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Dans ce récit aux accents de vérité, Anna Bondareva met en lumière les facettes les plus secrètes et les plus sombres du métier de mannequin haute couture. Elle nous fait évoluer au fil des changements de décor, dans un perpétuel jeu de caméléon où la réalité est quelquefois bien laide, derrière les apparences vernies, lissées, laquées.
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Seitenzahl: 88
Veröffentlichungsjahr: 2022
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La beauté n’est que la promesse du bonheur.
Stendhal
Dans le tourbillon dangereux des événements, où il faut en permanence s’adapter aux nouveaux décors, derrière un écran de glamour et de couleurs bohèmes se cache une dure réalité; le monde de paillettes est plein de labyrinthes rusés.
Pour la première fois, le livre sensationnel met en lumière les facettes les plus secrètes du plus beau métier du monde, celui des mannequins de la haute couture.
Il ne s’agit pas seulement de mémoires, mais d’une confession assez franche d’une femme incroyablement courageuse. Pour survivre sur la scène excentrique où les acteurs changent rapidement, cette vraie self-made woman s’est faite elle-même et elle a aussi dessiné son propre univers, dans lequel elle a gagné le droit de rester toujours naturelle, désirée, féminine et talentueuse — elle est donc devenue elle-même.
Table des Matières
Chapitre 1. OISEAU DU MATIN
Chapitre 2. GAMBIT JAPONAIS
Chapitre 3. PARIS. PREMIERS JOURS
Chapitre 4. DÎNER CHEZ ANDRÉ
Chapitre 5. ¡NO PASARÁN!
Chapitre 6. AMIRAL
Chapitre 7. SECRETS DE LA COUR DE MADRID
Chapitre 8. FRANK ET MARILYN
Chapitre 9. SOLUTION INATTENDUE
Chapitre10. MARIAGE PAR AMOUR
Chapitre 11. PASSIONS ROMAINES
Chapitre12. ICÔNE
Chapitre 13. VRAI BRITISH
Chapitre 14. HÔTEL NACIONAL. LA HAVANE
Chapitre 15. PROPOSITION À SAINT-PÉTERSBOURG
Chapitre 16. CONCERT À BARCELONE
Chapitre 17. ADA, ADIEU!
Chapitre 18. ALLUMER LE FEU
Chapitre 19. L'ÉCOLE DE VIE CONSCIENTE
Chapitre 20. COMMENT JOUER BACH
Chapitre 21. PEINTRE DE MONTMARTRE
Chapitre 22. CONFRONTATION
Chapitre 23. OLGA
Chapitre 24. BONNE ÉPOUSE
Chapitre 25. DIAMANT RARE
Chapitre 26. FANTASME
Chapitre 27. GOÛT ROYAL
Chapitre 1. Oiseau du matin
Je suis venue chercher une amie à l’entrée de l’auditorium, où avaient lieu ses cours, pour aller ensuite avec elle à l’Opéra. J’étudiais dans une école de musique, et l’opéra de Modest Moussorgski, Boris Godounov, était au programme. Une amie de classe, Kat, a dit qu’elle s’était inscrite aux cours payants de mannequins au Centre national de la mode de la célèbre agence Tamara Viktorovna Gontcharova. J’aimais regarder des magazines et des défilés de mode et j’étais branchée, mais je n’avais jamais pensé sérieusement à la carrière de mannequin.
— Mademoiselle, quel âge avez-vous? Avez-vous déjà quatorze ou quinze ans?
La voix veloutée de Tamara Viktorovna a eu un effet magique; quelques minutes plus tard, je laissais déjà mon numéro de téléphone à la directrice de l’agence. Gontcharova m’a appelée le lendemain en me proposant de suivre gratuitement les cours professionnels de mannequins. Pour devenir un vrai cygne et déployer les ailes, j’allais apprendre à tenir la bonne posture, à marcher gracieusement sur des talons, à appliquer toutes les subtilités du maquillage.
Les beautés sur le podium étaient très hautes, elles me semblaient de vraies déesses. Ma taille était considérée comme moyenne, un mètre soixante-quinze.
— Tu as des méga données; ta croissance n’est pas terminée, a dit Natalia, le professeur de chorégraphie. Tu dois installer dans ton appartement une barre de traction et t’y accrocher pour allonger ta colonne vertébrale!
