Perdu en chemin - Marie Sexton - E-Book

Perdu en chemin E-Book

Marie Sexton

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Beschreibung

Contes d'un étrange livre de cuisine, numéro hors série Trois mois après avoir perdu ses parents dans un accident de voiture, Daniel Whitaker, météorologue à Denver, retourne à Laramie dans le Wyoming. Il lui est déjà suffisamment difficile de faire face à la mort de ses parents et à sa relation de quinze ans qui ne cesse de se dégrader, mais lorsqu'il retrouve sa maison d'enfance sens dessus dessous, il se voit complètement désemparé. Il se tourne alors vers Landon, le voisin séduisant de ses parents, et lui demande son aide afin de ranger tout le désordre. Landon Kushner est une contradiction humaine. Il fabrique des sculptures époustouflantes à partir de débris de métal et adore le plein air, mais il conduit également une Vespa vert menthe et possède un faible pour le tricot et le voyeurisme. Il a été l'ami des parents de Daniel durant de nombreuses années et est ravi de pouvoir lui prêter main-forte. Leur plan est simple : ranger et nettoyer la maison afin que Daniel puisse la vendre et reprendre le cours de sa vie à Denver. Mais lorsqu'un étrange livre de recettes de cuisine atterrit en la possession de Landon, Daniel se met à réaliser que l'univers – et Grand-Mère B – lui a peut-être réservé un autre destin.

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Seitenzahl: 229

Veröffentlichungsjahr: 2017

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Perdu en chemin

Par Marie Sexton

Contes d’un étrange livre de cuisine, numéro hors série

Trois mois après avoir perdu ses parents dans un accident de voiture, Daniel Whitaker, météorologue à Denver, retourne à Laramie dans le Wyoming. Il lui est déjà suffisamment difficile de faire face à la mort de ses parents et à sa relation de quinze ans qui ne cesse de se dégrader, mais lorsqu’il retrouve sa maison d’enfance sens dessus dessous, il se voit complètement désemparé. Il se tourne alors vers Landon, le voisin séduisant de ses parents, et lui demande son aide afin de ranger tout le désordre. Landon Kushner est une contradiction humaine. Il fabrique des sculptures époustouflantes à partir de débris de métal et adore le plein air, mais il conduit également une Vespa vert menthe et possède un faible pour le tricot et le voyeurisme. Il a été l’ami des parents de Daniel durant de nombreuses années et est ravi de pouvoir lui prêter main-forte.

Leur plan est simple : ranger et nettoyer la maison afin que Daniel puisse la vendre et reprendre le cours de sa vie à Denver. Mais lorsqu’un étrange livre de recettes de cuisine atterrit en la possession de Landon, Daniel se met à réaliser que l’univers – et Grand-Mère B – lui a peut-être réservé un autre destin.

Table des matières

Résumé

Remerciements

Prologue

I

II

III

IV

V

VI

VII

VIII

IX

X

Épilogue

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Biographie

Par Marie Sexton

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Droits d'auteur

Remerciements

AVEC UNE gratitude sincère :

Wendy Russo, de nous avoir donné l’idée à Amber et moi.

Amber, d’être une compagne bibitive aussi fantastique.

Alanna Coca, de m’avoir plus que jamais aidé en ce qui concerne Laramie.

Larissa Ione and Shae Connor, d’être des gourous de la météo.

Prologue

Février

UN APPEL téléphonique à 3 heures du matin n’augure jamais rien de bon. Je me réveillai en sursaut à la première sonnerie de mon portable alors qu’à côté de moi, Chase grognait et s’enfonçait dans son oreiller.

— Que se passe-t-il ? Qui peut bien appeler à cette heure-ci de la nuit ?

Je me mis à tâtonner la table de nuit à la recherche de mon portable alors que l’adrénaline m’envahissait. Je jetai un œil à l’écran et me redressai immédiatement.

