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Coda, numéro hors série Jared Thomas a vécu toute sa vie dans la petite ville montagnarde de Coda, dans le Colorado. Il ne s'imagine vivre nulle part ailleurs. Malheureusement, l'unique autre homme gay en ville a deux fois son âge et a été son professeur, alors Jared s'est résigné à passer sa vie tout seul. Jusqu'à ce que Matt Richards débarque dans sa vie. Matt vient d'être embauché par le commissariat de la ville de Coda et Jared et lui sont aussitôt devenu amis. Matt prétend qu'il est hétéro, mais pour Jared, avoir un ami sexy comme Matt est beaucoup trop tentant. Face à la liaison de Matt avec une femme de la région, la désapprobation de sa famille, le harcèlement des collègues de Matt, Jared craint qu'ils ne trouvent jamais le moyen d'être ensemble… s'il arrive déjà à convaincre Matt d'essayer.
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Seitenzahl: 320
Veröffentlichungsjahr: 2014
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Publié par
Dreamspinner Press
5032 Capital Cir. SW
Ste 2 PMB# 279
Tallahassee, FL 32305-7886
http://www.dreamspinnerpress.com/
Ceci est une œuvre fictive. Les noms, les personnages, les lieux et les faits décrits ne sont que le produit de l’imagination de l’auteur ou utilisés de façon fictive. Toute ressemblance avec des personnes ayant réellement existé, vivantes ou décédées, des établissements commerciaux, des événements ou des lieux ne serait que le fruit d’une coïncidence.
Titre original: Promises
Copyright © 2010 Marie Sexton
Traduit de l’anglais par Lia Vezes
Illustration de la couverture : Anne Cain [email protected]
Conception graphique : Mara McKennan
Tout droit réservé. Aucune partie de cet e-book ne peut être reproduite ou transférée d’aucune façon que ce soit ni par aucun moyen, électronique ou physique sans la permission écrite de l’éditeur, sauf dans les endroits où la loi le permet. Cela inclut les photocopies, les enregistrements et tout système de stockage et de retrait d’information. Pour demander une autorisation, et pour toute autre demande d’information, merci de contacter Dreamspinner Press, 5032 Capital Cir. SW, Ste 2 PMB# 279, Tallahassee, FL 32305-7886, USA
http://www.dreamspinnerpress.com/
Édité aux Etats-Unis d’Amérique.
Première édition
Janvier 2010
Édition e-book en français : 978-1-62380-794-8
Mes remerciements à :
Mon mari Sean,
Pour son amour et son soutien inconditionnel,
même quand j’étais complètement obnubilée
et monopolisais l’ordinateur.
Carol Ibanez, pour ses conseils,
qui m’ont aidée à transformer
une nouvelle en roman.
Amy Caroline, ma plus grande supportrice
et critique, pour avoir lu chaque version de cette histoire,
chaque scène coupée,
et même les idées bancales qui me sont passées par la tête.
Ce livre est pour vous trois,
sans qui il n’aurait jamais existé.
TOUTA commencé à cause de la Jeep de Lizzy. Sans elle, je n’aurais pas rencontré Matt. Et peut-être qu’il n’aurait pas ressenti le besoin de faire ses preuves. Et peut-être que personne n’aurait été blessé.
Mais je vais trop vite. Comme je l’ai dit, tout a commencé avec la jeep de Lizzy. Lizzy est la femme de mon frère Brian. Ils attendaient alors leur premier enfant pour l’automne. Elle avait décidé que sa vieille Wrangler, qu’elle avait depuis l’université, ne ferait pas l’affaire comme voiture familiale. Aussi l’avait-elle garée devant notre magasin avec un écriteau ’À Vendre’ sur le pare-brise.
C’est mon grand-père qui l’a fondé. À l’époque, c’était un magasin de bricolage, mais petit à petit on y a vendu aussi des pièces de voitures. Quand mon grand-père est mort, papa l’a repris et quand il est mort à son tour, il l’a légué à Brian, Lizzy et moi.
C’était une agréable journée printanière du Colorado et j’étais assis, les pieds sur le comptoir, regrettant de ne pas être dehors à profiter du soleil, quand il entra. Il attira tout de suite mon attention, tout simplement parce qu’il n’était pas d’ici. Sans compter les cinq années que j’ai passées à l’université de Fort Collins, j’ai toujours habité à Coda, alors je connais tout le monde en ville. Donc, soit il venait rendre visite à quelqu’un du coin, soit il était juste de passage. Notre ville n’était pas touristique, mais des gens tombaient sur nous de temps à autre, en cherchant des pistes où tester leur 4x4 ou sur le chemin de ces ranchs éducatifs plus loin sur la route.
En tout cas, il n’avait rien des pigeons quinquagénaires qui fréquentaient ce type de ranch. Il avait sûrement la trentaine. Il me dépassait d’une bonne demi-tête. Il devait donc faire un peu plus d’un mètre quatre-vingt, avec des cheveux noirs et courts comme ceux des militaires et sur les joues l’ombre d’une barbe de quelques jours. Il portait un jean, un tee-shirt noir et des bottes de cowboy. Ses larges épaules, ses bras musclés montraient qu’il faisait de la musculation. Il était superbe.
