Doctrine Chrétienne - Adolphe Monod - E-Book

Doctrine Chrétienne E-Book

Adolphe Monod

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Beschreibung

Ces cinq sermons du grand orateur protestant du dix-neuvième siècle ont été regroupés dans cette numérisation ThéoTeX à cause de leur grande valeur didactique ; Adolphe Monod n'a pas été seulement un maître d'éloquence mais aussi un apologète et un théologien solide. Le lecteur y trouvera plus d'un argument et d'un rapprochement auquel il n'avait peut-être pas pensé, dans l'affirmation des grandes doctrines chrétiennes, aujourd'hui attaquées comme autrefois : la Trinité, la mort expiatoire de Jésus-Christ, l'inspiration de la Bible.

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Mentions Légales

Ce fichier au format EPUB, ou livre numérique, est édité par BoD (Books on Demand) — ISBN : 9782322474028

Auteur Adolphe Monod. Les textes du domaine public contenus ne peuvent faire l'objet d'aucune exclusivité.Les notes, préfaces, descriptions, traductions éventuellement rajoutées restent sous la responsabilité de ThéoTEX, et ne peuvent pas être reproduites sans autorisation.

ThéoTEX

site internet : theotex.orgcourriel : [email protected]
Doctrine Chrétienne
cinq discours
Adolphe Monod
1869
♦ ♦ ♦Thé[email protected] – 2005 –
Table des matières
Un clic sur ◊ ramène à cette page.
Avertissements
Jésus jugeant la Tradition
Jésus-Christ baptisé ou la Trinité
La grâce ou l'œuvre du Père
La propitiation ou l'œuvre du Fils
L'inspiration prouvée par ses œuvres
◊  Avertissements
Avis des  éditeurs

Les discours que nous publions furent prêchés à Paris, au printemps de l'année 1853 ; l'auteur mentionne lui-même, au commencement du premier de ces discours, les circonstances où il fut amené à les composer. Bien qu'ils aient été inégalement travaillés et qu'aucun n'ait reçu de l'auteur la dernière main, nous n'avons à leur faire subir, pour les imprimer, aucun changement considérable.

Nous avons dû supprimer à l'impression le troisième discours de la série, le Péché originel, et les deux derniers, sur la Régénération, ces discours n'existant qu'à l'état d'analyse ou de notes fort incomplètes. La série se trouve ainsi réduite à quatre discours, qui ne forment pas l'ensemble dont l'auteur avait conçu le projet. Tels qu'ils sont, nous espérons qu'ils pourront être utiles. Dieu veuille en bénir la publication pour sa gloire et pour le bien de l'Église !

Paris, août 1868
Note ThéoTEX

Aux quatre discours des éditeurs de 1869 nous avons rajouté celui prononcé à Paris, le 1er février 1852, en faveur de la Société Biblique protestante, intitulé : L'Inspiration prouvée par ses œuvres. Quelques semaines avant sa mort Adolphe Monod avait prononcé les paroles suivantes, recueillies depuis dans le très connu livre Les Adieux :

Avertissement de l'auteur

Il se fait depuis quelque temps, dans notre Église, un mouvement étrange et en apparence contradictoire.

La doctrine proclamée par les Apôtres et relevée par les Réformateurs, reprend par degrés son empire, que le malheur des temps et l'incrédulité générale avaient affaibli. La foi et l'unité de la foi, c'est-à-dire l'Évangile et l'Église, telle est la double aspiration d'un peuple qui va croissant parmi nous d'année en année. La conscience ecclésiastique semble si bien gagnée à la vérité, que les prédicateurs de l'Évangile, tenant pour superflu de revenir fréquemment sur les grands dogmes caractéristiques du christianisme protestant, ont jugé plus utile de pénétrer dans les sujets de détail, soit d'explication, soit de pratique. Mais quand il était permis de croire qu'on n'avait plus qu'à recueillir le fruit de la victoire, voici le combat qui recommence.

Nous entendons encore attaquer la foi sous le nom de méthodisme, l'unité de la foi sous le nom d'exclusisme ; et ces accusations, chose étrange, trouvent un certain accès auprès de plusieurs. De bons esprits s'étonnent, se troublent, hésitent. On dirait qu'ils éprouvent le besoin de se recueillir une dernière fois avant de se décider à donner leurs cœurs à Jésus-Christ et à prêter leur concours à son peuple.