Chase, ressentant que quelque chose n’allait pas, leva légèrement la tête de son oreiller.

— Qui est-ce ? demanda-t-il d’une voix ensommeillée.

Bonne question. L’appel était en provenance du Wyoming, mais le numéro m’était inconnu. Ma première pensée fut qu’il provenait probablement de l’hôpital Laramie. Cela devait être ma mère, m’annonçant que mon père venait de faire une crise cardiaque. Ou bien mon père, m’appelant pour me raconter que ma mère était tombée dans la salle de bain et s’était cassée la hanche.

— Daniel ? dit Chase en s’asseyant et en posant la main sur mon épaule. Mon cœur, que se passe-t-il ?

Le téléphone sonna une troisième fois et je choisis de répondre plutôt que de laisser Chase le faire.

— Allo ?

— Danny ? demanda une voix masculine que je ne reconnus pas. Est-ce bien Danny Whitaker ?

Plus personne ne m’appelait Danny. Mon corps entier se mit en état d’alerte.

— Oui. À qui ai-je l’honneur ?

— Landon Kushner, de Laramie. Je vis en face de chez vos parents. Il marqua une pause et je compris immédiatement qu’il cherchait comment s’exprimer. Je crains d’avoir de mauvaises nouvelles pour vous.

C’était pire que ce que je m’étais imaginé. Landon venait de m’annoncer que mes parents étaient décédés, tués tous les deux dans un accident de voiture sur l’I -80, un peu à l’ouest de Sidney dans le Nebraska.

— Mais…, bégayai-je, que faisaient-ils dans le Nebraska ?

— Ils étaient sur le chemin du retour après avoir rendu visite à de la famille à Omaha.

— Oh. Je me sentis stupide d’avoir posé cette question. Ils étaient tous les deux nés et avaient grandi à Omaha. La sœur de ma mère et les deux frères de mon père y vivaient encore. Pourtant, tout cela me semblait surréaliste. Je déglutis à nouveau en tentant de faire le point sur les différentes émotions qui me submergeaient. Je me sentais surtout paralysé, incapable de faire quoi que ce soit. Je savais que la tristesse finirait par m’envahir, mais pas encore.

— Comment êtes-vous au courant ?

— Je m’occupais de leur maison durant leur absence. Ils auraient dû être rentrés depuis des heures. J’ai eu un pressentiment… Il s’interrompit et je l’entendis prendre une longue inspiration. J’imagine que la police du Nebraska ne savait pas qui informer. Ils ont contacté le département de police de Laramie et ils ont envoyé quelqu’un chez vos parents. Je viens de finir de leur parler.

— Oh mon Dieu.

Après des années à avoir vécu pratiquement comme des étrangers, mes parents et moi avions finalement renoué le contact seulement quelques mois plus tôt. Cela avait commencé par un appel à Thanksgiving, puis à Noël. L’appel le plus récent que j’avais reçu était le jour de mon anniversaire. Ma mère m’avait même demandé, pleine d’espoir, si je comptais passer le 4 juillet avec eux.

— Nous ferons un barbecue et puis nous irons en ville. Elle avait ensuite ajouté avec hésitation, Chase est invité aussi, bien sûr.

C’était la seule chose que j’avais attendue depuis si longtemps : la reconnaissance du fait qu’après presque quinze années passées ensemble, Chase faisait autant partie de ma famille qu’eux. Durant longtemps, j’avais eu l’impression de devoir constamment faire un choix entre eux et lui. Finalement, au cours de ces derniers mois, j’avais commencé à croire que je pouvais avoir les deux.

Mais ce ne serait plus jamais le cas.

Au moins, nous avions discuté. Au moins, ils n’étaient pas morts en pensant que je les détestais. Malgré tout, c’était injuste. Comment pouvaient-ils partir alors que nous étions aussi près de nous réconcilier ?

