Explication de l'Épître aux Éphésiens - Adolphe Monod - E-Book

Explication de l'Épître aux Éphésiens E-Book

Adolphe Monod

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Beschreibung

Sixième enfant de Jean Monod (1765-1836), un pasteur suisse qui exerça son ministère dans l'Eglise française de Copenhague et dont la descendance compte plusieurs noms prestigieux dans les milieux protestant et scientifique, Adolphe Monod est certainement l'orateur évangélique français le plus remarquable du dix-neuvième siècle. L'historien Michelet, qui avait été l'un de ses auditeurs, écrit de lui : « ... un prédicateur d'une imagination grande et terrible... tous ceux qui l'ont entendu en tremblent encore. » Il a été également un exégète très capable, comme le montre ce précieux commentaire sur l'épître aux Éphésiens. Notre numérisation ThéoTeX reproduit le texte de 1867.

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Ce fichier au format EPUB, ou livre numérique, est édité par BoD (Books on Demand) — ISBN : 9782322082605

Auteur Adolphe Monod. Les textes du domaine public contenus ne peuvent faire l'objet d'aucune exclusivité.Les notes, préfaces, descriptions, traductions éventuellement rajoutées restent sous la responsabilité de ThéoTEX, et ne peuvent pas être reproduites sans autorisation.

ThéoTEX

site internet : theotex.orgcourriel : [email protected]
EXPLICATIONDEL’ÉPÎTRE  AUX  ÉPHÉSIENSPARAdolphe MONOD1867♦  ♦  ♦ThéoTeX — 2005 —

Table des matières

Introduction I. La salutation II. L’action de grâces III. Première prière de l’Apôtre pour les Éphésiens     ♦ 1. L’Apôtre demande que Dieu donne aux Éphésiens l’intelligence pour le bien connaître, et plus spécialement pour connaître sa puissance. 1.15-19.     ♦ 2. Cette puissance de Dieu a été déployée premièrement en Christ. 1.20-23.     ♦ 3. Cette puissance de Dieu a été déployée, secondement, dans les croyants. 2.1-10. IV. Seconde prière de l’Apôtre pour les Éphésiens     ♦ 1. Les Gentils associés avec Israël et réconciliés avec Dieu, 2.11-22.     ♦ 2. Ministère de saint Paul auprès des Gentils, 3.1-13.     ♦ 3. Prière de l’Apôtre pour les Éphésiens. 3.14-21.     ♦ Remarque sur la division de l’épître V. L’unité fraternelle     ♦ 1. L’unité de l’esprit. 4.1-6     ♦ 2. La diversité des dons. 4.7-16 VI. La vie nouvelle     ♦ 1. La régénération. 4.17-24.     ♦ 2. Péchés contraires à la justice. 4.25 à 5.2.     ♦ 3. Péchés contraires à la sainteté. 5.3-20. VII. La vie domestique     ♦ 1. Devoirs réciproques des époux, 5.21-33.     ♦ 2. Devoirs réciproques des enfants et des parents. 6.1-4.     ♦ 3. Devoirs réciproques des esclaves et des maîtres. 6.5-9. VIII. La force dans le Seigneur Conclusion

Il y a déjà bien des années, M. Adolphe Monod expliqua l’épître aux Éphésiens dans une suite de méditations familières. Après ces services, il avait l’habitude de recueillir et d’écrire lui-même ce qu’il avait dit : c’est ainsi que se trouva composée l’Explication de l’épître aux Éphésiens que nous publions aujourd’hui.

Nous donnons ce travail, que M. Monod n’avait pu revoir lui-même, tel qu’il l’avait laissé, et en conservant même certains passages que le cours des événements accomplis lui aurait sans doute fait modifier (voyez chapitre 6, 5-9), s’il avait présidé lui-même à cette publication.

Rappelons ici le vœu que l’auteur exprimait lui-même en abordant cette étude : « Veuille le Saint-Esprit, promis aux disciples du Nouveau Testament, se servir de nous pour vous aider à comprendre la pensée de l’Apôtre, comme il s’est servi de l’Apôtre pour nous révéler la pensée de Christ ! »

♦  ♦  ♦

Introduction

L’épître aux Éphésiens embrasse, dans sa brièveté, tout le champ de la religion chrétienne. Elle en expose tour à tour la doctrine et la morale, avec tant de concision et de plénitude tout ensemble, qu’à peine pourrait-on nommer quelque grande vérité ou quelque devoir essentiel qui n’y ait sa place marquée ; outre qu’étant partagée en deux parties égales, dont l’une est réservée à la doctrine et l’autre à la morale, elle procède avec un ordre et une méthode qu’on ne retrouve nulle part ailleurs, si ce n’est dans les grandes épîtres aux Romains et aux Hébreux, qui sont moins des lettres que des traités. On en peut dire autant de notre épître ; et il y a lieu de penser, avec les interprètes les plus éclairés, que, bien qu’adressée à la seule Église d’Éphèse, elle a été destinée et communiquée par Tychique, qui en fut le porteur, aux Églises les plus considérables de cette partie de l’Asie Mineure dont Éphèse était la ville principale. Cette remarque expliquerait comment l’Apôtre s’occupe moins ici des besoins, particuliers d’une Église déterminée que de l’exposition générale de la vérité divine, et pourquoi l’on cherche à peu près1 en vain dans cette épître ces traits spéciaux, ces allusions individuelles, ces salutations personnelles que nous présentent la plupart des épîtres de saint Paul, et que l’on devait s’attendre à retrouver dans une lettre adressée à une Église aussi connue et aussi aimée de lui que l’était celle d’Éphèse.

D’après ce que nous venons de dire, nous pouvons nous dispenser de rechercher curieusement tout ce que l’Écriture ou la tradition nous apprennent sur l’Église d’Éphèse. Ces données, souvent précieuses pour l’intelligence des épîtres, le seraient moins pour la nôtre, puisqu’elle est si dépourvue d’applications spéciales. Rappelons seulement que saint Paul visita Éphèse une première fois, et y jeta vraisemblablement les fondements d’une Église, lorsqu’il était en chemin pour retourner à Jérusalem, après son premier séjour à Corinthe (Actes 18.19-20) ; qu’il y retourna plus tard, et y séjourna cette fois deux ans et trois mois, durant lesquels il répandit l’Évangile dans toute l’Asie Mineure (Actes 19.10) ; que les fabricants de temples de Diane, voyant leur industrie en péril par les progrès de l’Évangile, excitèrent contre Paul et ses compagnons une émeute populaire, qui pensa coûter la vie à notre Apôtre ; que c’est d’Éphèse qu’il écrivit, vers la même époque, sa première épître aux Corinthiens (1Corinthiens 16.8-9) ; que c’est d’Éphèse qu’il fit venir à Milet les pasteurs auxquels il adressa cet admirable discours et qu’il prémunit si solennellement contre les mauvaises doctrines qui devaient se glisser au milieu d’eux après son départ (Actes 20.18 et suivants) ; enfin que c’est à l’Église d’Éphèse que saint Jean écrivit l’une des sept épîtres de l’Apocalypse, dans un temps où cette Église avait commencé d’éprouver la vérité de la prédiction de saint Paul et avait résisté fidèlement à l’hérésie naissante (Apocalypse 2.1-7).

