La conversion - Collectif - E-Book

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Beschreibung

Dans les premiers siècles, La conversion était la condition de possibilité de la constitution et de la durée des communautés chrétiennes. Aussi le baptême, célébré uniquement à Pâques, le centre et le sommet de l'année liturgique, était il, pour les premières générations chrétiennes, le résultat d'un long cheminement d'environ trois années. De grandes figures de convertis sont restées célèbres : Irénée de Lyon, Justin de Naplouse, Ambroise de Milan, Paulin de Nole, Augustin d'Hippone...Nous ne les reprendrons pas toutes en l'espace de ce numéro de Connaissance des Pères de l'Eglise. Nous nous limiterons aux plus marquantes : à Jean Chrysostome que présentera Laurence Brottier et qui est né dans une famille chrétienne même s'il a été baptisé à l'age de dix-huit ans, à Paulin de Nole qu'envisagera Jean-Marc Vercruysse et qui s'est converti à une vie proche du monachisme à l'interieur même du christianisme, et à Augustin, exact contemporain de Paulin de Nole, qui a connu une conversion différente de ce dernier, mais qui a répondu à la demande que Paulin de Nole avait adressée à Alypius d'écrire ses Confessions, et dont nous étudierons précisément l'œuvre, dans la mesure où elle propose le paradigme même de La conversion, qui est à la fois épistrophe et metanoia. Cependant, dans l'Antiquité tardive, La conversion n'est pas seulement un phénomène individuel, elle a également une dimension sociale, qui a amené à La conversion de l'Empire que présente Hervé Huntzinger, en un article de synthèse et d'ouverture. C'est, en effet, l'Empire chrétien qui s'est développé, à la suite de l'édit de Milan, et où, cette fois, les motivations de La conversion demandent à être précisées, comme le souligne Augustin dans le De catechizandis rudibus.

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« Mais alors, après la lecture de ces livres platoniciens, et l’avertissement qu’ils me donnèrent de rechercher la vérité incorporelle, lorsque j’eus aperçu tes perfections invisibles rendues intelligibles à travers ce qui a été créé, et compris par mes échecs ce que les ténèbres de mon âme ne me permettaient pas de contempler, j’étais certain que tu es, et que tu es infini, sans être pourtant répandu à travers les lieux finis ou infinis ; que tu es véritablement, toi qui es toujours identique à toi-même sans devenir en aucune partie par aucun mouvement autre ou autrement ; et que les autres êtres sont tous de toi, pour cette seule et très ferme raison qu’ils sont : oui, j’étais certain de tout cela, et trop faible cependant pour jouir de toi.

Je bavardais tout à fait comme un fin connaisseur, et si dans le Christ, notre Sauveur, je n’avais pas cherché ta voie, ce n’est pas un homme fin, mais bientôt un homme fini que j’aurais été. Car j’avais déjà commencé à vouloir paraître sage, moi qui étais plein de mon châtiment, et je n’en pleurais pas ; bien plus, je m’enflais de ma science. Où était en effet cette charité qui édifie sur le fondement de l’humilité, le Christ Jésus ? Et quand donc ces livres me l’auraient-ils enseignée ? Si avant que j’eusse médité tes Écritures, tu as voulu me les faire rencontrer, je crois que c’est pour ce motif : ainsi s’imprimeraient dans ma mémoire les sentiments qu’ils m’auraient inspirés, et, lorsque, plus tard, je me serais apprivoisé dans tes livres et que tes doigts guérisseurs auraient pansé mes blessures, je discernerais, je distinguerais quelle différence sépare la présomption et la confession, ceux qui voient où il faut aller sans voir par où et celui qui est la voie conduisant non seulement à la vue, mais encore à l’habitation de la patrie bienheureuse […].

Les livres platoniciens ne contiennent pas le visage de cette piété, les larmes de la confession, ton sacrifice, l’âme broyée de douleur, le coeur contrit et humilié, le salut du peuple, la cité épouse, les arrhes de l’Esprit Saint, le calice de notre salut. »

Confessions, VII, 20, 26-21, 27, BA 13, pp. 635-637 ; 641.

