Cinq Nouvelles Extraordinaires - Gustave Le Rouge - E-Book

Cinq Nouvelles Extraordinaires E-Book

Gustave Le Rouge

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Beschreibung

Ces cinq nouvelles extraordinaires nous font vivre cinq expériences, où les différents protagonistes côtoient tour à tour la réalité, le rêve ou le cauchemar, sans que nous ne sachions laquelle des trois situations est en train de vivre le personnage. Spectre seul - Je regarde un homme solitaire et je me rends compte que j'arrive à lire en lui... Notre-Dame la Guillotine - En pleine révolte des Pauvres, Gorgius, se rendant à son hôtel, rencontre une femme et l'emmène avec lui dans sa chambre. Dans le lit, il voit du sang et se rend compte qu'il est tombé dans les bras de... Le Spectre rouge - Le poète Chantenef est invité à un repas qui n'en finit pas jusqu'au moment où une dame lui demande un poème, mais il préfère raconter une histoire... Le navire de Jules César Kill et Murde aiment lire l'histoire du navire de Jules César. Un jour de tempête, ils rencontrent l'homme-poisson du livre et ils font voeux de devenir comme lui... Dans le ventre d'Huitzilopochtli - Miles Kennedy raconte comment son épiderme a été décoloré car il a été dévoré par Huitzilopochtli, le dieu de la guerre des anciens Incas.

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Seitenzahl: 38

Veröffentlichungsjahr: 2020

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Cinq Nouvelles Extraordinaires

Cinq Nouvelles ExtraordinairesSPECTRE SEULNOTRE-DAME LA GUILLOTINELE SPECTRE ROUGELE NAVIRE DE JULES CÉSARDANS LE VENTRE D’HUITZILOPOCHTLIPage de copyright

Cinq Nouvelles Extraordinaires

 Gustave Le Rouge

SPECTRE SEUL

L’Ombre semblait pleuvoir avec les fluides hachures d’une averse qui fuyait interminablement d’un ciel enfumé, pareil de ton au ciment noirci par de terreuses infiltrations, comme si cette indigente ruelle et toute la maussade ville provinciale elle-même eussent été construites sous les voûtes fangeuses de quelque réservoir souterrain. Déjà la nuit se blottissait aux angles de la triste salle de café où j’étais assis, une maladroite et rougeaude bonne n’en finissait pas de remonter – avec une foule de bruits agaçants – une demi-douzaine de lampes grinçantes, et je baillais mortellement, endolori par le tambourinement monotone des gouttes sur les vitres et le sourd pataugement des passants hâtés parmi les flaques d’eau sale.

Bientôt je m’aperçus que – depuis longtemps déjà – mes yeux distraits s’étaient fixés sur un homme à la physionomie chagrine qui, comme moi, semblait plongé dans le plus nauséeux désœuvrement. Ayant considéré attentivement – pendant que j’étais moi-même l’objet d’un pareil examen – son front dégarni, ses prunelles décolorées, ses paupières rougies et plissées d’une infinité de menues rides, sa lèvre inférieure pendante et son envahissante barbe grise, je fus saisi d’une soudaine pitié et, presqu’au même instant – avec une fulgurante rapidité – j’eus la conscience de posséder – au moins passagèrement – l’inexplicable pouvoir de m’immiscer aux plus intimes sentiments de l’inconnu et de m’identifier avec la substance de ses afflictions.

Au moment où je l’observais, l’homme, dont le cœur paraissait vide et désolé, tournait toutes ses mélancoliques pensées vers les époques plus heureuses de son enfance. Le vivant et joyeux affairement de la ville maritime où il était né bruissait dans le lointain de son souvenir. Les spectres des choses passées se levaient avec les couleurs apâlies de l’oubli. Une opaque futaie de mâts s’érigeait avec des clairières de granit et de mer : de blanches digues s’allongeaient portant très loin les grêles colonnes des phares.

Par-delà les faubourgs de la ville se prolongeaient de vastes chantiers penchant vers les bassins les carènes des futurs navires, incessamment retentissantes de martèlements cadencés. Derrière les poupes s’alignaient à l’infini de hauts et larges cubes de madriers de Norwège laissant entre eux de stricts couloirs où nageait un parfum de résine.

L’imagination de l’homme se faufilait dans les détours familiers de ce labyrinthe tapissé d’un gazon dru et frisé sur lequel s’ébattait une gazouillante volée d’enfants, aux mains souillées de goudron, aux vêtements attristés d’accrocs et de taches ; il concentrait toute sa puissance mnémotechnique sur ces figures éparses, mais, des noms qui s’offraient à lui, il n’en pouvait articuler aucun d’une façon précise.

Entre toutes, une vision l’arrêtait, c’était une agile et blonde fillette dont les pieds tannés d’un hâle salin frétillaient sous une robe bleue déteinte ; il se rappelait l’avoir un jour couronnée d’un diadème de coquillages et de ces chardons cæruléens dont les racines rampent dans les sables telles que des cordes grasses.

Mais, de même que ses autres compagnons d’enfance disparus depuis lors sans qu’il eût conservé de relations avec un seul d’entre eux, l’enfant qu’il avait aimée était fortuitement partie au loin et jamais plus il n’avait entendu parler d’elle.

Poussant un soupir de regret, l’étranger poursuivit le cours de sa rêverie. Aux chantiers avaient succédé de petits jardins des bas quartiers dont les carrés de choux rouges et de pommes de terre étaient séparés par de vivaces haies de sureau ou de courbes épaves de navires, égayés par des touffes capiteuses de romarin et d’angélique.

Là encore, il reconnaissait beaucoup de figures d’amis. Par malheur, il y avait de longues années qu’il ne s’était enquis de leur situation et ils l’avaient sans doute totalement oublié.

À ce moment, un bref temps d’arrêt se produisit dans les fuyants rappels de cette imagination. Il me sembla que le rêveur éprouvait une complète fatigue, un écœurement absolu, et je ne vis plus rien.

Cet état de prostration ne se prolongea pas ; comme le flot impétueux d’un jeune sang, de recrudescentes souvenances affluèrent vers la cervelle du solitaire ; une autre ville de la Mer – située, celle-là, dans les dernières brumes septentrionales – s’offrit à lui ; c’était en un quartier de matelots, éclatant d’un vacarme de rixe et de jurons et sur lequel pesait un fumeux brouillard d’alcool et de tabac. Des trognes rubicondes, dans le brouillard, se balançaient avec de vagues sourires ; des servantes fardées, aux lèvres connues versaient de brutales eaux-de-vie et de machinales caresses…

L’étranger se récapitula amèrement les noms des camarades de son âge mûr, ils lui étaient devenus aussi inconnus que les amis de sa jeunesse.