En rapprochant avec soin les temps et les événements, tels qu’ils sont indiqués dans les Actes et dans les Épîtres, on reconnaît que l’épître aux Ephésiens a été écrite de Rome durant le premier séjour de saint Paul dans cette ville, qui nous est rapporté dans le dernier chapitre des Actes2 ; et cette supposition est confirmée et changée presque en certitude par la tradition constante de l’antiquité. De là les allusions réitérées de l’Apôtre à son état de captivité (3.1 ; 6.1 ; 6.19-20). – Tychique, qui porta cette lettre à Éphèse (6.21), fut chargé en même temps de quelques autres lettres de saint Paul, et en particulier de son épître aux Colossiens. Cette dernière circonstance est importante à connaître pour l’explication de notre épître. Car ces deux épîtres, écrites à la même époque, et à des Églises voisines l’une de l’autre, offrent entre elles une ressemblance frappante, tant pour les pensées que pour l’ordre dans lequel elles sont présentées. On peut considérer l’épître aux Colossiens comme une sorte d’extrait de l’épître aux Éphésiens, mais un extrait modifié et adapté aux besoins spirituels de la petite communauté de Colosses. Il nous arrivera donc plus d’une fois de citer l’épître aux Colossiens et de nous en servir pour l’éclaircissement de la nôtre ; bien que l’interprétation de l’épître aux Colossiens ait encore plus de lumière à emprunter à l’épître aux Éphésiens, qui traite la plupart des matières avec plus d’étendue. Il est intéressant de voir comment elles reçoivent l’une de l’autre le même genre de secours que se prêtent entre eux les quatre évangiles, se complétant et s’expliquant mutuellement, tantôt par leurs rapports et tantôt par leurs différences mêmes.

Remarquons encore que saint Paul s’adresse surtout dans notre épître aux chrétiens sortis du paganisme. Il insiste singulièrement sur la faveur que Dieu leur a faite en les choisissant du sein de la corruption universelle pour les associer à son peuple élu et pour réunir en Jésus-Christ les païens convertis et les juifs fidèles. Ce dessein général, bien compris, jette beaucoup de jour sur les diverses parties de notre épître. Cela dit, abordons, au nom du Seigneur, le saint livre que nous nous proposons d’étudier. Voici quelle sera, dans cette étude, notre règle fondamentale : chercher, avec tous les secours que Dieu place à notre portée, la pensée de l’auteur sacré, qui est pour nous celle de Dieu même ; et puis, cette pensée trouvée, la recevoir avec la simplicité d’un enfant, et l’exposer à nos auditeurs avec la fidélité tremblante d’un interprète du Saint-Esprit. – Liberté dans l’investigation du sens des Écritures, soumission à ce sens une fois découvert, voilà la base, non seulement de toute méditation salutaire des Écritures, mais encore de toute exégèse solide et de toute théologie digne de son nom.

Écoutons sur ce sujet l’un des plus savants théologiens contemporains de l’Allemagne, Harless, dans la préface de son Commentaire sur l’épître aux Éphésiens : « L’Église protestante, dont je me félicite d’être serviteur et docteur avec une entière et libre conviction, a fixé depuis trois siècles les principes d’après lesquels elle interprète la sainte Écriture. Selon elle, l’Écriture ne peut être expliquée que par l’Écriture elle-même ; c’est à découvrir le sens simple, clair et naturel du texte sacré que je me suis appliqué partout. S’il m’était arrivé parfois de dominer la Parole, au lieu de me laisser enseigner par elle, ce serait là une infraction individuelle et involontaire, au principe de mon Église, qui veut, avec l’Apôtre, que toute autorité propre soit abattue, et qui ne connaît sur la terre ni aucune autorité supérieure à la Parole de Dieu, ni aucune sagesse capable de dominer la sagesse divine, ni aucune autre vertu d’interprétation que cette humble fidélité envers la révélation de Dieu, qui s’assied pour écouter aux pieds du Maître et qui invite les hommes à pénétrer dans la profondeur des saints mystères. » On reconnaît à ce beau langage un disciple de ce grand réformateur qui a dit : « Nous voulons demeurer jusqu’au bout écoliers dans la sainte Écriture ; car nous ne sommes pas capables d’en sonder à fond un seul mot ; nous n’en obtenons que les prémices » (Luther). A la distance qui nous sépare de ces serviteurs éminents du Seigneur, le même esprit nous anime et nous prions Dieu de ne pas permettre que nous vous donnions jamais notre pensée au lieu de la sienne. « On n’allume pas un flambeau (dit encore le théologien que nous avons cité tantôt) pour éclairer le soleil ; et il doit suffire à celui qui veut annoncer la lumière au monde, de faire voir qu’il ne prêche pas dans des antres et des trous souterrains ; mais qu’il est exposé aux rayons de cette véritable lumière, qui ne s’élève pas de son sein, mais qui descend sur lui du ciel. »

Veuille le Saint-Esprit, promis aux disciples du Nouveau Testament, se servir de nous pour vous aider à comprendre la pensée de l’Apôtre, comme il s’est servi de l’Apôtre pour nous révéler la pensée de Christ !

I. La salutation

1.1-2

1. Paul, apôtre de Jésus-Christ, par la volonté de Dieu, aux saints et fidèles en Jésus-Christ qui sont à Éphèse 2. Grâce et paix vous soient de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ.

Paul… ce nom, que l’Apôtre se donne dans toutes ses épîtres, de préférence à son premier nom, Saul (ou Saül), rappelle la mission qu’il avait reçue de Dieu auprès des païens. Car Saül était un nom juif ; mais Paul était un nom romain, que l’Apôtre paraît avoir pris pour se faire mieux venir de ses auditeurs, et en mémoire de la conversion du proconsul Sergius Paul, le premier fruit de sa première mission.

Apôtre de Jésus-Christ, par la volonté de Dieu. Ces mots servent tout ensemble à tourner l’attention des Éphésiens sur Jésus-Christ, dont Paul n’est que l’Apôtre (l’envoyé – Jean 3.30), et à imprimer dans leur esprit l’autorité divine de son ministère, puisque c’est au nom de Jésus-Christ qu’il leur parle. En écrivant à certaines Églises, auxquelles on avait inspiré des doutes sur son apostolat, il s’étend sur cet article, qu’il se contente ici d’indiquer. Il y consacre, en particulier, les deux premiers chapitres de son épître aux Galates, qui font le tiers de toute l’épître. Bien qu’entré dans l’apostolat après la mort et l’ascension du Seigneur, saint Paul y avait été appelé directement et par le Seigneur lui-même. Jésus lui était apparu tout exprès et l’avait personnellement institué, sans intermédiaire humain, ce qui faisait qu’il était apôtre au même titre que les douze témoins de la résurrection du Seigneur (Actes 1.22), « non de la part des hommes, ni par un homme » (c’est-à-dire par le ministère d’un homme), « mais par Jésus-Christ et par Dieu le Père qui le ressuscita des morts » (Galates 1.1). Comme si ce nom d’apôtre de Jésus-Christ ne suffisait pas encore, saint Paul ajoute qu’il l’est par la volonté de Dieu ; tant il tient à constater qu’il ne s’est point ingéré de lui-même dans le ministère qu’il exerce. C’est que ce point est également nécessaire pour lui-même et pour ses lecteurs ; pour lui, afin qu’il parle avec foi ; pour eux, afin qu’ils l’écoutent avec foi. Quel est le pasteur chrétien qui puisse lire ces mots, par la volonté de Dieu, sans une sorte de sainte jalousie ? Qu’on est fort quand on peut s’assurer que ce qu’on fait, ce qu’on dit, on le fait et on le dit pour obéir à un commandement du Seigneur ! Qu’on se trouverait heureux d’avoir, comme saint Paul, des caractères manifestes pour tout le monde, d’une vocation divine ! Mes chers frères dans le ministère, ne perdons pas courage. Dieu voit ce besoin que nous éprouvons de nous sentir faisant sa volonté, et il est fidèle pour y répondre. Il est juste que l’évidence des signes de vocation se proportionne à l’importance de la vocation elle-même ; et cette intervention visible du Seigneur, qui était nécessaire pour les docteurs inspirés de l’Église universelle, nous n’avons pas le droit d’y prétendre. Mais, comme ces pasteurs d’Éphèse que saint Paul n’hésitait pas à appeler « établis par le Saint-Esprit » sur leur troupeau (Actes 20.26), bien qu’il n’y eût eu rien de surnaturel et d’extraordinaire dans leur institution, nous avons aussi nos signes auxquels nous pourrons reconnaître si le Seigneur nous appelle ou non au ministère de la Parole. Cherchons-les, non dans cette prétendue succession apostolique que l’imagination des hommes a rêvée et qu’elle substitue imprudemment à la vocation de Dieu ; mais dans l’ordre de l’Église, dans les indications des événements, dans les dispositions de notre esprit, et surtout dans le secret de la prière. Oui, prions beaucoup, prions ardemment pour être conduits du Seigneur ; puis, s’il veut nous employer comme serviteurs de sa Parole, il nous le fera clairement connaître, et il saura le faire connaître aussi à la conscience de ceux auprès desquels il nous envoie.

