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Vendue comme esclave, Blanche est conduite au Harem du Pacha de Damas. Elle doit le séduire afin de supplanter Claudia, sa Favorite. Hélas, elle échoue dans cette mission. La deuxième épouse lui fait alors rencontrer Claudia. Pour leur malheur, les deux jeunes femmes tombent éperdument amoureuse l'une de l'autre.
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Seitenzahl: 332
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Blanche e les courtisanes
Capturées par les corsaires
« Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction, intégrale ou partielle réservés pour tous pays. L’auteur ou l’éditeur est seul propriétaire des droits et responsable du contenu de ce livre. Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon, aux termes des articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. »
Hermione de Méricourt
Je suis née, il y a quelques années (on ne demande pas l’âge d’une dame) dans un petit village de Normandie. Très vite, je me suis rendue compte que les garçons m’intéressaient beaucoup moins que les jeunes femmes aux formes sensuelles. Je pris bientôt conscience, à mes dépens de la réprobation qu’attirait ce genre de préférence. Isolée, je me réfugiais dans les romans et les films d’aventure. À l’époque, il n’était pas facile de trouver là des héroïnes que j’avais envie d’aimer ou auxquelles j’aurais voulu m’identifier. Au sortir de l’enfance, je découvris avec ravissement la série des Angélique. J’éprouvais pour cette femme si courageuse un désir profond et je m’imaginais à sa place dans les situations les plus troublantes. Blanche est sans doute la fille tardive de mes rêveries de cette époque. Un peu plus tard, les livres d’Emmanuelle Arsan éveillèrent tout à fait ma sensualité naissante. Angélique et Emmanuelle m’accompagnèrent tout au long de mon parcours universitaire en histoire et de mes années de formation personnelle; Aujourd’hui, j’écris pour mon plaisir et pour leur rendre hommage.
À toutes mes amies du Cloître...
Table des matières
Chapitre 1: Une vente à Tripoli
Chapitre 2: C'est mon tour
Chapitre 3: Les fils de Marwad
Chapitre 4: Arrivée à Damas
Chapitre 5: La khalfa
Chapitre 6: La jaryia
Chapitre 7: Dans la piscine
Chapitre 8: Lettre d'Elisabeth
Chapitre 9: Histoire de Tünde
Chapitre 10: Le hammam
Chapitre 11: La Favorite
Chapitre 12: Espoir et déception
Chapitre 13: La dernière chance
Chapitre 14: Piégées
Chapitre 15: La Duchesse brisée
Chapitre 16: La soumission de Claudia
Chapitre 17: Les premiers pas d'une esclave
Chapitre 18: La jeunesse de Lisbeth
Chapitre 19: Une fille perdue
Chapitre 20: Pour séduire une innocente
Chapitre 21: La Tentation de Sanne
Chapitre 22: Sanne succombe
Chapitre 23: La déchéance d'une jeune épouse
Chapitre 24: Trahison
Chapitre 25: Blanche et Claudia
Chapitre 26: Tünde aime Joséphine
Chapitre 27: Glaciale
Chapitre 28: Prises sur le fait
Chapitre 29: L'exécution
Chapitre 30: Survivre
Chapitre 31: Les débuts
Chapitre 32: Le philtre
Chapitre 33: Réconciliation
Chapitre 34: Le client
Chapitre 35: La liberté
Chapitre 36: Flavio
Chapitre 37: Lettres de Peter Gast
Épilogue: Rebecca et Manon
La Comtesse esclave termine la première partie des aventures de Blanche. Je me suis beaucoup attachée à mon héroïne; même si je ne lui ai pas épargné les souffrances. Je vais l’abandonner un peu; le temps de commencer la publication des cahiers d’Hératis. Ensuite, je pourrais terminer ce cycle d’aventures, et l’histoire de le vie de Blanche de Jonvelle.
Dans la bibliothèque château de Jonvelle, je lisais tout ce qui me tombait sous la main. Pourtant, je revenais toujours pour le feuilleter durant des heures entières, à un ouvrage qui portait sur sa couverture de cuir, un titre fascinant : Les Barbaresques. Sans nom d’auteur, il s’agissait d’un ensemble de récits de voyages qui n’en finissait pas de me fasciner. Le livre était luxueux, décoré de gravures expressives et émouvantes. Il avait appartenu à mon oncle et n’était certes pas destiné à une jeune fille de mon âge. Il y avait un chapitre qui me faisait palpiter le cœur, j’y revenais toujours. Il décrivait la traite des jeunes femmes. Ce passage était illustré par quatre gravures qui me hantaient. La première représentait une captive blonde, aussi belle que jeune qui venait d’être amenée. Un grand Barbaresque coiffé d’un turban la tenait par les cheveux. Elle ne portait qu’une chemise déchirée qui pendait des deux côtés de son torse. Sa gorge ferme et durcie semblait défier ses ennemis pourtant son visage reflétait sa terreur et son trouble d’être ainsi livrée aux regards. La deuxième représentait encore la même jeune fille. Elle avait été complètement déshabillée, on devinait à son attitude que la situation la faisait rougir. Devant un public dont la sauvagerie du désir se lisait dans les yeux écarquillés ; elle était forcée à se tenir jambes écartées pour se livrer sur elle à un examen intime. J’aurais dû juger révoltante cette scène, on traitait l’héroïne comme on aurait fait avec un animal; mais la beauté de la jeune femme me coupait le souffle. J’avais des papillons dans le ventre en regardant la troisième gravure ; car Marie, c’est ainsi que je l’avais appelée, se retrouvait liée sur une croix, encore plus émouvante totalement offerte au regard d’un public qui, comme moi, se repaissait de ce spectacle. On voyait des mains se lever pour offrir l’argent qui permettrait de posséder Marie. Enfin, la dernière gravure la représentait agenouillée et soumise auprès de son nouveau maître. Sa peau était désormais marquée comme la mienne et elle portait comme moi autour du cou, un cercle d’acier. Du temps où je vivais à Jonvelle, il m’arrivait de contempler longtemps ces gravures. Les regarder me mettaient parfois dans un état agréable mais gênant. Je me sentais devenir moite, mes seins se tendaient et devenaient plus sensibles, mon souffle se faisait plus court. Ces soirs-là, je m’endormais avec difficulté. Beaucoup plus tard ; j’ai appris dans mon corps et sous mes doigts tous les plaisirs que je pouvais tirer de cette rêverie.
