L’homme, image de Dieu chez les Pères Latins - Collectif - E-Book

L’homme, image de Dieu chez les Pères Latins E-Book

Collectif

0,0

Beschreibung

EditorialCe numéro est le fruit des XXIIes Rencontres nationales de patristique qui, après s’être longtemps tenues à Carcassonne, ont eu lieu pour la première fois à Toulouse, du 30 juin au 2 juillet 2012, sous l’égide commune de l’Institut catholique de Toulouse et de l’Université du Mirail. Nous remercions leurs organisateurs, Daniel Vigne et Régis Courtray, qui, par leurs efforts, ont permis le succès de cet événement rassemblant près de 150 personnes. Ils nous ont proposé de publier les Actes de ce colloque en deux numéros de Connaissance des Pères : l’un consacré au thème de l’image de Dieu chez les Pères latins, l’autre au même thème chez les Pères grecs.
Nous le faisons avec joie, à la fois en fonction de l’apport scientifique de ce colloque, mais aussi en raison du thème qui est central chez les Pères et qui est toujours parlant aujourd’hui. Héritage commun du judaïsme et du christianisme, la création de l’être humain à l’image de Dieu lui confère sa dignité. Les Pères essaient de situer l’image de Dieu dans l’être humain, de montrer son sens, envisagent pour certains le passage de l’image à la ressemblance… En tant qu’évêques des premiers siècles, préparant les catéchumènes au baptême, ils donnent une place centrale à la création de l’être humain à l’image de Dieu pour expliquer le passage de la création à la création nouvelle, par la médiation du Christ qui est l’Image par excellence.
Dans un premier temps, Paul Mattei présente la question dans la première littérature latine chrétienne, puis Régis Courtray propose un contrepoint intéressant avec la péricope de Matthieu 22, 15-16a qui l’amène à envisager le rapport entre l’exégèse littérale et l’exégèse allégorique et à préciser comment les Pères approfondissent le thème de l’image et sa nature. Compte tenu de son importance chez Tertullien, Jeannine Siat le reprend et montre comment Tertullien illustre, à sa manière et sans le savoir, la célèbre formule d’Irénée : « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant. »
Il n’était pas possible d’envisager la question de l’homme, image de Dieu dans la patristique latine, sans étudier Augustin qui a apporté, avec sa réflexion sur la question, une contribution majeure à l’anthropologie et à la sotériologie. Aussi y a-t-il deux articles, consacrés à l’évêque d’Hippone : celui de Jérôme Lagouanère et le nôtre. Nous avons montré comment Augustin découvre le sens de la création de l’être humain, CPE n° 128, décembre 2012, à l’image de Dieu, ce qui l’amène à dégager son enjeu et sa dynamique. Jérôme Lagouanère envisage la question à partir de l’intériorité par une étude approfondie du De Trinitate.\nCe premier volet de l’étude de l’image de Dieu en l’homme apporte déjà une contribution substantielle qu’il est possible d’actualiser, en fonction de la place de la liberté, de la relation à Dieu et aux autres, de l’intersubjectivité…
Marie-Anne VANNIER

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern

Seitenzahl: 143

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



« Quant à ces mots : “Nous sommes transformés dans la même image” (2 Co 3, 18), il est bien certain que l’Apôtre entend par là l’image de Dieu qu’il appelle la même image, autrement dit celle-là même que nous contemplons ; car cette image est aussi la gloire de Dieu, comme il est dit en un autre passage : “L’homme ne doit pas se voiler la face, étant donné qu’il est l’image et la gloire de Dieu” (1 Co 11, 7), texte que nous avons expliqué au livre XII. “Nous sommes transformés”, dit-il, c’est-à-dire que nous passerons d’une forme à une autre, de la forme obscure à la forme lumineuse. Car la forme obscure est déjà image de Dieu, et par là même sa gloire : forme dans laquelle nous avons été créés hommes, supérieurs aux autres animaux. C’est de la nature humaine que ces paroles sont dites : “L’homme ne doit pas se voiler la face étant donné qu’il est l’image et la gloire de Dieu.” Cette nature, la plus noble parmi les choses créées, une fois purifiée de son impiété par son Créateur, quitte sa forme difforme (deformis forma) pour devenir une forme belle (forma formosa). Car même au sein de l’impiété, notre nature mérite d’autant plus certainement la louange que sa corruption mérite le blâme. C’est pour cette raison que l’Apôtre ajoute : “de gloire en gloire” : de la gloire de la création à la gloire de la justification. Il est vrai qu’on pourrait entendre de bien d’autres façons l’expression “de gloire en gloire” : de la gloire de la foi à la gloire de la vision, de la gloire qui fait de nous des fils de Dieu à la gloire qui nous rend semblables à lui, “parce que nous le verrons tel qu’il est” (1 Jn 3, 2). Enfin l’addition “comme par l’Esprit du Seigneur” indique que c’est à la grâce du Seigneur que nous devons le bienfait d’une transformation si souhaitable. »