De là, pour le ministre de Jésus-Christ, l'obligation de reprendre, en l'adaptant aux besoins actuels, un travail qu'il pensait avoir terminé. Je crois devoir, dans une série de discours, poser de nouveau le fondement de la foi, de l'Évangile et de l'Église, en m'appliquant plus spécialement à la dégager d'avec les erreurs qui lui sont opposées.

Je commencerai par prémunir mes lecteurs contre les autorités humaines qui se substituent insensiblement à l'autorité suprême de la Parole de Dieu. La règle de notre foi ainsi mise en lumière, je ferai voir que ceux qui se conforment à cette règle seront conduits à une foi commune, déterminée et sûre d'elle-même. L'exposition des articles fondamentaux de cette foi fera l'objet des discours suivants, dans cet ordre :

La Tradition.Jésus-Christ baptisé ou la Trinité.L'Humanité visitée par Jésus-Christ ou le Péché originel.L'Œuvre du Père ou la Grâce.L'Œuvre du Fils ou la Propitiation.L'Œuvre du Saint-Esprit ou la Régénération.L'Œuvre du Saint-Esprit, suite.

Que Dieu me soit en aide ! et que la gloire de son nom dans le troupeau qu'il m'a confié soit à la fois le but, le stimulant et le salaire de mon travail !

Paris, août 1853
◊Jésus jugeant la Tradition

Notre texte nous met devant les yeux Jésus jugeant les traditions des anciens. On appelait de ce nom certains préceptes non écrits, que Dieu, à en croire les pharisiens, aurait donnés à Moïse en même temps que la Parole écrite, et qui se seraient transmis, de bouche en bouche, depuis Moïse jusqu'à Esdras par les prophètes, et depuis Esdras par les docteurs de la loi. Appelé à s'expliquer sur ces traditions, Jésus-Christ les condamne sans ménagement, comme substituant une autorité humaine à celle de la Parole de Dieu : « Pourquoi transgressez-vous le commandement de Dieu par votre tradition ? »

Ce n'est pas que la tradition usurpe ouvertement la place de la Parole écrite : elle se met humblement à côté d'elle et même au-dessous d'elle, et ne revendique d'autre honneur que celui de l'éclaircir ou de la compléter. Mais après qu'elle s'est établie dans l'esprit des peuples à la faveur de cette attitude modeste, elle parvient par degrés à égaler, et enfin à supplanter la Parole de Dieu. Aussi, voyez ce que deviennent les commandements de Dieu sous l'empire de la tradition. C'est peu que la défense puérile de manger sans s'être lavé les mains ait pris la place de saintes exhortations telles que celles-ci : « Soit que vous mangiez ou que vous buviez, ou que vous fassiez quelque autre chose, faites tout à la gloire de Dieu. » Il n'y a pas jusqu'aux commandements les plus imprescriptibles de la loi morale qui ne cèdent à l'action dissolvante de la tradition. Dieu avait commandé, sous peine de mort, « d'honorer son père et sa mère ; » mais la tradition des pharisiens dispensait de cette obligation un fils qui transformait en corbana le secours qu'il devait aux auteurs de ses jours ; et l'on comprend qu'il était facile de régler tellement cet échange que l'avarice y trouvât son compte aussi bien que l'ostentation. « Ainsi, poursuit le Seigneur, vous avez anéanti le commandement de Dieu par votre tradition. » Après quoi, s'élevant, selon sa coutume, d'une occasion particulière à une maxime générale, il condamne tout enseignement religieux qui s'appuie sur une autorité humaine, quelle qu'elle soit : « C'est en vain qu'ils m'honorent, enseignant des doctrines qui ne sont que des commandements d'hommes. »

Portée à cette hauteur, la leçon contenue dans mon texte s'applique à toutes les communions chrétiennes. La doctrine de la tradition, transmise, presque sans changement, de la synagogue à l'Église romaine, où elle produit les fruits d'erreur et de superstition que nous voyons tous les jours, cette doctrine funeste, notre Église l'a, grâces à Dieu, répudiée depuis qu'elle existe, et c'est pour s'y soustraire qu'elle s'est détachée de Rome. Mais n'aurions-nous rien retenu de son esprit, tel que Jésus le résume dans cet endroit ? Mettre un enseignement d'homme à la place de celui de Dieu, invoquer une autorité humaine au lieu de n'invoquer que la seule autorité des Écritures, est-ce donc une chose inconnue parmi nous ? Hélas ! quelque nom qu'on porte, rien de plus commun, rien de plus entraînant, rien de plus conforme à notre nature déchue, pour une raison aussi simple qu'elle est triste : c'est que la tradition humaine flatte nécessairement les goûts et les sentiments de l'homme qui l'a inventée, à la différence de la Parole de Dieu qui contrarie les uns et contredit les autres. Pour être protestants, nous n'en avons pas moins à nous tenir en garde contre plus d'une tradition humaine qui menacerait de supplanter silencieusement la Parole de Dieu.

