La France contre les robots - civilisation et technologie - Georges Bernanos - E-Book

La France contre les robots - civilisation et technologie E-Book

Georges Bernanos

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Beschreibung

Georges Bernanos nous livre ici un essai visionnaire (1947) de l'effet des évolutions techniques sur notre civilisation.

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Sommaire

NOTE DE L’EDITEUR

PREFACE

I

II

III

IV

V

VI

VII

VIII

WWW.EDITIONS-AOJB.FR

NOTE DE L’EDITEUR

Cet ouvrage, dont le texte vient de parvenir en France, fut écrit à la fin de 1944 et donné par l’auteur au Comité de la France Libre du Brésil qui en a publié l’édition originale.

A Auguste Rendu, Président du Comité France Libre à Rio de Janeiro, à Madame Rendu et aux Membres du Comité,

Marcel Layolle, Jean Hauser, André Faure, René Bouguié, Yves Mainguy, Léon Reuché, René Wurmser, Maurice Cellier, Pierre Aubaud, Louis Hutier, Arthus Germain

en témoignage de ma fidélité fraternelle à leur souvenir et à leur exemple.

G. BERNANOS.

PREFACE

Mon cher ami, c’est à vous et à votre chère et vaillante femme que je veux dédier ces pages, les dernières que j’écrirai au Brésil, après sept années d’exil. Je dis sept années parce que — mieux vaut peut-être le rappeler tout de suite — c’est en 1938 que j’ai quitté mon pays ; je dis sept années d’exil, car, après Munich, fussé-je resté en France, j’y aurais été aussi un exilé.

Voilà longtemps que nous nous connaissons, Rendu, et c’est pourtant aujourd’hui la première fois qu’il m’arrive de dire publiquement ce que je pense de vous. Dans les quatre volumes du Chemin de la Croix-des-Âmes, votre nom n’est pas cité une fois. Je n’avais jamais pensé jusqu’ici à cette anomalie, et il est probable que vous n’y aviez pas pensé davantage. Lorsque deux bons ouvriers travaillent côte à côte, chacun d’eux ne pense qu’à sa propre besogne, parce qu’il sait que celle du voisin sera faite aussi consciencieusement que la sienne. Eh bien, Rendu, voilà le témoignage que je veux vous rendre d’abord. Je sais ce que c’est que le travail, le vrai, pas le travail d’amateur. Vous êtes un bon ouvrier, Rendu. Et votre chère femme est aussi une bonne ouvrière ; vous faites, à vous deux, comme aurait dit Péguy, un rude ménage ouvrier. Voilà précisément ce qui n’est pas du goût de tout le monde. On vous aurait pardonné de donner à notre pays de la camelote, de l’article de bazar, et vous lui avez fourni, au contraire, ce que les braves gens de chez nous appellent du bon, du solide, fait avec de vrais outils, de forts et loyaux outils, et qui pesaient le poids qu’il faut. Evidemment, lorsqu’un malheureux atteint de cette curieuse espèce d’anémie morale qui porte le nom de pétainisme, de cette bizarre décoloration de la conscience — la maladie des consciences pâles — vient vous déranger dans votre travail, s’approche trop près de l’établi, et que Mme Rendu lui laisse malicieusement tomber l’outil sur les pieds, le pauvre diable s’en va furieux. Tant pis pour le pauvre diable ! Tant pis pour les décolorés ! Nous trouvons que leur décoloration chronique a déjà coûté très cher à la France. C’est pour eux, pour leur santé, qu’elle est allée jadis à Munich. Elle aurait pu d’ailleurs s’épargner le voyage, car, deux ans plus tard, les décolorés étaient plus décolorés que jamais, la honte de l’armistice ne leur a même pas rendu de couleurs. La France s’occupera d’eux plus tard. Certes, nous ne doutons pas que notre pays reprenne un jour sa place traditionnelle à la tête de la civilisation — ou de ce qu’il en restera, de ce que les conférences en auront laissé ; mais elle a encore beaucoup de chemin à faire, et, lorsqu’on part pour une longue étape, on ne s’embarrasse pas de traînards et de mal fichus.

