Le salut et le mystère pascal - Collectif - E-Book

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Beschreibung

Les Pères de l’Église ont mis en place la célébration de la fête de Pâques, le centre de l’année liturgique, et ils ont, en même temps, expliqué que le mystère du salut s’y réalise. Aussi avons-nous choisi, dans ce numéro, de ne pas séparer ces deux composantes, ce qui donne une nouvelle perspective sur le salut. Nous avons la chance d’avoir deux auteurs qui ont longuement travaillé la question et qui nous aident à la pénétrer. En une ample étude, Raymond Winling, qui a écrit deux ouvrages de synthèse sur Le salut en Jésus-Christ dans la littérature de l’ère patristique 1, ainsi qu’un livre sur La Résurrection et l’exaltation du Christ dans la littérature de l’ère patristique 2, et un autre sur La Bonne Nouvelle du salut en Jésus-Christ 3, envisage tous les aspects de la sotériologie et même de l’eschatologie patristiques. Chez les Pères de l’Église, en effet, tous les domaines sont liés. Christologie et sotériologie sont inséparables, comme le souligne l’auteur, le motif de l’Incarnation étant envisagé par les Pères comme la divinisation de l’être humain plus encore que comme sa rédemption. Partant du mystère pascal, les Pères en déploient toutes les implications pour l’être humain. En un article original, Nicolas Egender, qui vit quotidiennement la liturgie byzantine au monastère de Chevetogne, explique comment cette liturgie célèbre le mystère pascal au fil des semaines et par là même le salut apporté par le Christ. C’est une sotériologie en acte, déployée en différentes composantes, que propose la geste liturgique et il en donne les clefs de compréhension, ainsi que la traduction des principaux textes liturgiques.
Marie-Anne VANNIER

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« Regardez une ville avec un très grand nombre de malades, où est employé un corps médical nombreux ; supposons des blessures de toutes sortes, la gangrène qui s’est infiltrée dans la chair morte gagne de jour en jour tandis que les médecins employés à soigner ces plaies ne peuvent plus trouver de remèdes ni vaincre l’étendue du mal par leurs connaissances médicales ; les choses en sont là, quand arrive un médecin extraordinaire qui possède une haute connaissance de son métier. Ceux qui, auparavant, n’avaient pu guérir les malades, lorsqu’ils voient sous l’action du maître la gangrène s’arrêter, n’en sont pas envieux ; ils n’en sont pas rongés de jalousie, mais ils éclatent en louange à l’adresse de ce médecin exceptionnel et célèbrent hautement Dieu, qui leur a envoyé, à eux et aux malades, un homme d’une si grande science. C’est pour cette raison que l’on entend une multitude d’anges dire : “Gloire à Dieu dans les hauteurs, et paix sur la terre aux hommes, objets de la bienveillance divine.” Car le Seigneur, une fois venu sur la terre, “a pacifié par le sang de sa croix les êtres qui étaient sur la terre tout comme ceux qui étaient au ciel”. Ainsi, les anges voulaient que les hommes se souviennent de leur Créateur : ils ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour guérir les hommes, mais les hommes n’ont pas voulu recevoir la santé, aussi les anges se tournent-ils vers celui qui a pu les guérir et le glorifient-ils en disant : “Gloire à Dieu dans les hauteurs et paix sur la terre aux hommes, objets de la bienveillance divine.” »

ORIGENE, Sur S. Luc, Homélie XIII, 1-3

(trad. J.-R. Bouchet).

Sommaire

Le salut et le mystère pascal

CPE n° 153

Éditorial — Marie-Anne VANNIER

Le salut en Jésus-Christ, comme thème englobant pour une présentation de synthèse des oeuvres des Pères de l’Église — Raymond WINLING

La Résurrection dans la Vigile dominicale de la liturgie byzantine — Nicolas EGENDER

Actualité des Pères de l’Église

Éditorial

Les Pères de l’Église ont mis en place la célébration de la fête de Pâques, le centre de l’année liturgique, et ils ont, en même temps, expliqué que le mystère du salut s’y réalise. Aussi avons-nous choisi, dans ce numéro, de ne pas séparer ces deux composantes, ce qui donne une nouvelle perspective sur le salut. Nous avons la chance d’avoir deux auteurs qui ont longuement travaillé la question et qui nous aident à la pénétrer.