Signaler ces enseignements humains et les écarter pour laisser place à l'enseignement de Dieu, seul revêtu de son autorité salutaire, tel est l'objet de ce discours. Puisse-t-il servir, par l'efficace du Saint-Esprit, à établir en nous le règne de cette Parole qui doit survivre à tout enseignement d'homme, et régner seule après que le ciel et la terre seront passés !

I. La tradition de la multitude. — Je n'ai pas à chercher au loin le premier enseignement contre lequel je veux vous prémunir ; il vient nous chercher lui-même, de tous les côtés, dans tous les moments ; il nous attend à notre naissance, il nous suit durant, la vie, il nous accompagne jusqu'à la mort ; son temps, c'est toujours ; son lieu, c'est partout ; cet enseignement, c'est l'enseignement de la multitude.

La multitude tient une école permanente et universelle, dont nous sommes tous, volontairement ou involontairement, les écoliers-nés. Dans cette école, vraiment mutuelle, tout le monde instruit tout le monde. Là se débattent sans cesse et se communiquent de tous à tous, sous le nom vulgaire de bon sens, ou sous le nom scientifique de conscience universelle, peu importe, certaines maximes qui nous prennent au dépourvu, qui se glissent chez nous sans justification ni préambule, qui flottent inaperçues dans l'air que nous respirons, qui nous enveloppent et nous pénètrent tous à notre insu, et qui, avant que nous les ayons démêlées, ont déjà si bien prévenu notre jugement qu'elles créent en nous comme une seconde nature, avec laquelle nous ne saurions plus rompre qu'à la condition de rompre en quelque sorte avec nous-mêmes. Ainsi se forme et s'impose à tous un catéchisme populaire où chacun puise sans qu'il soit écrit nulle part, et qui défraye également petits et grands, jeunes et vieux, la rue et l'intérieur, le cabaret et le salon, le magasin et le comptoir, la tribune et le barreau, pour ne rien dire de l'Église.

Composé qu'il est par la multitude, le catéchisme populaire est fait à l'image de la multitude et dans son intérêt. Justifier les voies où elle marche et la rassurer contre les jugements de Dieu, voilà la tâche qu'il s'est prescrite et à laquelle il subordonne tout le reste. Son article premier, c'est qu'on ne risque pas de se perdre en vivant comme tout le monde, Dieu n'ayant à coup sûr pas donné la vie à l'homme, qui ne la lui demandait pas, pour son malheur, ni surtout pour le malheur du plus grand nombre. — Et les articles suivants, conçus dans le même esprit, ne font guère que développer et qu'appliquer ce principe posé au point de départ. Nous sommes pécheurs, sans doute, mais nous avons aussi des vertus qui nous vaudront l'indulgence divine ; un honnête homme, qui ne fait pas tort au prochain (c'est-à-dire qui ne le vole, ni ne le tue), peut mourir en paix ; Dieu demande moins de nous la foi que la bonne foi, et toutes les religions sont bonnes pour qui les professe avec sincérité ; Dieu ne nous commande pas l'impossible, et tant qu'on est dans le monde on ne peut pas vivre comme un saint ; la justice ne permet pas que l'innocent paye pour le coupable, et nos péchés sont assez expiés par les maux que nous endurons ici-bas ; Dieu est trop bon pour qu'il y ait des peines éternelles ; ou, s'il y en avait, ce serait tout au plus pour les grands criminels, etc., etc.

Tout cela est en opposition formelle, flagrante avec la Parole de Dieu, qui commence par nous avertir que « la porte large et la voie spacieuse mènent à la perdition, et qu'il y en a beaucoup qui y passent, » tandis que « la porte est étroite et le chemin resserré qui mènent à la vie, et qu'il y en a peu qui le trouvent ; » et qui, partant de cet avertissement miséricordieux, nous déclare que « nul homme ne sera justifié par les œuvres de la loi, » et que « tous ceux qui sontb des œuvres sont sous la malédiction ; » que « celui qui a péché contre un seul point de la loi est coupable contre tous ; qu'« il est impossible d'être agréable à Dieu sans la foi, » et que « nul ne vient au Père que par Jésus-Christ ; » que nous sommes appelés à être « saints comme Dieu est saint, » et que « sans la sanctification nul ne verra le Seigneur ; » que « Jésus-Christ juste a souffert pour nous injustes, » et que « sans effusion de sang, il ne se fait point de rémission des péchés ; » que « qui ne croit pas au Fils de Dieu ne verra point la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui ; » que « les méchants iront aux peines éternelles, » et que ces méchants, ce sont tous ceux qui ne font pas la volonté de notre Père qui est aux cieux, » et que « ce qui est grand devant les hommes est une abomination devant Dieu ; » et, en deux mots, qu'il n'y a de salut pour l'homme pécheur et perdu que « par la rédemption qui est en Jésus-Christ, par la foi en son sang. »

