Les 7 péchés d'Hugo Chavez - Michel Collon - E-Book

Les 7 péchés d'Hugo Chavez E-Book

Michel Collon

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Beschreibung

Au Venezuela, un homme affirme qu’il est possible de résister aux multinationales et de vaincre la pauvreté. On l’accuse de tous les péchés : ‘populiste’, ‘dictateur’, ‘antisémite’... Mais que se passe-t-il sur le terrain ? Quels sont ses véritables péchés ?
Le pétrole est un enjeu majeur du monde actuel et nous lèverons le voile sur les agissements secrets d’Exxon, Shell ou Total. Mais la question va plus loin que le pétrole… Quel type d’économie peut vaincre la pauvreté ? Une véritable démocratie est-elle possible ? Ces enjeux concernent toute l’Amérique latine, mais aussi le Moyen-Orient, l’Afrique et même l’Europe…
Que vaut notre info ? L’Amérique latine dans les médias, c’est très simple. Il y a le carnaval à Rio, le tango à Buenos-Aires et la drogue en Colombie. Ah oui, il y a aussi ‘Chavez le populiste’. Au lieu de cette image stéréotypée, ne pourrait-on nous montrer la vraie vie des Latinos ? Presqu’un sur deux vit sous le seuil de pauvreté. Pourquoi ? Par contre, sept ou huit sont devenus multimilliardaires en quelques années. Comment ?
44% de pauvres en Amérique latine. Cessez de voir ça comme une statistique. Pourrez-vous ce soir donner quelque chose à manger à votre enfant ? Pourrez-vous lui payer l’école ? Et, s’il tombe malade, verra-t-il un médecin ? Lorsque vous vivez avec un ou deux dollars par jour, vous êtes forcé de choisir entre ces besoins vitaux. Cette angoisse est le quotidien d’une personne sur deux dans ce grand continent. Au Moyen-Orient, c’est pareil. En Afrique, c’est pire. L’expérience du Venezuela représente-t-elle une alternative valable ? Si oui, ça nous concerne tous. Il est important de s’en informer et d’en juger de façon indépendante. Les médiamensonges ne concernent peut-être pas que l’Irak. Face au fossé riches-pauvres, le droit à l’alternative existe-t-il ? Depuis vingt ans, je mène des investigations sur les stratégies de guerre et de domination des USA. Depuis vingt ans, j’écoute leurs victimes. Je ne peux oublier ce que m’ont dit Nasra l’Irakienne, Tomislav le Yougoslave, Mohamed le Palestinien et tant d’autres. Au fond, leurs souffrances et leurs colères sont pareilles, c’est toujours la même guerre. Je ne peux oublier non plus leur espoir qu’il existe une issue vers un monde meilleur. C’est en pensant à eux tous que je suis allé au Venezuela : l’alternative est-elle possible ? Ecouter Chavez, écouter les gens d’en bas, écouter l’opposition de droite. Et témoigner.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Michel Collon - Ecrivain et journaliste belge. Analyste des médias, il anime avec le collectif Investig’Action le site d’information alternative michelcollon.info. Il a notamment analysé les stratégies de guerre et de désinformation : Attention, médias ! et Bush le cyclone.

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Les 7 péchés d’Hugo CHAVEZ

Michel Collon

A Eva et Vanessa,

Je tiens à dédier ce livre à deux femmes formidables.

Eva Forest, je l’ai connue à la fin d’une vie longue et remarquable.

Elle était mon éditrice en langue espagnole,

mais elle est aussi devenue mon amie et mon soutien sans faille.

Résistante infatigable contre toutes les dictatures, toutes les injustices,

c’est elle qui m’a fait découvrir Chavez et le Venezuela.

Elle vient de nous quitter, hélas, mais son souvenir a guidé

et encouragé toute l’aventure de ce livre.

Vanessa Stojilkovic, je l’ai rencontrée au début d’une vie

que je lui souhaite également longue et remarquable.

Marquée et blessée par une guerre injuste,

elle a su réagir, elle a su transformer sa souffrance en force

afin que ses films donnent une voix aux peuples qu’on veut faire taire.