— Elle roule, la Jeep dehors ?
Il avait la voix grave avec un léger accent traînant. Pas un accent du sud profond, mais les voyelles étaient un peu plus longues que pour un gars du Colorado.
— Et comment ! Elle roule à merveille.
— Hmmm.
Il l’observait à travers la vitre.
— Pourquoi vous la vendez ?
— Pas moi. Ma belle-sœur. Ce serait trop dur de caser un siège bébé à l’arrière. Elle a acheté une Cherokee à la place.
Ma réponse eut l’air de le perdre un peu, ce qui me révéla qu’il n’avait pas d’enfant lui-même.
— Donc… elle marche bien ?
— À merveille. Vous voulez l’essayer ? J’ai les clés juste ici.
Il haussa un sourcil.
— Bien sûr ! Vous avez besoin d’une garantie ou quelque chose comme ça ? Je peux laisser mon permis.
Je pense qu’à ce moment-là, il aurait pu me convaincre de n’importe quoi. J’avais les jambes qui flageolaient un peu. J’essayai de déterminer si je voyais vraiment cette touche de vert dans ses yeux d’un gris métallique. J’espérais aussi avoir l’air décontracté lorsque je répondis :
— Je vais venir avec vous. Je connais les routes. On peut emprunter une des pistes les plus faciles pour que vous vous fassiez une idée de son maniement.
— Mais et le magasin ? Je m’en voudrais si vous manquiez de personnel durant les heures d’affluences.
Il montra du menton le magasin vide, réprimant visiblement un sourire.
— Votre patron va pas mal le prendre si vous vous absentez ?
J’éclatai de rire.
— Je suis un des propriétaires donc je peux me le permettre si je veux.
Je me tournai et lançai vers la réserve un : ‘ Ringo ! ‘
Un de nos employés sortit de l’arrière-boutique avec méfiance. Je l’ai toujours rendu nerveux. Si Lizzy n’était pas là, il mettait un point d’honneur à garder ses distances. Comme s’il s’attendait à ce que je lui fasse des avances. Il avait dix-sept ans, les cheveux noirs et filasses, la peau couverte d’acné et il était aussi épais qu’un fil de fer. Je n’avais pas le cœur de lui dire qu’il n’était pas mon genre.
— Ouais ?
— Garde la boutique. Je m’absente une heure environ.
Je me retournai vers mon grand et ténébreux étranger.
— Allons-y !
Une fois à l’intérieur de la Jeep, il me tendit la main.
— Je suis Matt Richards.
— Jared Thomas.
Sa poigne était ferme, mais il n’était pas de ces types qui avaient besoin de vous briser la main pour prouver leur virilité.
— Tournez à gauche. On va aller jusqu’au Rocher.
— Qu’est-ce que c’est?
— Exactement ça : un gros rocher tout con. Rien de spectaculaire. Les gens vont là-haut pour pique-niquer. Et bien sûr, les ados y vont parfois pour être tranquilles ou triper.
À cette réponse, il fronça légèrement les sourcils. Je commençais à penser qu’il ne souriait pas beaucoup. Moi, au contraire, j’arborais un grand sourire. M’échapper du magasin, même quelques minutes, surtout pour aller du côté des montagnes, suffisait à illuminer ma journée. Le faire en compagnie du plus beau mec que j’avais vu depuis je ne sais même plus combien de temps, c’était la cerise sur le gâteau.
— Alors, qu’est-ce qui vous amène dans notre chère ville?lui demandai-je.
— Je viens d’emménager.
— Vraiment? Qu’est-ce qui vous a pris de vouloir faire ça ?
— Pourquoi pas?
Son ton était léger, mais son expression restait sérieuse.
— Vous vivez bien ici, non? C’est si terrible?
— Eh bien, non. J’aime habiter ici. C’est pour ça que je ne suis jamais parti. Mais, bon… Vous savez, la ville se meurt. Il y a plus de gens qui partent que de gens qui s’installent. Les villes côtières sont en plein essor, personne ne veut vivre ici et faire le trajet jusque là-bas.
— Je viens d’être embauché par la police de Coda.
— … Vous êtes flic?
Il arqua un sourcil et fit d’un ton amusé :
— Est-ce que cela pose un problème?
— Euh, non, mais j’aurais aimé ne pas vous avoir parlé des gosses qui grimpent là-haut pour planer.
Il haussa à nouveau un sourcil et répondit avec légèreté :
— Ne vous inquiétez pas. Je ne leur dirais pas que c’est vous la balance.
Notre policier n’était pas sans humour.
— Donc, vous avez toujours habité ici?
Il avait plus l’air de faire la conversation que d’être réellement curieux.
– Ouais. Sauf pendant mes années d’université.
— Et vous possédez le magasin?
— Moi, mon frère et sa femme, ouais. Ça nous fait pas rouler sur l’or ou quoi que ce soit, mais on se débrouille. Brian est comptable et il a d’autres clients, donc il s’occupe surtout des comptes. Lizzy et moi, on gère la boutique.
