Écrits de jeunesse - Georges Bernanos - E-Book

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Georges Bernanos

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Beschreibung

Ces premiers écrits sont ceux d’un Bernanos royaliste militant. (Il rompra une première fois avec l’Action française à la fin de la guerre en 1918 puis définitivement en 1932, horrifié par la répression franquiste en Espagne, pays qu’il quittera pour le Brésil après que sa tête ait été mise à prix par Franco. Il renoncera également à un antisémitisme, perceptible dans « La grande Peur des Bien-Pensants » de 1931, qu’il condamne dans le courant de la seconde guerre mondiale.) Les nouvelles de 1907, écrites pour la revue « Le Panache » mettent souvent en scène une noblesse guerrière qui combat pour l’honneur. D’autres un peu plus tardives (1914) sont plus complexes abordant des problématiques comme celle de la mort ou du conformisme.
Il nous a paru intéressant de vous présenter cet écrivain en devenir, dans un style souvent déjà précurseur de celui de ses œuvres majeures, malgré un contenu bien souvent simpliste. À mettre en regard avec « Sous le soleil de Satan », son premier succès, livre de 1926, écrit après cette guerre qu’il glorifie en 1907 mais à laquelle il vient de participer.

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Georges Bernanos

ÉCRITS DE JEUNESSE

Copyright

First published in 1907-1914

Copyright © 2019 Classica Libris

SANGLOTS LONGS…

LA TOMBE REFERMÉE[1]

Monsieur de Candolle est un homme agréable, un peu froid. Il sait rire, mais sans abandon, parle de tout avec mesure, comme avance, sur un chantier périlleux, l’oreille mobile, un bel animal poursuivi. Il se défie des hommes, du hasard et du bonheur. Il en triomphe à force de ténacité. Sa nature aride dédaigne les chances heureuses qu’il est d’ailleurs impuissant à saisir, dans leur vol bref et léger ; il a ordonné sa vie comme un théorème ; il n’atteindra le but que par des routes droites et désolées…

Son cheval s’arrête à la lisière du bois et tourne vers l’horizon sa fine tête sèche ; une branche morte, prise entre le quartier de la selle et le flanc, traîne à terre, dans l’herbe. Une minute, ce bruit léger trouble seul le silence – puis, de la plaine, par bouffées, monte l’haleine tiède de la terre. Chaque fois, le jeune feuillage s’émeut, d’un bout à l’autre de la forêt ; la vie renaissante reprend possession de son peuple végétal. À chacune de ses étreintes répond un long frisson, dont l’immense écho serre le cœur.

« Avez-vous des yeux pour un tel soir ? » s’écrie Jane, en rajustant les rênes qu’elle a laissées glisser sur l’encolure. « Monsieur de Candolle voudra-t-il accueillir aujourd’hui le seigneur printemps ? Ces beautés sont réelles – réels aussi les sentiments qu’elles inspirent, réel encore ce vain désir du bonheur – tout est vrai, même ce dernier mensonge… Je voudrais que votre sagesse les fît entrer dans ses calculs… Répondez », dit-elle en devant son joli doigt vers l’horizon, puis le reposant sur son cœur : « niez-vous ces apparences délicieuses, ou est-ce moi-même que vous niez ? Cela est beau, et je le sens. Vous le sentez comme moi. Ah ! laissez-vous délier !

— Si nous n’étions point de si vieux amis, répond Candolle, je voudrais vous faire compliment de ce mouvement d’éloquence. J’affecterais aussi un air d’insensibilité sublime. Cependant, il est vrai que je ne suis pas aveugle, ni tout à fait desséché. J’admire ce spectacle, j’y prends du plaisir, mais sans m’y livrer tout entier. Oui, je regarde et je dis : ce temps-là me plaît.

— Hélas ! fit-elle, vous ne l’aimez point, puisque vous vous défendez encore. Tenez ! ouvrez les yeux, tout grands – là ! (il obéit). Regardez l’horizon, cette belle lumière dorée… fermez les paupières ! La voilà déjà dans vos yeux froide et glacée. Oui, tout ce fleuve de lumière coulerait en vain dans vos prunelles, que sert de refléter sans comprendre ? Voir est bien, mais il y faut la complicité du cœur… Au galop ! » s’écrie-t-elle, en lançant son cheval sur la pente gazonnée.

Elle s’arrête au bas de la colline, lie la bride à un baliveau, et s’assoit sur le talus. Monsieur de Candolle reste debout ; elle le regarde donc de bas en haut, son menton volontaire dans la main, la bouche un peu tremblante et sans baisser les yeux.

« Je n’aime point être troublé, dit-il après un silence ; dans le chemin qu’elles prennent des sens à l’âme, je veux suivre mes impressions pas à pas. Je me défie des spectacles qui touchent d’un coup au plus profond, et comme à nos points névralgiques. Chaque image fait sa blessure ; je ne veux pas sonder ces plaies d’une main trop vive… À quoi bon disperser sa vie ? Mais vous êtes à l’âge où l’on prodigue…

— Continuez, dit-elle, hâtez la fin du chapitre. Je n’ai pas le courage de rire, en vous voyant si guindé pour me plaire dans votre rôle lyrique. Je dirai seulement que je ne vous demandais que de répondre, et vous interrogez déjà. Bientôt, vous donnerez libéralement vos conseils. Il est vrai que vous êtes à l’âge où l’on prodigue… »