En une ample étude, Raymond Winling, qui a écrit deux ouvrages de synthèse sur Le salut en Jésus-Christ dans la littérature de l’ère patristique[1], ainsi qu’un livre sur La Résurrection et l’exaltation du Christ dans la littérature de l’ère patristique[2], et un autre sur La Bonne Nouvelle du salut en Jésus-Christ[3], envisage tous les aspects de la sotériologie et même de l’eschatologie patristiques. Chez les Pères de l’Église, en effet, tous les domaines sont liés. Christologie et sotériologie sont inséparables, comme le souligne l’auteur, le motif de l’Incarnation étant envisagé par les Pères comme la divinisation de l’être humain plus encore que comme sa rédemption. Partant du mystère pascal, les Pères en déploient toutes les implications pour l’être humain.

En un article original, Nicolas Egender, qui vit quotidiennement la liturgie byzantine au monastère de Chevetogne, explique comment cette liturgie célèbre le mystère pascal au fil des semaines et par là même le salut apporté par le Christ. C’est une sotériologie en acte, déployée en différentes composantes, que propose la geste liturgique et il en donne les clefs de compréhension, ainsi que la traduction des principaux textes liturgiques.

Marie-Anne VANNIER

[1]. Paris, Cerf, 2016.

[2]. Paris, Cerf, 2000.

[3]. Paris, Cerf, 2007.

Le salut en Jésus Christ comme thème englobant pour une présentation de synthèse des œuvres des Pères de l’Église

Depuis la fin du XIXe siècle, les études sur la littérature chrétienne de l’ère patristique se sont multipliées et ont suscité un regain d’intérêt pour les écrits des Pères de l’Église. Le renouveau exégétique est à l’origine de recherches sur l’interprétation de l’Écriture de la part des Pères. Le renouveau liturgique a provoqué une prise de conscience plus aiguë de la richesse de la théologie de la liturgie et de la spiritualité des Pères. De plus, les érudits se sont montrés ouverts aux requêtes de la méthode historico-critique et à l’étude des interactions entre la doctrine chrétienne et les doctrines religieuses et philosophiques du monde ambiant. Une autre donnée majeure est constituée par la découverte au XXe siècle de manuscrits de première importance qui ont contribué à enrichir la banque des données écrites relevant de la période des débuts du christianisme. Signalons notamment les manuscrits de Qumrân et les manuscrits d’origine gnostique. À cela s’ajoute l’édition critique de textes de la littérature des apocryphes. Tout cela atteste le bouillonnement des idées, suscité en partie par l’apparition du christianisme au Ier siècle. Enfin, il convient de mentionner que des collections prestigieuses d’œuvres grecques, latines, syriaques, coptes, ont vu le jour, que des congrès et des colloques relativement fréquents sont organisés et jouent un rôle stimulant pour la recherche.

Tout cela prouve que les œuvres des Pères de l’Église ne sont pas considérées comme des vestiges d’un passé qui n’a plus rien à nous dire, mais comme des témoins d’un passé qui nous interpelle encore aujourd’hui à des titres divers.

Certes, on constate une grande diversité dans cette littérature si abondante : variété des genres littéraires adoptés, diversité due aux erreurs combattues, diversité due au grand nombre de thèmes traités, diversité résultant du contexte culturel et religieux de la société de l’époque, qui elle-même est en évolution d’un siècle à l’autre, nombre élevé des auteurs profondément originaux, s’exprimant avec leur génie propre. La diversité, il est vrai, n’est pas répréhensible en elle-même ; bien au contraire, elle se justifie, d’une part, en raison de la réfutation des erreurs et des controverses avec des adversaires bien divers, d’autre part, en raison de la complexité même de la doctrine chrétienne, de la nécessité de l’approfondissement théologique et des exigences de la pastorale.

Cependant, elle risque de créer l’impression d’une sorte de fragmentation de la doctrine chrétienne, au mieux d’une juxtaposition de points de vue différents ou d’une succession dans le temps de thèmes qui prennent chaque fois la place des précédents, au point que ce qui se situe au départ serait pratiquement oublié ou considéré comme dépassé.

Dès lors, il est conforme à une saine méthode de soulever la question de fond : existe-t-il des facteurs d’unité et de permanence au sein de la diversité des écrits des Pères de l’Église ?

Le propos de cet article est de montrer comment s’élabore progressivement une présentation du christianisme de plus en plus complexe, autour d’un noyau de données, fourni par l’Écriture, et concernant le thème du salut en Jésus Christ, considéré comme point de convergence et centre de rayonnement du mystère chrétien. Ce thème englobant et invariant permet de rendre compte de ce qui assure la cohérence organique des nombreux écrits, légués par les auteurs chrétiens des premiers siècles. C’est dans ces œuvres mêmes que seront recherchés les éléments de démonstration.