Sommaire

La conversion

CPE n° 144

Éditorial — Marie-Anne VANNIER

Quelques aspects de la conversion au christianisme dans l’Antiquité tardive — Hervé HUNTZINGER

La conversion selon Jean Chrysostome — Laurence BROTTIER

Paulin de Nole, une conversion remarquable — Jean-Marc VERCRUYSSE

Augustin et la conversion — Marie-Anne VANNIER

Actualité des Pères de l’Église

Éditorial

Dans les premiers siècles, la conversion[1] était la condition de possibilité de la constitution et de la durée des communautés chrétiennes. Aussi le baptême, célébré uniquement à Pâques, le centre et le sommet de l’année liturgique, était-il, pour les premières générations chrétiennes, le résultat d’un long cheminement d’environ trois années. De grandes figures de convertis sont restées célèbres : Irénée de Lyon, Justin de Naplouse, Ambroise de Milan, Paulin de Nole, Augustin d’Hippone…

Nous ne les reprendrons pas toutes en l’espace de ce numéro de Connaissance des Pères de l’Église. Nous nous limiterons aux plus marquantes : à Jean Chrysostome que présentera Laurence Brottier et qui est né dans une famille chrétienne même s’il a été baptisé à l’âge de dix-huit ans, à Paulin de Nole qu’envisagera Jean-Marc Vercruysse et qui s’est converti à une vie proche du monachisme à l’intérieur même du christianisme, et à Augustin, exact contemporain de Paulin de Nole, qui a connu une conversion différente de ce dernier, mais qui a répondu à la demande que Paulin de Nole avait adressée à Alypius d’écrire ses Confessions, et dont nous étudierons précisément l’œuvre, dans la mesure où elle propose le paradigme même de la conversion, qui est à la fois épistrophè et metanoia.

Cependant, dans l’Antiquité tardive, la conversion n’est pas seulement un phénomène individuel, elle a également une dimension sociale, qui a amené à la conversion de l’Empire que présente Hervé Huntzinger, en un article de synthèse et d’ouverture. C’est, en effet, l’Empire chrétien qui s’est développé, à la suite de l’édit de Milan[2], et où, cette fois, les motivations de la conversion demandent à être précisées, comme le souligne Augustin dans le De catechizandis rudibus.

Marie-Anne VANNIER

[1].Cf. G. Bardy, La conversion au christianisme durant les premiers siècles, Paris, Aubier, 1949.

[2].N. Lemaître (dir.), La chrétienté dans l’histoire. Une notion mouvante, Paris, Parole et Silence, 2014.

Quelques aspects de la conversion au christianisme dans l’Antiquité tardive

Il est coutumier de faire commencer l’Antiquité tardive avec le règne de Constantin, dont la conversion n’est pas étrangère à la qualification de la période de tempora christiana, selon les mots d’Augustin. Eusèbe de Césarée en offre un récit devenu un topos :

Stupéfait par cette vision extraordinaire et résolu à n’adorer aucun autre Dieu que celui qu’il avait vu, il convoqua ceux qui étaient initiés à sa doctrine et leur demanda qui était ce dieu et quel était le sens de la vision qu’il avait eue de ce signe ; ils lui dirent que c’était Dieu, le seul enfant engendré du Dieu unique et que le signe qui lui était apparu était le symbole de l’immortalité et constituait le trophée de la victoire que celui-ci avait remporté sur la mort en venant jadis sur terre ; ils lui enseignèrent les raisons de sa venue et lui donnèrent l’explication exacte de sa présence parmi les hommes. Ces discours l’instruisaient, mais il était aussi saisi d’étonnement devant la théophanie qui s’était offerte à lui et, comparant la vision céleste aux explications des initiés, il fut confirmé dans l’idée que la connaissance de ces choses lui était enseignée par Dieu lui-même[1].