Cher ami, en m’adressant à vous, je pense à tous ceux qui ont fait, dans cette Amérique du Sud que je vais quitter, le même travail que vous. Je les salue de tout mon cœur. Vous étiez pour la plupart des hommes tranquilles et laborieux, attachés à leur métier, à leur négoce, à leur famille, et généralement peu soucieux de politique. La nouvelle de l’armistice vous a tous frappés de stupeur avant de vous enflammer de colère. Vous n’avez pas discuté l’armistice, vous avez refusé d’entrer dans les prétendues raisons de l’armistice. Vos adversaires en profitent pour vous accuser d’intransigeance, et même de fanatisme. Ils ont ainsi dupé un certain nombre de naïfs qui, dans le but de rassurer leur propre conscience, ne demandaient pas mieux que de vous croire aveuglés par la passion. Car vos pires ennemis, les pires ennemis de votre œuvre, n’étaient pas ceux qui mettaient en doute votre désintéressement, votre sincérité, c’étaient ceux qui feignaient de rendre hommage à « vos illusions généreuses ». Les « illusions généreuses » ! Tout le monde sait ce que ces deux mots signifient aujourd’hui, traduits en patois yankee. On ne pouvait pas dire plus clairement que nous étions des imbéciles. Eh bien, Rendu, lorsque vous et vos amis refusiez d’entrer dans les raisons de l’armistice, ce n’était nullement parce que vous redoutiez d’être convaincus. Vous refusiez d’entrer dans ces raisons parce qu’elles ne valaient rien. Ce que vous opposiez au déshonneur, c’était d’abord, et avant tout, le bons sens — un jugement droit. Mais ce mot de droit n’en suggère-t-il pas un autre ? On ne saurait être à la fois droit et tordu. Qui dit droit, n’est-ce pas, dit aussi inflexible. Vous étiez le bon sens inflexible. Alors que la plupart des valeurs brillantes révélaient brusquement leur impuissance et leur malfaisance, nous menaçant ainsi d’une faillite spirituelle mille fois plus désastreuse que la faillite militaire, la France s’est repliée sur vous, sur le bon sens populaire, comme un homme pressé de toutes parts s’adosse à un mur pour faire face. Vous opposiez le Bon Sens au Réalisme. S’il n’y avait que des salauds dans le monde, le Réalisme serait aussi le Bon Sens, car le Réalisme est précisément le bon sens des salauds. Lorsque, au temps de Munich, Jean Cocteau criait : « Vive la Paix Honteuse ! », il prouvait une fois de plus que le Réalisme n’est qu’une exploitation, une déformation du réel, un idéalisme à rebours. Car il n’y a pas de paix honteuse, il n’y a pas de véritable paix dans la honte. Une paix injuste peut, momentanément du moins, produire des fruits utiles, au lieu qu’une paix honteuse restera toujours par définition une paix stérile. Le bon sens et l’honneur sont d’accord sur ce point, quoi de plus naturel ? L’honneur n’est-il pas un peu au bon sens ce que la Sainteté est à la Vertu, l’honneur n’est-il pas le bon sens au degré le plus éminent ? Le bon sens et l’honneur ensemble, voilà sur quoi s’est toujours fondée la grandeur française, voilà le principe de toute union nationale. Les imbéciles de Vichy ont cru très malin d’opposer le bon sens à l’honneur, mais l’honneur et le bon sens ont fini par se rejoindre pour former ce mélange détonant qui a explosé sous leurs derrières. Ils s’en frottent encore les fesses.