Voici les raisons pour lesquelles le thème du « salut en Jésus Christ » a été retenu. Des théologiens comme Yves Congar ont attiré l’attention sur la valeur englobante du terme « salut » ; de l’avis de ce théologien, le mot « salut » peut servir avantageusement à désigner l’ensemble des aspects de l’œuvre de salut voulue par Dieu et réalisée au bénéfice des hommes. Mais les écrits du NT et ceux de l’ère patristique invitent aussi à adjoindre à ce terme l’expression « en Jésus Christ », car le salut, au sens chrétien du terme, désigne l’œuvre de rachat, de rédemption, de sanctification, de déification accomplie par Jésus dans la force de l’Esprit, œuvre qui concerne, le passé, le présent et l’avenir. D’ailleurs, le thème du salut en Jésus Christ a connu une évolution allant dans le sens d’un enrichissement progressif d’un noyau fondamental, en raison de la nécessité d’apporter des réponses toujours plus approfondies à des questions nouvelles soulevées à propos de ce noyau fondamental. Aussi bien les controverses avec les Juifs et avec les penseurs païens que les discussions entre chrétiens ont contribué à un enrichissement de la doctrine, à une précision grandissante dans les formulations doctrinales, à l’approfondissement de la spiritualité. Mais toujours se manifeste le souci de la fidélité à des données considérées comme fondamentales, toujours s’affirme la conviction que le salut chrétien est étroitement lié à la personne de Jésus Christ, au point que l’on dira que le salut, c’est lui en personne.

Remarques préliminaires

Vu les limitations nécessaires pour cet article, il faut renoncer à des développements qui auraient pu fournir assez de matière pour une première partie, consacrée au statut de l’Écriture, aux règles d’interprétation de l’Écriture et à la nature du langage biblique et théologique, au souci de la cohérence organique de la doctrine du salut de la part des Pères, et à leur appel aux notions d’économie et de récapitulation. De même, il y aurait assez de matière pour une deuxième partie consacrée à l’identité et à la titulature de Jésus Christ Sauveur. Les limites imparties nous amènent donc à donner un bref aperçu sur la matière évoquée. De cette façon, le lecteur sera invité à prendre aussi en considération les données simplement signalées, sous forme de remarques préliminaires.

Statut de l’Écriture, langage biblique, cohérence organique

Le portique d’accès à toute étude sur le salut en Jésus Christ est l’Écriture, Ancien Testament et Nouveau Testament

Son statut privilégié découle du fait qu’elle est censée être Parole de Dieu ayant, en tant que telle, une efficacité salvifique (He 4, 12). Certes, cette Parole de Dieu prend une forme écrite (Ex 24, 4), mais elle garde sa puissance d’interpellation en vue du salut.

L’Écriture a le statut de Parole inspirée par l’Esprit et, à ce titre, elle garde son pouvoir de persuasion. Par condescendance divine, cette Parole accepte de s’exprimer dans le langage humain avec toutes ses limites (Grégoire de Nysse, Contre Eunome II, 418, SC 521, p. 464).

L’Église des premiers siècles a fixé un canon des Écritures. La définition du canon a une portée considérable, car les livres bibliques retenus sont devenus la source fondamentale pour la définition de la foi, la détermination des lois morales, la constitution des règles liturgiques.

Règles d’interprétation de l’Écriture : méthode allégorique, doctrine des sens de l’Écriture

Bien des passages des écrits patristiques sont des échos des discussions au sujet des relations entre l’AT et le contenu du kérygme de l’Église primitive. Bon nombre d’œuvres comportent des argumentations destinées à prouver que l’AT a préparé le NT, que la Loi ancienne a cédé sa place à la Loi nouvelle.

À Alexandrie, la méthode allégorique était à l’honneur. Des Juifs, comme Philon, estimaient que le sens littéral n’est qu’une ombre et que le sens allégorique donne accès à la vérité authentique. Paul reprend la distinction. Origène propose, à partir de là, la doctrine des sens de l’Écriture : il distingue trois sens : le sens historique ou littéral, le sens spirituel, le sens moral.

