Athalie - Jean Racine - E-Book

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Jean Racine

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Beschreibung

Après le succès rencontré par Esther, Racine publie Athalie en 1691, une nouvelle pièce à sujet biblique pour les pensionnaires d'une célèbre institution scolaire, la Maison royale de Saint-Louis, créée à Saint-Cyr par Madame de Maintenon.
Athalie, veuve du roi de Juda, gouverne le pays et croit avoir éliminé tout le reste de la famille royale. Elle a abandonné la religion juive en faveur du culte de Baal. En fait, son petit-fils Joas a été sauvé par la femme du grand prêtre...

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Jean Racine

 

Athalie

 

 

 

ACTE PREMIER

 

 

 

Scène première - JOAD, ABNER.

 

 

ABNER

Oui, je viens dans son temple adorer l'Eternel ;

Je viens, selon l'usage antique et solennel,

Célébrer avec vous la fameuse journée

Où sur le mont Sina la loi nous fut donnée.

Que les temps sont changés ! Sitôt que de ce jour

La trompette sacrée annonçait le retour,

Du temple, orné partout de festons magnifiques,

Le peuple saint en foule inondait les portiques ;

Et tous, devant l'autel avec ordre introduits,

De leurs champs dans leurs mains portant les nouveaux fruits,

Au Dieu de l'univers consacraient ces prémices.

Les prêtres ne pouvaient suffire aux sacrifices.

L'audace d'une femme, arrêtant ce concours,

En des jours ténébreux a changé ces beaux jours.

D'adorateurs zélés à peine un petit nombre

Ose des premiers temps nous retracer quelque ombre.

Le reste pour son Dieu montre un oubli fatal ;

Ou même, s'empressant aux autels de Baal,

Se fait initier à ses honteux mystères,

Et blasphème le nom qu'ont invoqué leurs pères.

Je tremble qu'Athalie, à ne vous rien cacher,

Vous-même de l'autel vous faisant arracher,

N'achève enfin sur vous ses vengeances funestes,

Et d'un respect forcé ne dépouille les restes.

 

JOAD

D'où vous vient aujourd'hui ce noir pressentiment ?

 

ABNER

Pensez-vous être saint et juste impunément ?

Dès longtemps elle hait cette fermeté rare

Qui rehausse en Joad l'éclat de la tiare :

Dès longtemps votre amour pour la religion

Est traité de révolte et de sédition.

Du mérite éclatant cette reine jalouse

Hait surtout Josabet, votre fidèle épouse.

Si du grand prêtre Aaron Joad est successeur,

De notre dernier roi Josabet est la soeur.

Mathan, d'ailleurs, Mathan, ce prêtre sacrilège,

Plus méchant qu'Athalie, à toute heure l'assiège ;

Mathan, de nos autels infâme déserteur,

Et de toute vertu zélé persécuteur.

C'est peu que, le front ceint d'une mitre étrangère,

Ce lévite à Baal prête son ministère ;

Ce temple l'importune, et son impiété

Voudrait anéantir le Dieu qu'il a quitté.

Pour vous perdre il n'est point de ressorts qu'il n'invente ;

Quelquefois il vous plaint, souvent même il vous vante ;

Il affecte pour vous une fausse douceur,

Et, par là de son fiel colorant la noirceur,

Tantôt à cette reine il vous peint redoutable,

Tantôt, voyant pour l'or sa soif insatiable,

Il lui feint qu'en un lieu que vous seul connaissez

Vous cachez des trésors par David amassés.

Enfin, depuis deux jours, la superbe Athalie

Dans un sombre chagrin paraît ensevelie.

Je l'observais hier, et je voyais ses yeux

Lancer sur le lieu saint des regards furieux :

Comme si, dans le fond de ce vaste édifice,

Dieu cachait un vengeur armé pour son supplice.

Croyez-moi, plus j'y pense, et moins je puis douter

Que sur vous son courroux ne soit prêt d'éclater,

Et que de Jézabel la fille sanguinaire

Ne vienne attaquer Dieu jusqu'en son sanctuaire.

 

JOAD

Celui qui met un frein à la fureur des flots

Sait aussi des méchants arrêter les complots.