S. AUGUSTIN, De Trinitate, BA 16, pp. 457-459.

Sommaire

L’homme, image de Dieu, chez les Pères latins

CPE n° 128

Éditorial — Marie-Anne VANNIER

L’homme image de Dieu dans la première littérature latine chrétienne — Paul MATTEI

L’homme, image de César ou image de Dieu ? L’épisode du tribut à César chez quelques Pères — Régis COURTRAY

Homme de chair pour la gloire de Dieu, dans l’œuvre de Tertullien — Jeannine SIAT

La dialectique de l’image de Dieu chez S. Augustin — Marie-Anne VANNIER

Image de Dieu et intériorité humaine selon S. Augustin — Jérôme LAGOUANÈRE

Actualité des Pères de l’Église

Éditorial

Ce numéro est le fruit des XXIIes Rencontres nationales de patristique qui, après s’être longtemps tenues à Carcassonne, ont eu lieu pour la première fois à Toulouse, du 30 juin au 2 juillet 2012, sous l’égide commune de l’Institut catholique de Toulouse et de l’Université du Mirail. Nous remercions leurs organisateurs, Daniel Vigne et Régis Courtray, qui, par leurs efforts, ont permis le succès de cet événement rassemblant près de 150 personnes. Ils nous ont proposé de publier les Actes de ce colloque en deux numéros de Connaissance des Pères : l’un consacré au thème de l’image de Dieu chez les Pères latins, l’autre au même thème chez les Pères grecs. Nous le faisons avec joie, à la fois en fonction de l’apport scientifique de ce colloque, mais aussi en raison du thème qui est central chez les Pères et qui est toujours parlant aujourd’hui.

Héritage commun du judaïsme et du christianisme, la création de l’être humain à l’image de Dieu lui confère sa dignité. Les Pères essaient de situer l’image de Dieu dans l’être humain, de montrer son sens, envisagent pour certains le passage de l’image à la ressemblance… En tant qu’évêques des premiers siècles, préparant les catéchumènes au baptême, ils donnent une place centrale à la création de l’être humain à l’image de Dieu pour expliquer le passage de la création à la création nouvelle, par la médiation du Christ qui est l’Image par excellence.

Dans un premier temps, Paul Mattei présente la question dans la première littérature latine chrétienne, puis Régis Courtray propose un contrepoint intéressant avec la péricope de Matthieu 22, 15-16a qui l’amène à envisager le rapport entre l’exégèse littérale et l’exégèse allégorique et à préciser comment les Pères approfondissent le thème de l’image et sa nature. Compte tenu de son importance chez Tertullien, Jeannine Siat le reprend et montre comment Tertullien illustre, à sa manière et sans le savoir, la célèbre formule d’Irénée : « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant. » Il n’était pas possible d’envisager la question de l’homme, image de Dieu dans la patristique latine, sans étudier Augustin qui a apporté, avec sa réflexion sur la question, une contribution majeure à l’anthropologie et à la sotériologie. Aussi y a-t-il deux articles, consacrés à l’évêque d’Hippone : celui de Jérôme Lagouanère et le nôtre. Nous avons montré comment Augustin découvre le sens de la création de l’être humain à l’image de Dieu, ce qui l’amène à dégager son enjeu et sa dynamique. Jérôme Lagouanère envisage la question à partir de l’intériorité par une étude approfondie du De Trinitate.

Ce premier volet de l’étude de l’image de Dieu en l’homme apporte déjà une contribution substantielle qu’il est possible d’actualiser, en fonction de la place de la liberté, de la relation à Dieu et aux autres, de l’intersubjectivité…

Marie-Anne VANNIER

L’homme image de Dieu dans la première littérature latine chrétienne

Mon article portera sur la première littérature latine chrétienne. Celle-ci, dans sa plus vaste compréhension, peut se définir comme suit : des quelques traités pseudo-cyprianiques ou pseudo-tertullianéens datables du IIe siècle aux grands écrivains du milieu du IIIe siècle (Cyprien et Novatien, le poète Commodien aussi), en passant par Tertullien, Minucius Félix et quelques Pseudo-Cyprianea assignables à l’époque même de Cyprien (e. g. De rebaptismate ; Ad Nouatianum).