Aux saints et fidèles en Jésus-Christ qui sont à Éphèse. Les chrétiens d’Éphèse sont saints, parce qu’ils appartiennent à cette « race élue » (1Pierre 2.9), pour laquelle le Seigneur « s’est donné lui-même afin de la racheter de toute iniquité, et de se purifier un peuple particulier, zélé pour les bonnes œuvres » (Tite 2.14), et dont l’ancienne économie nous offre un type visible dans ce peuple saint à l’Éternel qu’il s’était choisi d’entre tous les peuples de la terre (Deutéronome 7.6). Les chrétiens sont des hommes mis à part, séparés du monde, et réservés pour le service de Jésus-Christ et pour la gloire de Dieu, selon ce qui est écrit : « Je me suis formé ce peuple-ci ; ils raconteront ma louange » (Ésaïe 43.21). Cette séparation, cette consécration se fait à la fois extérieurement, par l’admission dans l’Église, et intérieurement par la conversion du cœur. Que d’autres cherchent leurs saints parmi les morts, nous cherchons les nôtres parmi les vivants ; point de saint au ciel, qui n’ait commencé par l’être sur la terre. Ils sont fidèles (ce qui signifie en cet endroit croyants, ainsi que dans Jean 20.28 ; Galates 3.9, etc.), parce qu’ils possèdent la foi en Jésus-Christ, qui est le principe de leur sainteté. Ils n’ont pu devenir saints que parce qu’ils ont été fidèles, comme ils ne peuvent être vraiment fidèles sans devenir saints ; deux caractères inséparables dont la réunion forme une définition complète de l’enfant de Dieu. Enfin, ils sont en Jésus-Christ, parce qu’ils sont unis à lui de telle sorte « qu’il demeure en eux et eux en lui. » De là tout ce qui les distingue d’avec le reste des hommes. C’est en Jésus-Christ seul qu’ils sont saints ; en Jésus-Christ seul qu’ils sont fidèles ; en Jésus-Christ seul que leur âme a « la vie, le mouvement et l’être. »

Grâce et paix vous soient. Cette salutation, que l’on retrouve, avec de légères différences presque dans toutes les épîtres, tant de saint Paul que des autres apôtres, était une formule usitée généralement de leur temps, et où ils n’avaient fait d’autre changement que celui que commandait l’esprit évangélique. Les Grecs et les Romains avaient coutume de commencer ainsi leurs lettres : « Un tel à un tel, salut ; » et les Juifs se saluaient en ces termes : « Paix te soit » (Juges 20.20, etc.). Par ce salut, et par cette paix, on entendait la santé et des jours prospères. Les apôtres ont maintenu la forme de la salutation reçue, mais en y substituant aux souhaits que dicte l’amitié du monde, ceux qu’inspire la foi et la charité de Christ. Exemple à méditer. Le chrétien doit se séparer du siècle par l’esprit qui l’anime, et non sur des formes insignifiantes ; ces formes vides que nous fournit la bienveillance du monde, ne les brisez pas ; mais remplissez-les avec cette « charité sans hypocrisie » que vous avez apprise de votre Maître. « Séparez-vous » (2Corinthiens 6.17), mais ne vous singularisez pas. Ne détournez pas sur un mot, sur un geste, sur un habit, sur une convenance sociale, l’attention que réclame de la part des hommes leur salut et la gloire de Dieu. N’innovez qu’autant que l’Évangile le commande, et n’étonnez le monde que par votre sainteté.

La grâce et la paix, que l’Apôtre souhaite aux Éphésiens, marquent sommairement toutes les bénédictions attachées à la foi évangélique, avec cette différence que le premier de ces deux mots indique le principe de ces bénédictions, qui est en Dieu, au lieu que le second en indique le résultat, qui se fait sentir dans le cœur de l’homme. Saint Paul souhaite en premier lieu aux Éphésiens, la grâce, c’est-à-dire, cette bonne disposition de Dieu, toute libre et gratuite, qui le porte d’abord à nous pardonner nos péchés en Jésus-Christ, et puis à nous accorder encore, en lui, avec cette délivrance capitale, toutes les autres délivrances qui en dépendent et qui en découlent ; elles sont énumérées dans le Psaume 32, et dans le commencement du Psaume 103, où le pardon est nommé avant tout le reste : « La première faveur que Dieu accorde à un pécheur, c’est de lui remettre ses péchés » (Luther). Il leur souhaite en second lieu la paix, c’est-à-dire cette heureuse disposition d’une âme chrétienne, qui se réjouit d’abord de ce que Dieu lui a remis ses péchés, et puis de ce qu’il la console, la guide, la sanctifie, la fortifie, et « accomplit tout pour elle » (Psaume 57.2). Ce n’est donc pas sans dessein que l’Apôtre nomme la grâce avant la paix : Dieu commence et l’homme répond ; l’un et l’autre sont nécessaires ; mais la première place est à Dieu. L’ordre que suit saint Paul dans cette salutation est celui qu’il a également adopté en développant ces deux bénédictions évangéliques dans son épître aux Romains. Les quatre premiers chapitres de cette épître sont pour la grâce ; le cinquième s’ouvre par la paix : « étant donc justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu, par notre Seigneur Jésus-Christ. » A ces deux souhaits saint Paul en ajoute un troisième, la miséricorde, qu’il intercale entre les deux autres, en écrivant à Timothée et à Tite. Il entend alors par la miséricorde, ce qu’il entend ici par la grâce, et par la grâce l’origine commune, cachée plus profondément encore en Dieu, et de sa miséricorde et de notre paix. Saint Jude, à son tour, souhaite aux chrétiens la miséricorde, la paix et l’amour. La miséricorde est pour lui ce qu’est la grâce pour notre apôtre ; et l’amour complète le tableau des bénédictions évangéliques, en joignant à la grâce, exposée dans les quatre premiers chapitres de l’Épître aux Romains, et à la paix, exposée dans le cinquième, cet amour saint, principe de la sanctification chrétienne, exposé dans les chapitres 6, 7 et 8. La grâce engendre la paix, et la paix l’amour qui est le mobile de la vraie obéissance.

De la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ. Qui lirait ces paroles tant de fois répétées de saint Paul et oserait dire que Jésus-Christ n’est pas Dieu ? Quel autre que Dieu, quel homme, quelle créature pourrait être, dans le langage si jaloux du Saint-Esprit, associé partout à Dieu comme principe de toutes les grâces divines : « Moi et le Père sommes un. » Si vous n’avez vu cela, lecteur, vous n’avez rien vu.

II. L’action de grâces

1.3-14.

3. Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ, qui nous a bénis, de toute bénédiction spirituelle, dans les lieux célestes, en Christ ; 4. selon qu’il nous avait élus en lui, avant la fondation du monde, afin que nous fussions saints et irrépréhensibles devant lui, dans l’amour ; 5. nous ayant prédestinés à l’adoption, par Jésus-Christ, pour soi-même, selon le bon plaisir de sa volonté ; 6. à la louange de la gloire de sa grâce, par laquelle il nous a reçus en grâce dans le bien-aimé ; 7. en qui nous avons la rédemption par son sang, la rémission des offenses, selon les richesses de sa grâce ; 8. laquelle il a fait abonder en nous, en toute sagesse et intelligence ; 9. nous ayant donné à connaître le mystère de sa volonté (selon son bon plaisir, qu’il s’était proposé en soi-même, 10. pour la dispensation de la plénitude des temps), savoir de réunir toutes choses en Christ, et celles qui sont dans les cieux et celles qui sont sur la terre ; 11. en lui, en qui aussi nous avons été faits héritiers, ayant été prédestinés, selon le dessein arrêté de Celui qui opère toutes choses selon le conseil de sa volonté, 12. pour que nous fussions à la louange de sa gloire, ceux qui ont auparavant espéré en Christ ; 13. en qui vous êtes aussi, ayant entendu la parole de la vérité, l’évangile de votre salut ; en qui aussi, ayant cru, vous avez été scellés par le Saint-Esprit de la promesse, 14. qui est l’arrhe de notre héritage, pour la rédemption de l’acquisition, à la louange de sa gloire.

1) L’action de grâces pour les élus en général. 1.3-10.

Béni soit Dieu. C’est en louant Dieu que saint Paul commence toutes ses épîtres, à l’exception de Galates, 1Timothée et Tite, où un objet spécial, préoccupant la pensée de l’Apôtre, a pris la place qu’il réserve habituellement à l’action de grâces. Quoi que nous entreprenions, commençons-le aussi par l’action de grâces ; N’attendons pas qu’elle soit provoquée par quelque bienfait particulier : le don permanent de la vie éternelle ne nous suffit-il pas ? « Grâces à Dieu pour son don ineffable ! » (2Corinthiens 9.15.) « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ qui nous a bénis ; » saint Jean dit dans le même esprit : « Nous l’aimons, parce qu’il nous a aimés le premier. »

Le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ. On peut traduire aussi : « Dieu, qui est le Père, etc. » ainsi que l’ont fait nos versions. Mais la traduction que nous avons suivie, avec la version de Lausanne 1839, nous paraît préférable tant ici que dans Romains 15.6 ; 2Corinthiens 11.31 ; 1Pierre 1.3, etc. Dieu n’est pas seulement le Père de Jésus-Christ, il est en même temps son Dieu, qui l’a envoyé, qui l’a conduit, qui l’a exaucé, qui l’a ressuscité, qui l’a fait asseoir à sa droite. « Je monte vers mon Père et votre Père, et vers mon Dieu et votre Dieu » (Jean 20.17). Ce rapport du Père au Fils est important à considérer pour nous. Car, Jésus-Christ étant le représentant et la tête de l’Église, c’est parce que Dieu est le Dieu de Jésus-Christ qu’il est aussi notre Dieu, comme c’est parce qu’il est le Père de Jésus-Christ qu’il est aussi notre Père. Que si l’on demande comment Dieu peut être le Dieu de Jésus-Christ, qui est Dieu lui-même, nous pourrions répondre que Jésus-Christ est considéré alors dans sa nature humaine ; mais nous aimons mieux répondre que c’est là « le mystère de piété ; » mystère rappelé, mais non expliqué, dans Psaume 45.8 (cité par saint Paul, Hébreux 1.9) : « O Dieu, ton Dieu t’a oint d’une huile de joie au-dessus de tes semblables ; » ce qui n’est pas plus étonnant que 2Timothée 1.18 : « Le Seigneur lui fasse trouver miséricorde auprès du Seigneur, » ou Daniel 9.17-19 et Psaume 110.1.

Dans les lieux célestes en Christ. Dieu nous a bénis en Christ, élus en Christ, sauvés en Christ ; ce n’est pas seulement par Christ, c’est en Christ, en la personne duquel Dieu nous contemple, comme des membres de son corps, faisant partie de son être, et revêtus de sa justice. Aussi saint Paul souhaite « d’être trouvé en Christ » (Philippiens 2.9). Ceci nous explique comment nous pouvons être bénis « dans les lieux célestes, » bien que nous ne soyons pas au ciel. Christ y est, et cela suffit. Que dis-je ? Nous y sommes, dans sa personne : « Il nous a fait revivre avec le Christ, et il nous a ressuscités et fait asseoir dans les lieux célestes en Jésus-Christ » (Voyez 2.5-6 rapproché de 1.20). C’est également parce que nous avons été « élus en Christ » que nous avons pu l’être « avant la fondation du monde, » bien qu’alors nous ne vécussions pas. Christ vivait, et cela suffit. Aussi bien ni cette difficulté de lieu, ni cette difficulté de temps, n’égale la difficulté de principe, la difficulté essentielle de notre salut, celle qui tient à ce que les hommes à qui Dieu veut donner la vie éternelle sont des pécheurs qui en sont indignes par leurs œuvres. Comment pouvons-nous être justes devant Dieu, n’ayant pas fait les œuvres ? même réponse : c’est que nous sommes justes en Christ. Nous n’avons pas fait les œuvres ; mais Christ les a faites, et cela suffit. C’est la doctrine de notre apôtre, Romains 10.5-8 : notre salut, impraticable selon la loi, parce que nous en serions alors chargés nous-mêmes, est praticable selon la foi, parce que c’est Christ alors qui l’accomplit. Tout cela est réuni dans 2Timothée 1.93.

Pour être (ou à être) saints et irrépréhensibles devant lui, dans l’amour. Ces mots peuvent se rapporter à notre sanctification, ou à notre justification. Dans le premier cas, l’amour dont il est ici question, c’est l’amour dans l’homme, et la pensée de l’Apôtre serait celle-ci : Pour que nous marchions devant Dieu dans cette vie sainte dont l’amour est le principe ; dans le second, c’est l’amour en Dieu, et la pensée est alors : Pour que nous soyons réputés saints, aux yeux de Dieu, par un effet de son amour. La première de ces interprétations, ne serait pas, selon Harless, dans l’esprit du Nouveau Testament : « On n’y trouve pas un seul endroit, dit-il, où une sainteté sans tache devant Dieu soit représentée comme le but de l’élection. » Quoi qu’il en soit, nous nous décidons pour la seconde, soit parce qu’elle s’accorde mieux avec la pensée générale de notre texte, où l’Apôtre s’est proposé de relever la grâce de Dieu, et non la sainteté personnelle du croyant ; soit parce qu’elle convient seule au passage correspondant de l’épître aux Colossiens, 1.22. Les mots dans l’amour sont employés d’une manière semblable dans Éphésiens 3.18, expliqué par le verset suivant.

Par Jésus-Christ, pour soi-même, ou en vue de soi-même. Dans toute l’œuvre du salut, Dieu est le but, et Jésus-Christ le chemin. Nous allons au Père par, le Fils (Jean 14.6 ; 1Corinthiens 8.6 : traduisez duquel sont toutes choses, et nous pour lui).

Selon le bon plaisir de sa volonté. Le mot que nous rendons par « bon plaisir, » peut indiquer soit la souveraine liberté, soit la bienveillance, soit enfin l’une et l’autre à la fois, ces deux choses étant étroitement unies en Dieu, qui « est amour. » C’est de cette dernière manière que nous l’entendons, tant ici que dans Philippiens 2.13.

Il nous a reçus en grâce dans le bien-aimé. Autre est l’amour que Dieu a pour son Fils, autre celui qu’il a pour nous. Lui, seul aimable en soi, est essentiellement le bien-aimé ; nous, haïssables en nous-mêmes, nous sommes reçus en grâce à cause du bien-aimé, et dans le bien-aimé ; et si nous sommes appelés bien-aimés à notre tour (Éphésiens 5.1, etc.) c’est parce que Dieu nous voit en son Fils. Le mot que nous traduisons « reçus en grâce, » est le même dont l’ange se sert en saluant Marie (Luc 1.28).