Je suis sûr que, comme Eva, elle jouera un rôle précieux dans le combat

pour un monde plus juste et plus humain.

Comme un passeur entre ces deux générations,

je suis heureux si j’ai pu être celui qui transmet

un peu de la sagesse et de l’espoir qu’il a reçus.

Je tiens aussi à remercier du fond du coeur

Jean Araud, José Antonio Egido et Romain Migus,

mes trois grands amis à Caracas,

pour m’avoir si bien aidé à comprendre le Venezuela,

pour avoir répondu avec patience et rigueur à toutes mes questions et recherches.

Un grand merci également à tous ceux

qui m’ont apporté leurs connaissances et leurs aides :

Jean-Guy Allard, Lidice Altuve, Samir Amin, Maximilien Arvelaiz, Carlos Aznares, Jhony Balza, Liliane Blaser, Carmen Bohorquez, Atilio Boron, Jorge Luis Botero, Luis Britto Garcia, Ana Esther Cecenas, Stella Calloni, Hernando Calvo Ospina, Bernard Cassen, John Catalinotto, Francisco « Farruco » Cesto, Monica Chalbaud, Roman Chalbaud, Yamila Cohen, Yannick-Hélène de la Fuente, Haïman El Troudi, Peter Franssen, Leila Ghanem, Paloma Garcia, Eva Golinger, Enrique Gonzalez, Gabriel Gonzalez, Richard Gott, Mohamed Hassan, Roberto Hernandez Montoya, Rémy Herrera, François Houtart, Andrés Izarra, Georges Labica, Salim Lamrani, Maurice Lemoine, Lila Licciardi, Ludo Martens, Walter Martinez, Armand Mattelart, Patrick Moens, Lelis Paez, Jean-Pierre Page, Angel Palacios, Patricia Parga-Vega, Clément Pasquet, Benito Perez, Yuri Pimentel, Abel Prieto, Ignacio Ramonet, Florian Rochat, Mauricio Rodriguez, Arnaud Rubi, Emir Sader, Mario Sanoja, Alfonso Sastre, Pascual Serrano, Liliane Sévenier, Francisco « Pino » Solanas, Lila Solano, Hector Soto, Laetitia Stojilkovic, Livia Suarez, Manuel Sutherland, Carlos Tablada, Magali Urbain, Miguel Urbano, Iraida Vargas, Maxime Vivas, Carolus Wimmer et aussi à tous ceux qui m’ont permis, par leurs témoignages et leurs questions, de mieux cerner les problèmes et les espoirs du monde actuel.

+ + + + +

Toutes nos sources sont indiquées afin de permettre au lecteur qui le souhaite de retrouver les documents originaux. Dans certains cas, aucune source n’est mentionnée, car il s’agit d’informations transmises directement à l’auteur. Sur notre site www.michelcollon.info vous trouverez une bibliographie et une vidéographie complètes. Vous y trouverez aussi un forum vous permettant d’envoyer vos questions et remarques à propos de ce livre et du Venezuela en général.

c Investig’Action

Mise en page : Fleur Godefroid, Simon Leroux (e-book)

Couverture : Grégoire Lalieu

Cartes : François Versbraegen

Corrections : Olivier Vilain, Karima Ayoub et Benoît Collet

Editions : Investig’Action (Bruxelles)

Site web : www.investigaction.net

Diffusion : [email protected]

ISBN : 2-870036-530-6

Dépôt légal : 2009/0029/22

Table des matières

Les 7 péchés d’Hugo CHAVEZ

Introduction

VENEZUELA :

HUGO CHAVEZ

Premier péché :

« Il leur apprend à lire ! »

Chapitre Ce merveilleux sourire sur la figure de Carmen…

Deuxième péché : chacun a droit à la santé !

Chapitre 2.

Avant Chavez, deux Vénézuéliens sur trois n’avaient jamais vu un médecin

Troisième péché :

« Chacun peut manger à sa faim »

Chapitre 3.

La pauvreté n’est pas une fatalité

Comprendre l’Amérique latine

Chapitre 4.

