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Beschreibung

EditorialLa diaconie, le service de la charité, est l’une des trois tâches fondamentales et indissociables de l’Église, avec l’annonce de la Parole de Dieu (martyria) et la célébration des sacrements (leitourgia), comme le rappelait le pape Benoît XVI dans son encyclique Deus caritas est (n. 25).
Au cours de l’année 2013, nous serons invités à y accorder une attention particulière, ce qui nous amène à revisiter avec les Pères les sources de La diaconie. Or, ces sources sont nombreuses et donnent de mieux en comprendre la signification. Comme le souligne Rudolf Schneider, La diaconie caractérise l’Église des origines, qui était une fraternité dans le Christ, comme l’a montré Michel Dujarier 1. La diaconie a une dimension fondamentalement christologique, elle explicite le sens de l’Incarnation, la kénose du Fils de Dieu qui a pris notre humanité pour nous donner d’avoir part à sa divinité.
Elle prend tout son sens dans l’eucharistie, où le sacrement de l’autel et le sacrement du frère sont indissociables, comme l’a expliqué Jean Chrysostome (voir texte en quatrième de couverture), le fait de recevoir le Christ induit une attitude identique à la sienne, celle du don de soi pour les autres. Une des expressions les plus marquantes de La diaconie est la Basiliade, cette cité que Basile de Césarée avait fait construire pour les pauvres et où non seulement ils étaient accueillis, soignés, mais où ils apprenaient également un métier et pouvaient ensuite s’insérer dans la société. Benoît Gain la présente ici dans toute son ampleur.
Puis Jaime García rappelle comment Augustin a mis en œuvre La diaconie, en faisant construire des hospices, en défendant les pauvres auprès des autorités civiles, en évitant l’esclavage…, en oeuvrant pour la justice… Il explique comment Augustin montre que La diaconie amène à la conformation au Christ et concourt à constituer la communauté. Guillaume Petit s’attache, ensuite, à la relecture augustinienne de la péricope du lavement des pieds, pour en souligner la dimension christologique et ecclésiologique.
Il était difficile de parler du service de la charité sans évoquer Martin de Tours, c’est ce que fait Martin Roch, en donnant à son exemplum toute sa mesure. Finalement, le frère Jean-Luc Molinier envisage, non pas l’hospitalité monastique qui est bien connue, mais un point original : la visite des prisonniers. Il aurait été également possible d’envisager le rôle des diacres dans le service de la charité ; nous avons déjà consacré un numéro à la question et y renvoyons : CPE n° 57.
Marie-Anne VANNIER

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« Nous avons maintenant son corps entre nos mains. Ce n’est plus son seul vêtement. C’est son propre corps qu’il nous donne, non pour le toucher seulement, mais pour le manger et pour en nourrir nos âmes. Approchons-nous-en donc avec une foi fervente, nous tous qui sommes malades.

Mais pour s’approcher de Jésus-Christ avec foi, il ne suffit pas de le recevoir extérieurement. Il faut encore le toucher avec un cœur pur, et savoir, lorsqu’on s’en approche, qu’on s’approche de Jésus-Christ même.

Ce mystère est un mystère de paix. Ce mystère sacré ne peut souffrir que nous ayons encore de l’attachement pour les richesses. Si Jésus-Christ ne s’épargne pas lui-même, s’il donne sa propre vie pour nous, quelle excuse pouvons-nous avoir d’épargner notre bien, et de négliger notre âme, pour laquelle Jésus-Christ n’a pas épargné la sienne ? Si vous voulez honorer ce sacrifice, offrez-y votre âme pour laquelle Jésus-Christ a été sacrifié. Faites qu’elle devienne toute d’or.

L’Église n’est point un magasin d’orfèvrerie, mais une sainte assemblée d’anges. Ce sont nos âmes que nous devons rendre pures et brillantes comme l’or, puisque c’est cette pureté de nos âmes qui fait que Dieu reçoit de nous ces autres vases. La table sur laquelle Jésus-Christ fit la cène avec ses disciples n’était pas d’argent, et le calice dans lequel il leur donna son sang divin n’était pas d’or. Cependant tout y était précieux et digne d’un profond respect, parce que tout y était plein du Saint-Esprit.