Tertullien sera traité. Je laisserai de côté tous les « pseudo » ; je ne dirai rien non plus de Commodien, à peu près contemporain de Cyprien (la majorité des critiques en convient aujourd’hui), mais, me semble-t-il après sondage, sans intérêt dans le sujet qui nous occupe ici. En conséquence, je n’étudierai que trois écrivains de la première moitié ou du milieu du IIIe siècle :

– très brièvement (car il a peu à dire en l’occurrence), l’apologiste Minucius Félix, dans son dialogue Octauius. (Je le précise ici en passant : je place sans hésitation Minucius Félix dans la première moitié du IIIe siècle, entre Tertullien et Cyprien ; je ne crois pas du tout qu’il soit antérieur à Tertullien.)

– Cyprien, Lettres et Opuscules (dont les deux florilèges bibliques, Testimonia ad Quirinum, en trois livres, et Ad Fortunatum, sur le martyre) ;

– Novatien (soit pour l’essentiel le traité que, depuis le XVIe siècle on intitule, à tort, De Trinitate).

Avec cependant quelques nuances ou compléments, comme on va le voir.

D’abord, un ensemble préliminaire. Pour commencer je recenserai tous les versets bibliques (avec d’éventuelles divergences selon les versions) où il est question d’image de Dieu, et, sur la base de ce recensement, j’expliciterai les problèmes qui, en théorie, se posaient aux penseurs chrétiens. Puis je retracerai deux ou trois axes majeurs, et importants par l’influence qu’ils ont eue, de l’« iconologie » d’Irénée de Lyon. En troisième lieu, dans cet ensemble préliminaire, Tertullien dominant de sa haute stature la production de la première moitié du IIIe siècle latin chrétien et ayant fait peser sur ses successeurs une lourde influence, je résumerai en quelques traits, sans répéter avec ce qui nous a été dit précédemment, l’essentiel, à mes yeux, de sa doctrine de l’image : je ne veux que fixer quelques idées. Nous aurons de la sorte une triple assise : la Bible, Irénée et Tertullien. (Nous aurons également une esquisse de généalogie : Irénée – Tertullien – auteurs latins du IIIe siècle ; en revanche, il ne me paraît pas utile d’épiloguer sur les sources d’Irénée : Apologistes par exemple – cela nous entraînerait trop loin de notre sujet, et je ne tiens ici qu’à retracer les grandes lignes.)

Là-dessus, j’examinerai les trois écrivains nommés plus haut : Minucius Félix, Cyprien, Novatien.

La démarche sera donc analytique, allant d’auteur en auteur. Mais la conclusion permettra de tirer quelques propositions synthétiques.

I. Préliminaires

La Bible (chrétienne : Ancien et Nouveau Testament)

Classement raisonné des occurrences de la notion d’« image ». Trois rubriques

(1) L’homme image de Dieu.

C’est, on le sait, Gn 1, 26a-27 : « Faisons l’homme à notre image comme à notre ressemblance […] Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa » (BJ 1998 ; LXX : kat’eikona hèmétérankai kath’homoiôsin ; VL et VVLG : ad imaginem et similitudinem nostram). Cf. Gn 5, 1 ; 9, 6.

On rapprochera Gn 2, 7 : « […] Yahvé Dieu modela l’homme avec la glaise du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie et l’homme devint un être vivant » (BJ ; LXX : […] pnoèn zôès […] eis psuchèn zôsan). Cf. Sir 17, 3 ; Sg 2, 23.

(2) Le Christ image du Père, ou de Dieu.

Voir surtout Col 1, 15a : « (Le Christ) est l’image du Dieu invisible » (BJ).

(3) L’homme image du Christ.

Voir surtout 1 Co 15, 45-49 : « Le premier homme, Adam, a été fait âme vivante (Gn 2, 7 LXX) ; le dernier Adam, esprit vivifiant. Mais ce n’est pas le spirituel qui paraît d’abord ; c’est le psychique, puis le spirituel. Le premier homme, issu du sol, est terrestre, le second, lui, vient du ciel. Tel a été le terrestre, tels seront aussi les terrestres ; tel le céleste, tels seront aussi les célestes. Et de même que nous avons porté l’image du terrestre, nous porterons (phoresomen ; variante : phoresômen, puissions-nous porter) aussi l’image du céleste » (BJ).

