Ce qui reste invisible - Régis Cuillerat - E-Book

Ce qui reste invisible E-Book

Régis Cuillerat

0,0

Beschreibung

C’est pour moi une nécessité intérieure que d’exprimer ce que m’inspire la musique. Je souhaite que ces chroniques vous donnent envie de découvrir ou de redécouvrir certaines musiques, et constituent un repère dans le paysage intérieur qui vit en nous composé d’impressions, de sensations et d’émotions.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 168

Veröffentlichungsjahr: 2024

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Couverture

Titre

RÉGIS CUILLERAT

CE QUI RESTE INVISIBLE 

CHRONIQUES MUSICALES

INTRODUCTION

Frank Zappa affirmait autrefois qu’écrire sur la musique c’était comme danser sur de l’architecture.

Après une longue réflexion, je lui réponds : et pourquoipas ?

Pourquoi pas en effet danser sur de l’architecture ? N’est-ce pas d’ailleurs ce qui se produit lors de certains spectacles de danse moderne ?

Les différentes combinaisons de mots et de phrases de la langue écrite sont notoirement incapables de reconstruire toutes les nuances et les subtilités présentes dans la réalité.

Les limitations de l’écriture sont probablement encore plus marquées lorsqu’il s’agit d’évoquer ce qui reste invisible.

Par exemple je trouve bien moins ardu de tenter de décrire les effets du vent que de tenter de décrire le vent lui-même.

Après quatre décennies d’écriture de chroniques musicales, j’ai l’impression d’avoir compris quelque chose d’important.

Pour ce que je ne parviens pas vraiment à décrire dans la musique, dont les sons demeurent invisibles, je peux commencer à l’esquisser et ensuite l’imagination du lecteur complète les manques.

Mais d’où vient donc mon envie d’écrire et de publier des textes à propos d’une multitude de disques ?

Adolescent j’étais déjà fasciné par les critiques littéraires, cinématographiques et théâtrales de l’émission de radio le Masque et la Plume.

Quand je suis tombé par hasard sur une pile de vieux magazines Best des années 70, dans un coin de ma librairie d’occasion habituelle, j’ai tout acheté et j’ai lu ensuite passionnément à maintes reprises presque tous les articles.

Cette découverte,essentiellement celle des chroniques de disques en particulier, coïncide avec la naissance de mon goût pour les musiques rock et pop, soudainement apparu au milieu des années 80.

Impossible d’expliquer les raisons de ces deux engouements, l’un pour la musique, l’autre pour les écrits publiés à propos de la musique.

Cela fait partie des faits de l’existence qui se sont imposés à moi comme des évidences.

Peut-être qu’une partie de mon esprit existait en fait depuis toujours, le critique musical, et attendait quelques catalyseurs particuliers pour apparaître au grand jour et réaliser son désir de découvrir des disques, d’écrire dessus et de diffuser ses textes à l’humanité.

C’est sûr que cette passion n’a rien d’universel puisqu’elle suppose que le lecteur sera intéressé à la fois par les musiques elles-mêmes et par la lecture des textes de quelqu’un d’autre à propos de ces musiques, alors qu’il est parfaitement capable de concevoir lui-même son propre avis à propos d’une chanson, d’un disque, d’un concert…

Un certain nombre de critiques évoquent pour eux-mêmes la figure du « passeur ».

Je trouve ce terme un peu pompeux, universitaire, imprégné d’un sentiment de sa propre importance.

Comme si le lecteur n’était pas capable de trouver par lui-même les mêmes disques que moi et d’éprouver les mêmes émotions, ou d’autres émotions, en écoutant de la musique.

Je pense que le critique, ou chroniqueur, ou rock critic, est juste un intermédiaire totalement facultatif qui éprouve le besoin d’exprimer par écrit sa passion pour la musique et d’êtrelu.