Voulez-vous donc honorer le corps de Jésus-Christ ? Ne le méprisez pas, lorsqu’il est nu et pendant qu’en cette Église vous le couvrez d’étoffes de soie, ne lui laissez pas souffrir ailleurs le froid et la nudité. Car Celui qui a dit : “Ceci est mon corps” et qui a produit cet effet par la vertu de sa parole, a dit aussi : “Vous m’avez vu souffrir la faim, et vous ne m’avez pas donné à manger. Car quand vous l’avez refusé à quelqu’un de ces petits, c’est à moi-même que vous l’avez refusé” (Mt 25). Le corps de Jésus-Christ qui est sur l’autel n’a pas besoin d’habits précieux qui le couvrent, mais d’âmes pures qui le reçoivent, au lieu que cet autre corps de Jésus-Christ formé des pauvres qui sont ses membres a besoin de notre assistance et de tous nos soins. Honorez-le donc aussi de la manière qu’il le désire, c’est-à-dire en lui donnant l’aumône dans la personne des pauvres.

Quel avantage peut recevoir Jésus-Christ de voir ici sa table couverte de vases d’or, pendant qu’il meurt de faim dans la personne des pauvres ? Commencez par le soulager dans sa faim, et s’il vous reste quelque argent, ornez ensuite son autel. Vous lui faites présent d’une coupe d’or, et vous lui refusez un verre d’eau froide ? À quoi lui sert toute cette magnificence, lorsque vous le laissez gémir dans une prison, sans même aller le visiter ?

Considérons ceci, mes frères, et semons nos biens sur les pauvres avec abondance, afin de moissonner avec fruit les biens éternels qui nous sont promis. »

JEAN CHRYSOSTOME, Sermon 50 sur Matthieu, trad. Jeannin, Œuvres complètes, t. VIII, Bar-le-Duc, 1864, pp. 391-393.

Sommaire

La diaconie

CPE n° 127

Éditorial — Marie-Anne VANNIER

« Voyez comme ils s’aiment » : le souci des pauvres dans la théologie et la pratique de l’Église ancienne — Rudolf SCHNEIDER

Un évêque novateur en Cappadoce. S. Basile et la Basiliade — Benoît GAIN

Le « ministère de la charité » à l’égard des pauvres selon S. Augustin — Jaime GARCÍA

Le geste du Christ Serviteur. L’interprétation augustinienne du lavement des pieds (Jn 13, 20) — Guillaume PETIT

« Ce pauvre lui était réservé ». L’attention au prochain dans la vie de S. Martin de Tours — Martin ROCH

La solidarité chez les moines perses au début du Ve siècle. Le témoignage du « frère chargé de visiter les prisonniers » dans les Canons de Marutha de Maipherqat — Fr. Jean-Luc MOLINIER

Actualité des Pères de l’Église

Éditorial

La diaconie, le service de la charité, est l’une des trois tâches fondamentales et indissociables de l’Église, avec l’annonce de la Parole de Dieu (martyria) et la célébration des sacrements (leitourgia), comme le rappelait le pape Benoît XVI dans son encyclique Deus caritas est (n. 25). Au cours de l’année 2013, nous serons invités à y accorder une attention particulière, ce qui nous amène à revisiter avec les Pères les sources de la diaconie.

Or, ces sources sont nombreuses et donnent de mieux en comprendre la signification. Comme le souligne Rudolf Schneider, la diaconie caractérise l’Église des origines, qui était une fraternité dans le Christ, comme l’a montré Michel Dujarier[1]. La diaconie a une dimension fondamentalement christologique, elle explicite le sens de l’Incarnation, la kénose du Fils de Dieu qui a pris notre humanité pour nous donner d’avoir part à sa divinité.

Elle prend tout son sens dans l’eucharistie, où le sacrement de l’autel et le sacrement du frère sont indissociables, comme l’a expliqué Jean Chrysostome (voir texte en quatrième de couverture), le fait de recevoir le Christ induit une attitude identique à la sienne, celle du don de soi pour les autres.