Je savais que je serais vendue ; je l’avais compris plusieurs semaines auparavant, en descendant du navire. Fahd al Lubnani escomptait de cette transaction tirer un bénéfice extraordinaire. Il avait réglé avec soin chaque détail de cet événement, invité spécialement tous ses meilleurs clients. Toutes les puissances influentes à Tripoli avaient dépêché des émissaires. Blanche de Jonvelle, fille d’un Comte français ne pouvait appartenir qu'au plus fantasque ou au plus riche de tous les acheteurs. Le Dey d’Alger, le Sultan de Marrakech, les corsaires de Salé, le Vizir de la Sublime Porte, le Pacha de Damas, les Janissaires, les Mamelouks étaient représentés. Il y avait aussi des Marchands de Venise, ainsi que des Chevaliers de l’Ordre de Malte qui tenteraient, je l’espérais encore, de me faire échapper à mon destin d’esclave. Toutes ces nobles personnes avaient convergé pour moi vers Tripoli et la salle des ventes de Fahd al Lubnani. Ils étaient arrivés, vêtus de leurs plus beaux atours et accompagnés de leurs esclaves les plus sensuelles ; comme pour relativiser le caractère extraordinaire de la vente et démontrer que s’ils daignaient m'acheter cela serait par plaisir et non parce qu’ils en avaient besoin. Mais personne n’était dupe de leur arrogance ; je représentais pour chacun d'entre eux l'opportunité de manifester aux yeux de tous les autres sa force et sa prospérité. Ils voulaient me posséder pour prouver aux autres qu'ils pouvaient le faire. Fahd al Lubnani était un Levantin, commerçant dans l’âme et souhaitant que tous ses invités puissent repartir contents. À cet effet, il avait prévu de me vendre en compagnie d’une dizaine d’autres jeunes filles, toutes d’une beauté rare pour que chacun chérissant celle qu’il avait achetée puisse surmonter la déception de ne pas m’avoir obtenue. Seuls les Chevaliers de Malte y trouveraient peut-être à redire ; ils refusaient par principe que l'on asservisse des jeunes femmes et n’en achèteraient certainement pas pour leur propre plaisir. Ils n’achetaient que les plus nobles, ce qui leur permettait ensuite de récupérer l’argent de leur rançon.
On me poussa sur scène avec les autres. Chaque jeune femme portait un vêtement qui mettait sa beauté en évidence. Celles qui avaient la peau brune étaient vêtues d’une simple robe de soie blanche amplement décolletée qui permettait d’admirer leur pigmentation. Une Irlandaise aux cheveux roux, était présentée dans une robe émeraude qui ne couvrait pas ses flancs albâtre. Il y avait aussi, Svetlana, une jeune femme si blonde que ses cheveux paraissaient blancs. Elle était entièrement nue à l’exception d’un petit pagne doré qui couvrait à peine la partie la plus secrète de son corps sublime. Tous les vêtements avaient été taillés dans une soie si douce que son contact seul suffisait à nous faire frissonner. Une jeune servante vérifia les pointes de nos seins avant qu’on lève le rideau. Elles étaient toutes tendues et sensibles, nous soupirions, prêtes à être regardées. Je portais la tenue la plus complète et la plus couvrante. Ma robe ressemblait vaguement à celles que portaient les jeunes femmes de la cour, à Paris. Son décolleté carré révélait amplement la forme de ma gorge, il semblait glisser à chaque respiration ; il n'y avait pas beaucoup à imaginer pour deviner le reste. Une longue jupe me couvrait complètement les jambes. Elle était faite de soie comme le reste de la robe et donc infiniment plus légère et plus douce que celle que j’avais l’habitude de porter. Cependant, il n’y avait pas de jupon. Un œil attentif pouvait déceler la forme de mes jambes entièrement nues et je me sentais vulnérable et déjà moite. Cependant, ma pudeur était, dans ces premiers instants, relativement ménagée. Notre première présentation était chorégraphiée comme une sorte de ballet où chacune devait tour à tour sortir des rangs pour se montrer sous son jour le plus avantageux. On m’avait heureusement donné le droit de demeurer timide et modeste. Nous nous soumîmes toutes à cet exercice. Les quelques semaines passées ici, nous avaient enseignées parfois de manière cuisante l’obéissance parfaite que l’on attendait de nous. Après cela, chacune des esclaves mises en vente avait appris un poème qu’elle dut déclamer avant de se soumettre aux questions intimes et gênantes de l’assistance. Je craignais cet examen, mais j'y fus assez passable. Je savais, somme toute, assez d’arabe pour répondre correctement aux demandes qui m’étaient faites. Après cette première présentation, nous quittâmes la scène. La vente commençait pour de bon.