En toute sagesse et intelligence. Il s’agit ici, non de la sagesse et de l’intelligence que Dieu fait paraître, mais de la sagesse et de l’intelligence qu’il communique à ses enfants. On peut s’en assurer par Colossiens 1.9, outre que le mot rendu par intelligence aurait quelque chose d’étrange, appliqué à Dieu. La sagesse diffère de l’intelligence, en ce que la première est plus étendue, la seconde plus restreinte ; la première est plus spécialement une qualité du cœur, la seconde une faculté de l’esprit. La première se montre surtout dans la conduite, la seconde dans les discours. Rapprochez Luc 2.40 de 47, où il faut traduire : « de son intelligence et de ses réponses, » c’est-à-dire de l’intelligence qui paraissait dans ses réponses.

Selon son bon plaisir qu’il s'était proposé en soi-même pour la dispensationde la plénitude des temps ; c’est-à-dire, selon la résolution que Dieu avait formée, par devers soi, en vue de la dispensation évangélique, qui devait avoir lieu quand les temps seraient accomplis. La même pensée est exprimée, et en partie dans les mêmes termes, Galates 4.2-5, avec cette légère différence que le temps, dans l’épître aux Galates, marque le cours des temps, qui s’achève par le nombre, des années, tandis que les temps dans notre épître (plus exactement les occasions, car le mot grec n’est pas le même dans les deux cas) marquent les époques successives par lesquelles se développe le plan divin, et qui lui servent de points d’arrêt ou de degrés. Ces époques avaient été indiquées par les prophètes de l’Ancien Testament ; et il fallait que la partie de la prophétie qui appartenait à l’ancienne économie eût été accomplie, avant que le Fils de Dieu pût venir au monde et fonder la dispensation évangélique. – Mais quel était l’objet de cette dispensation nouvelle, et « ce mystère de la volonté » de Dieu, c’est-à-dire cette volonté qu’il avait tenue cachée jusqu’au temps marqué ? Le voici expliqué dans la suite de notre verset :

Réunir toutes choses en Christ, et celles qui sont dans les cieux et celles qui sont sur la terre. Le terme de l’original que nous rendons par réunir, signifie littéralement récapituler, ou rassembler sous une même tête. Dieu veut rassembler sous Christ, comme sous une tête commune, non seulement toutes les choses qui sont sur la terre, mais encore toutes celles qui sont dans le ciel. Ce n’est pas assez que le Fils de Dieu glorifié reçoive « pour son héritage les nations, et pour sa possession les bouts de la terre » (Psaume 2.8) ; il faut qu’il domine sur l’univers tout entier. « Toute puissance lui est donnée dans le ciel, et sur la terre » (Matthieu 28.18), et « toutes choses doivent lui être assujetties, » jusqu’à ce que vienne la fin des temps où « le Fils lui-même doit être assujetti à celui qui lui a assujetti toutes choses, afin que Dieu soit tout en tous » (1Corinthiens 15.28). Aussi Jésus-Christ, qui ne reçoit ordinairement le nom de tête que par rapport « à l’Église qui est son corps » (Éphésiens 1.22), est-il appelé une fois aussi « la tête de toute principauté et puissance, » et cela dans cette épître aux Colossiens qui a tant de points communs avec la nôtre. (Colossiens 2.10 ; voyez encore 1.16-18.)

Mais il y a une autre pensée dans notre texte, et une pensée bien intéressante, mais que l’Écriture ne fait qu’indiquer ; imitons sa réserve. C’est comme Rédempteur que Jésus-Christ apparaît ici ; c’est aussi comme Rédempteur qu’il doit voir toutes les choses de l’univers rassemblées sous sa puissance. Les effets de la rédemption ne sont donc pas bornés à notre petit globe ; elle doit exercer sur tout l’univers une influence immense et mystérieuse, que nous découvrons, sans pouvoir la définir exactement, dans un petit nombre de passages de l’Écriture. J’en citerai trois, presque sans réflexions. Le premier est celui qui répond à notre texte dans l’épître aux Colossiens : « En lui toute la plénitude a bien voulu habiter, et par lui réconcilier toutes choses à soi, ayant fait la paix par le sang de sa croix, tant les choses qui sont sur la terre, que celles qui sont au ciel » (Colossiens 1.19-20) ; où nous voyons l’œuvre de réconciliation opérée par Jésus-Christ entre Dieu et nous, étendre ses bienfaits à tout le monde, et rétablir entre les diverses parties de la création, jusqu’alors dispersées, une harmonie nouvelle dont le centre et l’âme sont en Jésus-Christ. Nous tirons notre seconde citation de Romains 8.19-21 : « Car le vif désir de la création attend la révélation du Fils de Dieu. Car la création fut soumise à la vanité, non volontairement, mais à cause de celui qui l’y soumit, avec l’espérance que la création elle-même sera aussi libérée de l’esclavage de la corruption, pour avoir part à la liberté des enfants de Dieu. Car nous savons que toute la création à la fois soupire, et qu’elle est en travail jusqu’à maintenant. » Là toute la création nous est représentée comme intéressée à la rédemption, et en devant à la fin recueillir le fruit. Enfin, dans le songe de Jacob, rapporté dans Genèse 28.12, et expliqué par Jésus-Christ, Jean 1.51, le Seigneur est figuré sous l’emblème d’une échelle qui touche à la terre par le pied et au ciel par le sommet, et qui forme de l’une à l’autre un chemin nouveau par lequel montent et descendent les anges de Dieu. La communication entre le ciel et la terre ; rompue par le péché, est rétablie en Jésus-Christ, et les saints anges s’approchent maintenant avec amour des enfants de Dieu, et « servent en leur faveur » (Hébreux 1.14), tandis que nous ne leur eussions offert qu’un spectacle repoussant, si Jésus-Christ n’eût « ôté le péché du monde. » N’allons pas plus loin ; craignons d’être plus clairs que l’Écriture. Mais que cette échappée qu’elle nous laisse entrevoir de ce grand mystère, nous fasse mieux comprendre la place qui appartient à l’incarnation du Fils de Dieu, et à son œuvre expiatoire, non seulement dans les destinées de l’humanité, mais dans tout l’ordre de cet univers. Tout y a participé aux suites de notre chute ; tout aussi doit participer à celles de notre rétablissement, auquel se rattache « un rétablissement de toutes choses » (Actes 3.21) en Jésus-Christ. Parce qu’il « s’est abaissé lui-même et s’est rendu obéissant jusqu’à la mort et à la mort de la croix Dieu l’a souverainement élevé, et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom ; afin qu’au nom de Jésus tout genou se ploie, tant de ceux qui sont aux cieux, que de ceux qui sont sur la terre et au-dessous de la terre ; et que toute langue confesse que Jésus-Christ est le Seigneur, à la gloire de Dieu le Père » (Philippiens 2.8-11).

2) L’action de grâces pour chacune des deux familles d’élus en particulier. 1.11-14

En lui, en qui aussi nous avons été faits héritiers, ayant été prédestinés, selon le dessein arrêté de celui qui opère toutes choses selon le conseil de sa volonté. Jusqu’ici l’Apôtre a parlé au nom de tous les chrétiens, qu’ils eussent été juifs ou gentils avant leur conversion. Mais le voici qui nous fait démêler dans ce peuple élu, deux peuples d’abord distincts, et qui, bien qu’unis maintenant de foi en celui qui est « leur paix » (Éphésiens 2.14), diffèrent cependant d’origine et de position : les chrétiens qui avaient commencé par être juifs, et ceux qui avaient commencé par être gentils. Tandis que le nous de saint Paul, jusqu’au verset 11, est un nous général, qui les renferme les uns et les autres, il réserve, à partir de ce verset, le nous pour les anciens Juifs, auxquels il appartient lui-même, et le vous pour les anciens Gentils, auxquels il écrit. Il s’occupe des premiers dans les versets 11 et 12 ; des seconds, dans les versets 13 et 14. Seulement, dans le verset 14, il revient au nous général, en parlant de l’héritage à venir, commun aux uns et aux autres. Cette distinction est importante à considérer : car c’est une des clefs de notre épître, adressée à des Gentils convertis, par un de ces Juifs convertis qui leur ont porté l’Évangile. Nous verrons ce sujet repris et développé plus tard, surtout dans les chapitres 2 et 3 ; ici, il n’est qu’indiqué.