— Mais vous êtes allé à l’université?
Cette fois, il avait l’air sincèrement intrigué.
— Ouais, je suis allé à l’université du Colorado. J’ai un diplôme en physique et un certificat d’enseignant.
— Pourquoi n’enseignez-vous pas?
— Je ne voulais pas laisser tomber Brian et Lizzy.
Ce n’était pas exactement ça, mais je ne voulais pas lui confier la vraie raison : que je n’avais pas envie d’affronter les conséquences d’être un professeur gay dans le lycée d’une petite ville.
— Qui d’autre s’occuperait du magasin? On ne peut pas se permettre d’engager quelqu’un à plein temps. Enfin, on pourrait s’ils ne voulaient pas d’avantages sociaux mais c’est ça qu’ils veulent. Alors à la place, on a Ringo à temps partiel. De plus, on récupère la moitié de son salaire parce qu’il le dépense en pièces pour sa voiture, donc tout ça se combine bien.
Je me mis à rire.
— Ringo! Ça ne peut pas être son vrai nom !
Mais je m’égarais.
— Désolé, je parle trop. Je dois vous ennuyer.
Il me regarda et répondit d’un ton sérieux :
— Non, pas du tout.
On était arrivés à la fin de la piste.
— Il va falloir que vous fassiez demi-tour ici.
Il arrêta la Jeep et regarda autour de nous, suspicieux. Il n’y avait aucune autre voiture.
— Je ne vois pas de rocher.
— C’est juste un peu plus haut. Vous voulez y aller?
Son visage s’éclaira un peu.
— Et comment!
Nous avons remonté le sentier à travers les pins à bois dur, les sapins de Douglas et les peupliers Tremble qui bourgeonnaient à peine sur un des piliers montagneux ayant donné leur nom aux Rocheuses. Les montagnes du Colorado étaient pleines de ces immenses piles de pierres immobiles, rondes et recouvertes de sauge sèche et de lichen couleur rouille. Celle-là faisait à peu près six mètres de hauteur. Et en passant par la colline, on arrivait quasiment à son sommet à pied. Mais où serait le fun ? Ces rochers ne demandaient qu’à être escaladés.
Une fois en haut, nous nous sommes assis. La vue n’était pas si différente. On voyait le sentier jusqu’à la Jeep, mais à part ça, il y avait seulement plus d’arbres, plus de rochers et encore plus de montagnes. J’adore le Colorado, mais on trouve ce type de paysage dans des centaines d’endroits. Je fus surpris d’entendre Matt émettre un soupir satisfait. Lorsque je le regardai, je vis qu’il semblait impressionné.
— Qu’est-ce que j’aime le Colorado ! Je suis de l’Oklahoma. Ici, c’est cent fois mieux, croyez-moi.
Il se tourna vers moi et j’arrêtai un instant de respirer. Il plissait un peu les yeux à cause du soleil. Il avait le teint bronzé, les yeux pétillants. Il y avait bien une pointe de vert.
— Merci de m’avoir amené ici.
— C’est quand vous voulez.
J’étais sincère.
MATTPASSA au magasin le lendemain pour acheter la Jeep. C’était un samedi, en général un de nos jours les plus chargés, raison pour laquelle Lizzy et moi étions tous les deux au magasin.
— Ça vous dit de venir boire une bière avec moi ?
Il était rasé du matin et ça le rajeunissait. Bon sang, qu’il était attirant…
— J’adorerais, mais ce sera pour une autre fois. J’ai un dîner familial de prévu.
— Oh.
Il avait vraiment l’air déçu.
— Eh bien, peut-être une autre fois…
— Hé ! nous interrompit Lizzy souriant d’une oreille à l’autre. Pourquoi vous ne vous joindriez pas à nous ? C’est juste un dîner à la maison. On serait ravis de vous recevoir.
Il accepta et on se mit d’accord pour qu’il revienne au magasin peu après sa fermeture à 5 heures.
Après son départ, je fis soigneusement attention à ne pas regarder Lizzy qui se tenait à côté de moi avec le sourire le plus ridicule que j’avais vu depuis longtemps. Ses cheveux blonds volaient dans tous les sens quand elle bougeait et ses yeux bleus à cet instant brillaient d’excitation. Je suppose qu’elle est quelque part entre ‘belle’ et ‘jolie comme un cœur’. Elle pourrait convaincre n’importe qui de lui décrocher la lune.
— Alors ? demanda-t-elle enfin.
— Alors quoi ?
Je savais que je rougissais et je me détestais pour ça.
— Tu sais quoi !
Elle me donna une tape sur le bras.
— Il est sexy ! Et il t’a invité à sortir. Tu n’es pas excité ?
Le fait était que je n’avais pas beaucoup d’amis. La plupart de mes copains de lycée étaient mariés avec des enfants. Ceux qui n’étaient pas mariés n’étaient tous que des fauteurs de troubles qui passaient leur nuit à boire au bar. Lizzy était probablement la meilleure amie que j’avais au monde et elle espérait toujours que je rencontre enfin quelqu’un.