N'importe ! Forcés de choisir entre l'Évangile de Dieu et cet Évangile du peuple, la plupart, la presque totalité des hommes, des protestants comme des autres, choisissent celui-ci ; je devrais dire peut-être : ils le subissent ; car, s'ils l'acceptent, c'est comme obéissant à une nécessité impérieuse, comme cédant à une évidence irrésistible, et sans considérer qu'ils n'ont pu recevoir de telles maximes qu'en mutilant, qu'en répudiant la Parole de Dieu. Que dis-je ? ceux-là mêmes qui ont cru à la Bible, et à qui elle a ouvert les yeux sur la valeur des préjugés populaires, les ont si bien sucés avec le lait, — si bien assimilés à tout leur développement moral, — que des mois, des années s'écoulent avant qu'ils puissent en secouer l'empire, si tant est qu'ils finissent en effet par s'y soustraire complètement… Prenez donc garde à vos âmes, disciples de Jésus-Christ, qui avez à cœur de le suivre et de l'imiter réellement. Dégagez-vous du piège subtil des pensées reçues, mais reçues par une race dont le péché a faussé jusqu'à la conscience et dont « la lumière même s'est changée en ténèbres » (Matt.6.23). Apprenez à faire le discernement entre « les choses différentes » (Philip.1.10) ; « entre la chose nette et la chose souillée » (Tite.1.15), entre le vrai et le faux, entre le bien et le mal ! Apprenez-le en cessant « d'aller par le chemin de ce peuple » (Esa.8.11), en recourant « à la loi et au témoignage, » à cette « parole en dehors de laquelle il n'y a point de lumière, » et en défaisant votre doctrine du bon sens, pour la refaire à l'école de Dieu ! Il y a un bon sens vraiment digne de son nom, et qui rend celui qu'il inspire « propre pour le royaume des cieux » d'abord, et puis, par sa piété même, qui « a les promesses de la vie présente comme de celle qui est à venir, » propre aussi à bien juger et à bien traiter les affaires même de ce monde. Ce bon sens, auquel appartient le premier rang entre toutes les facultés de l'esprit humain, est celui qui se règle et s'appuie, non sur l'opinion d'un monde aveugle et « plongé dans le malin ; » mais sur la parole du Dieu vivant et vrai. « Que Dieu soit reconnu véritable et tout homme « menteur » (Rom.3.4). Aussi, voulez-vous savoir comment on parvient à « entendre la justice, et le jugement, et l'équité, et tout bon chemin ? » Salomon va vous le dire avec cette chaleur de langage qui lui est propre : « Mon fils, si tu reçois mes paroles et que tu mettes en réserve par-devers toi mes commandements, tellement que tu rendes ton oreille attentive à la sagesse, et que tu inclines ton cœur à l'intelligence ; si tu appelles à toi la prudence, et que tu adresses ta voix à l'intelligence ; si tu la cherches comme de l'argent, et si tu la recherches soigneusement comme des trésors… alors tu entendras la justice, et le jugement, et l'équité, et tout bon chemin » (Prov.2.1-4, 9). Hors de là, vous serez infailliblement entraîné « à suivre la multitude pour faire le mal, » et toute votre religion sera vaine : « C'est en vain qu'ils m'honorent, enseignant des doctrines qui ne sont que des commandements d'hommes. »

II. La tradition de l'Église. — Resserrons le champ de notre observation.

Dans la vaste enceinte du monde, nous trouvons une seconde enceinte, moins étendue, mais mieux dessinée, qui a ses limites marquées et ses conditions propres : je veux parler de l'Église. L'Église aussi enseigne, c'est même pour enseigner qu'elle a été établie. Second enseignement que nous sommes en danger de mettre au-dessus de la Parole de Dieu.