On m’avait assigné ma place et mon rang. Ce jourlà, je serais la quatrième à être vendue. J’étais le clou du spectacle et c’était pour moi que tous ces hommes riches et puissants s’étaient déplacés jusqu’à Tripoli. Les filles qui me précédaient servaient à aiguiser leurs appétits et à faire monter, peu à peu, l’excitation de la salle. Celles qui me succéderaient serviraient, quant à elles à réconforter et à consoler tous ceux qui auraient été incapables d’enchérir assez pour me posséder. Fahd était expérimenté et il savait que ce genre de défaite laisse parfois un goût amer. On appela tout d’abord la jeune Irlandaise. Je ne l’avais jamais rencontrée auparavant. J’entendis qu’elle s’appelait Cait. Elle avait été capturée sur un navire transatlantique, alors qu’elle voulait rejoindre le Nouveau Monde, par des pirates de Salé qui, apprenant la nouvelle de ma vente avaient accepté de la présenter ici afin de pouvoir assister et participer à l’événement. Elle n’était captive que depuis peu de temps et était moins formée et beaucoup plus naturelle que nous, qui avions reçu l'éducation des jawari destinées à plaire aux Orientaux. Ce fut évident pour tout le monde lorsque le maître de cérémonie déchira sa robe. La petite Cait resta tétanisée. C’était une très jeune femme, une vierge qui n’avait jamais été exposée de la sorte. Elle tremblait et suffoquait d’émotion. D’autre part, elle n’était pas apprêtée et la petite toison rousse qui couvrait sa fente virginale amusa beaucoup les acheteurs, surpris de rencontrer en ce lieu une jeune fille aussi sauvage. Intrigués par cette exotique nouveauté, ils posaient des questions, voulaient savoir d’où elle venait et comment elle était arrivée ici. Certains demandèrent à toucher sa toison, ce qu’on leur accorda à la grande honte de Cait. On voulut savoir ensuite si elle était sensuelle, on demanda au commissaire de la vente d’en faire la démonstration. Le maître de cérémonie ordonna alors à ses servantes d’ effleurer doucement sa peau pour voir si elles parviendraient à la faire gémir. Cait tentait bien de se retenir tandis que des mains indiscrètes parcouraient son corps crispé. Elle serrait les dents, les poings, les muscles, essayant de se convaincre qu'elle pouvait résister à cette sensation de plaisir qui la submergeait. Et puis, plus rapidement qu'elle ne l'aurait souhaité, elle se mit à soupirer. C'était un son faible, presque imperceptible, mais c'était suffisant pour trahir son émotion. Elle sentait que son corps se cambrait, s’offrait, se préparait à recevoir encore plus de plaisir. Elle essayait de se contrôler, mais c'était plus fort qu'elle. Les mains qui la touchaient la rendaient toujours plus esclave de ses sens et elle ne pouvait plus s'en passer. Alors, les soupirs timides devinrent des murmures ardents, exacerbés par les acclamations enthousiastes des spectateurs Cait réalisait où elle était, ce qu'elle était en train de faire, et elle rougissait de honte et de plaisir mêlés. Elle était sur scène, devant des dizaines de personnes, en train de se donner en spectacle, de se laisser aller complètement à cette sensation de plaisir qui la submergeait. Elle se cambrait, se contorsionnait, gé-missait,se donnait en spectacle, et la foule en redemandait. Une main se leva et offrit deux cents dinars. Très vite, d’autres mains se levèrent et cette première bataille fut déjà féroce. Le représentant du Vizir acheta la jeune fille pour la somme de cinq cent cinquante dinars. Je tentais de contrôler l’angoisse et l’excitation qui gonflaient ma poitrine ; encore deux filles et ce serait mon tour. La deuxième jeune femme avait une peau cuivrée. J’appris, en même temps que les autres qu’elle était Copte et qu’elle venait d’Égypte. Plus tard, on me raconterait que les Coptes étaient les véritables descendants du peuple des Pharaons. Je ne compris pas bien son nom. Elle était élégante bien que voluptueuse ; mais après Cait, elle ne pouvait pas rivaliser. Les acheteurs, ici, recherchaient l’exotisme et sa beauté qui, ailleurs, aurait semblé extraordinaire ne les étonnait pas. Cependant, elle savait (contrairement à moi) danser et chanter comme une artiste. On retira sa robe puis on lui demanda de faire la démonstration de ses talents. La jeune Copte s’exécuta de manière tout à fait charmante et fut finalement vendue pour la somme de trois cents dinars. Mon cœur s’emballait désormais dans ma poitrine. Il fallut essuyer mon front qui se couvrait de sueur, je devais passer immédiatement après Maryam. Elle monta sur scène dans sa jolie robe blanche. Je connaissais Maryam depuis mon arrivée à Tripoli. Elle venait du sud lointain, au-delà de Méroé. Sa peau était tellement foncée qu’elle me paraissait noire. Elle était beaucoup plus grande que moi. Sa gorge était magnifique, plus développée que la mienne, mais aussi ferme. J’avais connu, au pensionnat une camarade qui était aussi bien pourvue. Cependant, la pesanteur de ses seins les attirait vers le sol et ils ne