Soumis avec respect à sa volonté sainte,

Je crains Dieu, cher Abner, et n'ai point d'autre crainte.

Cependant je rends grâce au zèle officieux

Qui sur tous mes périls vous fait ouvrir les yeux.

Je vois que l'injustice en secret vous irrite,

Que vous avez encore le coeur israélite,

Le ciel en soit béni ! Mais ce secret courroux,

Cette oisive vertu, vous en contentez-vous ?

La foi qui n'agit point, est-ce une foi sincère ?

Huit ans déjà passés, une impie étrangère

Du sceptre de David usurpe tous les droits,

Se baigne impunément dans le sang de nos rois,

Des enfants de son fils détestable homicide,

Et même contre Dieu lève son bras perfide.

Et vous, l'un des soutiens de ce tremblant Etat,

Vous, nourri dans les camps du saint roi Josaphat,

Qui sous son fils Joram commandiez nos armées,

Qui rassurâtes seul nos villes alarmées,

Lorsque d'Okosias le trépas imprévu

Dispersa tout son camp à l'aspect de Jéhu :

«Je crains Dieu, dites-vous ; sa vérité me touche !»

Voici comme ce Dieu vous répond par ma bouche :

«Du zèle de ma loi que sert de vous parer ?

Par de stériles voeux pensez-vous m'honorer ?

Quel fruit me revient-il de tous vos sacrifices ?

Ai-je besoin du sang des boucs et des génisses ?

Le sang de vos rois crie et n'est point écouté.

Rompez, rompez tout pacte avec l'impiété ;

Du milieu de mon peuple exterminez les crimes,

Et vous viendrez alors m'immoler des victimes.»

 

ABNER

Hé ! que puis-je au milieu de ce peuple abattu ?

Benjamin est sans force, et Juda sans vertu.

Le jour qui de leurs rois vit éteindre la race

Eteignit tout le feu de leur antique audace.

«Dieu même, disent-ils, s'est retiré de nous :

De l'honneur des Hébreux autrefois si jaloux,

Il voit sans intérêt leur grandeur terrassée,

Et sa miséricorde à la fin s'est lassée.

On ne voit plus pour nous ses redoutables mains

De merveilles sans nombre effrayer les humains ;

L'arche sainte est muette et ne rend plus d'oracles.»

 

JOAD

Et quel temps fut jamais si fertile en miracles ?

Quand Dieu par plus d'effets montra-t-il son pouvoir ?

Auras-tu donc toujours des yeux pour ne point voir,

Peuple ingrat ? Quoi ! toujours les plus grandes merveilles

Sans ébranler ton coeur frapperont tes oreilles ?

Faut-il, Abner, faut-il vous rappeler le cours

Des prodiges fameux accomplis en nos jours ?

Des tyrans d'Israël les célèbres disgrâces,

Et Dieu trouvé fidèle en toutes ses menaces ;

L'impie Achab détruit et de son sang trempé

Le champ que par le meurtre il avait usurpé ;

Près de ce champ fatal Jézabel immolée,

Sous les pieds des chevaux cette reine foulée,

Dans son sang inhumain les chiens désaltérés,

Et de son corps hideux les membres déchirés ;

Des prophètes menteurs la troupe confondue,

Et la flamme du ciel sur l'autel descendue ;

Elie aux éléments parlant en souverain,

Les cieux par lui fermés et devenus d'airain,

Et la terre trois ans sans pluie et sans rosée ;

Les morts se ranimant à la voix d'Elisée :

Reconnaissez, Abner, à ces traits éclatants,

Un Dieu tel aujourd'hui qu'il fut dans tous les temps.

Il sait, quand il lui plaît, faire éclater sa gloire,

Et son peuple est toujours présent à sa mémoire.

 

ABNER

Mais où sont ces honneurs à David tant promis

Et prédits même encore à Salomon son fils ?

Hélas ! nous espérions que de leur race heureuse

Devait sortir de rois une suite nombreuse ;

Que sur toute tribu, sur toute nation,

L'un d'eux établirait sa domination,

Ferait cesser partout la discorde et la guerre,

Et verrait à ses pieds tous les rois de la terre.

 

JOAD

Aux promesses du ciel pourquoi renoncez-vous ?

 

ABNER

Ce roi fils de David, où le chercherons-nous ?