Cher ami, à l’heure où j’écris ces lignes, notre Gouvernement vient de vous honorer, honorant dans votre personne tous ceux qui, à travers cette immense Amérique latine, ont tenu bon comme vous. La décoration que vous avez reçue a un immense avantage sur les autres : c’est que, instituée depuis peu de temps, elle n’a pas encore beaucoup servi. Mais vous, Rendu, si l’on veut bien me permettre de risquer cette espèce de calembour, vous avez beaucoup servi, vous avez bien servi, vous avez bien servi la France. Je dis la France, celle d’hier et celle de demain, la France immortelle. Car cette France d’aujourd’hui à laquelle nous appartenons premièrement par la chair, puisque nous y sommes nés, que nous n’avons pas encore achevé d’y mourir, elle est la France, certes, mais une France où se trouvent étroitement mêlés le bon et le mauvais, le périssable et l’impérissable. De la France d’aujourd’hui, vous vous êtes efforcé de servir la part impérissable. Ce service ne va pas sans déceptions. Vous aviez accepté ces déceptions par avance. La France périssable, celle des combinaisons politiques et des partis, destinée à disparaître en même temps que les générations qui la constituent, vous aurait demandé beaucoup moins de sacrifices, pour de considérables profits, n’importe ! Les événements vous ont donné raison, ils ont donné raison à vous et à l’honneur. Cela devrait clore le débat. Malheureusement ce n’est ni à vous, ni à l’honneur que se sont ralliés vos anciens adversaires ; ils ne se sont ralliés qu’au succès, afin d’en tirer parti. Nous les voyons déjà exploiter cyniquement vos idées et vos formules. Ils en déforment le sens, ils en faussent l’esprit. Oh ! certes, nous souhaitons autant que personne l’union des Français ; je ne voudrais pas la retarder d’un jour, d’une heure. Mais, il y a quelque chose de plus précieux que l’union, ce sont les principes au nom desquels on s’unit.

Cher Rendu, ni vous, ni vos amis, n’avez jamais refusé d’accueillir ceux qui, reconnaissant leurs erreurs et la nécessité de les réparer, sont venus à vous franchement. Mais vous devez continuer à repousser l’insolente prétention des traîtres, des lâches ou des imbéciles qui n’ont jamais réclamé l’union que pour essayer de la confisquer à leur profit, afin de vous en exclure. Car ils ne vous demandent pas d’oublier ou d’excuser leurs fautes. Ils exigeraient bien plutôt que vous justifiiez ces fautes à vos dépens, aux dépens de la vérité. Voilà précisément ce que vous ne pourriez faire sans trahir la mission que vous avez reçue. L’esprit de l’armistice est inséparable de l’esprit de collaboration, le drame de l’armistice et celui de la collaboration ne font qu’un seul et même drame, celui de la conscience nationale, obscurcie par les équivoques. La loyauté inflexible d’hommes tels que vous a dissipé ces équivoques. Il ne faut pas qu’elles se retrouvent un jour, sous une forme ou sous une autre, dans la conscience des futurs petits Français.

Georges BERNANOS.

5 Janvier 1945

I

Si le monde de demain ressemble à celui d’hier, l’attitude de la France sera révolutionnaire. Lorsqu’on s’en tient à certains aspects de la situation actuelle, cette affirmation peut paraître très audacieuse. Dans le moment même où j’écris ces lignes, les puissants rivaux qui se disputent, sur le cadavre des petites nations, le futur empire économique universel, croient déjà pouvoir abandonner, vis-à-vis de nous, cette ancienne politique expectative, qui a d’ailleurs toujours été celle des régimes conservateurs en face des révolutions commençantes. On dirait qu’une France libérée de l’ennemi les inquiète beaucoup moins que la France prisonnière, mystérieuse, incommunicable, sans regard et sans voix. Ils s’efforcent, ils se hâtent de nous faire rentrer dans le jeu — c’est-à-dire dans le jeu politique traditionnel dont ils connaissent toutes les ressources, et où ils se croient sûrs de l’emporter tôt ou tard, calculant les atouts qui leur restent et ceux que nous avons perdus. Il est très possible que cette manœuvre retarde un assez long temps les événements que j’annonce. Il est très possible que nous rentrions dans une nouvelle période d’apaisement, de recueillement, de travail, en faveur de laquelle sera remis à contribution le ridicule vocabulaire, à la fois cynique et sentimental, de Vichy. Il y a beaucoup de manières, en effet, d’accepter le risque de la grandeur, il n’y en a malheureusement qu’une de le refuser. Mais qu’importe ! Les événements que j’annonce peuvent être retardés sans dommage. Nous devons même prévoir avec beaucoup de calme un nouveau déplacement de cette masse informe, de ce poids mort, que fut la Révolution prétendue nationale de Vichy. Les forces révolutionnaires n’en continueront pas moins à s’accumuler, comme les gaz dans le cylindre, sous une pression considérable. Leur détente, au moment de la déflagration, sera énorme.