parvenaient pas à pointer avec autant d’arrogance que ceux de Maryam. Celle-ci était fière de sa beauté et excellait dans toutes les activités d’une esclave de plaisir. Elle dansait et chantait à la perfection. Je pus aussi découvrir certains de ses autres talents. Un jour, en effet, on la désigna pour me masser. Dès que ses mains se posèrent sur moi, je connus sur ma chair sensible et vulnérable leur douceur ainsi que leur science. Maryam anticipait chacune de mes réactions, me conduisait à des frontières nouvelles où elle me laissait désirer le moment inévitable de leur transgression. Mais mon attente se prolongeait indéfiniment. Sous ses mains délicates, je tremblais et criais, heureuse de sentir qu’elle me comprenait aussi bien. Je la pensais indifférente et simplement professionnelle, mais lorsque enfin sa main m’arracha des spasmes de plaisir ; elle ne put s’empêcher de m’embrasser avec l'ardeur d’une amoureuse transie. Je me serais, avec une exquise volupté, blottie entre ses bras si on me l’avait permis. Mais, la khalfa, voyant le déchaînement de notre passion décida de nous séparer et de nous renvoyer à nos quartiers respectifs. Très vite, la vente publique de mon amie tourna à l'hystérie collective. L'assistance criait de frénésie et de désir. Les acheteurs présents étaient expérimentés et ils avaient su reconnaître les dons exceptionnels de Maryam. Finalement, les corsaires de Salé l’achetèrent pour mille cent cinquante dinars. Ils se regardèrent ensuite interdits et confus ; ils avaient dépensé l'intégralité de la somme qu’ils voulaient conserver pour prendre part à ma vente.
Une main me toucha l’épaule ; c’était mon tour. Je regardais la grande salle qui me faisait face. Ce n’était certes pas le vulgaire marché que j’imaginais durant mes folies nocturnes. Des sièges en bois de palissandre étaient disposés en arc de cercle autour d’une scène qui ressemblait à celle d’un théâtre. Fahd al Lubnani y avait fait installer des coussins mœlleux de velours pourpre sur chaque fauteuil. Des servantes discrètes et gracieuses entraient à intervalles réguliers pour offrir des boissons ou des sorbets à tous les membres de cette assistance exclusivement masculine. Trois lustres de fer forgé, portant chacun une dizaine de bougies éclairaient la pièce de leur lumière vacillante. En face, on avait sur la scène, disposé des lampes qui jetaient sur les esclaves une lumière vive pour que chacun puisse détailler notre anatomie comme il lui plairait. Dans les visages, se reflétait toute l’excitation de l'événement. Les acheteurs présents avaient, pour la plupart, été envoyés par leurs maîtres ; ils choisissaient et tentaient d'obtenir à leur place, les jawari les plus ravissantes. Aucun de ceux-là n’agissait pour son compte, cependant ils appréciaient le moment et tiraient satisfaction de ce pouvoir dont ils se sentaient dépositaires. En revanche, on reconnaissait au premier coup d’œil les quelques particuliers qui achetaient ou espéraient acheter pour eux-mêmes, leurs joues étaient roses d’émotions, leurs mains tremblaient de désir en se levant. Les habitués ne sentaient que trop bien, combien il serait facile de leur faire perdre la tête. Leurs regards éperdus permettaient de deviner ceux qui seraient capables de se défaire de toute leur fortune, voir plus pour soumettre à leurs désirs ces nouvelles esclaves que l’on présentait là nues et excitées malgré elles. Dans l'assistance, je reconnaissais les Barbaresques à leurs barbes fournis et à leurs manières rudes. Les Ottomans et les Arabes étaient vêtus de manière plus raffinée et leur apparence était toujours soignée. Certains parlaient une langue dont je ne saisissais pas l'origine. Maryam m'avait appris qu'ils étaient Persans et vivaient loin d'ici vers l'Orient. Enfin, je remarquais les visages sévères des Chevaliers de Malte qui me donnaient l'espoir d'échapper à cette folie « Je vous présente Joséphine, Comtesse de Nemours. » Comme Nour et Luca lui avaient raconté mon histoire et les zones d'ombre qu'elle comportait ; Fahd al Lubnani avait préféré me pourvoir d’une identité factice qui le laisserait à l’abri de toute question. Je lui avais raconté qu’il existait sans doute, à Naples, une autre Blanche de Jonvelle ; cette ignoble Margot qui avait pris ma place après m'avoir volé mes robes et mes manières. En m’appelant Joséphine de Nemours, Fahd évitait d'éveiller les soupçons des Italiens présents ; ce qui, en règle générale est une assez sage politique. On me fit tourner sur moi-même « Admirez l’élégance du port de tête, la légère cambrure du dos, la grâce de tous ses déplacements. » On m’invita à faire quelques pas. « Joséphine est de la meilleure noblesse française. Sa famille est connue depuis l'époque où les Infidèles ont prétendu conquérir Jérusalem. ». Mon cœur battait à tout rompre. L’ambiance devenait survoltée. Une main se leva « J’offre cinq cents dinars ». Il y eut un murmure de protestation dans l’assistance qui trouvait cette somme