Chase se rapprocha de moi et posa une main chaude et réconfortante dans mon dos. Il me tendit ensuite un mouchoir alors que je n’avais même pas réalisé que j’étais en larmes.

— Danny, dit Landon d’une voix hésitante. Je suis tellement désolé.

— Moi aussi.

LES JOURS suivants furent un brouillard d’appels téléphoniques – des membres lointains de la famille, le médecin légiste de l’hôpital de Sidney, Landon, ainsi que l’avocat de mes parents qui m’avait informé que ceux-ci avaient acheté des emplacements dans le cimetière d’Omaha cinq ans plus tôt. Même s’ils avaient déménagé à Laramie lorsque j’avais cinq ans et qu’ils y avaient vécu durant près de trente-deux ans, mes parents semblaient n’avoir jamais considéré cette ville comme la leur.

Pourtant je la considérais toujours comme la mienne, même après tout ce temps. Cependant, je n’avais aucune hâte d’y retourner, même si je finissais par avoir à le faire. Leur maison et tout ce qui se trouvait à l’intérieur m’appartenaient. Mais pour le moment, il y avait des arrangements à prévoir, différentes phases de deuil à endurer, un mémorial à organiser à Omaha et une famille entière à gérer. La maison devrait attendre.

I

Mai

CE N’ÉTAIT pas une nuit sombre et orageuse. D’une certaine manière, cela aurait été approprié, compte tenu de mon humeur le jour où je devais fatalement retourner dans ma ville natale afin de m’occuper de la maison de mes parents. Au lieu de cela, le soleil brillait dans le ciel bleu du Colorado, comme pour me faire un pied de nez.

Je souriais en présentant le bulletin météo de l’après-midi pour la région de Denver – 10 pour cent de chance qu’il pleuve dans la soirée, rafraîchissement au cours de la nuit – et des prévisions concernant les éclaircies du lendemain ainsi que les 30 % de chance de tempête. Une journée typique de mai, en somme. Après cela, je me dirigeai vers mon bureau avec appréhension.

Je ne tenais réellement pas à faire le déplacement, mais j’avais déjà repoussé l’échéance depuis trop longtemps. Landon s’était généreusement occupé de la maison de mes parents depuis leur mort, mais il était temps que je m’en charge une fois pour toutes.

Chase m’appela à 16 h, alors que je retirais mon maquillage à l’aide d’une lingette pour enfant. Il me taquinait souvent sur le fait que je sois obligé d’en porter, mais la caméra pouvait s’avérer très brutale.

— Je pensais faire des burgers pour le dîner, dit-il, mais il n’y a plus de petits pains. Pourrais-tu passer en chercher sur le chemin du retour ?

— Bien sûr.

Dîner un peu plus tôt que d’habitude serait parfait si nous voulions prendre la route avant 18 h.

— Prends aussi du café.

— D’accord.

— Tu reviens bientôt ?

— Dans quelques minutes.

— Bien. À tout de suite.

— Je t’aime.

— Bye.

Ce genre de conversation m’était devenu aussi routinier que de boire une tasse de café le matin. Même si la loi nous empêchait, Chase et moi, d’être mariés légalement, nous nous considérions comme « époux » depuis plus de quinze ans. Non, je n’étais pas impatient de retourner à Laramie, mais au moins j’aurais Chase à mes côtés. Notre relation s’était quelque peu détériorée ces derniers temps. Nous ne nous disputions pas réellement, étant donné que nous discutions à peine. Les choses étaient devenues de plus en plus mécaniques et platoniques – nous étions à peine plus que de simples colocataires. J’espérais sincèrement que passer quelques jours loin de notre routine nous aiderait à traverser cette mauvaise passe.

Comme Chase me l’avait demandé, je m’arrêtai à un Safeway en rentrant. Choisir des petits pains était facile, mais alors que j’étais incapable de me décider quel type de café prendre – crème de caramel ou amende biscotti – je sentis une tape légère sur mon épaule.

