Britannicus - Jean Racine - E-Book

Britannicus E-Book

Jean Racine

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Beschreibung

Britannicus est la quatrième grande tragédie de Racine. Pour la première fois, l’auteur prend son sujet dans l’histoire romaine. L’empereur Claude a eu de Messaline un fils, Britannicus, avant d’épouser Agrippine et d’adopter Néron, fils qu’Agrippine a eu d’un précédent mariage. Néron a succédé à Claude. Il gouverne l’Empire avec sagesse au moment où débute la tragédie. Racine raconte l’instant précis où la vraie nature de Néron se révèle : sa passion subite pour Junie, amante de Britannicus, le pousse à se libérer de la domination d’Agrippine et à assassiner son propre frère.

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Jean Racine

 

Britannicus

 

 

 

 

PERSONNAGES

 

 

NÉRON, empereur, fils d'Agrippine.

BRITANNICUS, fils de l'empereur Claudius et de Messaline.

AGGRIPINE, veuve de Domitius Ænobarbus, père de Néron, et,

en secondes noces, veuve de l'empereur Claudius.

JUNIE, amante de Britannicus.

BURRHUS, gouverneur de Néron.

NARCISSE, gouverneur de Britannicus.

ALBINE, confidente d'Agrippine.

GARDES

 

La scène est à Rome, dans une chambre du palais de Néron.

 

 

ACTE PREMIER

 

 

 

SCENE PREMIERE - AGRIPPINE, ALBINE

 

 

ALBINE

Quoi ! tandis que Néron s'abandonne au sommeil,

Faut-il que vous veniez attendre son réveil ?

Qu'errant dans le palais, sans suite et sans escorte,

La mère de César veille seule à sa porte ?

Madame, retournez dans votre appartement.

 

AGRIPPINE

Albine, il ne faut pas s'éloigner un moment.

Je veux l'attendre ici : les chagrins qu'il me cause

M'occuperont assez tout le temps qu'il repose.

Tout ce que j'ai prédit n'est que trop assuré :

Contre Britannicus Néron s'est déclaré.

L'impatient Néron cesse de se contraindre ;

Las de se faire aimer, il veut se faire craindre.

Britannicus le gêne, Albine, et chaque jour

Je sens que je deviens importune à mon tour.

 

ALBINE

Quoi ! vous à qui Néron doit le jour qu'il respire,

Qui l'avez appelé de si loin à l'empire ?

Vous qui, déshéritant le fils de Claudius,

Avez nommé César l'heureux Domitius ?

Tout lui parle, Madame, en faveur d'Agrippine :

Il vous doit son amour.

 

AGRIPPINE

Il me le doit, Albine !

Tout, s'il est généreux, lui prescrit cette loi ;

Mais tout, s'il est ingrat, lui parle contre moi.

 

ALBINE

S'il est ingrat, madame ? Ah ! toute sa conduite

Marque dans son devoir une âme trop instruite.

Depuis trois ans entiers, qu'a-t-il dit, qu'a-t-il fait

Qui ne promette à Rome un empereur parfait ?

Rome, depuis trois ans, par ses soins gouvernée,

Au temps de ses consuls croit être retournée ;

Il la gouverne en père. Enfin, Néron naissant

A toutes les vertus d'Auguste vieillissant.

 

AGRIPPINE

Non, non, mon intérêt ne me rend point injuste :

Il commence, il est vrai par où finit Auguste ;

Mais crains que, l'avenir détruisant le passé,

Il ne finisse ainsi qu'Auguste a commencé.

Il se déguise en vain : je lis sur son visage

Des fiers Domitius l'humeur triste et sauvage ;

Il mêle avec l'orgueil qu'il a pris dans leur sang

La fierté des Nérons qu'il puisa dans mon flanc.

Toujours la tyrannie a d'heureuses prémices :

De Rome, pour un temps, Caius fut les délices ;

Mais, sa feinte bonté se tournant en fureur,

Les délices de Rome en devinrent l'horreur.

Que m'importe, après tout, que Néron, plus fidèle,

D'une longue vertu laisse enfin le modèle ?

Ai-je mis dans sa main le timon de l'Etat

Pour le conduire au gré du peuple et du sénat ?

Ah ! que de la patrie il soit, s'il veut, le père :

Mais qu'il songe un peu plus qu'Agrippine est sa mère.

De quel nom cependant pouvons-nous appeler

L'attentat que le jour vient de nous révéler ?

Il sait, car leur amour ne peut être ignorée,

Que de Britannicus Junie est adorée :

Et ce même Néron, que la vertu conduit,

Fait enlever Junie au milieu de la nuit !

Que veut-il ? Est-ce haine, est-ce amour qui l'inspire ?

Cherche-t-il seulement le plaisir de leur nuire ;

Ou plutôt n'est-ce point que sa malignité

Punit sur eux l'appui que je leur ai prêté ?

 

ALBINE

Vous, leur appui, madame ?

 

AGRIPPINE

Arrête, chère Albine,

Je sais que j'ai moi seule avancé leur ruine ;

Que du trône, où le sang l'a dû faire monter,

Britannicus par moi s'est vu précipiter.

Par moi seule, éloigné de l'hymen d'Octavie,

La frère de Junie abandonna la vie,

Silanus, sur qui Claude avait jeté les yeux,

Et qui comptait Auguste au rang de ses aïeux.

Néron jouit de tout : et moi, par récompense,

Il faut qu'entre eux et lui je tienne la balance,

Afin que quelque jour, par une même loi,

Britannicus la tienne entre mon fils et moi.

 

ALBINE

Quel dessein !

 

AGRIPPINE

Je m'assure un port dans la tempête.

Néron m'échappera si ce frein ne l'arrête.

 

ALBINE

Mais prendre contre un fils tant de soins superflus ?