ridicule. Alors, la voix claire de l’envoyé du Vizir se fit entendre. « Cette jeune personne ne partira pas à moins de mille cinq cents dinars ». C'était exactement la somme que l'armateur avait espéré obtenir. Il me regarda d’un air satisfait. Il y eut un cri d'émerveillement puis des applaudissements nourris. Mon cœur tentait maintenant de sortir de ma poitrine. Je tremblais d'excitation. Les pointes de mes seins se tendaient semblant vouloir déchirer la soie légère qui les couvrait à peine. Je n’avais même pas été déshabillée mais j’étais trempée et palpitante. J’imaginais les réactions des acheteurs, lorsqu’ils s’en rendraient compte. J’espérais encore échapper à cette humiliation. Soudain, une voix grave et profonde se fit entendre. C’était un des Chevaliers de Malte qui se tenaient dans le fond de la salle. L’ordre était prêt à une dépense de mille neuf cents dinars pour me racheter et m’éviter l’esclavage. Cette fois, mon cœur bondit de joie dans ma poitrine. Mille neuf cents dinars ! C’était une somme incroyable, insurmontable grâce à laquelle j’allais redevenir libre. Je retrouverai Manon et je pourrais enfin reprendre le cours de mon existence. J’étais sauvée, j’en étais sûre, car personne n’oserait maintenant surenchérir. Mais, une autre main voulut interrompre mon espoir en offrant mille neuf cent cinquante dinars. Je suffoquais de déception, pourtant rapidement, je repris mes esprits. Ce n'était, j’en étais certaine qu'un baroud d’honneur ; une manière pour ces Orientaux de sauver la face. La tension dans la salle était palpable, un silence épais s'était abattu sur l'assistance au moment où les Chevaliers annoncèrent leur offre : deux mille dinars, une somme qui dépassait l'entendement de la plupart des présents. Les visages exprimaient une stupeur mêlée d'admiration, certains yeux brillaient d'une lueur de respect, tandis que d'autres se voilaient de résignation. La compétition pour ma liberté avait atteint son apogée, et à cet instant précis, je sentais que la balance penchait enfin en ma faveur. L’assistance était abasourdie et, maintenant, un peu résignée. Je respirais à nouveau, bénissant Dieu et ma bonne étoile. Seuls quelques instants me séparaient encore, j’en étais sûre, de ma liberté. Mon honneur était sauf, même si je garderais à jamais sur le haut de ma cuisse la marque que l’on m’avait faite.
Pourtant, l'attente se prolongeait un peu trop. Chaque seconde s'étendait comme une toile. Il y avait comme une hésitation. Tous, dans l'assistance, se regardaient en silence. On n'avait jamais vu les Chevaliers de l'ordre de Malte offrir une telle somme pour libérer une esclave, même une aristocrate. Fahd al Lubnani, l'organisateur de cette vente, posait sur moi un regard dans lequel, désormais, une forme de respect inattendu se mêlait à sa satisfaction. Ses yeux brillaient d'une lueur triomphante, comme s'il venait de remporter une victoire personnelle à travers le succès de cette enchère. Son expression, d'ordinaire si difficile à déchiffrer, trahissait maintenant une fierté non dissimulée ; ma vente avait non seulement atteint, mais dépassé ses plus grandes espérances. Je sentis qu'il allait faire signe au maître de cérémonie d'entériner cette proposition ; mais, il avait trop attendu, un marchand perse prit la parole pour dire quelques mots dans une langue que je ne comprenais pas. Apparemment, ce n'était pas une nouvelle offre ; je m’autorisais à respirer lorsque l’on me souffla cela. Pourtant, le commissaire, qui n’avait pas compris demanda des précisions. Un dialogue s'engagea qui fut ensuite traduit en arabe. Quand je saisis enfin la teneur de cette discussion ; mon dos fut parcouru par un frisson de terreur. Le marchand soutenait qu'étant données les sommes proposées, il fallait me dévêtir avant de poursuivre la vente. Certains dans la foule approuvaient, mais la plupart affirmaient que c'était trop tard, que ce n'était pas nécessaire parce que personne ne proposerait plus que deux mille dinars. Fahd al Lubnani semblait d'accord avec cette dernière position ; il voulait conclure la vente. Je le regardais en espérant qu'il ne change pas d'avis et se contente de la somme proposée qui était plus que suffisante. Mon espoir était minde, Fahd étant un marchand, s’il y avait là le moyen d’augmenter son bénéfice ; il ne reculerait pas. Maintenant, j'étais aux abois, guettant le moindre mot, mon cœur palpitait d'effroi, je tremblais comme une flamme vacillante face au souffle du vent. Mon espérance risquait de périr, mes rêves menaçaient de s'effondrer. Mon destin fut scellé, dans un silence de mort. Le marchand perse me porta le coup fatal : il offrit deux mille cent dinars, à condition que l’on m’arrachât tous mes vêtements. La cause était entendue ; je perdais par ces seuls mots ma liberté ainsi que ma dignité. Je sentis mon cœur se serrer dans ma poitrine, comme si on m'avait extirpé une partie de moi-même. Je voulus reculer frémissante d'effroi, m'enfuir à présent, car ce n’était