La simple réalité c’est qu’un jour j’ai lu des chroniques de disques signées Hervé Picart, Philippe Garnier, Bill Schmock,Patrick Eudeline, Jean Marc Bailleux, Laurence Faure, Michka Assayas, Francis Dordor, Charles Gronche, et que j’ai eu ensuite envie d’écrire ce genre de choses.

Pour être précis, vous trouverez dans ce livre des critiques de disques principalement du style rock, pop, mais aussi des disques de jazz, très peu de musique classique, de chanson française,de rap et de musiques latino-américaines.

Quelques chroniques de concerts et des hommages à des musiciens disparus également.

Le seul critère que j’emploie est de parler de musiques et de musiciens que j’ai eu un jour envie d’écouter.

La critique de disque est un drôle d’animal hybride qui a la particularité de devoir s’appuyer sur une autre œuvre d’art pour exister.

Eh oui, je crois qu’une critique est une œuvre littéraire au même titre qu’un roman, qu’un essai ou qu’un livre de philosophie.

Après tout il s’agit toujours de quelqu’un qui s’exprime et raconte quelque chose par écrit.

Et souvent, parler musique constitue une trame, un point de départ, pour évoquer des questions qui me touchent dans la vie courante.

J’espère que ce recueil de textes écrits entre 2011 et 2024 vous intéressera et vous donnera envie de mettre un disque sur la platine, ou d’écouter une musique que vous découvrirez ou redécouvrirez sur le support de votre choix.

ALAN PARSONS PROJECT Eye in the Sky (Arista,1982)

Quand j’avais 15 ans, une amie de la famille, qui avait certainement bien cerné ma psychologie, m’avait prêté ce disque. Mais c’était trop tôt : à part l’irrésistible tube Eye in the Sky, à l’époque je trouvai fades et insipides toutes les autres chansons.

Au milieu des années 90, l’article d’un ami suscita une fois de plus ma curiosité à propos du groupe britannique.

Et puis finalement, vers 2007-2008 j’ai acheté ce disque et puis progressivement tous les autres albums du collectif APP. Aujourd’hui s’il me fallait choisir 10 disques pour l’île déserte (quel déchirement !), Eye in the Sky serait certainement du voyage.

C’est l’histoire d’un gars qui a un cauchemar la nuit. Il se rend directement chez son psy qui l’assomme avec des interprétations psychanalytiques à deux balles : c’est le thème de Psychobabble, l’une des pépites pétillantes de ce sans faute discographique qui allie l’inspiration au savoir-faire.

Le Project séduit bien sûr aussi avec de magnifiques ballades aux inspirations mélodiques souvent très musique classique (Silence and I,Children of the Moon), dont l’une se conclut d’un très beau solo de saxophone à la Supertramp signé Mel Collins (Old and Wise).

Alan Parsons et ses copains savent également ciseler un rock bien mordant, mais parfaitement construit (You’re Gonna Get Your Fingers Burn) et également un instrumental planant, mais prenant, pour varier idéalement les climats et les ambiances (Mammagamma).

À mon avis ce sixième disque de l’APP atteint une qualité proche de la perfection : à la fois léger et profond, lyrique, romantique,mystérieux ou onirique selon les moments.

Étonnant de penser à quel point ce merveilleux disque résulte de la collaboration de tant de musiciens différents puisque Alan Parsons (le grand coordinateur en chef du projet) et Eric Woolfson (l’âme musicale du groupe) sélectionnaient parmi leurs relations les musiciens qu’ils pensaient les plus aptes à restituer l’esprit de chaque chanson.

Tous les chanteurs présents, Eric Woolfson, Chris Rainbow,David Patton,Lenny Zakatek,Elmer Gantry et Colin Blunstone, enrichissent chaque chanson de leurs propres caractères vocaux, tout en restant complètement inclus dans la tonalité d’ensemble.

Ce disque se trouve également, et selon moi idéalement, à la croisée des chemins entre la sensibilité idéaliste hippie des seventies et celle plus grave et légèrement angoissée propre aux années 80.