Une des expressions les plus marquantes de la diaconie est la Basiliade, cette cité que Basile de Césarée avait fait construire pour les pauvres et où non seulement ils étaient accueillis, soignés, mais où ils apprenaient également un métier et pouvaient ensuite s’insérer dans la société. Benoît Gain la présente ici dans toute son ampleur.

Puis Jaime García rappelle comment Augustin a mis en œuvre la diaconie, en faisant construire des hospices, en défendant les pauvres auprès des autorités civiles, en évitant l’esclavage…, en œuvrant pour la justice… Il explique comment Augustin montre que la diaconie amène à la conformation au Christ et concourt à constituer la communauté.

Guillaume Petit s’attache, ensuite, à la relecture augustinienne de la péricope du lavement des pieds, pour en souligner la dimension christologique et ecclésiologique.

Il était difficile de parler du service de la charité sans évoquer Martin de Tours, c’est ce que fait Martin Roch, en donnant à son exemplum toute sa mesure.

Finalement, le frère Jean-Luc Molinier envisage, non pas l’hospitalité monastique qui est bien connue, mais un point original : la visite des prisonniers.

Il aurait été également possible d’envisager le rôle des diacres dans le service de la charité ; nous avons déjà consacré un numéro à la question et y renvoyons : CPE n° 57.

Marie-Anne VANNIER

[1].M. Dujarier, L’Église-fraternité. Les origines de l’expression « adelphotes-fraternitas » aux trois premiers siècles du christianisme, Paris, Éd. du Cerf, 1991.

« Voyez comme ils s’aiment » : le souci des pauvres dans la théologie et la pratique de l’Église ancienne[1]

Le christianisme primitif a rencontré, avec son extension jusqu’à l’Antiquité tardive, le modèle païen de l’évergétisme, qui était tourné vers la communauté urbaine et qui était très marqué par le prestige du bienfaiteur privé et déterminé par la mise en place prévue et officielle d’une clientèle[2]. En revanche, on ne connaissait pas à l’époque un souci public des pauvres et une attention de la société pour les pauvres, pas plus qu’une charité venant de la religion. À côté du modèle de l’évergétisme, il y avait encore dans le monde où le christianisme s’est développé la confiance dans l’action des associations[3], qu’elles soient relatives aux métiers ou à la religion. Ces associations pouvaient également constituer pour le cercle de leurs membres, mais uniquement pour lui, une forme de protection sociale, ce qui est particulièrement vrai pour les corporations. On remarque que chaque conception de la pauvreté dans le monde païen de culture gréco-romaine lie la pauvreté à l’obligation de travailler. Est pauvre celui qui doit vivre du travail de ses mains[4].

Dans ce contexte, le christianisme, avec son souci des pauvres, des malades et des étrangers pouvait paraître digne d’intérêt[5]. L’apologétique chrétienne se réfère à cette option préférentielle pour les pauvres. Aristide d’Athènes prône un idéal de la fraternité, qui ne laisse aucun pauvre dans la misère, même s’il n’y a pas de moyens immédiatement disponibles. Alors, on jeûne et on obtient les denrées alimentaires pour ceux qui en ont besoin[6]. De manière analogue, Tertullien envisage différentes pratiques de l’amour du prochain. D’après Tertullien, cela faisait l’admiration des non-chrétiens : « Voyez comme ils s’aiment, disaient-ils[7]. » Les sources païennes retiennent aussi ce genre d’attitude, qui peut, en revanche, être tournée en ridicule, car d’après une satire de Lucien, la bonté des chrétiens leur donne des possibilités pour s’enrichir[8]. Dans la contre-attaque païenne de l’empereur Julien l’Apostat contre la protection antérieure du christianisme par l’empereur Constantin et ses fils, au milieu du IVe siècle, on trouve le rôle éminent de l’action sociale (philanthropia) qui a contribué au succès du christianisme. Il souligne qu’il est nécessaire, dans la restauration païenne, de prévoir de mettre en œuvre un modèle d’assistance aux pauvres qui, comparé à la pratique chrétienne, devrait être aussi une pratique définie de la religion païenne, qui ne s’était pas intéressée jusque-là aux pauvres et aux étrangers. C’est pourquoi l’empereur Julien mit en œuvre des moyens importants, il invita aussi les prêtres païens à donner aux populations païennes ce qui leur était nécessaire[9].

