Mithridate - Jean Racine - E-Book

Mithridate E-Book

Jean Racine

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Beschreibung

Ce fut la tragédie préférée de Louis XIV. Mithridate, conquérant malheureux, vient mettre son coeur et sa gloire aux pieds de sa maîtresse, Monime. Il a pour rivaux ses deux fils Pharnace et Xipharès. Monime aime le second mais exige qu'il s'éloigne. Mithridate veut être aimé : c'est pourquoi il remettra Monime à son amant, après bien des soubresauts : il a voulu arrêter ses fils, empoisonner Monime. La pièce se déroule sur fond de guerre et d'héroïsme. Si Mithridate réussit, c'en est fait de Rome. La grandeur romaine rejaillit sur son ennemi. La tirade la plus longue de Racine (110 vers) est celle où Mithridate expose un plan stratégique. Mais la situation du roi a la beauté des causes perdues : c'est le dernier effort d'un roi vaincu et pourchassé, trahi par tous, même par ses fils. Oui, Louis XIV a dû aimer cette peinture d'un roi indomptable, vieillissant, et pourtant sensible à l'amour passion. On aimera aussi cette tragédie racinienne qui ne ressemble tout à fait à aucune autre.

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Table of Contents

Page de titre

Préface

Personnages

Acte premier

Scène I

Scène II

Scène III

Scène IV

Scène V

Acte deuxième

Scène I

Scène II

Scène III

Scène IV

Scène V

Scène VI

Acte troisième

Scène I

Scène II

Scène III

Scène IV

Scène V

Scène VI

Acte quatrième

Scène I

Scène II

Scène III

Scène IV

Scène V

Scène VI

Scène VII

Acte cinquième

Scène I

Scène II

Scène III

Scène IV

Scène dernière

Page de copyright

 

Préface

Il n’y a guère de nom plus connu que celui de Mithridate ; sa vie et sa mort font une partie considérable de l’histoire romaine, et sans compter les victoires qu’il a remportées, on peut dire que ses seules défaites ont fait presque toute la gloire de trois des plus grands capitaines de la république [ : c’est à savoir, de Sylla, de Lucullus et de Pompée]. Ainsi je ne pense pas qu’il soit besoin de citer ici mes auteurs ; car, excepté quelque évènement que j’ai un peu rapproché par le droit que donne la poésie, tout le monde reconnaîtra aisément que j’ai suivi l’histoire avec beaucoup de fidélité. [En effet, il n’y a guère d’actions éclatantes dans la vie de Mithridate qui n’aient trouvé place dans ma tragédie. J’y ai inséré tout ce qui pouvait mettre en jour les mœurs et les sentiments de ce prince, je veux dire sa haine violente contre les Romains, son grand courage, sa finesse, sa dissimulation, et enfin cette jalousie qui lui était si naturelle, et qui a tant de fois coûté la vie à ses maîtresses].

 

La seule chose qui pourrait n’être pas aussi connue que le reste, c’est le dessein que je lui fais prendre de passer dans l’Italie. Comme ce dessein m’a fourni une des scènes qui ont le plus réussi dans ma tragédie, je crois que le plaisir du lecteur pourra redoubler, quand il verra que presque tous les historiens ont dit tout ce que je fais dire ici à Mithridate.

 

Florus, Plutarque et Dion Cassius nomment les pays par où il devait passer. Appien d’Alexandrie entre plus dans le détail, et après avoir marqué les facilités et les secours que Mithridate espérait trouver dans sa marche, il ajoute que ce projet fut le prétexte dont Pharnace se servit pour [faire] révolter toute l’armée, et que les soldats, effrayés de l’entreprise de son père, la regardèrent comme le désespoir d’un prince qui ne cherchait qu’à périr avec éclat. Ainsi elle fut en partie cause de sa mort, qui est l’action de ma tragédie.

 

J’ai encore lié ce dessein de plus près à mon sujet, et je m’en suis servi pour faire connaître à Mithridate les secrets sentiments de ses deux fils. On ne peut prendre trop de précaution pour ne rien mettre sur le théâtre qui ne soit très nécessaire, et les plus belles scènes sont en danger d’ennuyer, du moment qu’on les peut séparer de l’action et qu’elles l’interrompent au lieu de la conduire vers sa fin.

 

Voici la réflexion que fait Dion Cassius sur ce dessein de Mithridate : « Cet homme était véritablement né pour entreprendre de grandes choses. Comme il avait souvent éprouvé la bonne et la mauvaise fortune, il ne croyait rien au-dessus de ses espérances et de son audace, et mesurait ses desseins bien plus à la grandeur de son courage qu’au mauvais état de ses affaires, bien résolu, si son entreprise ne réussissait point, de faire une fin digne d’un grand roi, et de s’ensevelir lui-même sous les ruines de son empire, plutôt que de vivre dans l’obscurité et dans la bassesse. »

J’ai choisi Monime entre les femmes que Mithridate a aimées. Il paraît que c’est celle de toutes qui a été la plus vertueuse, et qu’il a aimée le plus tendrement. Plutarque semble avoir pris plaisir à décrire le malheur et les sentiments de cette princesse. C’est lui qui m’a donné l’idée de Monime, et c’est en partie sur la peinture qu’il en a faite que j’ai fondé un caractère que je puis dire qui n’a point déplu. Le lecteur trouvera bon que je rapporte ses paroles telles qu’Amyot les a traduites, car elles ont une grâce dans le vieux style de ce traducteur, que je ne crois point pouvoir égaler dans notre langage moderne :

 