L'ordre de l'Église vient de Dieu, aussi bien que celui de l'État ou de la famille. L'Église est « la maison de Dieu, la colonne et l'appui de la vérité » (1Tim.3.15). Les ministères divers et distincts qui ont servi à la fonder, et qui servent à l'entretenir, sont autant d'institutions dont Jésus-Christ réclame l'honneur. « Lui-même a établi les uns apôtres, les autres prophètes, les autres évangélistes, les autres pasteurs et docteurs, pour le perfectionnement des ce saints, pour l'œuvre du ministère, pour l'édification du corps de Christ » (Eph.4.11-12). Aussi ceux de ces ministères qui sont demeurés jusqu'à nous doivent être acceptés, en soi, comme des bienfaits de Dieu ; et partout où l'esprit de l'institution aura été maintenu, on pourra dire encore aux pasteurs : « Prenez garde aux troupeaux sur lesquels le Saint-Esprit vous a établis évêques pour paître l'Église de Dieu » (Act.20.28), et aux troupeaux : « Obéissez à vos conducteurs et soyez-leur soumis ; car ils veillent pour vos âmes comme devant en rendre compte » (Héb.13.17). Ajoutons, avec actions de grâces, que parmi les diverses formes que l'Église a tour à tour revêtues, selon la liberté que Dieu a laissée sur ce point à son peuple, nous n'en connaissons aucune qui nous paraisse mieux conçue ni plus rapprochée de l'institution apostolique, que cette Église Réformée sous laquelle le Seigneur a daigné nous faire vivre : je parle de l'Église Réformée, non telle que l'a faite le malheur des temps, mais telle qu'elle s'est constituée dans les jours de sa fidélité, et que ses vrais enfants souhaitent de la reconstituer aujourd'hui. Voilà un précieux moyen de grâce ; et nous repoussons, malgré la piété personnelle de beaucoup de ses partisans, cette doctrine de nivellement spirituel et de radicalisme ecclésiastique, selon laquelle le temps de l'Église et du ministère pastoral est passé pour ne plus revenir. A coup sûr il n'était pas passé quand notre Nouveau Testament a été écrit ; et pour le juger abrogé nous attendrons que Dieu y en ait substitué un autre : nous ne saurions croire à une nouvelle dispensation, comme on l'appelle, sans une nouvelle révélation.

Mais ce moyen de grâce, nous le tournerions en occasion de chute, si nous donnions à l'Église la place qui n'appartient qu'à la Parole de Dieu, je veux dire, si nous nous soumettions à l'autorité humaine des pasteurs et docteurs de l'Église, sans nous être assurés par nous-mêmes que leur enseignement est conforme à celui de la sainte Écriture. C'est là, on le sait trop, ce qui a égaré le catholicisme romain ; l'Église y est devenue un juge au lieu d'un témoin, la religion du prêtre a remplacé celle de Dieu ; et, cela fait, la porte s'est trouvée ouverte au grand adversaire pour introduire, sous le nom de Jésus-Christ, des maximes et des institutions en opposition flagrante avec tout Jésus-Christ. Mais ce levain d'asservissement aux hommes, n'en a-t-il rien pénétré parmi nous ? Je ne parle pas ici de ce crypto-catholicisme qui, chez une grande nation protestante, se glisse au sein de son clergé, silencieusement et sans changement de nom, comme un serpent sous l'herbe, et qui commence de lever aussi la tête auprès de nous : sentinelles d'Israël, veillez, et criez avant qu'il ne soit trop tard !… Le puséisme n'est que le catholicisme moins le complément de l'unité, ou moins la sincérité des positions. Je parle de vous, de vous-mêmes qui m'écoutez. N'y a-t-il pas des protestants parmi nous qui ne se sont jamais rendu compte de ce qui les a faits ce qu'ils sont, et qui ne le sont devenus que par la naissance et par l'éducation, c'est-à-dire par l'Église, sans avoir pris conseil de la Parole de Dieu, et qui nés dans une Église catholique seraient inévitablement restés catholiques, dirai-je qui nés à l'ombre de la synagogue ou de la mosquée, seraient restés juifs ou musulmans ? N'y en a-t-il pas qui, s'ils ont tant fait que d'acquérir une doctrine religieuse, l'ont prise toute faite, sans la comparer avec l'Écriture, dans leur instruction religieuse, dans les sermons qu'ils entendent, dans les livres qui leur tombent sous la main, c'est-à-dire dans l'Église et dans l'Église écoutée mollement et superficiellement ? N'y en a-t-il pas qui, appelés par le désordre actuel de l'Église, à entendre tour à tour dans les mêmes chaires des doctrines diverses ou même contradictoires, ou bien acceptent à la fois le pour et le contre, sans prendre le soin de les démêler ; ou, s'ils choisissent, choisissent les yeux fermés, sur le nom du pasteur qui a parlé, de telle sorte qu'il n'y aurait qu'à changer de bouche un discours pour pour lui assurer un accueil contraire ; et à qui, du reste, l'idée ne viendrait pas même de s'asseoir au sortir de là avec leur Bible dans les mains et de « conférer les Ecritures » (Act.17.11), pour voir si elles confirment ou contredisent ce qu'on leur dit au nom de l'Église ? N'y en a-t-il pas qui se déchargent de la plus personnelle de toutes les questions sur les officiers de l'Église ; qui consultent le Seigneur et interrogent sa Parole par procuration ; qui engagent tellement le salut de leurs âmes dans les errements de leur Église qu'ils ne savent voir ni erreur au dedans, ni vérité au dehors ; et qui jugent enfin la vérité par l'Église, au lieu de juger l'Église par la vérité ? Hélas ! que sert de se flatter ? Quoi de plus commun que tout ce dont je viens de parler ! et que de gens qui agissent de la sorte sans se douter seulement du mal qu'ils font ! Ce mal est grand toutefois. Cette tendance commune, peut-être croissante chez plusieurs, à exalter l'autorité de l'Église, n'est pas moins menaçante pour le règne de Dieu que la tendance de certains autres à la méconnaître. Elle l'est même davantage. Dans une affaire essentiellement personnelle, comme celle du salut, le danger est moindre de s'isoler que de s'absorber dans autrui ; et, frein pour frein, mieux vaut celui de la Parole de Dieu sans l'Église, que celui de l'Église sans la Parole de Dieu. Oui, si l'enseignement de l'Église devait supplanter celui de Dieu, j'aimerais mieux pour vous qu'il n'y eût jamais eu d'Église, et que vous fussiez jeté tout seul au fond d'un désert sans autre lumière que votre Bible.