 

AGRIPPINE

Je le craindrais bientôt s'il ne me craignait plus.

 

ALBINE

Une juste frayeur vous alarme peut-être.

Mais si Néron pour vous n'est plus ce qu'il doit être,

Du moins son changement ne vient pas jusqu'à nous,

Et ce sont des secrets entre César et vous.

Quelques titres nouveaux que Rome lui défère,

Néron n'en reçoit point qu'il ne donne à sa mère.

Sa prodigue amitié ne se réserve rien ;

Votre nom est dans Rome aussi saint que le sien ;

A peine parle-t-on de la triste Octavie.

Auguste, votre aïeul honora moins Livie :

Néron devant sa mère a permis le premier

Qu'on portât des faisceaux couronnés de laurier ;

Quels effets voulez-vous de sa reconnaissance ?

 

AGRIPPINE

Un peu moins de respect et plus de confiance.

Tous ces présents, Albine, irritent mon dépit.

Je vois mes honneurs croître et tomber mon crédit.

Non, non, le temps n'est plus que Néron, jeune encore,

Me renvoyait les voeux d'une cour qui l'adore ;

Lorsqu'il se reposait sur moi, de tout, l'Etat,

Que mon ordre au palais assemblait le sénat,

Et que derrière un voile, invisible et présente,

J'étais de ce grand corps l'âme toute-puissante.

Des volontés de Rome alors mal assuré,

Néron de sa grandeur n'était point enivré.

Ce jour, ce triste jour, frappe encor ma mémoire,

Où Néron fut lui-même ébloui de sa gloire,

Quand les ambassadeurs de tant de rois divers

Vinrent le reconnaître au nom de l'univers.

Sur son trône avec lui j'allais prendre ma place :

J'ignore quel conseil prépara ma disgrâce ;

Quoi qu'il en soit, Néron, d'aussi loin qu'il me vit,

Laissa sur son visage éclater son dépit.

Mon coeur même en conçut un malheureux augure.

L'ingrat, d'un faux respect colorant son injure,

Se leva par avance ; et courant m'embrasser,

Il m'écarta du trône où je m'allais placer.

Depuis ce coup fatal le pouvoir d'Agrippine

Vers sa chute à grands pas chaque jour s'achemine.

L'ombre seule m'en reste ; et l'on n'implore plus

Que le nom de Sénèque et l'appui de Burrhus.

 

ALBINE

Ah ! si de ce soupçon votre âme est prévenue,

Pourquoi nourrissez-vous le venin qui vous tue ?

Allez avec César vous éclaircir du moins.

 

AGRIPPINE

César ne me voit plus, Albine, sans témoins :

En public, à mon heure, on me donne audience.

Sa réponse est dictée et même son silence.

Je vois deux surveillants, ses maîtres et les miens,

Présider l'un ou l'autre à tous nos entretiens.

Mais je le poursuivrai d'autant plus qu'il m'évite :

De son désordre, Albine, il faut que je profite.

J'entends du bruit ; on ouvre. Allons subitement

Lui demander raison de cet enlèvement :

Surprenons, s'il se peut, les secrets de son âme.

Mais quoi ! déjà Burrhus sort de chez lui !

 

 

SCENE II - AGRIPPINE, BURRHUS, ALBINE

 

 

BURRHUS

Madame,

Au nom de l'empereur j'allais vous informer

D'un ordre qui d'abord a pu vous alarmer,

Mais qui n'est que l'effet d'une sage conduite,

Dont César a voulu que vous soyez instruite.

 

AGRIPPINE

Puisqu'il le veut, entrons : il m'instruira mieux.

 

BURRHUS

César pour quelque temps s'est souscrit à nos yeux.

Déjà par une porte au public moins connue

L'un et l'autre consul vous avait prévenue,

Madame. Mais souffrez que je retourne exprès...

 

AGRIPPINE

Non, je ne trouble point ses augustes secrets ;

Cependant voulez-vous qu'avec moins de contrainte

L'un et l'autre une fois nous nous parlions sans feinte ?

 

BURRHUS

Burrhus pour le mensonge eut toujours trop d'horreur...

 

AGRIPPINE

Prétendez-vous longtemps me cacher l'empereur ?

Ne le verrai-je plus qu'à titre d'importune ?

Ai-je donc élevé si haut votre fortune

Pour mettre une barrière entre mon fils et moi ?

Ne l'osez-vous pas laisser un moment sur sa foi ?

Entre Sénèque et vous disputez-vous la gloire

A qui m'effacera plus tôt de sa mémoire ?

Vous l'ai je confié pour en faire un ingrat,

pour être, sous son nom, les maîtres de l'Etat ?

Certes, plus je médite et moins je me figure

Que vous m'osiez compter pour votre créature,

Vous, dont j'ai pu laisser vieillir l'ambition

Dans les honneurs obscurs de quelque légion ;

Et moi, qui sur le trône ai suivi mes ancêtres,

Moi, fille, femme, soeur et mère de vos maîtres !

Que prétendez-vous donc ? Pensez-vous que ma voix

Ait fait un empereur pour m'en imposer trois ?

Néron n'est plus enfant : n'est-il pas temps qu'il règne ?

Jusqu'à quand voulez-vous que l'empereur vous craigne ?

Ne saurait-il rien voir qu'il n'emprunte vos yeux ?

Pour se conduire, enfin, n'a-t-il pas ses aïeux ?

Qu'il choisisse, s'il veut, d'Auguste ou de Tibère ;

Qu'il imite, s'il peut, Germanicus, mon père.

Parmi tant de héros je n'ose me placer ;

Mais il est des vertus que je lui puis tracer :

Je puis l'instruire au moins combien sa confidence

Entre un sujet et lui doit laisser de distance.