— Je ne crois pas qu’il parlait d’un rendez-vous amoureux.
Son sourire faiblit un peu.
— Ah bon ?
— Tu trouves qu’il a l’air gay, toi ?
— Pas vraiment. Mais toi non plus, ça ne veut rien dire et tu le sais. Il voulait t’inviter à sortir et était déçu quand il n’a pas pu t’avoir à lui tout seul. À mon avis il est intéressé.
Son sourire était à nouveau rayonnant.
Je me sentis sourire à mon tour, et ce malgré moi.
— Je ne veux pas me faire trop d’illusions, mais je ne me plaindrais sûrement pas si tu avais raison.
LESGENS me demandent toujours à quel moment j’ai su que j’étais gay. Ils doivent se dire que j’ai eu une sorte de révélation, avec des lumières et une sirène hurlante, mais ça ne s’est pas passé comme ça pour moi. Ce fut plus une accumulation d’événements.
Je suppose que j’ai eu mes premiers indices à la puberté quand je me comparais à mon frère Brian, de deux ans mon ainé. Tandis qu’il accrochait aux murs des posters de Cindy Crawford et de Samantha Fox, j’en accrochais seulement de voitures et de l’équipe de foot américain de Denver, les Broncos. Je savais qu’il trouvait les filles attirantes et fascinantes d’une façon qui m’était inconnue, mais je n’y prêtais pas trop attention.
Un weekend, j’avais alors quinze ans, mon père est allé à un match des Broncos et m’a rapporté un poster qui montrait l’équipe entière avec les pom-pom girls arrangées autour des joueurs dans des positions provocantes. Brian m’a aidé à l’accrocher, et nous sommes restés quelques minutes à le détailler.
— Qui a l’air le plus sexy d’après toi ? m’a demandé Brian.
— Steve Atwater, ai-je répondu sans même réfléchir.
Il a ri, mais c’était un rire nerveux, comme s’il ne savait pas si je plaisantais ou pas. Quand je me suis tourné vers lui, il m’a fixé, d’un air qui allait me devenir familier, où humour, confusion et inquiétude se mélangeaient. J’étais embarrassé. J’ai compris que je n’avais pas donné la bonne réponse. Mais je ne savais pas vraiment pourquoi.
— Non, a-t-il corrigé, je veux dire, laquelle des pom-pom girls ?
À dire vrai, je les avais à peine remarquées.
Bientôt, mes amis se sont mis à échanger des revues érotiques, en ricanant et les mains tremblantes. Je ne savais pas exactement ce qu’ils ressentaient quand ils les regardaient, mais de toute évidence c’était autre chose qu’un léger embarras, contrairement à moi.
Il a fallu que je rencontre Tom pour comprendre à quel point j’étais différent. Tom jouait au football avec mon frère Brian. Ils étaient meilleurs amis. J’avais seize ans, eux dix-huit. À partir du moment où il est entré dans la maison à la suite de mon frère, je suis tombé sous son charme. Je pouvais à peine lui parler et n’arrivais pas à détacher les yeux de lui. Son rire suffisait à provoquer chez moi des réactions physiques qui me forçaient à toujours garder un livre à portée de main pour me couvrir rapidement. Je marchais sur une corde fragile qui oscillait entre désirer le voir le plus possible et vouloir être invisible. Brian me regardait, une fois de plus avec ce même air, celui qu’il avait eu le jour où le nom de Steve Atwater m’avait échappé : inquiétude, confusion, gêne. Je les ai vus partir pour l’université après l’obtention de leur diplôme de fin de lycée avec un certain soulagement.
Après ça, j’en ai été sûr, même si je ne l’ai dit à personne. J’ai feint de ne rien savoir durant le lycée et prétendu être normal. Je n’ai jamais essayé le football américain parce que les complications que cela pourrait entraîner dans les vestiaires m’effrayaient, rien que mon imagination m’effrayait. Je suis sorti avec quelques filles, mais c’était surtout en groupe ; on se tenait la main quelques fois, on s’embrassait même. Ces baisers étaient, pour moi du moins, complètement dénués de magie ou de frissons, limite perturbants, et ce n’est jamais allé plus loin.
Une fois arrivé à l’université, loin de chez moi, je me suis finalement permis d’expérimenter. J’ai rencontré des mecs en boîte ou à la salle de sport et j’ai eu quelques aventures sans lendemain. Je n’ai jamais éprouvé ce qu’on pourrait appeler l’amour, mais je savais après tout cela, sans l’ombre d’un doute, que j’étais gay.
Il va sans dire, que jamais je n’avais prévu d’atteindre la trentaine et d’être toujours célibataire. Être gay dans une ville aussi petite n’est pas facile. Le Colorado n’est pas exactement le rendez-vous des homos. Ce n’est pas impossible d’en trouver, mais ce n’est pas San Francisco non plus. Ici, la plupart des gens me connaissent, et si une majorité m’accepte, certains détournent encore le regard quand je passe à côté d’eux à l’épicerie ou refusent que je les serve quand ils viennent au magasin. Les chances de trouver un partenaire à Coda étaient presque nulles, alors que les chances de finir seul me semblaient terriblement élevées.