Car enfin, une fois engagé dans cette voie de l'Église sans contrôle, de quoi pouvez-vous répondre ? Si l'Église qui a usurpé sur vous ce souverain empire vient à s'égarer comme se sont égarées tant d'Églises particulières, comme l'Église presque universelle s'est égarée par moments, comment ne la suivriez-vous pas tête baissée dans son égarement ? Résolu que vous êtes de suivre vos conducteurs spirituels où qu'ils vous conduisent, où irez-vous, si vous tombez entre les mains de conducteurs spirituels, comme il y en a tant, qui ne se laissent pas conduire eux-mêmes par la Parole de Dieu ? où irez-vous, avec des conducteurs qui marchent au gré de leurs propres pensées ? où irez-vous, avec des conducteurs qui ne connaissent pas le chemin étroit qui mène à la vie ? où irez-vous, avec des conducteurs qui ne discernent pas le chemin large qui mène à la perdition ? où irez-vous enfin avec des conducteurs qui vont à la mort ? « Si un aveugle conduit un autre aveugle, ils tombent tous deux dans la même fosse » (Luc.6.39).

Mais faisons l'hypothèse la plus favorable : que, par un rare privilège, vous n'ayez que des conducteurs fidèles, et que vous n'entendiez jamais annoncer que la pure vérité de Dieu. Cette vérité elle-même, reçue par vous sur le témoignage de l'homme au lieu de l'être sur le témoignage de Dieu, n'arrivera à vous que dépouillée de sa vertu salutaire, parce que. votre foi, « fondée sur la sagesse des hommes, non sur la puissance de Dieu » (1Cor.2.5), sera moins votre foi que votre crédulité. Il n'y a de foi vivante que la foi personnelle ; et il n'y a de foi personnelle, que celle qui traite directement avec Dieu, sans souffrir ni un pasteur, ni un saint, ni un ange, ni une feuille entre elle et lui. C'est sa Parole, sa Parole seule qui doit nous déterminer, parce que c'est à lui, à lui seul que nous avons à faire (Héb.4.12-13) ; et vous ne devez vous donner aucun repos que vous n'ayez appris à dire aux pasteurs les plus purs dans la doctrine et les plus saints dans la vie, comme les habitants de Samarie à cette femme qui leur avait annoncé le Sauveur : « Ce n'est plus pour ta parole que nous croyons ; car nous-mêmes l'avons entendu et nous savons que celui-ci est véritable-ce ment le Christ, le Sauveur du monde » (Jean.4.32).