— Êtes-vous Daniel Whitaker ? me demanda une femme d’une cinquantaine d’années vêtue d’un survêtement.

— Oui.

— Le présentateur météo de Channel 9 ?

— Oui… répondis-je avec hésitation. Son ton m’indiquait clairement qu’elle ne s’apprêtait pas à me lancer des roses.

— Il était censé pleuvoir hier soir, mais ça n’a pas été le cas. J’ai raté mon jogging de l’après-midi parce que vous aviez annoncé qu’il pleuvrait.

— J’ai dit qu’il y avait soixante-dix pour cent de chance qu’une averse se produise.

Et personnellement, j’avais voulu que l’on réduise le pourcentage à soixante, mais le météorologue en chef de la station en avait décidé autrement.

Elle croisa les bras et se mit à taper du pied.

— Mais il n’a pas plu.

— Si. Simplement pas jusqu’ici. C’était plutôt vers Castle Rock et Parker.

— Mais pas ici.

Je réprimai mon envie de soupirer ou de lui expliquer que « soixante-dix pour cent de chance d’averse » n’était qu’une moyenne des prévisions pour la région. Nous étions certains à 90 pour cent qu’il pleuvrait dans la partie sud de la région, et seulement à 40 pour cent que ce serait le cas dans la partie nord, ce qui nous menait à une prévision de 70 pour cent.

— On peut envoyer des gens sur la lune, mais on ne peut pas prévoir correctement la météo, marmonna-t-elle en s’éloignant. Peut-être qu’un de ces jours vous parviendrez enfin à faire votre métier correctement.

Je ruminai sur ma petite altercation durant tout mon trajet. Tout le monde connaissait les fameuses blagues sur les météorologues comme : « Pourquoi le météorologue a-t-il été viré ? Parce que la météo n’était pas d’accord avec lui » ou encore « Qui est-ce que tout le monde écoute, mais que personne ne croit ? Le météorologue. »

Comme d’habitude, ce n’était pas que notre prévision avait été erronée, mais beaucoup de téléspectateurs ne comprenaient pas le principe d’une prévision. Ils ne semblaient pas non plus réaliser à quel point il pouvait être difficile de rassembler des événements climatologiques majeurs dans une zone aussi grande et géographiquement variée que la nôtre et les dévoiler en seulement trois minutes. Cela aurait été plus facile si nous pouvions nous occuper uniquement de la ville de 155 km2 qu’était Denver, mais nos prévisions recouvraient l’état entier du Colorado – une zone impressionnante de 1004 km2 – et s’étendaient jusqu’à Laramie dans le Wyoming. C’était la part la plus frustrante de mon métier. Nous prédisions le futur, pour l’amour du ciel. Même si nous avions raison 90 pour cent du temps, les gens ne s’intéressaient qu’aux 10 pour cent où nous avions tort.

J’étais toujours en train de rejouer la conversation dans ma tête, en imaginant toutes les façons par lesquelles j’aurais pu contredire la joggeuse, lorsque je me garai dans mon allée. Avant de rentrer, j’allai jeter un coup d’œil à la boite aux lettres et vis ma voisine faire de même avec la sienne.

— Bonsoir, Daniel, dit-elle sans lever les yeux des enveloppes qu’elle faisait défiler.

— Bonsoir, Lydia.

— J’ose espérer qu’il n’y aura pas de tempête de grêle ce soir ?

Lydia s’était installée dans le Colorado seulement quelques mois auparavant, après avoir longtemps vécu à San Diego. Elle semblait avoir une peur bleue des tempêtes de grêle qui secouaient le ciel, même si celles-ci ne se produisaient habituellement que dans le nord de la région, là où le Colorado, le Nebraska et le Wyoming se rejoignaient en une zone connue pour ses intempéries appelée Hail Alley. Denver avait apparemment connu suffisamment de tempêtes de grêle de la taille de balles de golf pour rendre Lydia nerveuse.