(4) Réflexion subsidiaire.

À ces versets cardinaux pourraient s’en ajouter d’autres, essentiellement pauliniens, peut-être moins invoqués, qui se classent ainsi, à peu près dans le cadre des trois rubriques ci-dessus : le Christ, image glorieuse de Dieu (2 Co 4, 4 ; cf. Hb 1, 2-3) ; les élus prédestinés à l’image du Fils (Rm 8, 29 ; cf. 2 Co 3, 18) ; l’homme (= l’individu masculin, image de Dieu : 1 Co 11, 7).

Questions

La teneur de Gn 1, 26. Les divergences en grec et hébreu : distinction « image » / « ressemblance » ; sens de la préposition « à ».

La notion d’image. Le « lieu » de l’image en l’homme : dans l’âme ou le corps, ou indifféremment dans l’un et l’autre ? Avec interrogation annexe : le mode d’« impression » est-il substantiel, ou accidentel, donc amissible ?

La notion de ressemblance. S’agit-il d’une « conformation » (grec : homoiôsis) ou d’une « conformité » (grec : homoiotès) ? Le français « ressemblance », comme le latin similitudo sont ambigus.

Rapports entre les trois niveaux, si j’ose dire : l’homme, le Christ, le Père – entre l’homme « à l’image », et le Christ « image ». L’homme est-il image de Dieu (de la nature divine) ou du Christ (Fils éternel et/ou Verbe incarné, et dans ce second cas, Verbe dans sa vie humiliée, ou dans la gloire de sa résurrection ?)

Quel rôle échoit à l’Esprit ?

Ces questions ressortissent à l’anthropologie, mais aussi à la christologie et à la sotériologie.

Irénée

L’exégèse que le Lyonnais donne de Gn 1, 26-27, combinée à celle de Col 1, 15, est complexe.

Double distinction : distinction image / ressemblance ; distinction entre l’homme « à l’image » et le Christ Image.

Définition de l’image. L’image a son lieu dans le « corps modelé » (plasma). Dans sa chair, l’homme est, à la face des créatures, image du Verbe glorifié Seigneur de l’univers. La notion d’image est une notion fonctionnelle : seigneurie du Verbe incarné et glorifié, et en lui domination de l’homme sur l’univers.

Définition de la ressemblance. La notion de ressemblance est équivoque chez Irénée. Elle suscite deux problèmes :

– L’image s’épanouit dans la ressemblance. La ressemblance est liée au don de l’Esprit. Il y a ici un premier problème – ou, mieux, une tension dans la pensée d’Irénée : Adam était, au Paradis, image et ressemblance ; mais ailleurs, l’évêque de Lyon affirme que la ressemblance est le don de l’Esprit dans le Christ, commencé dès ici-bas par le baptême, et qui s’achèvera dans l’eschaton.

– Irénée déclare aussi (Haer. 4, 4, 3) : « l’homme est raisonnable et, par là, semblable à Dieu. » Là est le second problème : il est ici question d’une ressemblance de l’âme en tant que rationnelle, et non plus d’une ressemblance de l’homme tout entier par le don de l’Esprit. Y a-t-il incohérence chez Irénée, et une incohérence passée inaperçue de lui, puisqu’il ne relève jamais dans ce domaine une éventuelle difficulté ?

Essai de résolution des problèmes et tentative d’harmonisation. (1) Réflexion préalable. Il faut ne pas tomber dans de vieilles critiques (celles-là mêmes de Loofs qui ne voyait dans Irénée que l’écho de sources diverses mal intégrées ; Benoît a fait justice de ces accusations). (2) Premier problème. Il faut comprendre qu’Adam possédait la ressemblance (la possession de l’Esprit) sur un mode inchoatif, et qu’il l’aurait pleinement possédée s’il avait obéi, qu’il l’a perdue par la chute, et récupérée plus complètement dans le Christ. (3) Second problème. L’homme rationnel est semblable à Dieu en son âme, selon une similitude qui rejaillit sur le corps, par lequel l’homme exprime sur l’ensemble de la création sa maîtrise ; et c’est cette image qui doit s’accomplir quand l’Esprit, s’emparant de l’âme, conforme l’homme au Seigneur Christ roi de l’univers.

En tout état de cause, nous allons voir que la question de la cohérence se pose aussi chez Tertullien, non pas en un vocabulaire identique (Tertullien définit autrement qu’Irénée image et ressemblance), mais dans une problématique d’ensemble analogue (places respectives du corps et de l’âme, du Verbe et de l’Esprit).