CESOIR-LÀ, Matt rencontra ma famille. Lizzy rentra du travail plus tôt, sous prétexte de préparer le dîner à l’avance, mais je pense qu’en réalité elle voulait mettre Brian et Maman au courant avant qu’on arrive. Brian, bien sûr, fut courtois. Maman le jaugea du regard mais sembla aimer ce qu’elle voyait.
— Est-ce que vous faites du VTT en montagne ? lui demanda-t-elle à un moment de la soirée.
— J’ai vendu mon vélo avant de venir ici. J’aime faire du VTT, mais dans l’Oklahoma il n’y a pas vraiment de montagnes. Pourquoi ?
— Jared est là-haut avec son vélo dès qu’il a un jour de congé. Tout seul. Je n’arrête pas de lui dire que ce n’est pas prudent. Et s’il lui arrivait quelque chose ?
— Arrête, Maman, calme-toi. Est-ce que je me suis déjà fait mal ?
— À chaque fois !
Et voilà, on était reparti pour un tour. Je résistai à l’envie de lever les yeux au ciel.
— Maman, quelques bosses et bleus ne comptent pas.
— Mais tu ne portes même pas de casque !
Elle commença à se lamenter. Je détestais qu’elle tente de me culpabiliser, mais je haïssais encore plus les casques.
— J’en porte sur les pistes les plus difficiles. J’aimerais que tu arrêtes de t’inquiéter autant.
— Mais il n’y a personne avec toi si jamais il t’arrive quelque chose.
— Parles-en à ton autre fils, Maman, la taquinais-je. C’est lui qui refuse d’en faire avec moi.
— Je n’arrive pas à suivre ! répliqua Brian, les mains levées comme pour se rendre.
— De toute façon, interrompit Lizzy, ce ne sont pas ces pistes qui m’inquiètent. Cette ville me fait bien plus peur avec ces cinglés d’automobilistes qui téléphonent au volant et ne regardent pas où ils vont.
Elle agitait son index dans ma direction. Ce n’était pas la première fois que j’entendais cette tirade.
— Tu vas au travail à vélo tous les jours et tu ne portes jamais ton casque. Ce n’est pas prudent. Je parie que Matt pourrait te raconter toutes sortes d’horribles accidents impliquant des cyclistes sans casque. Pas vrai, Matt ?
Ce dernier avait l’air amusé.
— J’en sais suffisamment pour ne pas interférer avec ce type de disputes familiales.
— Brian, suppliai-je, sauve moi de ta femme !
Brian éclata de rire mais eut pitié de moi et changea le sujet.
— Dîtes-moi, Matt, vous êtes fan de football ?
— Quelle question !
— Vous êtes de l’Oklahoma ? Supporter des Cowboys ?
Il sourit légèrement et je sentis qu’il s’apprêtait à nous surprendre.
— Je soutiens les Chiefs.
— Oh non !
Des cris fusèrent de toute la table. Lizzy se mit à le mitrailler de morceaux de pains. On est des purs supporters des Broncos dans la famille, alors annoncer son soutien à nos rivaux, les Chiefs, c’était l’équivalent d’une hérésie.
— Jared, tu devrais avoir honte d’amener un fan des Chiefs dans ma maison ! Je devrais vous jeter tous les deux dehors ! hurla joyeusement Brian.
— Et il avait l’air d’un si gentil garçon … ajouta maman d’un air triste, mais une lueur malicieuse dans le regard.
— Hé, je ne savais pas ! Je pensais que quiconque d’assez intelligent pour venir vivre dans le Colorado saurait reconnaître la meilleure équipe !
— Allez, dit Matt, tout le monde se calme, maintenant. Vous, les fans des Broncos, vous êtes si coincés !
Cela lui valut une deuxième tournée de huées et Lizzy lui lança un autre bout de pain. Il l’attrapa au vol et me la lança dessus.
— Vous savez, ça pourrait être pire. Au moins je ne soutiens pas les Raiders.
Bien sûr, tout le monde ne put qu’agréer.
Juste après le dîner, maman rentra chez elle. J’envoyai Matt sur la terrasse tandis que j’allais chercher des bières dans la cuisine. Lizzy m’accueillit avec un énorme sourire.
Je tentai de l’ignorer et demandai :
— Vous nous rejoignez dehors ?
— Bien sûr, commença à répondre Brian, dès que…
— Non ! l’interrompit Lizzy avec une tape légère sur l’épaule. Non. Nous, on va donner aux garçons un peu de temps seuls tous les deux.
— Ah.
Brian eut l’air un peu troublé par cette perspective. Je me remémorai soudain l’incident Steve Atwater. Apparemment, savoir que j’étais gay était une chose, mais c’était la première fois qu’il avait vraiment à m’imaginer avec un partenaire potentiel. Je n’avais jamais eu de copain suffisamment sérieux pour le présenter à ma famille.