Théologiquement, le souci des pauvres part de la Bible pour fonder une religion solide[10]. Dans les écrits patristiques sur les bonnes œuvres, le Royaume, les aumônes, s’effectue, à partir du début du IIIe siècle, une première systématisation, en particulier chez Clément d’Alexandrie et Cyprien de Carthage[11]. Cela ressort tout particulièrement dans la présentation des offrandes lors de la célébration de l’eucharistie, qui est le centre de la vie de la communauté chrétienne. Ces offrandes sont ensuite partagées et aussi apportées aux membres de la communauté qui n’ont pas pu venir. « Dans l’Église ancienne, le souci des pauvres avait la valeur d’acte liturgique », ceux qui étaient dans le besoin – les veuves et les orphelins – représentaient « l’autel de Dieu », on pratiquait à leur égard la miséricorde comme service divin, chaque jour[12]. Les aumônes accordent le pardon des péchés[13]. Cyprien de Carthage les présente dans son œuvre comme un moyen que Dieu donne par amour aux hommes, pour qu’ils puissent se purifier s’ils ont péché après leur baptême. Dans la même perspective, Jean Chrysostome disait dans son Homélie 25 sur S. Matthieu : « S’il n’y avait pas de pauvres, tu ne pourrais pas te décharger du poids de tes péchés. Ils sont les médecins de tes blessures[14]. » Aussi sont-ils source de respect et de grandeur. Pour Grégoire de Nysse, les pauvres sont « les détenteurs des biens à venir, les portiers du Royaume des cieux[15] ». De manière paradoxale, la hiérarchie sociale n’est pas mise en question, mais d’autre part, elle est dépassée théologiquement, de manière sublime[16]. L’économie du monde et l’économie du salut de Dieu se limitent de manière inversée.

On ne reprendra pas ici les moyens concrets mis en œuvre pour venir en aide aux pauvres, ni la question de savoir qui subventionne cette aide, nous en avons traité dans notre ouvrage.

Dans l’Antiquité, l’originalité du christianisme a été « d’institutionnaliser la pratique de la charité[17] », au lieu d’en rester, comme le paganisme, à des cercles privés. De plus, le christianisme a apporté de nouvelles valeurs dans le domaine social.

Rudolf SCHNEIDER

Faculté de théologie de TRÈVES (traduction Marie-Anne Vannier)

[1]. Pour une étude complète de la question, voir R. Schneider, Armut und Armenfürsorge in der Geschichte desChristentums, Fribourg-en-Brisgau, Herder, sous presse.

[2].Voir, mis à part : E.Herrmann-Ottoet C.Schäfer, Armut, Arme, Armenfürsorge in der paganen Antike, Darmstadt, 2011, P.Garnsey, Famine and Food Supply in the Graeco-Roman World. Responses to Risk and Crisis, Cambridge, 1988 ;B.Goffin, Euergetismus in Oberitalien, Bonn, 2002 ; H.Klof(éd.), Sozialmaßnahmen und Fürsorge. Zur Eigenart antiker Sozialpolitik, Graz, Grazer Beiträge Suppl. 3, 1988.

[3]. Voir E. Herrmann-Otto et C. Schäfer, Armut, pp. 77 s.

[4]. Pour le sens du travail manuel dans l’Antiquité, voir : J. Engels, « Merces auctoramentum servitutis – Die Wertschätzung bestimmter Arbeiten und Tätigkeiten durch antike heidnische Philosophen », dans V. Postel (éd.), Arbeit im Mittelalter. Vorstellungen und Wirklichkeiten, Berlin, 2006, pp. 51-77.