— Probablement pas.

— Dieu merci. Elle soupira et se mit à secouer son paquet d’enveloppes vers moi. Que de la publicité. Rien d’intéressant.

— N’est-ce pas toujours le cas ?

Lydia était déjà en train de s’éloigner lorsqu’elle se retourna.

— Tu devrais peut-être faire réviser ton moteur, me dit-elle.

— Comment ?

— J’étais en train de promener Rio l’autre jour quand j’ai vu de l’huile à l’endroit où tu as l’habitude de te garer.

— Oh. Merci de m’en informer.

En me dirigeant vers la maison, je tentai de distinguer la tache d’huile, mais il n’y avait pas grand-chose à voir avec ma Subaru garée par-dessus. Aucune des lumières d’alerte habituelle n’était allumée et j’avais effectué toutes mes révisions aux moments où il me l’était conseillé. Je n’y connaissais rien aux voitures et l’inquiétude de Lydia concernant ma fuite me pesait. Laramie n’était qu’à deux heures et demie de voiture de chez moi à Westminster, mais la dernière chose dont j’avais besoin était un problème de moteur sur le chemin.

Je trouvai Chase dans la cuisine, occupé à aplatir la viande hachée.

— Comment s’est passée ta journée ? me demanda-t-il alors que je posais le sac de courses sur le comptoir.

— Merveilleusement bien. Je me mis à comptabiliser les différents points sur mes doigts. Je me suis à nouveau disputé avec Grant à cause des prévisions sur cinq jours. Il m’a bien rappelé que mon travail était de lire ses prévisions et non de formuler les miennes. Le manager de la station a suggéré que je perde quelques kilos. La maquilleuse m’a dit que les rides au coin de mes yeux sont devenues tellement prononcées qu’elle doit utiliser une couche de fond de teint supplémentaire. Et j’ai eu une altercation avec une téléspectatrice mécontente dans le rayon café.

— Tout ça en une seule journée de travail. Il mit le plat de steak haché de côté et se servit de son poignet afin d’ouvrir le robinet pour se laver les mains. Je m’avançai pour faire couler une goutte de savon dans sa paume.

— As-tu fini de préparer tes affaires ? demandai-je.

— Non. Je devais t’en parler. Il garda les yeux rivés sur ses mains alors qu’il retirait la graisse dont elles étaient recouvertes.

— Le restaurant a appelé aujourd’hui. L’une des serveuses s’est cassé la clavicule en tombant à vélo…

— Aie.

— …et il leur manque quelqu’un pour le week-end.

Mon cœur se serra.

— Mais tu as demandé ton congé. Nous avons déjà prévu quelque chose.

Il ferma le robinet et se tourna finalement vers moi en s’essuyant les mains.

— Je sais, mon cœur, je suis désolé. Mais je n’ai pas exactement mon mot à dire, et après la dispute que j’ai eue avec mon patron la semaine dernière, je préfère faire profil bas. Il rangea le torchon dont il s’était servi et s’avança pour poser la main sur mon bras. Ce n’est pas comme si c’est la seule fois où tu y retourneras. Je demanderai un week-end début juillet, d’accord ?

Je hochai frénétiquement la tête en tentant de ne pas le prendre personnellement. Après tout, ce n’était pas de la faute de Chase si quelqu’un s’était cassé la clavicule. Non, dit une petite voix dans ma tête, mais ça ne semble pas le déranger de rester à la maison, n’est-ce pas ? Eh bien, je ne pouvais pas le blâmer pour cela non plus. Qui désirait passer un week-end entier enfermé dans une vieille maison poussiéreuse à trier des boîtes de Dieu sait quoi et à plonger dans les souvenirs d’une autre personne ? Même moi j’aurais sauté sur l’occasion de rester à la maison. Et comme Chase l’avait souligné, ranger la maison de mes parents et la préparer à la vente nécessiterait probablement plusieurs week-ends.