— Lizzy, je ne pense pas que ce soit nécessaire. Je suis presque certain que ce n’est pas ce qu’il a en tête, tu sais.
— Je n’en serais pas aussi certaine. Vous ne vous êtes pas quittés des yeux de toute la soirée. Je vais monter et Brian va débarrasser.
— Et qu’est-ce que je suis censé lui dire ?
— Tu plaisantes ? Dis-lui que la femme enceinte s’est sentie fatiguée et a eu besoin d’aller s’allonger. Ce n’est même pas un mensonge. Je suis épuisée. Mais…
Elle me menaça du doigt.
— Je veux un rapport complet demain matin.
Deux bières plus tard, j’étais totalement détendu. Nous étions affalés dans les chaises du patio, profitant d’une nuit assez clémente pour la saison.
— Donc… Tu es marié ? lui demandai-je
— Oh que non.
— Divorcé ?
— Non plus.
— As failli te marier ?
— Non.
Voilà qui semblait un peu étrange. À notre âge, je me serais presque attendu à une occasion ratée. À moins que…
— Pourquoi pas ?
Il commençait à avoir l’air mal à l’aise et se mit à gratter l’étiquette de sa bouteille de bière.
— Je suppose que je n’ai pas trouvé une fille qui m’en a donné envie.
— Et tu l’as éprouvé pour un homme ?
Ces mots m’échappèrent avant que je puisse les stopper. Et bien sûr, j’avais vraiment envie de savoir.
— Quoi ? Non !
Il avait l’air inquiet et un peu énervé.
— Bien sûr que non. Comment peux-tu me demander ça ?
L’étincelle d’espoir que Lizzy avait éveillée en moi s’éteignit.
— C’était juste une question, pas de quoi t’inquiéter. Désolé d’avoir abordé le sujet.
— Je ne suis pas gay !
— D’accord.
— Pourquoi ?
On aurait dit un défi.
— Tu l’es ?
— Oui.
Il l’aurait appris tôt ou tard de toute façon.
Il eut l’air pris de court. Il fronça les sourcils, me dévisagea.
— Tu l’es ? Je veux dire, je plaisantais. Je ne pensais pas vraiment que tu dirais oui.
Je laissai échapper un rire un peu mal à l’aise.
— Eh bah, c’est le cas.
Je le regardai droit dans les yeux.
— Ça te pose un problème ?
— Eh bien…
Au moins, il eut le bon sens de s’interrompre et de réfléchir avant de parler. Il jouait à nouveau avec l’étiquette de sa bouteille.
— Je ne sais pas. Je n’ai jamais…
L’étiquette se décolla et il sembla perdu, comme s’il ne savait pas quoi faire avec maintenant qu’il l’avait détachée.
— Tu sais, ce n’est pas contagieux, le taquinai-je à présent, en espérant qu’il le comprendrait.
Mais j’étais presque sûr qu’il ne me demanderait plus jamais d’aller dîner ou boire un verre avec lui.
— Je sais. Bien sûr que je le sais.
Il soupira et la tension dans ses épaules disparut un peu. Il secoua la tête.
— Je me conduis comme un imbécile. Ça ne me regarde pas, avec qui tu couches.
Une pause et puis :
— Juste, je voudrais que tu saches…
Nos regards se croisèrent à nouveau.
— Moi, je ne le suis pas.
Je souris.
— Hé, ce n’est pas comme si j’allais t’embrasser.
Bien que justement, cette idée fut suffisante pour que mon sang s’accélère dans mes veines. Mais apparemment, c’était tout ce qu’il avait besoin d’entendre pour que le reste de la tension qui l’habitait le quitte dans un soupir.
— Bref, de toute façon, aucun gars du Colorado qui se respecte ne sortirait avec un supporter des Chiefs.
Cela le fit rire et après ça, nous étions de retour sur un terrain moins dangereux. Cette conversation semblait avoir été oubliée.
LIZZYM’APPELA à la première heure le lendemain matin.
— Alors ? Que s’est-il passé ?
— Il est hétéro.
— Oh.
Elle avait l’air aussi déçu que moi.
— Tu es sûr ?
— Il était assez catégorique, oui.
— Oh Jared, dit-elle avec sincérité. Je suis tellement navrée !
— C’est bon, Lizzy. Vraiment. Je le connais à peine. Ce n’est pas comme si j’étais amoureux.
— Je sais, mais tu avais l’air si bien, hier soir. Je voulais juste que tu sois heureux.
— Je sais, Lizzy. Je ne vais pas prétendre que je n’espérais pas qu’il soit gay. Mais il est hétéro, et c’est tout, il n’y a plus rien à dire. Je survivrai.
— VATE faire couper les cheveux, espèce de clodo !
Lizzy me harcelait à nouveau à propos de mes cheveux. C’était un de ses sujets favoris.
— Sérieusement, Jarhead, je ne sais pas quel style c’est censé être, mais c’est passé de mode.
Je ne suis pas un Marine. Mais Lizzy trouve amusant de m’appeler ‘Jarhead’, le surnom donné aux membres des Marines, quand elle trouve que je suis particulière buté. Ce qui arrive souvent.