plus un jeu et j'étais folle de terreur, mais les deux gardes me saisirent par les bras. Je me sentais comme une bête dans les rets de l'ennemi, comme une proie impuissante face à son prédateur. Je ne pouvais plus penser, plus réfléchir, plus agir. J'étais paralysée par la peur, par l'horreur de ce qui était en train de m'arriver. Je sentais les larmes monter aux yeux, mais je les retins de toutes mes forces, ne voulant pas donner à ces gens la satisfaction de me voir pleurer. Et puis, soudain, je ne pus m'empêcher de crier, de hurler de honte et de colère, alors que le maître de cérémonie lacérait la soie qui couvrait encore ma gorge. Je sentis l'air froid sur ma peau nue, et je rougis de honte, de gêne, de dépit. Je me débattis de toutes mes forces, essayant de me libérer de l'emprise des gardes, mais c'était peine perdue. Ils étaient trop forts, trop puissants, et je n'étais qu'une femme fragile et impuissante face à eux. Des larmes d’humiliation coulèrent sur mes joues, et je fus anéantie par la honte, la douleur, et le désespoir. Il me semblait lire dans les yeux de chaque homme de l'assistance les idées les plus impudiques et les plus indécentes. Tout mon être se révoltait contre ce que j'étais en train de devenir. La fièvre m'avait prise ; je tremblais confuse et torturée par l’humiliation d'être ainsi exhibée. On retira brutalement le bas de ma robe. Soudain, j’étais aussi nue que le jour de ma naissance. Tous les yeux étaient fixés sur moi comme fascinés. Comment ma situation pourrait-elle être pire ? Je le sus bientôt en voyant les Chevaliers de Malte quitter, dépités, la salle des ventes. Ils m'abandonnaient donc à ma condition d'esclave. Il n'y aurait pas pour moi de rémission. Leur départ faisait définitivement de moi un objet de plaisir, une créature docile, soumise au bon vouloir de ses maîtres. Cette pensée tournoya dans mon esprit et fit s'effondrer le dernier rempart de ma dignité. Je me vis devenue semblable à cette demoiselle représentée dans le livre de mon père et fatalement, je sentis qu'alors mon corps me trahirait une fois encore. Je ne pouvais pas lutter contre cette pulsion naturelle, contre cette sensation de désir qui me submergeait malgré moi. D'abord, je ressentis comme un picotement qui parcourait mon échine, me faisant frissonner. Puis, une chaleur révoltante s'empara de mon bas-ventre, me faisant sentir encore plus humide et sensible. Mes seins déjà durs se tendaient encore comme s'ils cherchaient à être touchés à être caressés. Chaque parcelle de ma peau devenait étonnamment réactive, réceptive aux moindres caresses, aux moindres regards. Je sentais les yeux de la foule sur moi, sur mon corps offert, et cela ne faisait qu'accroître mon trouble. Malgré moi, j'exhalais un long soupir sensuel qui ravit l'assistance. J'étais sur le point de gémir. On me força à écarter mes jambes pour révéler à tous combien j'étais humide et palpitante. L'assistance s'exclamait ravie du spectacle que je lui offrais maintenant. Plusieurs mains se levèrent. Deux mille deux cents dinars, deux mille trois cents dinars, deux mille cinq cents dinars ; l'enchère devenait folle. Je ne fus pas capable de retenir mes gémissements lorsqu'un des gardes caressa mon entrejambe humide. La salle, qui jusqu'alors bruissait de murmures et de conjectures, se figea dans un silence absolu lorsque l'offre retentit, claire et impérieuse, tranchant l'air comme un coup de tonnerre. "Trois mille dinars." Les mots flottèrent un instant, suspendus au-dessus de l'assemblée abasourdie, avant de s'inscrire dans la réalité de tous. Les visages se tournèrent, cherchant l'origine de cette voix qui venait de bouleverser le cours des événements, mais aucun autre enchérisseur ne se manifesta, ils étaient tous écrasés par l'ampleur de la somme proposée. Je restais immobile, les yeux fixés sur le sol devant moi, enveloppée dans un mélange de stupeur et de résignation. Mon cœur battait à tout rompre, chaque battement résonnant comme le glas de ma liberté perdue. La réalité de ma situation m'envahissait, froide et implacable. Je devenais l'esclave de plaisir du Pacha de Damas, une destinée que jamais, je n'aurais pu imaginer, même dans mes cauchemars les plus sombres. La dignité et l'indépendance auxquelles j'aspirais semblaient désormais des illusions, balayées par cette enchère finale. Le crieur public répéta l'offre à plusieurs reprises, sa voix s'élevant dans la salle comme pour défier quiconque de contester la décision. Mais le silence qui répondit fut d'une éloquence déchirante. Aucune voix ne s'éleva pour me sauver de ce sort, aucun héros ne surgit de l'ombre pour me réclamer. Le contrat était scellé, mon avenir irrévocablement lié à la volonté d'un homme que je ne connaissais pas, dans une ville étrangère qui allait devenir ma prison dorée. Je fus conduite hors de la salle des ventes, chaque pas m'éloignant un peu plus de la personne que j'avais été, me rapprochant de ma nouvelle réalité en tant que jaryia.