À la conversion de Constantin au début du IVe siècle fait écho, près de deux siècles plus tard celle de Clovis, borne chronologique conventionnelle du début du Moyen Âge. Le récit qu’en fait Grégoire de Tours vers 575 n’est pas sans rappeler celui d’Eusèbe :

« J’ai, en effet, invoqué mes dieux mais, comme j’en ai fait l’expérience, ils se sont abstenus de m’aider ; je crois donc qu’ils ne sont doués d’aucune puissance, eux qui ne viennent pas au secours de leurs serviteurs. C’est toi que j’invoque maintenant, c’est en toi que je désire croire, pourvu que je sois arraché à mes adversaires ». […] Alors la reine fait venir en cachette saint Rémi, évêque de la ville de Reims, le priant de faire croître chez le roi « la parole du salut ». Le pontife, l’ayant fait venir en secret, commence à faire naître en lui qu’il devait croire au vrai Dieu, créateur du ciel et de la terre, et abandonner les idoles, qui ne peuvent être utiles ni à lui, ni aux autres. Mais ce dernier dit : « Je t’ai écouté volontiers, très saint Père, toutefois, il reste une chose ; c’est que le peuple qui me suit ne veut pas délaisser ses dieux ; mais je vais l’entretenir conformément à ta parole. » Il se rendit donc au milieu des siens, et, avant même qu’il eût pris la parole, la puissance de Dieu l’ayant devancé, tout le peuple s’écria en même temps : « Les dieux mortels nous les rejetons, pieux roi, et c’est Dieu immortel que prêche Rémi que nous sommes prêts à suivre. »[2]

Ces jalons apparemment évidents d’une histoire de la christianisation de l’Empire romain recèlent pourtant tous les éléments qui font de la conversion une problématique historique fort complexe. Bien qu’attribuant l’initiative de la christianisation au souverain, ces deux textes posent la question de la conversion individuelle dans le processus de christianisation du monde antique et, partant, de celle d’une christianisation par le haut ou par le bas[3]. À la première hypothèse correspond la question des missions et des conversions soumises à des contraintes politiques[4]. À la seconde répondent les théories d’une diffusion par capillarité ou tache d’huile[5].

Dès lors, les deux textes apparaissent dans toute leur complexité. On peut ainsi s’interroger sur la dimension psychologique de la conversion de Constantin, « stupéfait par cette vision extraordinaire et résolu à n’adorer aucun autre Dieu » et la profondeur de sa conviction, mais aussi sur les ressorts politiques qui poussent le peuple franc à suivre Clovis comme un seul homme. La transformation sociale apparaît à la fois dans les convergences entre la philosophie et le dogme chrétien du point de vue de Constantin et l’abandon des « idoles » chez les Francs. Ce à quoi s’ajoutent, de façon évidente, la question de la relation entre les païens et les chrétiens, notamment la tendance constantinienne au monothéisme, et la question de la sincérité ou de la profondeur de la conversion des Francs, dans le sillage immédiat de Clovis, sans omettre celle des marqueurs sociaux de la conversion (profession de foi, baptême)[6].

Il apparaît clairement de la sorte que la question de la conversion dans l’Antiquité tardive est insérée dans des problématiques spécifiques. Deux dicho tomies semblent toutefois traverser plus particulièrement la question. D’une part, la conversion est à la fois une transformation individuelle et, d’une certaine façon, intérieure (ou psychologique), et un acte social dont les tenants et les aboutissants sont profondément intégrés dans les structures politiques et sociales. D’autre part, il s’agit en même temps d’un acte subit et d’un processus inscrit dans la longueur. Pour résoudre ces contradictions, il est nécessaire de considérer la conversion selon quatre aspects dont la complexité est progressive. Comment exprimer la conversion ? Comment la formaliser ? Comment la comprendre à l’échelle individuelle ? Comment l’insérer dans son contexte social et politique ?