Malgré tout, j’étais déçu. Passer un week-end avec Chase était la chose que j’avais le plus attendue durant ma semaine déprimante. Mais je ne pouvais plus rien y faire.

— Tu as raison, dis-je finalement. Il y aura d’autres week-ends.

IL Y a deux options lorsque l’on fait le trajet du Colorado en supposant que l’on ne souhaite pas emprunter la nationale à une seule bande tout le long du chemin. L’une est d’aller droit vers le nord sur l’I -25 vers Cheyenne, puis l’I -80 vers l’ouest. Les autoroutes sont rapides, directes et ennuyeuses à mourir. L’autre option est de passer par Fort Collins en empruntant la 287. La deuxième option était plus courte d’environ une trentaine de kilomètres, mais la durée du trajet était pratiquement la même. Si j’avais pris la route en pleine nuit, j’aurais probablement opté pour l’autoroute où il était moins probable que je croise la route d’un cerf, une antilope ou un coyote, mais comme il faisait encore clair, je choisis l’option la plus scénique.

Cela faisait presque quinze ans que je n’avais plus fait ce trajet, et je fus frappé par la sensation familière qui m’envahit alors que je roulais à travers les collines poussiéreuses. Les seules traces de verdure que l’on pouvait voir étaient quelques arbres près des criques et les buissons de sauge. La terre rougeâtre contrastait parfaitement avec le ciel bleu. La vue était magnifique. Une partie de moi, cachée et reniée, se mit à se réjouir.

Je rentrais enfin chez moi.

J’étais tout de même déconcerté. Je n’avais plus appelé Laramie « chez moi » depuis mes 18 ans, mais j’y avais passé de belles années. J’avais fait du vélo dans ses rues lorsque j’étais gamin et traversé ces mêmes rues à bord de ma Ford complètement abîmée, lorsque j’étais adolescent. J’avais traîné en ville avec mes amis. J’étais sorti avec quelques filles. J’avais même fini au lit avec l’une d’entre elles et tout le long, je n’avais fait que réaliser que j’étais différent. Malgré tout cela, je ne m’étais pas senti à ma place à Laramie. J’étais perdu.

J’avais quitté la ville lorsque j’avais 18 ans et j’avais déménagé à Fort Collins afin d’aller à CSU. Je m’étais senti revivre. L’université était un nouveau monde de diversité, d’éducation et d’ouverture. Les ressources LGBT étaient abondantes sur le campus et les mots « Je suis gay » m’étaient devenus faciles à admettre à tout le monde sauf à mes parents. L’été 1998, peu avant de commencer ma dernière année à CSU, j’avais finalement pris mon courage à deux mains et leur avait fait mon coming-out. Mon père s’était mis dans une colère noire. Ce n’était pas réellement le concept l’homosexualité qui lui posait un problème, mais plutôt le fait que son fils ne soit pas « normal ». Ma mère n’avait cessé de m’assurer que ce n’était qu’une phase. Elle était certaine qu’une fille m’avait brisé le cœur, mais que je finirais par rencontrer la bonne. Une fille différente. Une fille qui m’inspirerait comme aucune autre ne l’avait jamais fait. Mes protestations étaient tombées dans l’oreille de sourds et j’étais rentré dans le Colorado pour ma dernière année sans même leur dire au revoir.