[5]. Pour une synthèse, voir A. Fürst, « Organisation und Theologie der Caritas in der Alten Kirche », dans G. Collet (éd.), Liebe ist möglich, und wir können sie tun. Kontexte und Kommentare zur Enzyklika « Deus caritas est » von Papst Benedikt XVI, Münster, Diakonik 7, 2008, pp. 11-26 ; G. K. Schäfer et V. Herrmann, « Geschichtliche Entwicklungen der Diakonie », dans G. Ruddat et G. K. Schäfer (éd.), Diakonisches Kompendium, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2005, pp. 36-67, ici pp. 37-42. Pour un aperçu de la dimension ministérielle, voir G. Hammann, Die Geschichte der christlichen Diakonie. Praktizierte Nächstenliebe von der Antike bis zur Reformationszeit, Göttingen, 2003, pp. 32-87.

[6]. Voir la Lettre d’Aristide d’Athènes à l’empereur Antonin le Pieux (vers 140), citée par G. K. Schäfer et V. Herrmann, « Geschichtliche Entwicklungen der Diakonie », p. 37.

[7].Tertullien, Apologeticum 39, 7, cité d’après G.Hammann, Die Geschichte der christlichen Diakonie, p. 54.

[8]. Cité par U. Luz, « Biblische Grundlagen der Diakonie », dans G. Ruddat et G. K. Schäfer (éd.), Diakonisches Kompendium, pp. 17-35, pp. 24 s.

[9]. Voir A. Fürst, « Organisation… », p. 12 ; G. K. Schäfer et V. Herrmann, « Geschichtliche Entwicklungen der Diakonie », p. 37 ; G. Hammann, Die Geschichte der christlichen Diakonie, p. 83. Pour les sources, voir H. Krimm, Quellen zur Geschichte der Diakonie, Bd. 1 : Altertum und Mittelalter, Stuttgart, 1960, ici, p. 77. Sur la politique antichrétienne de Julien, voir K. Bringmann, Kaiser Julian. Der letzte heidnische Kaiser, Darmstadt, 2004, pp. 129-152. Sur sa réaction contre la philanthropia chrétienne, voir pp. 130-135.

[10].Sur la théologie de l’aumône auxIIe-Vesiècles, voir l’étude complète de O.Müller, Vom Almosen zum Spendenmarkt. Sozialethische Aspekte christlicher Spendenkultur, Fribourg-en-Brisgau, 2005, pp. 90-117. Pour une anthologie, voir A. G.Hamman, Riches et pauvres dans l’Église ancienne, Paris, Migne, 1962.

[11].Voir A.Fürst, « Organisation… », pp. 22 s. ; O.Müller, Vom Almosen zum Spendenmarkt, pp. 95-100 et 114 ; M.Hengel, Eigentum und Reichtum in der frühen Kirche. Aspekte einer frühchristlichen Sozialgeschichte, Stuttgart, 1973, ici pp. 79-86. VoirClémentd’Alexandrie, Quis dives salvetur ?, GCS 17 ;CypriendeCarthage, De opere et eleemosynis, CChr SL III, 4.

[12]. A. Fürst, « Organisation… », p. 19.

[13]. Ibid., pp. 21-23 ; O.Müller, Vom Almosen zum Spendenmarkt, pp. 98 s.

[14].Cité d’après A.Fürst, « Organisation… », p. 23. Voir R.Brändle, Mattheus 25, 31-46 im Werk des Johannes Chrysostomos. Ein Beitrag zur Auslegungsgeschichte und zur Erforschung der Ethik der griechischen Kirche um die Wende vom IV. zum V. Jahrhundert, Tübingen, 1979 ; W.Mayer, « John Chrysostom on Poverty », dans P.Allen, B.NeiletW.Mayer(éd.), Preaching Poverty in Late Antiquity. Perceptions and Realities, Leipzig, 2009, pp. 69-118.

[15].GrégoiredeNysse, De l’amour des pauvres, PG 46.

[16]. Voir A. Firey, « “For I Was Hungry and You Fed Me”, Social Justice and Economic Thought in the Latin Patristic and Medieval Christian Traditions », dans S. T. Lowry et B. Gordon (éd.), Ancient and Medieval Ideas and Concepts of Social Justice, Leyde, 1998, pp. 333-370, ici pp. 336, 340.