KEVIN AYERS Still Life With Guitar (Fnac Music,1992)

Kevin Ayers c’était un ange blond sans innocence des seventies qui transformait en pop légère et souvent inventive ses influences music-hall, valse, flamenco, sirtaki, folk celtique et autres styles séculaires.

Un beau jour à la fin des années 70 il est parti à Ibiza vivre de ses royalties un verre de vin rouge à lamain.

Un ou deux ans avant de mourir en 2007, Kevin migre dans un coin paumé,rocailleux, mais toujours ensoleillé dans le sud de la France et revoit sa fille perdue de vue et désormais devenue adulte.

Pendant les deux premières écoutes de ce Still Life With Guitar, je me suis dit que c’était le genre d’album qu’ils commettent tous à un moment donné, le disque raté qui montre que nos musiciens préférés restent des êtres humains, combien c’est difficile de créer,etc.

Sa nonchalance, sa désinvolture et son ironie avaient fini par enfanter, faute d’inspiration, une musique terne et morne, je me disais.

Après avoir laissé reposer deux ou trois mois, j’entends finalement neuf bonnes chansons, les mélodies tiennent la route, l’ambiance finit par charmer comme d’habitude.

Il faut dire aussi que pour cet album Kevin Ayers adopte un style blues folk calme, posé, peu original, il faut laisser décanter pour que le feeling se diffuse.

Provocateur et paresseux revendiqué, il nous raconte des trucs de ce genre : il n’y a pas grand-chose à dire quand tu te sens commeça.

Ou bien : je me suis gratté et j’ai rêvé quelques rêves, et voilà encore une année qui est passée.

Souvent j’ai besoin d’écouter ce genre de gars qui laisse des pans de sa vie en friche, qui passe une demi-journée à observer trois brins d’herbe.

C’est tout le bien que procure cette « Nature morte avec Guitare ».

BECK Odelay (Geffen,1996)

La musique de Beck, du moins au début des années 90, représentait quelque chose de nouveau : une invraisemblable fusion entre un blues intemporel à la Robert Johnson et un délire rap savamment organisé et rythmé à la BeastieBoys.

À cela s’additionne une multitude d’influences, mais rien d’obscur ni d’abscons ; au contraire l’impression d’avoir toujours entendu ça quelque part à la TV ou à la radio.

La différence avec d’autres musiciens fans de la fusion : Beck ne se contente pas de contempler avec satisfaction des juxtapositions de styles musicaux divers plus ou moins adroitement greffés et bouturés.

Beck soigne alors particulièrement ses compositions dont les mélodies accrochent l’oreille et dont les rythmes frétillent et bondissent dans les synapses.

Une musique qui fait la part belle au bricolage, au recyclage, aux bouts de ficelle, tout à fait en phase avec un nouveau personnage apparu à l’aube des années 90.

Le Slacker, un jeune Hobo errant sur les routes des États-Unis, fainéant ou philosophe ?

Le slacker parcourt les marges de l’immense pays continent, et raconte les histoires de paumés en déshérence : hippies attardés,sportifs sur canapés, divorcés aigris, filles obsédées par la nourriture bio, reclus sous influence chimique…

Beck est à l’évidence un intuitif doté d’une grande sensibilité, qui choisit d’adopter un ton impassible pour raconter la dérive de ses semblables dans un monde de plus en plus dur, mais sa musique suggère que l’amour de la vie surnage malgrétout.

BENJAMIN BIOLAY Palermo Hollywood (Riviera-Maison-Barclay,2016)

Ce disque n’est pas parvenu à me faire danser comme le souhaitait Biolay dans une interview récente.

Jusqu’ici je ne connaissais rien de Benjamin Biolay excepté quelques photos et une réputation de chanteur-compositeur très influencé par la musique de Serge Gainsbourg. Toutefois cet album inspiré de la musique sud-américaine et en partie enregistré à Buenos Aires m’a décidé à franchir lepas.