La notion d’économie liée à la doctrine du salut

La notion d’économie est liée à celle de dessein de Dieu (Ep 1, 9-10) ou de mystère (Ep 3, 3). Le mot « mystère » désigne le dessein éternel de Dieu qui s’est accompli en Jésus Christ. Le terme « économie » désigne la manière dont Dieu conduit l’histoire à son achèvement. Irénée emploie aussi le terme « récapitulation » au sens de résumer l’histoire du salut, restaurer la création originelle, lui donner son accomplissement (Irénée, Contre les hérésies, III, 1, SC 211, p. 363).

Les règles de foi – Les confessions de foi

À y regarder de plus près, on constate que celles-ci mentionnent des étapes de l’histoire du salut : création, incarnation, passion et crucifixion, résurrection, accomplissement eschatologique.

L’identité de Jésus Christ Sauveur

Parler de salut au sens chrétien du terme, c’est parler du salut apporté par Jésus Christ et se réalisant par lui et en lui. Les effets du salut au bénéfice des croyants s’expliquent à partir de la puissance proprement divine qui est la sienne et à partir du fait que ces effets trouvent leur origine dans l’union intime des chrétiens au Christ Sauveur. L’étude des écrits patristiques montre que l’évolution de la christologie et celle de la sotériologie sont étroitement liées, si bien que si l’on veut parler de salut, il faut inévitablement évoquer l’auteur du salut. Il convient donc de donner une rapide présentation de Jésus Christ en tant que Sauveur. L’exposé se fera en fonction de ce que l’on nomme les titres du Christ et en fonction de ce que l’on nomme sa constitution théandrique.

Les titres du Christ

Oscar Cullmann a étudié de plus près, dans le NT, les titres christologiques caractéristiques. Il distingue les titres ontologiques et les titres fonctionnels. Les premiers servent à désigner le Christ d’après ce qu’il est par nature (Fils de Dieu, Verbe, Seigneur…), les autres en fonction de son œuvre (Messie, Serviteur…). Au fond, chacun de ces titres apporte un éclairage sur un aspect particulier de la personne ou de l’œuvre salvifique du Christ en même temps qu’ils convergent vers un centre de perspective qui est la personne même de Jésus Christ.

Les différents titres christologiques sont bien plus nombreux que les dix titres retenus par Oscar Cullmann. Les écrits de l’ère patristique ont repris la plupart des titres du NT. Souvent, on trouve des listes de titres : ainsi : « Il (le Père) nous a montré le Sauveur qui a la puissance de sauver. […] il a voulu que nous vissions en Lui, nourricier, père, maître, conseiller, médecin, intelligence, lumière, honneur, gloire, force, vie[1]. » Justin utilise 33 titres et énonce un principe de discernement éclairant. Le Christ peut recevoir plusieurs noms en raison des différents aspects de ses activités salvifiques ; mais en même temps, Justin opère un recentrage sur la personne du Christ. Dans la suite, des auteurs comme Origène, Grégoire de Nysse abordent aussi cette question.

Évolution des discussions autour de la personne du Christ Sauveur

Tout au long des premiers siècles de l’ère patristique, les chrétiens sont affrontés à des mises en cause, soit de la pleine humanité, soit de la pleine divinité du Christ.

• Ceux qui nient la pleine humanité du Christ

Le docétisme enseigne que Jésus n’eut qu’une humanité apparente. D’où l’insistance des auteurs chrétiens sur la vraie humanité du Christ. Ignace d’Antioche, par exemple, renforce certains verbes concernant la vie du Christ sur terre par des adverbes comme « vraiment – alèthôs »[2]. Irénée cite des passages des évangiles qui ont trait à la véritable humanité du Christ[3]. Les gnostiques, eux aussi, niaient la vraie humanité de Jésus et présentaient le Christ comme un être céleste revêtu d’une humanité apparente.

• Ceux qui nient la pleine divinité du Christ

Pour les Juifs monothéistes et pour certains milieux judéo-chrétiens, il était difficile d’admettre que Jésus était vraiment Fils de Dieu. Pour les ébionites, Jésus est vrai prophète, mais ils nient la filiation divine. Cérinthe prétendait que Jésus était le fils de Marie et de Joseph et qu’il surpassait tous en sagesse et en vertu : le Christ, être céleste, serait descendu sur lui lors du baptême dans le Jourdain.