Ces pasteurs seront les premiers à vous conseiller ce langage. C'est un signe auquel on distingue toujours les vrais serviteurs de Jésus-Christ : jaloux de mettre en pratique la devise de l'humble Jean-Baptiste : « Il faut qu'il croisse et que je diminue, » ils prennent soin de s'effacer pour mettre en lumière la Parole de leur Maître… Saint Paul, avec les Juifs de Bérée, en appelle moins à son apostolat qu'à l'autorité des Écritures (Act.17.10) ; avec les Galates, il n'hésite pas à prononcer anathème sur quiconque « apporterait un autre Évangile, fût-ce l'Apôtre lui-même, fût-ce un ange du ciel » (Gal.1.8). Le même esprit anime les Pères de l'Église. « Il ne faut pas me croire sur parole dans ce que je vous dis, sans avoir vu mes enseignements démontrés par les saintes Écritures. » Ainsi parlait saint Cyrille de Jérusalem. Les réformateurs ont hérité de cette sainte jalousie pour le nom et la Parole du Seigneur. Écoutez ces belles paroles de Luther : « Plusieurs croient à cause de moi ; mais ceux-là seuls sont dans la vérité qui demeureraient fidèles, alors même qu'ils apprendraient, ce dont Dieu me préserve, que j'aie renié Jésus-Christ. Les vrais disciples ne croient pas en Luther, mais en Jésus-Christ. Moi-même, je ne me soucie pas de Luther… Ce n'est pas lui que je prêche, c'est Christ. » Quand tous ces grands serviteurs de Dieu se sont montrés si jaloux de détourner sur la Parole de leur Maître tout ce que leurs discours ou leurs écrits obtenaient de foi, quel est celui de nous qui ne tremblerait à la seule pensée de faire école dans l'Église, et qui ne dirait dans l'esprit de Cyrille : « Ne me croyez pas sur parole, que vous n'ayez vu mes enseignements confirmés par les Écritures ; » ou dans celui de Luther : « Tenez votre foi si indépendante de la mienne, que la nouvelle de mon apostasie ne vous pût ébranler en aucune façon ? » Pour moi, je vous le dis du fond du cœur. Je sais que par la grâce de Dieu, « je vous annonce le conseil de Dieu ; » mais, j'ai mon âme à sauver et vous avez la vôtre : je n'invoque que l'Écriture, ne vous rendez qu'à elle ; « examinez tout, retenez ce qui est bon » (1Thess.5.21). « Vous ce avez été achetés par prix : ne devenez point les esclaves des hommes » (1Cor.7.23). Ainsi, seulement vous pourrez dire avec assurance : « Je ce sais en qui j'ai cru » (2Tim.1.12). Mais si vous rendez à l'Église ce qui n'est dû qu'à Dieu, vous tomberez sous la sentence de mon texte : « C'est en ce vain qu'ils m'honorent, enseignant des doctrines qui ne sont que des commandements d'hommes. »

III. La tradition de la famille. — Rapprochons-nous encore. Dans notre vie intérieure, dans nos rapports journaliers, dans l'atmosphère inévitable que nous respirons par une nécessité de naissance, nous allons trouver un troisième enseignement qui menace de prendre la place de la Parole de Dieu : l'enseignement de la famille.

Bien des gens règlent moins leur foi sur les révélations du Seigneur que sur la croyance de leurs parents et de leurs aïeux ; cette croyance forme à leurs yeux une sorte de religion de race et de blason ecclésiastique, qui se transmet de génération en génération avec l'héritage patrimonial, et dont on ne saurait répudier la succession sans déroger à la dignité de sa maison et rompre avec ses ancêtres. Cela est si bien établi dans l'opinion, qu'un homme qui sort de la communion de ses pères, fût-ce par conviction, avec déchirement, au prix de rares sacrifices, est souvent blâmé de ceux-là mêmes dont il a embrassé la persuasion, comme s'il eût forfait à l'honneur ou au sentiment ; que l'on puisse ou que l'on doive, en matière de religion, rester où l'on est né, c'est trop souvent comme un axiome moral. Que de protestants le partagent et y conforment leur conduite ; que de protestants, au lieu de se demander : Qu'est-ce qu'enseigne la Parole de Dieu ? se demandent : qu'est-ce que m'ont transmis mes pères ? Je n'ose pas chercher combien il en est qui ne sont retenus peut-être dans nos rangs que par cette considération, sans laquelle leur indifférence les eût livrés depuis longtemps à la religion de la majorité… Mais combien en est-il qui, pressés de revenir à cette foi orthodoxe qui est tout ensemble la foi de leur Église et la foi de l'Évangile, s'excusent sur ce que leur famille, aussi haut que leurs souvenirs peuvent remonter, n'a connu d'autre protestantisme que celui dans lequel ils ont été nourris et dont nous démontrons l'erreur par les déclarations formelles des Écritures ! C'est perdre notre temps et notre peine : nous aurions bien plus de chance de réussir auprès d'eux si nous pouvions déterrer quelque lettre égarée de leur père ou de leur aïeul témoignant de son adhésion aux sentiments que nous prêchons. Et que savons-nous ? peut-être y a-t-il tel homme assis devant moi qui voit la vérité de la doctrine évangélique, qui sent la nécessité d'une conversion personnelle, et qui n'est plus arrêté que par l'exemple de ses devanciers, tant il est asservi à la tradition de la famille ! Quoi de plus vrai que ce que je dis là ? Mais quoi de plus vain, de plus déplorable ?