J’ai dû installer une barre de traction dans l’appartement et, parfois, j’y travaillais le soir, sans trop croire au succès de l’entreprise. Mais après la première séance photo officielle et réussie pour la collection d’automne de la maison de couture locale, on a commencé à me choisir comme modèle parmi les mannequins confirmées pour les principaux défilés de mode. Les filles étaient très différentes et les intérêts convergeaient rarement. Ma période punk-rock était terminée, la musique avait changé, et les sorties aux soirées dansantes underground étaient très importantes.
La première personne qui avait remarqué mon potentiel pour la carrière de mannequin était la belle Italienne, Tony. Un an plus tôt, on nous avait envoyés — comme les enfants victimes de la catastrophe de Tchernobyl — en Italie pour les vacances de Noël, et nous étions allés avec nos camarades d’école à un événement incroyable organisé par les fonds catholiques caritatifs.
— Anna è una vera modella, Anna est un vrai mannequin, disait Tony aux invités de sa pizzeria, gérée par la grande famille au nord de la ville côtière de l’Adriatique.
À l’école spéciale anglaise, j’avais un ami, Ilya. Un grand fan du groupe britannique The Cure, il nous demandait de l’appeler Robert, car c’était le nom du soliste du groupe. Ilya m’avait dit que si j’étais black, je ressemblerais à Naomi Campbell et, depuis, pendant nos promenades et conversations téléphoniques, il me chantonnait la chanson deKraftwerkde l’album de 1978 The Man-Machine :
She’s a model and she’s looking good
I’d like to take her home that’s understood
She plays hard to get; she smiles from time to time
It only takes a camera to change her mind.
(Elle est mannequin et elle a l’air bien, j’aimerais l’amener chez moi et c’est clair pour tous; elle joue l’intouchable et sourit de temps en temps; et seulement la caméra peut changer son avis…)
Chapitre 2. Gambit japonais
Le parc Yoyogi est un grand parc près du sanctuaire de Meiji. La station de métro adjacente au parc était la plus proche de l’appartement où j’étais logée par l’agence contractuelle. J’étais venue de Paris à Tokyo pour six semaines. Mon chauffeur s’appelait Hiro et on commençait chaque matin par un rituel en écoutant la chanson du groupeQueen, Don’t stop me now dans la voiture.
— Sans cette musique divine, je ne peux pas lancer le moteur de ce gars-là, plaisantait le chauffeur-gérant en caressant le volant de son minibus.
Le rôle important de Hiro n’était pas seulement d’emmener les filles à l’heure au rendez-vous, mais aussi de présenter chaque modèle pendant le casting, de raconter au client ses dernières réalisations et de décrire en quelques mots la nature de son caractère et ses plans les plus proches.
Il n’y avait pratiquement pas de jours de repos. Les jours sans tournage étaient pleins de castings, et les week-ends officiels — les samedis et dimanches — étaient consacrés aux séances photos. Il arrivait de temps en temps que jusqu’à trois shootings aient lieu en une journée: le premier de six heures du matin à onze heures; le deuxième, à midi; et puis, le tournage de soirée. C’est l’âge jeune qui nous sauvait. Ce n’est pas un secret que les marques et les magazines japonais donnaient la préférence à de très jeunes filles de type poupée à la peau marbrée. Tout bronzage était formellement interdit, et il y avait un paragraphe séparé dans le contrat, sur ce sujet. Ainsi, une fille fut renvoyée au Canada et forcée de payer une amende après avoir bronzé sur la plage, un week-end.
Le lexique japonais ne contient pas d’expressions brusques. Les clients et les photographes appelaient les mannequins qu’ils aimaient bien, ma douce, ma jolie, Kawaii. Le plus grand mal est dit comme « très mauvais». Ils sont toujours flatteurs et incapables de refuser. Juste répondre non est un problème. C’est cette circonstance qui a transformé l’un de mes incidents en une aventure urbaine inattendue. D’habitude, on nous amenait pour les castings, mais, pour les shootings matinaux, nous étions obligées de prendre le métro. Dans ces cas-là, à l’époque où il n’y avait pas encore de téléphones portables, ni de GPS, le plan était dessiné, soit par le manager, soit par le client, et les seules indications après la sortie du métro, où les noms de stations sont indiqués en alphabet latin, étaient les grands panneaux publicitaires. Par exemple, on précisait, sur le plan: « Aller à pied jusqu’à Honda, puis à gauche de Motorola».