Deux mois plus tard, un jeune homme avait été retrouvé attaché à une barrière dans le Wyoming et laissé pour mort. Il avait été conduit à l’hôpital de Poudre Valley à Fort Collins, à seulement quelques kilomètres du campus. Une rumeur n’avait pas tardé à surgir. Le garçon était gay. C’était de la seule chose dont tout le monde paraissait être au courant. Il se racontait qu’il faisait la tournée des bars lorsqu’il avait été attaqué. Un sentiment de culpabilité et de peur avait envahi tout le campus. Comment quelque chose d’aussi vil avait-il pu se produire dans cet endroit où nous célébrions la vie aussi librement ? Tout le monde se répétait constamment qu’aucun d’entre nous n’aurait pu faire ça. Nous n’étions pas des sauvages. Lorsque nous avions enfin découvert que Matthew Shepard venait de Laramie, nous avions tous, comme l’entièreté du pays, été soulagés de pouvoir pointer ma ville natale du doigt.

Pour mes parents, la mort tragique de Matthew six jours plus tard prouvait simplement à quel point mon nouveau « mode de vie » pouvait être dangereux.

Pour moi, elle avait été l’excuse parfaite pour tourner le dos à mes racines. Si les gens me demandaient d’où je venais, je leur mentais en répondant Cheyenne. Et malgré tout, j’avais regardé avec fierté Laramie porter des bougies en mémoire de Matthew et soudainement se déclarer du côté positif de l’amour. Lorsque l’une de mes camarades de lycée avait fait son coming-out à la télévision nationale, j’avais dû réprimer mon envie de me précipiter chez moi pour lui serrer la main et la féliciter.

Oui, avais-je assuré à ma mère lorsqu’elle m’avait appelé en larmes. J’étais toujours gay. Matthew Shepard n’avait pas changé cela. Peu après, j’avais rencontré Chase et ma vie avait basculé. J’avais immédiatement su que ce n’était pas un flirt ou une histoire sans lendemain. C’était de l’amour à l’état pur. Tellement profond que j’en avais parfois les larmes aux yeux. Ce Noël-là, j’étais rentré chez mes parents et leur avais parlé de Chase. Je voulais qu’ils le rencontrent, mais leur refus avait été catégorique. À leurs yeux, ce n’était qu’une phase que je devais tenter de traverser en sortant avec plus de femmes. Ils avaient même offert de me payer un psychologue et m’avaient supplié de rentrer à la maison afin de m’éloigner de l’université et ses comportements dangereux. Bien sûr, j’avais refusé.

Cela avait été mon dernier retour à Laramie. Même après leur mort, il n’y avait pas eu de raison que j’y retourne puisque l’enterrement s’était passé à Omaha.

Maintenant, je n’avais plus d’autre choix que d’y retourner.

Dans mon esprit, Laramie restait inchangée, solide et sereine, silencieuse, mais fière. C’était vrai, d’une certaine façon, mais d’une autre, tout était également différent. Je reconnus ses formes et ses fondations, mais les nouveaux bâtiments s’élevaient au-dessus des anciens, signe de progrès et d’avancée, même ici, dans les régions poussiéreuses du sud du Wyoming.

La vitesse minimale diminua et l’autoroute se transforma en l’axe principal de Laramie, Third Street. Je tournai à droite avant d’entrer dans la zone du centre-ville. La maison de mes parents se situait juste au sud de l’Université, dans un grand quartier composé de maisons de ranch et de pelouses vertes, construites avant le choc pétrolier et la montée de l’architecture à emporte-pièce. Je me retrouvai à sourire devant tant de souvenirs. Les arbres étaient plus grands et certaines maisons semblaient avoir été rachetées par des agences immobilières et mises à la disposition d’étudiants. Mais la plupart d’entre elles étaient bien maintenues – les pelouses étaient proprement rasées et les parterres de fleurs bien entretenus. Mon sourire s’agrandit lorsque je passai devant Washington Park et son vieil abri à orchestre. Je me demandais s’ils s’en servaient toujours.

Une part de moi voulait passer devant la maison de mes parents et explorer un peu plus le quartier dans lequel j’avais grandi. Je voulais savoir si la jungle de mon école élémentaire était toujours la même ou si les nouvelles mesures de sécurité les avaient forcés à la retirer. Spring Creek et LaPrele Park se trouvaient à deux pattes de maison au sud et je me demandais si les mauvaises herbes poussaient encore sauvagement sur les berges.