Palermo Hollywood nécessitait pour moi au minimum deux écoutes pour que les musiques finissent par éclipser, de temps en temps, les défauts et les lacunes du chanteur parolier compositeur Benjamin Biolay.

En effet, le baryton plus ou moins épais et granuleux selon les titres évoque davantage la voix de Jean Reno que le visage de Dorian Gray tourmenté du musicien. Quelque chose dans ce chant sonne forcé, comme pour se donner une contenance et forcer la connivence, en tentant par ses maniérismes de créer l’impression d’une longue expérience souffrante et aventureuse que la jeunesse du timbre contredit constamment.

D’autre part, les influences de Serge Gainsbourg, Ennio Morricone pèsent d’un grand poids sur ce disque, sans compter celles non négligeables de Frank Sinatra et de Georges Delerue. Après presque vingt ans d’enregistrements, j’aurais cru que la personnalité musicale de Biolay serait plus affirmée.

Benjamin Biolay se fourvoie sur les quelques chansons lentes du disque, car il n’a pas su ou pas pu incarner la rigueur ni l’intensité du tango (La Débandade), il force également sur les orchestrations dans ses pseudomusiques de films seventies (Tendresse Année Zéro).

Les chansons lentes attirent l’attention sur les paroles qui, bien que très travaillées, notamment au niveau des rimes et de la métrique, constituent un point faible du disque.

Quand Biolay fait de l’esprit sur un rythme pachydermique, ses métaphores et ses piques pataudes ne font rire que lui et ses amis (Ressources Humaines).

Enfin sa Ballade Française termine le disque sur une note plaintive et déliquescente, les paroles font se demander s’il maîtrise vraiment le vocabulaire poétique qu’il emploie.

Néanmoins sur deux chansons, quand le rythme s’accélère, se fait syncopé et s’accompagne de mélodies vives et entraînantes, les paroles deviennent presque indistinctes et le chant recule lui aussi dans le rétroviseur. C’est d’ailleurs quand Biolay rappe quasiment (Palermo Hollywood) qu’il est le plus convaincant. Mention spéciale bien sûr à la chanteuse Alika dont le débit mitraillette dynamite La Nocha Ya No Existe : on dirait avec son tempérament incontrôlable l’une des actrices fétiches de Pedro Almodovar.

DAVID BOWIE Aladdin Sane (Atlantic,1973)

Je suis longtemps resté rétif envers les grands disques des années 70 de David Bowie, sans doute à cause de ce chant théâtral, aigre, acide et outré, qui agissait comme une sorte de barrière entre ses chansons et mes goûts musicaux.

Une voix qui a d’ailleurs gagné en sobriété, en rondeur, depuis les années 80. L’album de 1995, Outside, présente une musique harmonieuse, à maturité, avec juste les quelques touches électroniques et désaccordées indispensables pour incarner le monde virtuel pressenti alors par le chanteur anglais.

Et puis il y a l’image, ou plutôt les images très fortes de Bowie dans ses différentes incarnations et alter ego (Ziggy Stardust, Aladdin Sane, The Thin White Duke…).

Une image de dandy futuriste qui s’imprimait dans nos esprits avec la netteté de l’émulsion photographique. L’image de l’artiste avant-gardiste suffisamment intimidante pour se projeter dans la musique qu’il publie au point que les deux se confondent dans l’esprit du public.

Cependant, à l’écoute d’Aladdin Sane, nous pouvons tout de même nous faire une idée claire sinon nette du contexte de la vie de David Bowie en 1973.

Même si David Bowie s’avance vers nous protégé par une image invincible, ses intonations maniérées, des arrangements clinquants, grandiloquents et de violents contrastes rythmés, nous saisissons grâce aux masques qu’il choisit l’essentiel de l’humeur qui le fait réagir.