Le mot de Révolution n’est pas pour nous, Français, un mot vague. Nous savons que la Révolution est une rupture, la Révolution est un absolu. Il n’y a pas de révolution modérée, il n’y a pas de révolution dirigée — comme on dit l’Economie dirigée. Celle que nous annonçons se fera contre le système actuel tout entier, ou elle ne se fera pas. Si nous pensions que ce système est capable de se réformer, qu’il peut rompre de lui-même le cours de sa fatale évolution vers la Dictature — la Dictature de l’argent, de la race, de la classe ou de la Nation — nous nous refuserions certainement à courir le risque d’une explosion capable de détruire des choses précieuses qui ne se reconstruiront qu’avec beaucoup de temps, de persévérance, de désintéressement et d’amour. Mais le système ne changera pas le cours de son évolution, pour la bonne raison qu’il n’évolue déjà plus ; il s’organise seulement en vue de durer encore un moment, de survivre. Loin de prétendre résoudre ses propres contradictions, d’ailleurs probablement insolubles, il paraît de plus en plus disposé à les imposer par la force, grâce à une réglementation chaque jour plus minutieuse et plus stricte des activités particulières, faite au nom d’une espèce de socialisme d’Etat, forme démocratique de la dictature. Chaque jour, en effet, nous apporte la preuve que la période idéologique est depuis longtemps dépassée, à New-York comme à Moscou ou à Londres. Nous voyons la Démocratie impériale anglaise, la Démocratie ploutocratique américaine et l’Empire marxiste des Dominions Soviétiques sinon marcher la main dans la main — il s’en faut ! — du moins poursuivre le même but, c’est-à-dire maintenir coûte que coûte, fût-ce en ayant l’air de le combattre, le système à l’intérieur duquel ils ont tous acquis richesse et puissance. Car, à la fin du compte, la Russie n’a pas moins tiré profit du système capitaliste que l’Amérique ou l’Angleterre ; elle y a joué le rôle classique du parlementaire qui fait fortune dans l’opposition. Bref, les régimes jadis opposés par l’idéologie sont maintenant étroitement unis par la technique. Le dernier des imbéciles, en effet, peut comprendre que les techniques des gouvernements en guerre ne diffèrent que par de négligeables particularités, justifiées par les habitudes, les mœurs. Il s’agit toujours d’assurer la mobilisation totale pour la guerre totale, en attendant la mobilisation totale pour la paix totale. Un monde gagné pour la Technique est perdu pour la Liberté.