Un beau matin de mai, j’étais pressée d’arriver à l’heure pour mon client et, en sortant du métro, j’ai tourné dans le labyrinthe de rues sans nom, semblables les unes aux autres, en essayant en vain de trouver auprès des passants au moins un mot, et chaque nouveau passant, en voyant mon plan et mon adresse, m’envoyait dans la direction opposée de son prédécesseur. Une heure et demie s’est écoulée dans les errances et il n’y avait pas d’endroit d’où passer un coup de fil, jusqu’à ce que mon sauveur apparaisse enfin.
— Hai, hai!
Puis un petit homme, asiatique, en costume élégant avec un attaché-case noir dans les mains, a fait un geste affirmatif avec sa main droite, sans lever les yeux. Il avançait devant moi et regardait en arrière toutes les dix secondes pour voir si je le suivais. Je ne sais pas pourquoi, mais je lui ai fait confiance et je suivais l’inconnu en silence. Comme ça, nous avons encore marché une vingtaine de minutes en serpentant les labyrinthes du quartier animé de Roppongi, jusqu’à ce que l’homme s’arrête devant une petite maison à deux étages.
— Hai!
À ce stade du scénario, il s’est produit la scène la plus inexplicable avec une fin imprévue. C’était une sorte d’initiation. Par la suite, je n’ai jamais eu aucun problème d’orientation dans la mégalopole cosmique et, à la fin du contrat, je pouvais même m’exprimer en japonais avec les chauffeurs de taxi, si c’était nécessaire. Mon Japonais a sorti de la valise une paire de couteaux japonais et, en se mettant sur un genou comme un chevalier, m’a offert la relique en cadeau, puis a disparu immédiatement… Après un long retard, je suis arrivée au studio pour ma séance photo, où m’attendaient un excellent thé vert, un assortiment de sushis et un massage japonais shiatsu.
Chapitre 3. Paris. Premiers jours
Stéphane m’attendait à l’aéroport Charles-de-Gaulle. Le joyeux Français a réussi à me décrire comment se passe raient mes premiers jours dans la capitale de la haute couture. Nous nous sommes installés dans une Mercedes décapotable noire; il faisait très chaud, fin août. La première agence parisienne avec laquelle j’ai signé un contrat, après avoir remporté le titre Miss Photo au concours national Super-model 1996, s’appelait Idole. Son bureau était situé juste en face de la tour Eiffel, de l’autre côté de la Seine, tout au début de l’avenue glamour de Montaigne.
— Maintenant, allons prendre les mesures, a déclaré Samantha, directrice du booking.
Cette procédure a lieu presque toutes les semaines pour les modèles débutants, et chaque surplus de millimètre est pris en compte. J’ai toujours été naturellement mince et je ne suivais jamais de régime; l’énergie se consumait toute seule et, parfois, je devais même prendre du poids pour certains clients, pour ne pas perdre de volume dans la poitrine.
— Nous allons t’envoyer demain chez Karl, à la maison Chanel, il a un bureau dans notre rue! Et maintenant, du shopping! Il te faut transformer: tu dois devenir une vraie Parisienne.
La bulgare Alexe était l’épouse du directeur de l’agence. C’est elle qui était venue à Minsk pour le concours et avait fait partie du jury avec le chanteur et compositeur Dmitry Malikov et le réalisateur Vladimir Yankovsky; ils m’avaient choisie. Il fallait attendre mon seizième anniversaire pour franchir toutes les frontières sans entrave. C’était la première fois que je prenais l’avion seule, et ça m’a plu. Je n’avais qu’une centaine de dollars américains dans la poche, mais l’agence s’est engagée à prendre tous les frais en charge. À la comptabilité, on m’a donné cinq cents francs pour une semaine.
L’appartement où je logeais avec deux autres mannequins russes se situait dans le dix-septième arrondissement et il était possible de se rendre à l’agence en bus où en métro; on m’a fourni un plan de la ville que j’ai dû étudier en détail car j’avais parfois une dizaine de castings par jour.
On m’a embauchée tout de suite, dès le premier casting. Au rendez-vous, le célèbre et futuriste designer japonais Issey Miyake m’a invitée pour présenter la collection jeunesse, grâce à quoi j’ai pu payer l’agence pour des billets d’avion et une garde-robe rénovée, mais les dépenses s’accumulaient rapidement. L’agence prenait le triple loyer des appartements des filles, les tests avec le photographe étaient souvent payants, ainsi que les appels téléphoniques, les tirages photo et le coursier qui livrait nos dossiers aux clients. Ainsi, malgré le fait qu’il y eût du travail, j’avais toujours une dette à régler à la fin du mois et il fallait changer quelque chose.