En lui, c’est-à-dire en Christ. Cette répétition a pour but de faire mieux comprendre que c’est à Jésus-Christ que se rapportent ces mots : en qui nous avons été faits héritiers, et peut-être aussi de séparer davantage d’avec ce qui précède les versets 11 et suivants, où une pensée nouvelle doit être introduite.

Nous avons été faits héritiers, nous Juifs, qui avons cru en Jésus-Christ, et qui avons été ainsi appelés à l’héritage. Autrefois, les Israélites avaient reçu en héritage le pays de Canaan ; mais ce n’était là qu’un type visible de cet héritage céleste qui leur devait échoir en Jésus-Christ, et que notre apôtre appelle, dans le passage correspondant de son épître aux Colossiens, « l’héritage des saints dans la lumière, » auquel le Père nous fait participer en « nous délivrant de la puissance des ténèbres, et nous transportant au royaume de son Fils bien-aimé » (Colossiens 1.12-13).

Ayant été prédestinés, etc. Il s’agit ici de la prédestination spéciale des Juifs. Celui qui a prédestiné tous les croyants, en général, à la vie éternelle, a également prédestiné les Juifs convertis à leur position spéciale, ainsi que les Gentils convertis à la leur. Dans le détail comme dans l’ensemble, pour le genre humain, pour les peuples, pour les familles, pour les individus, tout s’accomplit « selon le conseil de la volonté » souveraine de Dieu ; de lui seul procède toute grâce, à lui seul toute gloire doit retourner.

Afin que nous fussions, à la louange de sa gloire, ceux qui ont espéré auparavant en Christ. Nous suivons ici une interprétation qui s’écarte un peu de nos versions reçues, mais qui est préférée par les meilleurs commentateurs. Les mots : à la louange de sa gloire, forment une proposition incidente et détachée, ainsi que dans le verset 14, et que dans le verset 6, ce qui donne à tout ce morceau quelque chose de plus symétrique et de plus complet. La vocation générale des croyants, la vocation spéciale des Juifs, et la vocation spéciale des Gentils ont toutes trois la même fin : la louange de la gloire de Dieu.

Espéré auparavant en Christ, ou espéré d’avance en Christ. La version ordinaire : « espéré les premiers en Christ, » ne rend pas exactement la pensée de l’Apôtre. Ce n’est pas seulement une différence de temps qui sépare le Juif du Gentil ; c’est une différence de position. Le Juif n’a pas seulement l’avantage d’avoir entendu l’Évangile, de la bouche du Seigneur ou de ses apôtres, quelques années avant le Gentil ; avantage qu’un Gentil a pu avoir également sur un autre Gentil, par exemple l’habitant d’Antioche (Actes 11.20) sur l’habitant d’Athènes ou de Corinthe (Actes 17.15 ; 18.1). Le privilège du Juif est tout autrement considérable. Bien des siècles avant que le Christ vînt au monde et qu’il fût prêché aux Gentils, le Juif, averti par la prophétie, a espéré en lui ; l’Apôtre choisit cette expression, parce qu’elle est propre aux choses futures, tandis qu’en parlant des Gentils, il dit qu’ils ont cru. Le même apôtre écrit ailleurs à ces Gentils qui ont cru : « Vous qui étiez autrefois Gentils – étiez en ce temps-là hors de Christ (ou sans Christ) séparés de la république d’Israël et étrangers aux alliances de la promesse, n’ayant point d’espérance et sans Dieu dans le monde » (Éphésiens 2.11-12). Mais le Juif croyant s’exprime ainsi : « Nous avons trouvé celui duquel ont écrit Moïse dans la loi, et les prophètes » (Jean 1.45). C’est de cette espérance qui caractérise le Juif que parle saint Paul, devant le Juif Agrippa (Actes 26.6-7) ; et c’est par cette attitude différente du Juif et du Gentil à l’égard de l’Évangile que s’explique Matthieu 10.6 ; 15.24 ; Actes 13.46, etc. Que ceci nous instruise à estimer le Juif. Comprenons ce qu’il est devant Dieu et ce qu’il a fait pour nous. Les prophètes ont été juifs ; les apôtres ont été juifs ; Jésus-Christ a été juif. Manquerions-nous d’ardeur pour rendre aux Juifs cet Évangile auquel ils ont eu part avant nous, et que nous avons reçu d’eux ? (Jean 4.22.) Méditez le chapitre 11 de l’épître aux Romains, et plus spécialement les versets 28 à 32.

En qui vous êtes aussi. Vous, Gentils, qui avez été admis à votre tour à l’héritage de la vie éternelle. Nul ne le savait mieux que saint Paul, qui avait été envoyé de Dieu auprès des Gentils, tout exprès « pour ouvrir leurs yeux, pour les convertir des ténèbres à la lumière et de la puissance de Satan à Dieu ; afin qu’ils reçussent la rémission des péchés, et une part (littéralement l’héritage ; c’est le même mot qui est employé dans Éphésiens 1.11 et Colossiens 1.12) entre ceux qui sont sanctifiés par la foi en Dieu » (Actes 26.18).

Dans ces deux versets, l’Apôtre marque les quatre degrés du développement spirituel des Gentils convertis auxquels il s’adresse. Ce développement n’est pas particulier aux Gentils ; sauf le point de départ, il leur est commun avec les Juifs. Mais l’Apôtre entre dans un plus grand détail en parlant des Gentils, tant ici que dans le reste de l’épître, parce que c’est essentiellement à eux et pour eux qu’il écrit ; ce qui concerne les Juifs n’est que rappelé en passant pour mieux expliquer la position des Gentils.

Ayant entendu. Premier degré. Il fallait commencer par entendre. Car « comment croiraient-ils, sans entendre ? et comment entendront-ils, sans quelqu’un qui prêche ? La foi vient de l’ouïe, et l’ouïe par la Parole de Dieu » (Romains 10.14, 17). Ce qu’ils ont entendu, c’est « la parole de la vérité, l’évangile de leur salut, » de ce salut qui est mis désormais à la portée du Gentil, après avoir été longtemps le privilège exclusif du Juif (Colossiens 1.5, 6 ; Actes 11.18), la vérité, le salut, les deux trésors dont l’humanité a été toujours en recherche, et qu’elle n’a jamais trouvés qu’en Jésus-Christ, malgré ses prodigieux efforts.

Ayant cru. Second degré. Comment croire sans entendre ? disions-nous. Mais aussi, à quoi bon entendre si l’on ne croit ? « A tous ceux qui l’ont reçu, il leur a donné le droit d’être faits enfants de Dieu, savoir à ceux qui croient en son nom » (Jean 1.12). – Les mots en qui se rapportent à Jésus-Christ, à qui nous devons encore, outre toutes les grâces déjà mentionnées, le don du Saint-Esprit. C’est comme s’il y avait : En qui aussi vous avez été scellés, ayant cru, par le Saint-Esprit de la promesse.