Ce n'est pas, j'ai hâte de l'expliquer, que la foi de nos pères soit dans tous les cas un argument sans valeur. Non : il y a telles circonstances où nous trouvons dans la foi de nos pères un motif de croire qui parle autant à notre raison qu'à notre cœur. Témoin l'Écriture, où nous voyons Israël rappelé tant de fois à son devoir par la mémoire de ses pères (Esa.51.2 ; Jér.6.16, etc.) ; Dieu faisant du bien aux enfants « à cause de leurs pères » (Exode.20.6 ; Rom.11.28) et le Messie lui-même, dans une prière prophétique, invoquant pour se fortifier en Dieu la foi des pères. « Nos pères ont espéré en toi » (Psa.22.5). Mais, dans tous ces passages, ces pères dont la mémoire est invoquée, ce sont des pères croyants, fidèles ; et leurs enfants ne sont pressés de se conformer à leurs exemples, que parce qu'eux-mêmes se sont conformés à la Parole de Dieu ; autrement cette même Écriture tient un langage tout opposé : « Servez l'Éternel et ôtez les dieux que vos pères ont servis » (Jos.24.14). Ah ! nous vous disons à notre tour : Imitez vos pères qui, à la voix des Calvin et des Farel, abandonnèrent l'Église du nombre, du pouvoir et de la persécution, « pour ne participer point à ses péchés, et ne recevoir point de ses plaies » (Apoc.18.4). Imitez vos pères, qui « n'ont tenu compte de rien, fortune, patrie, ni famille, et à qui leur vie même n'a point été précieuse, » pour donner gloire « au Seigneur Jésus et à l'Évangile de la grâce de Dieu » (Act.20.24). Imitez vos pères, qui nous ont laissé dans la confession de leur foi et dans l'ordre de leur discipline, de si nobles témoignages de leur doctrine et de leur piété ; et tenez-vous en garde contre ceux qui, répudiant ce glorieux héritage et rompant avec tout le passé de nos Églises, cherchent à introduire parmi nous des doctrines qui se vantent d'être modernes, et que leur nouveauté seule doit rendre suspectes aux enfants des réformateurs. Mais de cet attachement sérieux et réfléchi pour la croyance que des ancêtres fidèles ont puisée dans la Parole de Dieu, à cette opinion courante qui oblige un homme à demeurer dans la religion telle quelle de ses ancêtres, il y a toute la distance d'un principe de piété envers Dieu et envers les hommes, à une maxime également contraire au bien des hommes et à la gloire de Dieu ; à un préjugé puéril, funeste, ridicule même, et contradictoire.

Un préjugé puéril ; car qui oserait soutenir sérieusement qu'au lieu de nous tenir à la règle fixe et commune de la vérité, nous devions, chacun, calquer notre foi sur la foi de nos devanciers, et faire de la question du salut une question de respect filial, pour ne pas dire de généalogie ? Un préjugé funeste ; car il ferme la porte à tout progrès. Avec lui, pour peu que vos pères aient été dans l'erreur, Satan vous tient liés à tout jamais. Que fut devenue la chrétienté, il y a trois siècles, si votre maxime eût été suivie par tous les catholiques romains ? Que fût devenu le monde, il y a dix-huit cents années, si elle l'eût été par tous les juifs et par tous les païens ? Essayez donc de l'étendre aux intérêts de ce monde, à la science, au commerce, à l'industrie, à la civilisation ; et, au nom du respect filial, obligez-vous à prendre, pour tel voyage qui se fait en quelques heures, pour tel message qui se transmet en quelques secondes, les jours qu'il eût réclamés il y a cinquante ans, ou les semaines qu'il eût absorbées il y a un siècle ou deux ! Un préjugé ridicule