[17]. A. Fürst, « Organisation… », p. 15.

Un évêque novateur en Cappadoce Saint Basile et la Basiliade

Si de nos jours les réalisations d’une Mère Teresa ou d’un abbé Pierre suscitent très généralement l’approbation et même l’admiration, il n’en va pas toujours de même quand on évoque l’action caritative de leurs lointains prédécesseurs, du moins en France. Certains, sans doute sous l’influence d’un laïcisme militant, ne se contentent pas de bannir l’adjectif « caritatif » au profit de celui de « solidaire », et ont vite fait de soupçonner l’action des chrétiens, clercs, moines ou laïcs, de n’être pas tournée vers toutes les personnes indépendamment de leurs convictions religieuses, mais de la réserver aux fidèles de la même confession. Bien plus, l’accueil des pauvres, des malades, des infirmes, des orphelins, des lépreux, des vieillards ne serait, aux yeux de quelques-uns, qu’une manière de prosélytisme déguisé et par là même d’autant plus condamnable. Nous avons tous entendu de tels griefs et l’actualité récente, hors d’Europe, corrobore cette constatation.

Il n’est pas inutile, pour apprécier la pertinence ou non de ces critiques, de nous tourner vers l’époque des premiers siècles chrétiens et d’examiner si le monde méditerranéen à l’époque de Jésus offrait à la population des établissements d’assistance. Or il apparaît que le monde grec tout comme l’Empire romain étaient alors dépourvus d’institutions publiques – seuls certains médecins privés disposaient de quelques lits pour accueillir les patients gravement atteints.

Les disciples du Christ pouvaient donc prendre des initiatives, mais celles-ci ne pouvaient être que confidentielles en quelque sorte jusqu’à la paix de l’Églises au début du IVe siècle.

Après avoir évoqué brièvement ce que nous savons des toutes premières réalisations, nous présenterons la Basiliade de Césarée de Cappadoce, avant d’en retracer l’organisation, l’administration, le financement. Nous terminerons par l’examen d’interprétations, à notre avis tendancieuses, sur le projet basilien et nous nous interrogerons sur la disparition de l’œuvre de saint Basile.

I. Des modèles pour la Basiliade ?

La création en Orient du premier hôpital ou hospice ne peut être datée avec précision. À Constantinople la tradition, que rapporte une loi des empereurs Léon Ier et Anthemius (472) contenue dans le Code Justinien[1], attribue cette innovation au prêtre Zôticos[2] (martyrisé sous Constance ?), l’emplacement de l’établissement dans la capitale ne pouvant être fixé avec certitude.

On est un peu mieux renseigné sur l’ouvre charitable de Marathonios[3] à Constantinople : agent fiscal, diacre, il fut élevé à l’épiscopat de Nicomédie (v. 342) par Macédonios de Constantinople, et était en charge des hôpitaux et hospices. Comme Marathonios, Eustathe[4] (v. 300-380 ?), qui séjourna à Constantinople entre le concile de Gangres (v. 340 ?) et sa nomination (356) à l’évêché de Sébastée en Arménie, multiplia dans sa cité épiscopale les fondations charitables. L’on sait qu’Eustathe fut longtemps (jusqu’en 372-373) le grand ami et le maître spirituel de saint Basile : il est plus que probable que ce dernier reprit à Césarée, puis en Cappadoce, les initiatives que son aîné avait confiées à des moines en Arménie Mineure. Il importe de souligner que les moines, qu’une approche superficielle pourrait croire « cantonnés » dans les déserts ou du moins dans des lieux à l’écart, se sont distingués, dans les villes d’Asie Mineure, dans l’assistance aux « blessés de la vie ». Enfin, à la même époque ou un peu plus tard, le patriarche d’Arménie Nersès le Grand[5] (353/355-372) a comme « quadrillé » son territoire d’établissements d’assistance. Les historiens arméniens soulignent son rôle, tant Fauste de Byzance que Moïse de Khorène (Ve siècle tous les deux). Voici la notice que le second consacre au sujet dans son Histoire de l’Arménie :