Aladdin Sane est le manifeste d’un esprit en lutte avec une impression de confusion terrible. Cependant Bowie reste ce qu’il est, un artisan extrêmement malin qui tire la quintessence de sa difficulté d’être avec un tube (Jean Genie) et quelques quasi-tubes (Panic in Detroit, Cracked Actor) qui s’imposèrent avec le temps. Il enchaîne, quelques pastiches distordus de chansons des Rolling Stones, l’éternel cabaret berlinois où il met en scène ses ambiguïtés sexuelles et un rock cru et tranchant à la Lou Reed (Watch thatMan).

Le Lady Grinning Soul final clôt le disque sur un ratage rempli de juxtapositions stylistiques plus que bancales. Mais la chanson a le mérite de remettre les points sur les i : Bowie se sent mal, perdu, peut être nauséeux, même s’il feint comme d’habitude d’être l’instigateur de ce qui le dépasse.

Les thèmes d’Aladdin Sane enfourchent le cheval bien fourbu du revers de la médaille du succès et de la célébrité. À coup de fantasmes de cinéma, de littérature, de théâtre et de mode, l’artiste tente de trouver le costume du moment pour habiller ce qu’il ressent comme un vide intérieur qui rend tout vain. Tout cela hâtivement tracé comme un trait d’eye-liner éblouissant, mais brouillé.

Bowie utilisera les guitares grasses et légèrement brouillées l’année suivante avec un Diamond Dogs plus abouti encore. Aladdin Sane incarne une forme de fuite en avant qui ne manque ni d’audace ni de panache. Bowie s’étourdit, changeant de ville et de décor pour se rendre insaisissable, mais vit encore sur l’élan d’un talent insolent et en pleine jeunesse.

KATE BUSH Aerial (EMI,2005)

Le retour de Kate Bush après 12 ans de silence discographique.

J’ai longtemps été interloqué par ce double album de l’Anglaise, que je considère pourtant sans hésitation comme étant l’un des cinq talents musicaux majeurs dans le monde du pop rock.

C’est qu’avec cet Aerial c’est une Kate Bush à la fois différente et pourtant toujours lamême.

Différente, car envolés la flamboyance et les refrains immédiats brillants de mille feux qui saisissaient irrésistiblement l’auditeur pour l’entraîner dans un autre monde.

Voici une Kate Bush plus introvertie, plus mélancolique, qui déroule des thèmes méditatifs au piano, dont j’ai mis du temps à percevoir la beauté.

Ce disque m’évoque l’univers de Virginia Woolf et l’atmosphère feutrée du salon du Bloomsbury Club, tous ces esprits britanniques brillants qui ont tant contribué à l’art et aux sciences au début du 20e siècle : Maynard Keynes, Lytton Strachey, Vita Sackville-West, Leonard Woolf, VanessaBell…

Quel bel après-midi

Oh, viendrez-vous avec nous ?

Kate dans son habit de maîtresse de maison évoque la Mrs Dalloway de Virginia Woolf qui toute la journée se préoccupe du dîner qu’elle organise et attend.

Longing. Avoir envie de, désirer… Ce mot en anglais prend souvent un sens mélancolique et métaphysique.

Ces musiques, toutes superbes et merveilleuses, demandent un pas en avant de la part de l’auditeur pour être pleinement appréciées.

Il faut aussi abaisser ses défenses, car Kate Bush entre progressivement au cœur de la difficulté d’être un être humain.

Il y a une douce difficulté de vivre dans ce disque, qui pourrait peut-être devenir insoutenable sans tant de talent.

Car Kate Bush est toujours la fée qui prend un chant d’oiseau pour le développer et en faire sa propre chanson.

Elle chante, merveilleusement, toutes les décimales du nombrePi.

Alors quand les moments de joie surviennent finalement, ils n’en ont que plus de valeur.