Mais il était déjà presque 20 h 30. Je pourrais aller faire de l’exploration un autre jour. En vérité, je cherchais simplement à repousser l’inévitable.

Je m’arrêtai devant la maison de mes parents observant la bouche bée leur pelouse. Au centre se trouvait une étrange construction en métal. Des boucles et des tiges fines formaient des cercles ou d’étranges formes ovales. Sur certaines d’entre elles étaient posés des oiseaux métalliques, les ailes étendues. Il faisait relativement calme en ce début de soirée, mais j’imaginais que toute la structure se mettrait à tourner une fois que le vent soufflerait. Je secouai la tête en m’attendant à ce que la vision disparaisse, mais non. Elle était toujours là, de manière incompréhensible dans le jardin de mes parents.

— Mon père a dû perdre la tête, me dis-je à moi-même.

La structure en elle-même était étrangement belle, mais elle ne correspondait pas au caractère conservateur de mes parents, en particulier celui de mon père qui trouvait habituellement ce genre de choses trop ostentatoires.

Je me garai dans l’allée, éteignit le moteur et restai assis à étudier la maison. Mes parents avaient dû la repeindre à un certain moment, recouvrant le jaune pâle dont je me souvenais de brun clair, mais les horribles rideaux dorés de ma mère étaient toujours accrochés à la fenêtre avant. J’avais continué à payer les factures d’eau et d’électricité et Landon s’était porté volontaire pour entretenir le gazon, une offre que j’avais acceptée avec joie. Cependant, je pouvais voir qu’il avait fait beaucoup plus que simplement s’occuper de la pelouse. Tout le jardin était magnifique avec de l’herbe verte à foison et de nombreux parterres de fleurs qui n’avaient pas encore poussées. C’était beaucoup plus beau que lorsque ma mère se chargeait de l’entretien.

JE SORTIS mon sac de la voiture et retrouvai les clés qui étaient restées inutilisées sur mon trousseau durant toutes ces années, comme un talisman de mon passé. Je parvins à ouvrir la porte et ma mémoire me permit d’allumer sans même avoir à chercher l’interrupteur. Je restai bouche bée de nouveay devant le spectacle que j’avais devant moi.

— Vos parents ont collectionné de nombreuses affaires m’avait prévenu Landon, au cours de l’un de nos brefs échanges téléphoniques. C’était clairement un euphémisme.

L’ancien fauteuil à bascule de mon père, beaucoup plus abîmé que la dernière fois que je l’avais vu, était toujours situé en face de la télévision, une grande boite noire qu’ils avaient achetée juste après mon départ à l’université. Le canapé était neuf et le coussin qui se trouvait le plus près du fauteuil de mon père était quelque peu abîmé, m’indiquant qu’il s’agissait probablement de la place de ma mère.

Le reste de la pièce était une surprise pour moi. Les moindres espaces vides avaient été comblés par des étagères de tout genre recouvertes de bric-à-brac. Devant certaines d’entre elles se trouvaient des boîtes remplies de bibelots. Ma mère ne s’était jamais intéressée à ce genre de choses lorsque je vivais avec eux. J’étais surpris de voir le nombre qu’ils avaient amassé.

La cuisine était aussi propre et soignée que dans mes souvenirs. La chambre de mes parents était encombrée, cependant de manière raisonnable. Peut-être le salon n’était-il qu’une sorte d’anomalie ? Peut-être avaient-ils été en plein milieu d’un projet ? Non, la chambre d’amis était pire que le salon. De nombreuses piles de boites en carton emplissaient l’ensemble de la pièce. Le lit, ainsi que les armoires et la table de nuit étaient recouverts de cartons et de sacs en tout genre. Il en était de même pour le bureau de mon père et le garage. Je n’osai même pas regarder dans le grenier.