Un peu avant la fin du IIe siècle, des chrétiens marqués par les thèses des judéo-chrétiens hétérodoxes, enseignaient que Jésus n’était qu’un homme ayant vécu de façon plus religieuse que d’autres ; lors du baptême dans le Jourdain, l’Esprit, qu’ils nomment Christ, serait descendu sur lui. Dieu l’aurait alors « adopté » comme Fils. Cette erreur, dite adoptianisme, a été aussi enseignée par Paul de Samosate qui fut condamné par les conciles de 264 et de 268.

Selon le monarchianisme, il n’y a aucune distinction réelle entre le Père, le Fils et l’Esprit. Pour Sabellius, l’un des chefs de la secte : « Dieu s’est révélé comme créateur sous le visage (prosôpon) du Père ; dans l’Incarnation, sous le prosôpon du Fils ; il sanctifie et vivifie sous le prosôpon de l’Esprit. » La Trinité n’est que la trinité des modes de manifestation d’un Dieu qui, en soi, est toujours le même.

• La crise arienne et les conciles de Nicée (325) et de Constantinople (381)

Selon Arius, prêtre d’Alexandrie, le Père est le Dieu unique : lui seul n’est pas devenu. Le Fils, par contre, est devenu : il fut un temps où il n’était pas, il a été créé. Il n’est pas de la substance du Père. Le concile de Nicée a rendu son verdict de deux façons, d’une part en anathématisant certaines erreurs, d’autre part en proposant un symbole de foi proclamant que le Fils est consubstantiel au Père, vrai Dieu, non pas créé, car il est créateur de tout ce qui a été fait.

Quelque temps plus tard se manifestent les néo-ariens, ou anoméens, qui soutiennent que le Fils est la première créature du Père, la plus digne, et que l’Esprit Saint est une créature du Fils. Sensiblement à la même époque ont lieu de vives discussions entre les pneumatomaques et les milieux dits orthodoxes, à propos du Saint-Esprit. C’est à l’occasion du concile de Constantinople I qu’est adopté le symbole dit de Constantinople I qui comporte un troisième article soulignant la pleine divinité de l’Esprit.

• Controverses au sujet des modalités d’union entre la divinité et l’humanité

Une nouvelle crise éclate au début du Ve siècle, quand Apollinaire propose sa théorie sur l’union entre la divinité et l’humanité en Jésus Christ. Selon lui, le Christ n’a pas assumé un homme complet avec son corps, son âme et son esprit, ou intellect (noûs). Car, dit-il, si le Verbe de Dieu s’unit à un homme complet, il y a deux parfaits en lui et, dès lors, il n’y a pas d’unité. Les défenseurs de l’orthodoxie répliquèrent en faisant valoir que si l’homme assumé n’est pas complet, le salut ne vaut que pour les parties réellement assumées.

Nestorius est à l’origine d’une nouvelle querelle théologique concernant le mode d’union. Devenu évêque de Constantinople, il trouva une communauté divisée à propos de l’attribution à Marie du titre de Theotokos – Mère de Dieu. Il estimait que les deux natures en Jésus Christ sont unies selon une union morale, et non pas hypostatique. Le concile d’Éphèse (431) se rallia à l’explication de Cyrille d’Alexandrie et, après accord entre les Antiochiens et Cyrille, fut rédigée une profession de foi qui déclarait notamment : « Nous confessons donc Notre Seigneur Jésus Christ, Fils unique de Dieu, Dieu parfait et homme parfait, […] consubstantiel au Père selon la divinité, consubstantiel à nous selon l’humanité[4]. »

• Le concile de Chalcédoine

La querelle autour du mode d’union de la divinité et de l’humanité en Jésus Christ rebondit à la suite de l’intervention d’Eutychès, archimandrite des moines de Constantinople. Selon lui, l’union en Jésus Christ se fait « ek duo physeôn » (à partir de deux natures) et non pas « en duo physesin » (en deux natures). Après l’union, il n’y a plus qu’une seule nature, la nature divine ; la nature humaine se trouve alors transmuée, dissoute dans la nature divine. En accord avec le pape Léon le Grand, le concile de Chalcédoine adopta une définition qui précise que Jésus Christ « est parfait quant à la divinité et parfait quant à l’humanité, composé d’une âme raisonnable et d’un corps, les deux se rencontrant en une seule personne et une seule hypostase et formant un seul et même Christ, Fils, Seigneur, Monogène, reconnu en deux natures sans confusion ni changement, sans divisions ni séparation, […] les propriétés des deux natures restant sauves ».

Le salut en Jésus Christ dans son déploiement et son appropriation par les croyants