I. Comment exprimer la conversion

Pour exprimer la conversion il est nécessaire que celle-ci soit un phénomène socialement identifié. Il est communément admis que cette condition apparaît à l’époque hellénistique, lorsque les Grecs furent en contact avec d’autres formes religieuses[7]. La question du passage d’une religion à une autre ne s’est toutefois posée en ces termes qu’entre les cultes traditionnels hellénistiques et le judaïsme. Dès lors, ce sont les auteurs de la Septante qui, par la traduction de notions hébraïques, ont introduit ces termes en grecs. La Bible hébraïque fournit le premier cadre conceptuel de la conversion avec les termes nāḥam (םחַנָ), qui porte plutôt le sens de « se repentir[8] », et šûb (בוּשׁ), qui exprime l’idée d’un retour en arrière, vers une foi qu’on avait délaissée, et non précisément une conversion vers une religion nouvelle. Toutefois, la traduction de ces notions dans la Septante par les termes respectifs μετανόειν et ἐπιστρέφειν[9] conduit à leur acclimatation dans le christianisme.

De fait le grec néotestamentaire propose une terminologie variée. Jean Bouffartigue relève ainsi un terme traduisant aussi la notion de repentir, mais dont le Nouveau Testament fera par la suite usage dans le sens d’une conversion, πιστεύειν[10]. L’auteur remarque que ce mot permet, en particulier dans les Actes des Apôtres, de désigner ceux, juifs ou non, qui croient au Seigneur[11]. Le verbe μενατονεῖν semble pour lui garder l’idée d’un repentir, qui n’est qu’une condition de la conversion, et non la conversion elle-même[12]. Le verbe ἐπιστρέφειν, dont la signification initiale désigne, d’un point de vue purement corporel, un mouvement du cou[13], développe surtout son potentiel avec son dérivé ἐπιστροφή, qui désigne sans l’ombre d’un doute une conversion du paganisme au christianisme dès les Actes[14]. Dans l’Antiquité tardive, la langue grecque permettra l’usage de termes encore plus divers pour désigner la conversion au christianisme. Ainsi, en plus de la μετάνοια et de l’ἐπιστροφή[15], parmi la diversité des usages, on peut relever les composés du préverbe μετα-, comme μετατίθεσται ou μεταβάλλειν. Enfin χριστιανίζειν ne signifie pas christianiser au sens transitif moderne, mais se comporter comme un chrétien.

Dans le cas du latin le vocabulaire de la conversion est bien plus simple, puisqu’il se limite à conuersio, à sa variante conuersatio et au verbe conuerto/conuertor[16]. À la différence de l’ἐπιστροφή grecque, la conuersio n’a pas de sens spirituel avant de désigner la conversion au christianisme, mais désigne simplement un mouvement. C’est la raison pour laquelle ce dont on se détourne est fréquemment mentionné. Si le terme apparaît dès Lactance[17], il ne devient fréquent qu’à la fin du IVe siècle, chez Ambroise, Paulin de Nole, Rufin d’Aquilée, Hilaire d’Arles[18] et surtout Augustin d’Hippone[19].

II. Formaliser la conversion

Les termes considérés précédemment sont ceux utilisés par les auteurs pour désigner le phénomène de la conversion. Une tentative plus resserrée de l’appréhender consiste à relever les modalités formelles par lesquelles on met en scène la conversion. Celles-ci sont de trois types : la profession de foi ; le catéchuménat ; le rituel du baptême.

Le marqueur plus évident de la conversion au christianisme est la profession de foi. Le christianus sum de Tertullien nous le rappelle[20]. Il semble qu’elle ait été souvent mise en scène comme le montrent les exemples du « peuple franc » ou des Ismaélites[21]. Par ailleurs, cette profession de foi peut prendre la forme d’autres marqueurs sociaux, non sans poser des questions. On a ainsi cherché à utiliser l’onomastique comme indicateur de la conversion[22]. Mais cela n’est pas sans soulever des difficultés méthodologiques, comme le montre l’exemple égyptien. Dans la seconde moitié du IVe siècle, les papyrus de Karanis, d’Hermopolis, de Dionysias ou d’Arsinoë montrent une importante proportion d’enfants portant des noms bibliques (Elias, Marie, Paul) ou des noms à partir de noute, désignant une divinité monothéiste. Faut-il en déduire une conversion massive de la population rurale ? Et surtout, celle-ci a-t-elle répudié ses anciens dieux ou espère-t-elle gagner un pouvoir protecteur de ces noms sans avoir renié ses anciens dieux dans le cadre d’un folklore éclectique[23] ?

