compte à ce malheureux fils

D'un père ou d'un époux qu'Hector leur a ravis.

Et qui sait ce qu'un jour ce fils peut entreprendre ?

Peut-être dans nos ports nous le verrons descendre,

Tel qu'on a vu son père, embraser nos vaisseaux

Et, la flamme à la main, les suivre sur les eaux.

Oserai-je, Seigneur, dire ce que je pense ?

Vous-même de vos soins craignez la récompense,

Et que dans votre sein ce serpent élevé

Ne vous punisse un jour de l'avoir conservé.

Enfin de tous les Grecs satisfaites l'envie,

Assurez leur vengeance, assurez votre vie ;

Perdez un ennemi d'autant plus dangereux

Qu'il s'essaiera sur vous à combattre contre eux.

 

PYRRHUS.

La Grèce en ma faveur est trop inquiétée.

De soins plus importants je l'ai crue agitée,

Seigneur ; et, sur le nom de son ambassadeur,

J'avais dans ses projets conçu plus de grandeur.

Qui croirait en effet qu'une telle entreprise

Du fils d'Agamemnon méritât l'entremise ;

Qu'un peuple tout entier, tant de fois triomphant,

N'eût daigné conspirer que la mort d'un enfant ?

Mais à qui prétend-on que je le sacrifie ?

La Grèce a-t-elle encor quelque droit sur sa vie ?

Et seul de tous les Grecs ne m'est-il pas permis

D'ordonner d'un captif que le sort m'a soumis ?

Oui, Seigneur, lorsqu'au pied des murs fumants de Troie

Les vainqueurs tout sanglants partagèrent leur proie,

Le sort, dont les arrêts furent alors suivis,

Fit tomber en mes mains Andromaque et son fils.

Hécube près d'Ulysse acheva sa misère ;

Cassandre dans Argos a suivi votre père :

Sur eux, sur leurs captifs, ai-je étendu mes droits ?

Ai-je enfin disposé du fruit de leurs exploits ?

On craint qu'avec Hector Troie un jour ne renaisse ;

Son fils peut me ravir le jour que je lui laisse.

Seigneur, tant de prudence entraîne trop de soin :