Elle adore me houspiller au sujet de la longueur de mes cheveux. La vérité, c’est que me couper les cheveux est assez problématique. Il y a seulement deux endroits à Coda où l’on peut aller chez le coiffeur. Il y a Gerri, le barbier, où vont la plupart des hommes en ville. Mais Gerri est de l’ancienne école et un de ceux qui me traite comme un paria, alors je ne peux pas m’y rendre. Ensuite, il y a le salon de beauté de Sally, où vont la plupart des femmes. J’y suis allé plusieurs fois, mais ça a été une expérience horrible. Les filles semblaient toutes penser que sous prétexte que je suis gay, je voulais échanger des potins avec elles, discuter de qui couchait avec qui ou débattre des qualités de Brad Pitt contre celles de Johnny Depp – aucun des deux n’étant mon genre. Une fois, j’ai laissé Lizzy me couper les cheveux, mais ça avait été un désastre complet, que ni Lizzy, ni moi ne voulions réitérer.
Mes cheveux blonds sont épais et naturellement bouclés. S’ils sont trop courts, je frise comme un mouton. Si je les laisse pousser, mes boucles pendent. J’aurais pu les raser, mais ça me semblait demander trop d’entretien. C’est comme ça que j’ai fini avec une crinière de boucles. Même si je dois admettre que ça ressemble plus à une vieille serpillère. Au magasin, j’essaie de les attacher. Si je tire mes cheveux en arrière, ils sont juste assez longs pour que l’élastique tienne. Mais à la fin de la journée, la moitié s’en sera échappée.
— Lizzy, j’aime mon style hirsute. Comme ça, toi et moi on est assortis, tu vois ?
Ses cheveux sont à peu près de la même couleur que les miens, mais plus longs, et ses boucles font de légères vagues. Elle les rejeta par-dessus son épaule et me fit un doigt d’honneur avant de se tourner vers Ringo.
— Ringo, dit à Jared qu’il doit se couper les cheveux !
Ringo, assis au comptoir, leva les yeux de ses devoirs avec un petit air paniqué. Lizzy le laissait étudier du moment qu’il n’y avait pas de clients.
— Hein ? C’est à moi que tu parles ?
Elle leva les yeux au ciel, amusée.
— Franchement !Personne ne m’écoute. Qu’est-ce qui te perturbe comme ça ?
— Algèbre niveau confirmé.
Il laissa tomber son crayon sur son livre et repoussa ses cheveux en arrières à l’aide de ses deux mains.
— Comment on peut arriver à faire ce truc ?
— Tu vas y parvenir, le rassura Lizzy.
— Comment ? Je n’y comprends rien. Et mon professeur se contente de suivre le livre. Mes parents ne peuvent pas m’aider. Personne ne peut me l’expliquer de façon à ce que j’y comprenne quelque chose.
Il ramassa son crayon et appuya la tête sur sa main alors qu’il s’y remettait.
— Je déteste l’algèbre.
— Jared peut t’aider.
— Quoi ?
Ringo et moi crièrent d’une même voix. J’étais horrifié qu’elle ose même le suggérer et il était évident que lui aussi, à en juger par son expression.
— Jared est vraiment bon en maths. Il est censé être prof de physique, non ?
Elle me lança un regard perçant dont je me détournai.
— Peut-être qu’il peut te donner des cours particuliers.
— Peut-être…
Ringo avait l’air assez sceptique. Je restai silencieux.
Lizzy partit peu après puisque c’était elle qui avait ouvert la boutique ce jour-là. Nous n’eûmes pas beaucoup de clients cet après-midi-là alors Ringo passa la moitié de son temps à tenter de résoudre ses problèmes de maths. Il n’arrêtait pas d’effacer pour réécrire ses réponses et je devinais sa frustration. De temps en temps, il me jetait un coup d’œil et je savais qu’il hésitait à me demander de l’aide. Je fis semblant de ne rien voir.
Enfin, alors que je fermais la caisse, il dit d’une voix incertaine:
— Jared, tu sais vraiment tous ces trucs ?
— Oui, vraiment.
— Qu’est-ce qu’elle voulait dire par ‘censé être professeur’ ?
— C’est ce que j’avais prévu de faire quand je suis allé à l’université.
— Alors pourquoi tu ne l’as pas fait ?
J’aurais pu lui donner la même réponse que j’avais déjà donnée à Matt, mais je ne sais pourquoi, je lui dis la vérité.
— Pour la même raison que tu ne veux pas que je te donne de cours particuliers. Certaines personnes pensent que parce que je suis gay, je vais agresser chaque jeune garçon qui va croiser mon chemin.
Il resta silencieux pendant plusieurs secondes, et je compris que je l’avais embarrassé. Je me sentis un peu coupable, mais ce n’était pas comme si je pouvais effacer mes paroles.
— C’est ce que dit mon père.
Ses joues étaient écarlates et il refusait de me regarder.
— Il dit que je ne dois pas rester seul avec toi dans le magasin. Je lui ai dit que Lizzy est toujours là. Il ne sait pas qu’elle s’en va parfois.