De Malek ibn Marwad, chef de la sûreté à Ibrahim ibn Marwad, son frère, chef des armées du Pacha de Damas
Mon frère, après de longues recherches ; j'ai enfin trouvé et acquis celle dont nous avions un si grand besoin. Pendant des semaines, des mois, nous nous sommes demandés si Allah avait permis qu'il existe sur Terre une créature capable de supplanter la Favorite dans les faveurs du Pacha. J'ai sillonné les mers dans l'espoir de la découvrir ; mais jusqu'à ce jour même les plus exquises et singulières des esclaves qu'on me proposait s'évanouissaient dans l'ombre de son éclat. Depuis près de deux années, l'Allemande règne sur son cœur et semble indétrônable. Sous son empire, notre Souverain bien-aimé se montre vis-à-vis des kafirs d'une tolérance coupable. Les hommes de peu, sans titre ni lignage, se voient traités avec une considération égale à celle accordée aux nobles, ceux dont le sang résonne des exploits et des honneurs de nos ancêtres. Une telle indifférence, inouïe dans les annales de notre histoire, sème le doute parmi les rangs de l'aristocratie, ébranlant les fondements mêmes de notre société. Plus troublant encore est le manque d'ardeur guerrière de notre Souverain. Lui, le descendant d'une longue lignée de conquérants, dont le devoir sacré était de porter la Foi au-delà des mers et des montagnes, parait avoir oublié les appels du jihad. Les expéditions militaires, jadis destinées à étendre le domaine de l'islam et à imposer sa lumière aux confins les plus obscurs de l'Univers, se font rares, voire inexistantes. La quête de la paix ne saurait remplacer l'impératif divin de lutte contre les infidèles. Cher Ibrahim, je pense que nous avons toujours été d'accord sur ces sujets et c'est pour ces excellentes raisons que nous décidâmes de renverser la Favorite. Hélas, toi aussi, tu as pu contempler comme moi ses grâces, son esprit agile, sa sensualité toujours en éveil puisque, pour notre malheur, c'est nous qui avons dû l'introduire dans le Harem de Damas. Maudit soit le Vizir Youssef qui a souhaité récompenser ainsi notre Souverain pour sa loyauté envers le Calife. Il n’aura réussi qu’à le rendre moins dévoué à son service, ensorcelé qu’il est par sa duchesse. Notre maître lui fut reconnaissant, mais oublieux de tous ses devoirs. Aussi, cela fait près de six mois, je quittai le pays de nos pères et, depuis, je courais en vain le monde pour trouver celle qui la supplanterait et réparerait ainsi le cœur de notre maître. J'étais sur le point de renoncer lorsqu'un de mes serviteurs m'apprit qu'une Comtesse française allait bientôt être vendue à Tripoli. C'était peut-être ma dernière chance d'obtenir ce que nous voulions ; la Favorite ne pouvait être détrônée que par une jeune femme qui, comme elle, appartenait à la plus haute aristocratie, malheureusement, il devenait presque impossible à nos braves corsaires de les capturer sur la mer tant elles craignaient à juste raison de s’y trouver et, même dans ce cas, elles ne devenaient presque jamais esclaves puisque, pour conserver leur honneur, les Roumis acceptaient de verser les rançons les plus folles. Je ne me suis jamais risqué à visiter l'Europe ; mais tous ceux qui l'ont fait et que j'ai rencontré, m'ont affirmé avec fougue que la culture française était de nos jours la plus raffinée et distinguée, davantage même que celle de l'Italie. Alors donc, je me suis rendu à Tripoli en espérant que la Comtesse serait à la hauteur de sa réputation et de mes attentes. J'ai la joie de t'annoncer que je ne fus pas déçu. Joséphine de Nemours, c'est son nom, est belle comme l'aurore. Sa peau rivalise avec la neige par sa blancheur immaculée, offrant une fraîcheur qui semble défier les neiges les plus délicieuses. En contraste, ses cheveux, noirs comme le jais, encadrent son visage avec une intensité qui fascine l'âme, saisissent le cœur, bouleversent jusqu’aux tréfonds. Cela la rend moins angélique que Claudia dans son apparence, mais Joséphine a le même pouvoir de ravir et d’ensorceler. Sa vivacité saisissante s’équilibre par une douceur délicate ; la combinaison est enivrante, elle éveille dans le cœur de ceux qui la rencontrent un désir des plus violents. Mais c'est dans la douceur de ses yeux, d'un bleu marine intense, que réside le véritable péril. Il faut éviter de les admirer trop longtemps pour ne pas se consumer d'amour. Elle a bien d’autres grâces. Son corps est merveilleusement sculpté et l'équilibre de ses proportions frôle la perfection. La ligne de ses épaules, à la fois délicate et affirmée, trace un arc élégant qui s’épanouit avec une grâce naturelle. Cette combinaison subtile de force et de délicatesse se retrouve dans le modelé de son buste, où la nature semble avoir équilibré avec art la plénitude et la finesse. La poitrine de Joséphine de Nemours, d'une fermeté et d'une forme qui touchent à l'idéal, ajoute à son allure une noblesse et une beauté intemporelle. Sa taille se sculpte délicatement, marquant une transition