Vous avez été scellés par le Saint-Esprit de la promesse, c’est-à-dire, qui avait été promis (Galates 3.14) par les prophètes juifs (Actes 2.16). Troisième degré. Qui croit en Jésus reçoit le Saint-Esprit (Galates 4.6) : « Parce que vous êtes fils, Dieu a envoyé dans vos cœurs le Saint-Esprit, criant Abba, Père ! » Scellés. Comme un homme marque un papier de son sceau pour que nul ne puisse douter qu’il lui appartienne, ainsi « Dieu a marqué Jésus de son sceau » (Jean 6.27), afin que chacun le reconnaisse pour son Fils ; et il marque également de son sceau ceux qui croient en Jésus, afin que chacun les reconnaisse pour ses enfants. Il a scellé Jésus, en lui donnant « l’Esprit sans mesure » (Jean 3.34) ; il scelle les croyants, en leur donnant « de son Esprit » (1Jean 4.13). Mais en même temps que la présence du Saint-Esprit en nous est, pour le passé, un témoignage de notre adoption en Jésus-Christ, elle est aussi, pour l’avenir, un gage de notre héritage futur, et un commencement de jouissance, tel que le comporte notre condition actuelle, et qui nous répond que le reste viendra en son temps. C’est pour cela que l’Apôtre appelle encore le Saint-Esprit les arrhes de notre héritage, comme il l’en appelle ailleurs « les prémices » (Romains 8.23). « Celui qui nous affermit avec vous en Christ et qui nous a oints4, c’est Dieu, qui aussi nous a scellés et nous a donné les arrhes de l’Esprit dans nos cœurs » (2Corinthiens 1.21-22).

Pour la rédemption de l’acquisition. Quatrième degré, qui est encore à venir, tandis que les trois premiers sont passés. L’acquisition, c’est le peuple de Dieu, qu’il s’est acquis pour lui appartenir en propre, d’abord sous l’Ancien Testament (Exode 19.5 ; Deutéronome 7.6, etc.), et puis, plus spécialement sous le Nouveau, l’ayant racheté par le sang de son Fils ; « le peuple acquis, » comme l’appelle saint Pierre, (1Pierre 2.9) ou « le peuple particulier, » comme l’appelle ailleurs notre apôtre (Tite 2.14). Par la rédemption de ce peuple, il faut entendre ici le développement futur et complet de la vie que Dieu nous a donnée en Jésus-Christ, et que nous ne possédons ici-bas que partiellement, et plus en espérance qu’en jouissance. Il faut rapprocher de notre texte Romains 8.23-25, où saint Paul appelle cette délivrance finale « la rédemption de notre corps, » parce qu’elle sera le renouvellement de tout notre être, même physique. Un corps nouveau (1Corinthiens 15.42-43), avec « de nouveaux cieux et une nouvelle terre, où la justice habite » (2Pierre 3.13) : que l’Apôtre est bien en droit d’ajouter, pour la troisième fois en douze versets : « à la louange de sa gloire ! »

Jetons un coup d’œil en arrière sur la doctrine de ces douze versets. Mais nous disons mal : c’est moins de la doctrine que de l’amour. L’Apôtre ne s’est pas proposé de développer la doctrine du salut ; mais ce salut arrache de sa bouche l’expression, dirai-je ? ou l’exclamation d’un amour qui brise toutes les formes du langage humain. Tout ceci n’est autre chose qu’une doxologie prolongée, formant une seule période, où les pensées se pressent de telle sorte qu’il ne reste pas d’intervalle pour ces points d’arrêt que les hommes ont coutume de mettre dans leur langage, ne fut-ce que pour respirer. Que c’est bien joindre l’exemple à l’enseignement ! Car, tandis qu’il nous avertit par trois fois que tout a été fait « à la louange de la gloire de la grâce de Dieu, » que fait-il autre chose que de célébrer cette gloire, de l’abondance d’un cœur qui déborde de gratitude ? Suivons son exemple, en lisant ce qu’il a écrit : pas de discussions dogmatiques, mais de l’amour. J’en appelle à tout cœur chrétien. Ne faut-il pas tout attribuer à la grâce, à une grâce toute gratuite, sous peine ou de déchirer cette page de l’Évangile, ou de la charger de notes et d’explications jusqu’à la rendre illisible ? Cherchez ici l’œuvre de l’homme, que dis-je ? cherchez-y l’homme lui-même. A peine l’y découvrez-vous, relégué dans un coin du tableau, caché sous un pronom écarté ; vous pourriez presque croire que ce n’est pas de lui qu’il s’agit. La grande affaire de notre salut se traite entre le Père et le Fils, en dehors de nous, au-dessus de nous, avant nous ; dans un lieu où nous ne sommes pas encore, et dans un temps où nous n’étions point. Le langage de l’Apôtre s’étend à perte de vue dans tous les sens ; il monte jusqu’au plus haut des cieux, il recule jusqu’avant la fondation du monde, et ne peut jamais trouver de mesure assez hors de mesure pour cette grâce qui nous a sauvés. Qui a pu apprendre à un homme à parler de la sorte ? L’homme, ne pouvant partir que du point où il est, prend inévitablement l’homme pour centre. Mais sortir ainsi hors de l’homme, et voir les choses en Dieu, cela ne peut être donné que par l’Esprit de Dieu. Il n’appartient qu’à la Bible de planer de la sorte sur le monde moral, comme elle fait ailleurs sur le monde physique, et c’en serait assez pour démontrer son inspiration. Je ne connais rien à comparer avec notre texte, si ce n’est ce commencement de la Genèse, où Moïse se place au-dessus de l’homme et avant l’homme, pour contempler la création de l’homme, en Dieu qui la résout avec soi-même, à peu près comme saint Paul contemple ici la nouvelle création des croyants dans le Père donnant les siens au Fils (Jean 17.2,6). Pourquoi nous a-t-il bénis en Christ ? parce qu’il nous a élus en lui. Pourquoi nous a-t-il élus ? parce qu’il nous a prédestinés à l’adoption par Christ ; et pourquoi nous a-t-il prédestinés ? Par le bon plaisir de sa volonté, voilà le principe ; et pour la louange de la gloire de sa grâce, voilà la fin. Entre cette grâce et cette gloire, que l’homme est petit ! mais en même temps qu’il est grand ! Qu’il est petit, puisqu’il disparaît tout entier dans la grâce de Jésus-Christ et dans la gloire de Dieu ! Mais qu’il est grand, puisqu’il a paru digne de servir la gloire de Dieu et de payer le sang de Jésus-Christ ! Il est dans un sens le centre de ce tableau, où il n’apparaît, dans un autre sens, que comme une sorte de hors-d’œuvre ; ainsi que dans le récit de la création, il tient à la fois la dernière place, puisqu’il est nommé tout à la fin, et la première, puisque c’est pour lui que tout cela est écrit.

Et pourtant, ne l’oublions pas, et saint Paul prend soin de nous le rappeler même en cet endroit, cette grâce toute gratuite n’est que pour ceux qui s’ouvrent pour la recevoir (verset 13). Tout vient de Dieu, et l’homme n’en a pas moins quelque chose à faire. C’est au nom de ceux qui croient que l’apôtre rend grâces. C’est ceux qui croient qui sont prédestinés, qui sont élus, qui sont bénis, qui sont reçus en grâce, qui sont faits héritiers, qui sont scellés du Saint-Esprit, qui sont réservés pour la rédemption finale. Lecteur, avez-vous cru ? En êtes-vous bien sûr ?

1Nous disons à peu près, parce qu’il y a quelques endroits de notre épître qui font exception à cette remarque, tels que Ephésiens 1.15-16, et 6.21. Ce dernier verset nous donne à entendre que la présence de Tychique devait suppléer aux détails qui manquaient dans les communications écrites de l’Apôtre. 2Vers l’an 62. 3Nous recommandons aux lecteurs de chercher les endroits des Écritures indiqués dans notre commentaire ; de notre côté, nous nous souviendrons que ce qui importe, c’est de choisir les citations, et non de les multiplier. 4Entre ce mot et le nom de Christ, qui signifie oint, il y a un rapport, qui est perdu dans la traduction.

III. Première prière de l’Apôtre pour les Éphésiens

1.15 à 2.10.