Le ciel même peut-il réparer les ruines

De cet arbre séché jusque dans ses racines ?

Athalie étouffa l'enfant même au berceau.

Les morts, après huit ans, sortent-ils du tombeau ?

Ah ! si dans sa fureur elle s'était trompée ;

Si du sang de nos rois quelque goutte échappée...

 

JOAD

Hé bien ! que feriez-vous ?

 

ABNER

O jour heureux pour moi !

De quelle ardeur j'irais reconnaître mon roi !

Doutez-vous qu'à ses pieds nos tribus empressées...

Mais pourquoi me flatter de ces vaines pensées ?

Déplorable héritier de ces rois triomphants,

Okosias restait seul avec ses enfants ;

Par les traits de Jéhu je vis percer le père ;

Vous avez vu les fils massacrés par la mère.

 

JOAD

Je ne m'explique point ; mais, quand l'astre du jour

Aura sur l'horizon fait le tiers de son tour,

Lorsque la troisième heure aux prières rappelle,

Retrouvez-vous au temple avec ce même zèle.

Dieu pourra vous montrer, par d'importants bienfaits,

Que sa parole est stable et ne trompe jamais.

Allez : pour ce grand jour il faut que je m'apprête,

Et du temple déjà l'aube blanchit le faîte.

 

ABNER

Quel sera ce bienfait que je ne comprends pas ?

L'illustre Josabet porte vers vous ses pas :

Je sors et vais me joindre à la troupe fidèle

Qu'attire de ce jour la pompe solennelle.

 

 

Scène II. - JOAD, JOSABET.

 

 

JOAD

Les temps sont accomplis, princesse : il faut parler,

Et votre heureux larcin ne se peut plus celer.

Des ennemis de Dieu la coupable insolence,

Abusant contre lui de ce profond silence,

Accuse trop longtemps ses promesses d'erreur.

Que dis-je ? Le succès animant leur fureur,

Jusque sur notre autel votre injuste marâtre

Veut offrir à Baal un encens idolâtre.

Montrons ce jeune roi que vos mains ont sauvé,

Sous l'aile du Seigneur dans le temple élévé.

De nos princes hébreux il aura le courage,

Et déjà son esprit a devancé son âge.

Avant que son destin s'explique par ma voix,

Je vais l'offrir au Dieu par qui règnent les rois.

Aussitôt assemblant nos lévites, nos prêtres,

Je leur déclarerai l'héritier de leurs maîtres.

 

JOSABET

Sait-il déjà son nom et son noble destin ?

 

JOAD

Il ne répond encor qu'au nom d'Eliacin

Et se croit quelque enfant rejeté par sa mère,

A qui j'ai par pitié daigné servir de père.

 

JOSABET

Hélas ! de quel péril je l'avais su tirer !

Dans quel péril encore est-il prêt de rentrer !

 

JOAD

Quoi ! déjà votre foi s'affaiblit et s'étonne ?

 

JOSABET

A vos sages conseils, seigneur, je m'abandonne.

Du jour que j'arrachai cet enfant à la mort,

Je remis en vos mains tout le soin de son sort ;

Même, de mon amour craignant la violence,

Autant que je le puis j'évite sa présence.

De peur qu'en le voyant quelque trouble indiscret

Ne fasse avec mes pleurs échapper mon secret.

Surtout j'ai cru devoir aux larmes, aux prières,

Consacrer ces trois jours et ces trois nuits entières.

Cependant aujourd'hui puis-je vous demander

Quels amis vous avez prêts à vous seconder ?

Abner, le brave Abner, viendra-t-il vous défendre ?

A-t-il près de son roi fait serment de se rendre ?

 

JOAD

Abner, quoiqu'on se pût assurer sur sa foi,

Ne sait pas même encor si nous avons un roi.

 

JOSABET

Mais à qui de Joas confiez-vous la garde ?

Est-ce Obed, est-ce Amnon que cet honneur regarde ?

De mon père su eux les bienfaits répandus...

 

JOAD

A l'injuste Athalie ils se sont tous vendus.

 

JOSABET

Qui donc opposez-vous contre ses satellites ?

 

JOAD

Ne vous l'ai-je pas dit ? nos prêtres, nos lévites.