fluide vers des hanches pleinement féminines. Dans le dessin de ses hanches se lit une proposition tendre, un appel discret à savourer les délices cachés en leur étreinte gracieuse.Ses jambes, longues et élancées, portent témoignage de la noblesse de son origine. Leur musculature discrète révèle une force contenue, une capacité de mouvement qui allie agilité et grâce. À chaque fois que son pied touche le sol, c'est un poème en mouvement ; Sa peau d’albâtre, lisse et lumineuse, capte la lumière et joue avec elle, révélant des nuances subtiles qui ajoutent à la perfection de sa forme. Elle est déjà préparée comme une princesse orientale. Son bijou est le plus joli et le plus pur qu’il m’ait été donné de voir ; même si, malheureusement, quelques soudards ont déjà pris sa virginité. Enfin, la délicatesse de ses chevilles, finement ciselées, lui confère une grâce ultime. Elles rappellent la délicatesse de l'art le plus délicat, pour lequel chaque détail compte et contribue à l'harmonie de l'ensemble. Je fais mon possible pour en détacher mes yeux, sachant qu'elle ne m'est pas destinée. Mais je ne peux empêcher mon cœur de battre lorsque, timide, elle frappe à ma porte et j'attends que notre retour me libère de son charme magnétique. Enfin, d'après le raïs et d'après ce que j'ai vu lors de sa vente, cette jeune femme est d'une sensualité qui ferait pâlir de jalousie n'importe laquelle de nos esclaves. Son corps est fait pour le plaisir et il vibre et tremble au moindre contact. Ses lèvres, alors, laissent échapper les vibrantes harmonies du désir. Lisbeth saura, j'en suis sûr, perfectionner ces belles dispositions, en employant à cet effet ses filles les plus expertes. J'ai risqué la totalité de notre fortune et j'ai dépensé ainsi pour elle la somme faramineuse de trois mille dinars ; heureusement que nous avons si bien rempli le trésor de Damas, qu'il te sera sans doute possible d’en récupérer une partie sans attirer l’attention. Mon trésor est vide, pourrais-tu de manière discrète récupérer quelque argent, faisant passer cela pour des dépenses militaires ?
L'armateur, un Levantin comme nous, a éduqué la jeune Joséphine qui comprend la langue arabe dans le dialecte que nous parlons ; grâce à cela, j'ai commencé à l'instruire de ses devoirs et de sa mission. Je ne lui dis pas tout. Je lui ai promis la liberté si elle parvenait à séduire le Pacha et à devenir sa Favorite. Tu me connais, ce genre de promesses faites à une esclave ne me coûte pas grand-chose. Il est bien certain que si elle parvenait à séduire le Pacha, il souhaiterait alors la garder à ses côtés et que je ne pourrais rien faire pour la libérer. Pour le moment, je veux la traiter du mieux possible et je la prépare, en tentant d’entrer dans son esprit. Elle est installée dans le plus grand confort. D'après nos discussions, Joséphine me semble bien plus naïve et manipulable que Claudia qui avait, au moment de sa capture, déjà eu des responsabilités de gouvernement dans sa cité d'origine. Mais, je veux qu’elle soit, lorsqu’elle arrivera à Damas étroitement contrôlée par Lisbeth. Pour l'heure, je m'évertue à lui donner une image odieuse de la Duchesse bavaroise. Je lui ai raconté que les enfants d’une Favorite précédente avaient été odieusement assassinés, Lisbeth ne me contredira pas. De toute façon, Claudia qui passe sans doute encore beaucoup de temps auprès du Pacha ne pourra guère nous contredire ; l'Anglaise pourra donc, en son absence du harem, faire aussi circuler les rumeurs les plus folles et les plus horrifiques. Il faudrait que Joséphine ait suffisamment peur de Claudia pour qu'elles ne s'accoquinent pas, du moins dans un premier temps. En effet, j'ai appris en l'achetant, que la jeune Comtesse avait un goût prononcé pour les amours saphiques. Alors, si elle échouait à séduire le Pacha ; nous aurions une seconde chance, il faudrait la jeter dans les bras de Claudia pour qu'entre elles se développe une relation contre-nature qui pourrait perdre pour de bon notre ennemie. Il y a là une ultime possibilité de nous libérer de son empire et de délivrer le Pacha de son influence si, comme je le crois l'Allemande ne fait que feindre d'éprouver à l'égard de notre maître des sentiments amoureux. Je sais bien combien cette vipère est prudente ; mais elle est encore très jeune et je gage que sa sensualité qui, jusqu'ici là lui a si bien servi pourrait lui faire perdre tout contrôle et la mener à sa chute. D'ailleurs, cela permettrait à Lisbeth qui s'est toujours montrée pour nous une alliée fidèle de regagner enfin la faveur du Pacha. Je te demande donc de prévenir notre amie très chère de l'arrivée de Joséphine afin qu'elle soit prête à l'accueillir et à la mettre en valeur auprès de la Khalfa. Ainsi, nous pourrons la présenter au Pacha dans les plus brefs délais, car comme je te l'ai raconté, elle est déjà prête et éduquée.
Qu'Allah te garde et nous protège tous !
Réponse d’Ibrahim ibn Marwad à Malek Ibn Marwad
Cher frère aîné,