La formalisation de la conversion se heurte aussi au problème difficile du catéchuménat[24]. Souvent d’anciens païens se faisaient inscrire sur le registre des catéchumènes, mais leur engagement n’allait pas au-delà et ils continuaient de vivre selon une mentalité et des pratiques païennes[25]. De fait, un édit du 20 mai 383 de Gratien, Valentinien et Théodose annulait les testaments établis par « les chrétiens [baptisés ?] et les catéchumènes qui par négligence d’une si vénérable religion migraient vers les autels et les temples[26] ». Cela dit, si leur appartenance à l’Église est incomplète, puisqu’ils ne participent pas à l’Eucharistie et sont soumis à un contrôle étroit pour éviter les errements, ils ne peuvent être considérés autrement que comme chrétiens.

Il reste que seul le baptême est un signe définitif de conversion, dès lors qu’il semble régler simplement la question de l’adhésion au christianisme par une procédure formelle. Encore une fois, cela ne va pas sans problème. L’on sait bien que Constantin, qui était manifestement chrétien, n’a été baptisé que sur son lit de mort en 337. Firmus, correspondant d’Augustin, présente un cas moins particulier. Alors qu’Augustin l’enjoint de se faire baptiser comme son épouse, il invoque plusieurs excuses pour repousser l’échéance, indiquant notamment que le baptême était une affaire sérieuse qu’un homme réellement pieux ne pouvait approcher qu’avec précaution[27]. De fait, Laurent Guichard a montré qu’entre le IVe et le Ve siècle dans la famille impériale le baptême ne devient la norme que progressivement. Si les femmes sont bien plus souvent baptisées, les Constantinides et les Valentiniens ont tendance, lorsqu’ils sont baptisés, à ne le faire qu’en cas de danger de mort imminente. Il faut attendre la dynastie théodosienne pour que se normalise le baptême précoce[28].

Dès lors, à partir du Ve siècle le baptême lui-même signifie clairement un acte de conversion. Le baptême de Rufius Antonius Agrypnius Volusianus sur son lit de mort en 437 sous la pression de sa nièce Mélanie la Jeune est une conversion directement du paganisme au christianisme[29]. De même dans le récit de la conversion de Clovis au christianisme, cette conversion s’opère directement du paganisme ancestral au christianisme. Certes il est possible que Rémi de Reims lui ait administré une catéchèse courte et secrète, car contraire au rite canonique[30], mais cette procédure montre bien que le véritable marqueur est alors le baptême[31].

Tous ces marqueurs, s’ils permettent d’insérer la conversion dans le tissu des relations sociales, se heurtent toutefois à la question de la sincérité de la conversion, de sorte que le problème historique a rapidement consisté à s’interroger sur la profondeur de la conversion par rapport à ses marqueurs sociaux. Dès l’Antiquité l’historien païen de la fin du Ve siècle Zosime met en cause la sincérité de la conversion au christianisme dans son Histoire nouvelle à la charge polémique très forte[32]. Au-delà des marqueurs visibles de la conversion, se pose, par conséquent, la question de la dimension intérieure de celle-ci.

III. La dimension psychologique de la conversion

Arthur D. Nock, dans un ouvrage devenu classique, Conversion : The Old and the New in Religion from Alexander the Great to Augustine of Hippo (1933), a proposé une définition de la conversion affirmant une rupture historique entre les pratiques religieuses ritualistes traditionnelles et la conversion « corps et âme » apparue dans le cadre des mutations du monde hellénistique :