Mes mains tremblèrent un peu, j’essayai de me retenir de frapper quelque chose.
— Je ferais bien attention à garder mes distances, alors.
— Le truc, c’est que tu n’as jamais essayé quoi que ce soit avec moi. Je ne t’ai jamais vu faire des avances à personne.
— Gamin, je suis gay. Je ne suis pas pervers et je ne suis pas pédophile.
— Je ne suis pas un gamin ! protesta-t-il, indigné.
Je pris une grande inspiration pour me calmer. Bien sûr, à dix-sept ans il croyait qu’il n’était plus un enfant, même s’il l’était pour moi.
— Je sais. Je dis juste que le fait que je sois gay ne veut pas dire que je suis incapable de me contrôler. Ou que je n’ai pas de critères. Est-ce que tu flirtes avec chacune des filles que tu croises ? Même celles qui ont quatorze ans ? Ou celles qui sortent avec d’autres mecs ?
D’accord, il venait juste d’avoir dix-sept ans. C’était peut-être un mauvais exemple.
— Et Lizzy ? Elle aime les hommes elle aussi, mais tu n’as pas l’air inquiet à l’idée qu’elle te fasse des avances.
Je voyais presque les rouages de son cerveau se mettre en route pendant qu’il y réfléchissait. Il finirait pas comprendre, ou pas, mais je n’avais pas envie de continuer à jouer les prêcheurs.
— Laisse tomber, Ringo. Je vais fermer les portes. Éteins les lumières quand tu partiras.
— Jared, attend !
Je me retournai. Il se mordait la lèvre et tapait nerveusement son crayon contre son livre, mais au moins il me regardait.
— Je ne vais jamais avoir la moyenne dans ce cours sans aide. Je ne peux pas te payer, mais je ferais des heures supplémentaires si tu me donnes des cours.
— Et ton père ?
Il haussa les épaules.
— Il veut que je réussisse. Je trouverai une solution.
Ce changement soudain d’attitude me surprit un peu. Peut-être que j’avais vraiment réussi à le toucher. Ou peut-être qu’il était à ce point désespéré à l’idée d’échouer dans cette matière. De toute façon, j’étais surpris de trouver que l’idée de lui donner des cours ne m’était pas aussi épouvantable que je l’avais tout d’abord pensé. J’étais même un peu impatient d’avoir quelque chose de différent à faire. Ce serait peut-être même amusant.
Amusant ?
Voilà qui était une preuve assez triste de l’état de ma vie sociale. Passer mon temps assis au comptoir d’une quincaillerie qui vendait aussi des pièces de voitures n’était pas exactement le travail le plus stimulant. Au moins, j’aurais l’occasion de dérouiller une partie de ma matière grise pour le moins négligée.
Ringo me regardait toujours, attendant ma réponse. Pourquoi pas ?
— D’accord, gamin. Voyons où tu en es.
RINGOS’AVÉRA être bon élève. Il avait la mauvaise habitude d’ajouter les nombres dans des équations au lieu de s’occuper des variables, mais une fois cette manie corrigée, il commença à faire des progrès. Il était aussi un peu handicapé par sa fierté. Il me disait souvent qu’il comprenait les choses avant de vraiment les comprendre, mais il n’abandonnait jamais. Je l’aidais depuis quelques semaines quand Matt vint au magasin.
— Bonjour Jared ! lança-t-il en entrant. J’espérais t’attraper avant que tu partes.
Je ne l’avais pas revu depuis cette soirée chez Lizzy, quand il avait découvert que j’étais gay. Je m’étais attendu à ne plus avoir de nouvelles de lui.
Aussitôt, Lizzy feignit un immense intérêt pour une étagère de filtres à huile. Je savais qu’elle essayait d’entendre chaque mot en prétendant le contraire.
— Je te dois toujours un dîner et une bière. Qu’est-ce que tu en dis ?
Il jeta un coup d’œil à Lizzy.
— Vous êtes la bienvenue si vous voulez vous joindre à nous, bien sûr.
— Qui ? Moi ?
Elle trouva le moyen d’avoir l’air à la fois embarrassée et nerveuse à l’idée de s’être fait surprendre à espionner notre conversation.
— Non. Brian m’attend et je n’ai pas le droit de boire jusqu’à la naissance du bébé. Amusez-vous sans moi.
Nous descendîmes la rue jusqu’au Mamacita, le seul et unique restaurant mexicain.
— Tu es sûr que ça ne te gêne pas ? lui demandai-je avant qu’on entre.
— Que quoi me gêne ?
— C’est une petite ville. Les gens vont te voir avec moi et ils vont en tirer des conclusions hâtives.
Il fronça légèrement les sourcils et je réalisai qu’il n’y avait pas pensé avant. Puis il haussa les épaules.
— On ne fait que dîner.
— D’accord. Mais ne dit pas que je ne t’ai pas prévenu.
Une fois installés, notre serveuse, Cherie, vint prendre notre commande.
— Jared, qui est ton ami ? demanda-t-elle.