An Architect’s Dream, Sunset, Aerial,dans ces chansons perce la dimension du merveilleux parfois si difficile à retrouver dans nosvies.

KATE BUSH  50 Words for Snow (Fish People,2011)

Voici le second album studio de Kate Bush au 21e siècle. Je mets à part l’album Director’s Cut, de 2011 également, composé de nouvelles versions d’anciennes chansons de l’artiste.

Une maison isolée au milieu d’un paysage neigeux au plus profond de l’Angleterre.

Kate regarde les flocons tomber, promène son chien au bord du lac gelé, serre la main du bonhomme de neige…

Un thème quelque peu gnangnan à premièrevue.

Chaque chanson dure près de dix minutes. Tout se déroule lentement, dans une atmosphère ouatée, avec des mélodies horizontales bien plus proches de celles de Debussy et de Satie que de celles de Pat Benatar.

Kate semble avoir largué les amarres bien loin des codes connus de la pop music.

Elle va plus loin dans la direction musicale plus impressionniste déjà présente dans l’album Aerial de2005.

Les hommes pressés se détourneront peut-être de ce disque qui oblige l’auditeur à ralentir nettement son processus habituel de traitement des informations sonores.

Mais elle sait ce qu’elle fait.Le piano et le chant tissent insensiblement leur toile fantastique de mélancolie et d’émerveillements oniriques.

Les basses organiques, des chœurs liturgiques et parfois quelques notes répétitives de synthétiseurs épaississent le mystère.

Cependant l’intensité jusqu’ici souterraine affleure à partir de la 4e chanson, le paysage s’anime et les rythmes s’accélèrent discrètement.

50 Words for Snow constitue une expérience, un voyage fascinant qui colore différemment cette journée.

JUAN CARLOS CÁCERES – HUGO DIAZ CARDENAS à la Maison de l’Amérique Latine 10 06 2011

Un concert qui restera très spécial pour moi, entre autres raisons parce que j’étais chargé (bénévolement) de prendre en photo les artistes pendant leur performance. Nul doute que certaines subtilités m’ont échappé bien que je commence à mieux connaître ces musiques argentines qui oscillaient ce soir-là entre tango, jazz et folklore.

Le jeu entre le piano et la guitare reste une configuration délicate que les amateurs attendent toujours avec impatience.

Le plus souvent le piano de Juan Carlos Cáceres énonçait la mélodie avec son style percussif tandis que la guitare de Hugo Diaz Cardenas ajoutait harmonies, variations et contrepoints, enrichis de ces percussions aux rythmes latins assurées par le nommé Guillermo, frappant nonchalamment l’espèce de cube où il était assis à califourchon ou dont le balai caressait délicatement une cymbale.

Ces chansons ne respectent pas les règles, l’intensité monte subitement en plein milieu.

Les parties vocales, qui interviennent parfois juste au début et en conclusion, sont plutôt fondues dans la musique et non l’instrument leader qui éclipse tout le reste.

Le plus souvent j’y ai retrouvé ce côté doux-amer, cette perpétuelle variation entre l’intensité de l’émotion et la relaxation d’un rêve.

Parfois aussi le jeu de piano martelé et le côté machine à remonter le temps du répertoire de chansons m’irritaient un peu, mais il y eut quelques moments splendides comme cette Milonga où le piano de Cáceres se transforma en synthétiseur et la guitare de Diaz Cardenas partit dans ces accords simples dont la beauté transcende la tristesse intemporelle.

CARAVAN It’s None Of Your Business (Madfish,2021)

Le dernier disque de Caravan que j’ai écouté avant d’acquérir celui-ci date de1976.

Encore une bande de chevelus Britanniques à la Pink Floyd, Yes et Genesis, bien moins connus, car ils n’ont jamais décroché de hit diffusé à la radio.

Naturellement il ne reste dans le groupe plus personne qui ait participé au premier album de 1968 excepté le chanteur-guitariste-compositeur Pye Hastings.