« Cette-cy estoit fort renommée entre les Grecs, pour ce que quelques sollicitations que lui sceust faire le roy en estant amoureux, jamais ne voulut entendre à toutes ses poursuites jusqu’à ce qu’il y eust accord de mariage passé entre eux, qu’il luy eust envoyé le diadème ou bandeau royal, et appelée royne. La pauvre dame, depuis que ce roy l’eust espousée, avoir vécu en grande desplaisance, ne faisant continuellement autre chose que de plorer la malheureuse beauté de son corps, laquelle, au lieu d’un mari, luy avoit donné un maistre, et au lieu de compaignie conjugale et que doibt avoir une dame d’honneur, luy avoit baillé une garde et garnison d’hommes barbares, qui la tenoient comme prisonnière loin du doulx pays de la Grèce, en lieu où elle n’avoit qu’un songe et une ombre de biens ; et au contraire avoit réellement perdu les véritables, dont elle jouissoit au pays de sa naissance. Et quand l’ennuque fut arrivé devers elle et luy eust faict commandement de par le roi qu’elle eust à mourir, adonc elle s’arracha d’alentour de la teste son bandeau royal, et se le nouant alentour du col, s’en pendit. Mais le bandeau ne fut pas assez fort, et se rompit incontinent. Et alors elle se prit à dire : ’’Ô maudit et malheureux tissu, ne me serviras-tu point au moins à ce triste service ?’’En disant ces paroles, elle le jeta contre terre, crachant dessus, et tendit la gorge à l’eunuque. »

 

Xipharès était fils de Mithridate et d’une de ses femmes qui se nommait Stratonice. Elle livra aux Romains une place de grande importance, où étaient les trésors de Mithridate, pour mettre son fils Xipharès dans les bonnes grâces de Pompée. Il y a des historiens qui prétendent que Mithridate fit mourir ce jeune prince pour se venger de la perfidie de sa mère.

 

Je ne dis rien de Pharnace, car qui ne sait pas que ce fut lui qui souleva contre Mithridate ce qui lui restait de troupes, et qui força ce prince à se vouloir empoisonner, et à se passer son épée au travers du corps pour ne pas tomber entre les mains de ses ennemis ? C’est ce même Pharnace qui fut vaincu depuis par Jules César, et qui fut tué ensuite dans une autre bataille.

Personnages

Mithridate, roi de Pont, et de quantité d’autres royaumes.

Monime, accordée avec Mithridate, et déjà déclarée reine.

Pharnace, fils de Mithridate, mais de différente mère.

Xipharès, fils de Mithridate, mais de différente mère.

Arbate, confident de Mithridate, et gouverneur de la place de Nymphée.

Phoedime, confidente de Monime.

Arcas, domestique de Mithridate.

Gardes.

 

La scène est à Nymphée, port de mer sur le Bosphore Cimmérien, dans la Taurique Chersonèse.

Acte premier

Scène I

Xipharès, Arbate

XIPHARÈS

On nous faisait, Arbate, un fidèle rapport :

Rome en effet triomphe, et Mithridate est mort.

Les Romains, vers l’Euphrate, ont attaqué mon père,

Et trompé dans la nuit sa prudence ordinaire.

Après un long combat, tout son camp dispersé

Dans la foule des morts, en fuyant, l’a laissé,

Et j’ai su qu’un soldat dans les mains de Pompée

Avec son diadème a remis son épée.

Ainsi ce roi qui seul a durant quarante ans,

Lassé tout ce que Rome eut de chefs importants,

Et qui dans l’Orient balançant la fortune,

Vengeait de tous les rois la querelle commune,

Meurt, et laisse après lui, pour venger son trépas,

Deux fils infortunés qui ne s’accordent pas.

ARBATE

Vous, Seigneur ! Quoi ? l’ardeur de régner en sa place

Rend déjà Xipharès ennemi de Pharnace ?

XIPHARÈS

Non, je ne prétends point, cher Arbate, à ce prix,

D’un malheureux empire acheter le débris. Je sais en lui des ans respecter l’avantage,

Et content des États marqués pour mon partage,

Je verrai sans regret tomber entre ses mains

Tout ce que lui promet l’amitié des Romains.

ARBATE

L’amitié des Romains ? Le fils de Mithridate,

Seigneur ? Est-il bien vrai ?

XIPHARÈS

N’en doute point, Arbate.

Pharnace, dès longtemps tout Romain dans le cœur,

Attend tout maintenant de Rome et du vainqueur.

Et moi, plus que jamais à mon père fidèle,

Je conserve aux Romains une haine immortelle.

Cependant et ma haine et ses prétentions

Sont les moindres sujets de nos divisions.

ARBATE

Et quel autre intérêt contre lui vous anime ?

XIPHARÈS

Je m’en vais t’étonner : cette belle Monime,

Qui du roi notre père attira tous les vœux,

Dont Pharnace, après lui, se déclare amoureux…

ARBATE

Eh bien, Seigneur ?

XIPHARÈS

Je l’aime, et ne veux plus m’en taire,

Puisqu’enfin pour rival je n’ai plus que mon frère.

Tu ne t’attendais pas, sans doute, à ce discours,

Mais ce n’est point, Arbate, un secret de deux jours.

Cet amour s’est longtemps accru dans le silence.

Que n’en puis-je à tes yeux marquer la violence,

Et mes premiers soupirs, et mes derniers ennuis ?

Mais en l’état funeste où nous sommes réduits,

Ce n’est guère le temps d’occuper ma mémoire

À rappeler le cours d’une amoureuse histoire.

Qu’il te suffise donc, pour me justifier,

Que je vis, que j’aimai la reine le premier ;

Que mon père ignorait jusqu’au nom de Monime

Quand je conçus pour elle un amour légitime.

Il la vit. Mais au lieu d’offrir à ses beautés

Un hymen, et des vœux dignes d’être écoutés,