L’Apôtre prie pour les Éphésiens, et la suite d’idées à laquelle cette prière donne lieu dure jusqu’au chapitre 2, verset 10. Tout cela ne forme qu’un seul développement, et même, jusqu’au verset 7 du chapitre 2, qu’une seule de ces longues périodes qui caractérisent le langage de saint Paul. On y distingue ces trois parties : L’Apôtre demande que Dieu donne aux Éphésiens l’intelligence pour le bien connaître, et plus spécialement pour connaître sa puissance (1.15-19) ; puissance qu’il a déjà déployée, d’abord en Jésus-Christ mort, quand il l’a ressuscité et fait asseoir à sa droite (1.19-23), et ensuite dans les Éphésiens morts spirituellement, quand il les a ressuscités et fait asseoir dans les lieux célestes avec Jésus-Christ (2.1-10).

1. L’Apôtre demande que Dieu donne aux Éphésiens l’intelligence pour le bien connaître, et plus spécialement pour connaître sa puissance. 1.15-19.

15. C’est pourquoi, moi aussi, ayant appris quelle est parmi vous la foi au Seigneur Jésus et l’amour pour tous les saints, 16. je ne cesse de rendre grâces pour vous, en faisant mention de vous dans mes prières ; 17. afin que le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père de la gloire, vous donne un esprit de sagesseet de révélation, dans sa connaissance ; 18. les yeux de votre cœur étant illuminés pour savoir quelle est l’espérance de sa vocation, et quelle est la richesse de la gloire de son héritage dans les saints, 19. et quelle est la surabondante grandeur de sa puissance envers nous qui croyons, selon l’efficace du pouvoir de sa force.

Moi aussi, etc. Je joins mes prières à celles que vous présentez vous-mêmes à Dieu pour votre accroissement dans la grâce.

Ayant appris : plusieurs années s’étaient écoulées depuis que saint Paul avait été à Éphèse. Heureuse l’Église à laquelle saint Paul, parlant par l’Esprit de Dieu, peut dire : Ayant appris quelle est parmi vous la foi et l’amour, ces deux dispositions qui résument tout l’Évangile ! Combien en est-il, de nos jours, et sans aller chercher bien loin, auxquelles il aurait sujet de dire plutôt : Ayant appris quelle est parmi vous l’ignorance de l’Évangile, l’incrédulité, la froideur et les divisions ! De telles Églises ne sauraient s’appliquer la prière qui va suivre, qu’elles ne soient parvenues d’abord à la foi et à la charité. Il faut commencer par le commencement, et les degrés de la vie spirituelle veulent être franchis et non sautés.

Je ne cesse de rendre grâces pour vous, faisant mention de vous dans mes prières, afin que, etc. ; c’est-à-dire, comme le montre le verset correspondant de l’épître aux Colossiens (1.9) : « priant pour vous et demandant que Dieu vous donne, » etc. Le mot grec rendu ici par afin que est le même qui est rendu par que dans Colossiens 1.9. Le langage elliptique de saint Paul dans notre texte, où les mots et demandant sont sous-entendus, nous instruit combien l’action de grâces et la requête sont étroitement unies dans l’esprit de l’Apôtre. La première est chez lui le fondement de la seconde, non seulement ici, mais habituellement. Nous avons déjà fait remarquer que presque toutes ses épîtres débutent par l’action de grâces ; nous pouvons ajouter que cette action de grâces y est presque toujours suivie immédiatement d’une requête. Ce que les disciples de Jésus-Christ ont déjà reçu excite l’Apôtre à demander à Dieu pour eux tout ce qui leur manque encore. Ainsi, sans parler de l’épître aux Colossiens, Romains 1.8, avec 9 et 10 ; Philippiens 1.3, avec 4 et 9 ; 2Thessaloniciens 1.3, avec 11 et 12, etc. Ce trait de la correspondance de saint Paul est profondément évangélique : il tient à la gratuité parfaite du don de Dieu, qui « nous prévient en bénédictions de bien » (Psaume 21.4), et qui « donne à celui qui a » (Matthieu 13.12) « grâce pour grâce » (Jean 1.16)1. Commençons toujours par rendre grâces, pour ce que nous avons reçu, nous qui avons reçu la vie éternelle ; mais, loin de nous contenter jamais de l’état auquel nous sommes parvenus, n’y voyons qu’un degré pour nous élever plus haut. Ainsi le veut une juste reconnaissance, unie à une sainte ambition. Cette belle union est bien marquée dans 1Thessaloniciens 3.9-10 : « Quelles actions de grâces ne pouvons-nous pas rendre à Dieu à votre sujet, pour toute la joie dont nous nous réjouissons à cause de vous devant notre Dieu, priant nuit et jour surabondamment pour voir votre visage et réparer ce qui manque à votre foi ! » – « L’action de grâces, a dit un homme de Dieu, est la clef de l’Évangile. »

Afin que le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, etc. Le verset 15 ayant rappelé l’occasion de la prière de l’Apôtre, l’état de l’Église d’Éphèse, et le verset 16, en ayant indiqué le fondement, l’action de grâces, les versets 17-19 en exposent l’objet. Le verset 17 le fait connaître sommairement ; puis les deux versets suivants le reprennent pour le développer. Car les mots : « un esprit de sagesse et de révélation, » correspondent à ceux-ci : « en éclairant les yeux de votre « cœur, » et les mots : « dans sa connaissance, » à ceux-ci : « pour que vous sachiez quelle est l’espérance de sa vocation, » etc. Mais d’abord quel est le Dieu à qui l’Apôtre demande cette grâce pour les Éphésiens ? Il le décrit en termes choisis avec cette propriété d’expression qui caractérise le langage des Écritures, quoique cachée sous un air de simplicité et d’abandon.

Le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père de la gloire. Le Dieu qu’il prie de se faire mieux connaître aux Éphésiens, l’Apôtre le définit, non par des traits généraux qui pourraient convenir également ailleurs, mais tel qu’il souhaite de le voir connu des Éphésiens, pour leur accroissement spirituel.

Il l’appelle d’abord le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ. Ce nom, que nous avons expliqué dans une note sur le verset 3 de notre chapitre, est bien placé à la tête de cette prière. Car c’est « le Dieu de Jésus-Christ » que les Éphésiens doivent apprendre à mieux connaître ; et comment d’ailleurs ce Dieu qui leur a donné son Fils, pour « Seigneur et Christ, » ne serait-il pas disposé à « leur donner toutes choses avec lui, » et notamment le Saint-Esprit que le Père avait promis d’envoyer au nom du Fils ? Mais saint Paul avait encore une autre raison plus spéciale pour donner ce nom à Dieu dans cet endroit. Il voulait par là rappeler aux Éphésiens que le Dieu qui devait déployer sa puissance sur eux, était celui qui l’avait déployée avec tant d’éclat en Jésus-Christ, en le ressuscitant d’entre les morts. (Voyez verset 20 et suivants.)

Il l’appelle ensuite le Père de la gloire, ou, d’après une traduction moins littérale, mais plus conforme au génie de notre langue, le Père de gloire. Rapprochez de ce nom d’autres noms semblables donnés à Dieu ou à son Christ : « le Dieu de gloire » (Actes 7.2), « le Roi de gloire » (Psaume 24.7), « le Seigneur de gloire » (1Corinthiens 2.8), « le Père des compassions et le Dieu de toute consolation » (2Corinthiens 1.3), « le Père d’éternité » (Ésaïe 9.5). Ces titres sont parmi ces nombreuses expressions de l’Écriture dont la signification peut mieux se sentir que s’analyser ; les pensées divines se trouvent à l’étroit dans le langage de l’homme, et il faut que l’Esprit de Dieu achève de nous les faire comprendre par cette intelligence à la fois plus large et plus déliée qui est réservée au cœur. En nous représentant Dieu comme le Père de gloire, l’Apôtre nous rappelle à la fois, sa miséricorde et sa gloire infinie. Dieu est le Père de Jésus-Christ et de ceux qui croient en Jésus-Christ, et tout ensemble il est celui en qui toute gloire réside et de qui toute gloire procède. Quoi de plus propre à faire comprendre aux Éphésiens combien la grâce de ce Dieu était excellente, et plus spécialement combien était magnifique l’héritage qu’il destinait à ses enfants !