Tertullien

Les occurrences sont nombreuses où Tertullien parle de l’homme image de Dieu, et aussi du Christ (incarné, ou dans sa préexistence) Image du Père. La difficulté est de dégager les grandes lignes.

(1) Indistinction image /ressemblance – en règle générale : excepté Bapt. 5, 7 ; Exh. 1, 3 – qui opposent image et ressemblance comme ce qui est donné de ce qui est acquis par l’effort moral sous la motion de la grâce. Res. 9, 1 distingue aussi, mais dans un autre sens : nous retrouverons un peu plus loin ce texte important.

(2) Double portée de la notion d’image :

– L’homme image de Dieu en général et dans son âme (Marc. 2, 5, 5-6 ; 2, 9, 2 s. ; cf. An.) : l’image est dans l’âme rationnelle et libre.

– L’homme image de Dieu en son corps (Res. 6, 5 ; cf. 9, 1 ; Prax. 12, 3-4 – mais aussi Spec. 18, 1 ; Marc. 5, 8, 3) ; ces textes soulignent la dignité du corps dans une visée christocentrique ; l’influence d’Irénée sur eux est indéniable

Cette dualité se double d’une autre dualité : (1) dans le premier cas, rien n’est dit du Christ (Verbe incarné) ; (2) dans le second cas, le Christ joue un rôle. Se pose donc le problème de la cohérence de la pensée de Tertullien en matière d’iconologie. Peut-il se résoudre, et, si oui, comment ?

(3) Résolution du problème.

Les deux lignes de l’iconologie de Tertullien s’ordonnent chacune à la réfutation d’adversaires précis, dans des controverses distinctes : pour aller à l’essentiel, d’un côté rétorsion contre le refus gnostique de la chair ; d’un côté plaidoyer en faveur de la liberté d’Adam et de l’« innocence » de Dieu dans sa chute.

Elles ne se contredisent pas, mais sont en réalité complémentaires : en Res. (et textes du même groupe) la caro hominis est à l’image de la caro Christi, le corps est à l’image de la nature humaine, totalement dominée par l’Esprit, du Fils incarné, surtout dans la gloire de sa Résurrection (on mesure là, je l’ai dit et il faut y revenir, le souvenir d’Irénée : le corps est en vue de la « spiritualisation »). Le corps se trouve indirectement image, et l’âme directement. Res. 9, 1 fournit peut-être une formule synthétisant l’anthropologie de Tertullien : « (caro) quam deus manibus suis ad imaginem dei struxit, quam de suo adflatu ad similitudinem suae uiuacitatis animauit » (« la chair que, de ses mains, Dieu a fabriquée à l’image de Dieu, qu’il a animée de son souffle à l’image de sa propre vitalité » [trad. Madeleine Moreau]).

Si la chair est image de la chair glorieuse du Verbe, en vue de sa propre glorification, l’âme est image de l’Esprit, et c’est à travers elle et sa docilité à la grâce de l’Esprit, que l’Esprit s’empare du corps qu’il commence dès ici-bas de glorifier.

Aussi bien, dans l’une et l’autre ligne de l’iconologie tertullianéenne, imago signifie tout à la fois une origine (l’homme vient de Dieu, à titre d’être créé, ontologiquement distinct de son créateur), une destination (l’image est en vue de celui qu’elle représente), une mission (l’homme domine la création – surtout dans le Verbe Seigneur). C’est cette notion de domination, directement reprise d’Irénée, qui transparaît dans un texte qu’il convient de mentionner pour finir : Pat. 5, 5 (le démon, jaloux de voir Adam préposé à toutes choses, l’a fait tomber).

Telles seraient les données d’une synthèse au moins potentielle. Synthèse potentielle : reconnaissons en effet que l’iconologie de Tertullien, certes riche et complexe, ne fait jamais l’objet d’un exposé ex professo ; elle est toujours à l’état de fragments, d’éclats, qu’il importe, pour les bien saisir, de resituer dans leur contexte. Ce qui était en soi une invitation tacitement adressée à ses successeurs, à trier dans cet héritage…

II. Minucius Félix

Un seul passage dans l’Octauius entre dans notre sujet. Encore est-ce de manière indirecte. En 17, 2, Minucius rappelle que, seul parmi les animaux, l’homme, du fait de sa bipédie, a le visage et les yeux providentiellement tournés vers le haut, c’est-à-dire vers Dieu, qu’il dispose de parole et de raison, grâce auxquelles il reconnaît Dieu, prend conscience de lui, et l’imite :