En parlant ainsi, je me moque de scandaliser les esprits faibles qui opposent aux réalités des mots déjà dangereusement vidés de leur substance, comme par exemple celui de Démocratie. Qu’importe ! Si vous êtes trop lâches pour regarder ce monde en face afin de le voir tel qu’il est, détournez les yeux, tendez les mains à ses chaînes. Ne vous rendez pas ridicules en prétendant y voir ce qui n’existe que dans votre imagination ou dans le bavardage des avocats. Ne commettez pas surtout l’infamie de lui prostituer le mot de révolution, ce mot religieux, ce mot sacré, tout ruisselant à travers les siècles du sang des hommes. Ne lui prostituez pas non plus le mot de progrès. Jamais un système n’a été plus fermé que celui-ci, n’a offert moins de perspectives de transformations, de changements, et les catastrophes qui s’y succèdent, avec une régularité monotone, n’ont précisément ce caractère de gravité que parce qu’elles s’y passent en vase clos. Qu’il s’intitule capitaliste ou socialiste, ce monde s’est fondé sur une certaine conception de l’homme, commune aux économistes anglais du XVIIIe siècle, comme à Marx ou à Lénine. On a dit parfois de l’homme qu’il était un animal religieux. Le système l’a défini une fois pour toutes un animal économique, non seulement l’esclave mais l’objet, la matière presque inerte, irresponsable, du déterminisme économique, et sans espoir de s’en affranchir, puisqu’il ne connaît d’autre mobile certain que l’intérêt, le profit. Rivé à lui-même par l’égoïsme, l’individu n’apparaît plus que comme une quantité négligeable, soumise à la loi des grands nombres ; on ne saurait prétendre l’employer que par masses, grâce à la connaissance des lois qui le régissent. Ainsi, le progrès n’est plus dans l’homme, il est dans la technique, dans le perfectionnement des méthodes capables de permettre une utilisation chaque jour plus efficace du matériel humain.

Cette conception, je le répète, est à la base de tout le système, et elle a énormément facilité l’établissement du régime en justifiant les hideux profits de ses premiers bénéficiaires. Il y a cent cinquante ans, tous ces marchands de coton de Manchester — Mecque du capitalisme universel — qui faisaient travailler dans leurs usines, seize heures par jour, des enfants de douze ans que les contremaîtres devaient, la nuit venue, tenir éveillés à coups de baguettes, couchaient tout de même avec la Bible sous leur oreiller. Lorsqu’il leur arrivait de penser à ces milliers de misérables que la spéculation sur les salaires condamnait à une mort lente et sûre, ils se disaient qu’on ne peut rien contre les lois du déterminisme économique voulues par la Sainte Providence, et ils glorifiaient le Bon Dieu qui les faisait riches… Les marchands de coton de Manchester sont morts depuis longtemps, mais le monde moderne ne peut les renier, car ils l’ont engendré matériellement et spirituellement, ils l’ont engendré au Réalisme — dans le sens où saint Paul, écrit à son disciple Timothée qu’il l’a engendré dans la grâce. Leur réalisme biblique, devenu athée, a maintenant des méthodes plus rationnelles. Le génie américain résout autrement qu’eux la question des salaires ; mais il faut avouer qu’en leur temps le matériel humain ne risquait pas de manquer, on n’avait, si j’ose dire, qu’à se baisser pour ramasser un affamé prêt à travailler à n’importe quel prix. La politique de production à outrance ménage aujourd’hui sa main-d’œuvre, mais la furie de spéculation qu’elle provoque déchaîne périodiquement des crises économiques ou des guerres qui jettent à la rue des millions de chômeurs, ou des millions de soldats au charnier… Oh ! je sais bien que des journalistes, peu respectueux de leur public, prétendent distinguer entre ces deux sortes de catastrophes, mettant les crises économiques au compte du Système, et les guerres à celui des dictateurs. Mais le déterminisme économique est aussi bon pour justifier les crises que les guerres, la destruction d’immenses stocks de produits alimentaires en vue seulement de maintenir les prix comme le sacrifice de troupeaux d’hommes. N’est-ce pas le propre vice-président des Etats-Unis, M. Wallace, qui citait dernièrement, au tribunal de l’Histoire, les maîtres de la spéculation universelle, les chefs des grands trusts internationaux, les contrôleurs de marchés auxquels il faut une guerre tous les vingt ans ?