Comment sont-ils devenus si pauvres ?

Chapitre 5.

L’aspirateur des richesses

Chapitre 6.

Un pays dévalisé en une nuit, est-ce possible ?

Chapitre 7.

Les 7 fléaux de l’Amérique latine aujourd’hui

Fléau n° 1

Le pillage des matières premières

Fléau n° 2

L’exploitation de la main d’œuvre

Fléau n° 3

L’agriculture assassinée

Fléau n° 4

Des élites qui vendent leur pays

Fléau n° 5 

La Dette

Fléau n° 6

Les privatisations

Fléau n° 7

Le vol des cerveaux

Chapitre 8.

L’Histoire sanglante du pétrole

Chapitre 9.

La bataille du pétrole au Venezuela

Chapitre 10.

Les multinationales du pétrole sont-elles compatibles avec l’avenir de l’humanité ?

Chapitre 1.

Le Venezuela pourra-t-il créer une nouvelle économie ?

Chapitre 12.

La Solution Chavez fonctionne-t-elle ?

Chapitre 13.

Chavez, trop lent et trop conciliant ?

Cinquième péché :

Prétendre créer une véritable démocratie

Chapitre 14 .

Bureaucratie et corruption : la démocratie ‘participative’ est-elle la solution ?

Chapitre 15.

Chavez est-il un populiste ? Les faiblesses du chavisme.

Chapitre 16.

Une armée qui fait la révolution ?

Sixième péché :

Il ne se soumet pas au pouvoir des médias

Chapitre 17.

D’où provient et que vaut notre info sur Chavez ?

Chapitre 18.

Le Monde est petit

Chapitre 19.

Est-il possible de réaliser une révolution sociale sans et contre les médias ?

Introduction

L’Amérique latine ? Dans les médias, c’est très simple. Il y a le carnaval à Rio, le tango à Buenos-Aires et la drogue en Colombie. Ah oui, il y a aussi « Chavez le populiste ».

Pourquoi l’image est-elle aussi pauvre et stéréotypée ? Ne pourrait-on nous montrer la vraie vie des Latinos ? Un sur deux vit sous le seuil de pauvreté. Pourquoi ? Par contre, sept ou huit sont devenus multimilliardaires en quelques années. Comment ?

44% de pauvres en Amérique latine. Cessez de voir ça comme une statistique. Mettez-vous dans la peau d’une de ces mamans… Pourrez-vous donner quelque chose à manger à votre enfant ce soir ? Pourrez-vous lui payer l’école ? Et le docteur s’il tombe malade ? Quand vous vivez avec un ou deux dollars par jour, il faut choisir entre ces besoins vitaux, vous n’avez pas le droit de les satisfaire tous. Voilà l’angoisse que ressent une personne sur deux dans ce grand continent. Au Moyen-Orient, c’est pareil. En Afrique, c’est pire.

Pouvons-nous être satisfaits en voyant comment le monde évolue ? Si on ne change rien, si notre modèle d’agriculture continue à ruiner les paysans du Sud, si les matières premières ne profitent qu’à une minorité, on va se retrouver avec trois milliards d’exclus au Sud. Qui viendront régulièrement frapper aux portes du Nord et seront régulièrement refoulés. Le cycle infernal du tiers-monde pauvre : famines, émeutes, répressions, guerres, émigrations massives… Les gens du Nord vivront-ils mieux dans ce monde-là ?

« Nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde », entend-on souvent dans le Nord. Problème mal posé. La vraie question est : qui l’a créée, qui l’entretient et, surtout, comment y mettre fin ?

Le problème de la pauvreté bloque l’avenir de l’humanité. Est-il possible de le résoudre ? En Amérique latine, un homme affirme que oui. Il est temps d’aller voir comment ça se passe sur le terrain…

Pour se faire une opinion sur Chavez, il faut le voir dans son contexte. Car le Venezuela se retrouve au carrefour de trois grands problèmes de notre monde contemporain : 1. Le pétrole. 2. La situation de l’Amérique latine et du tiers-monde en général. 3. La stratégie globale des Etats-Unis. Ces trois problèmes sont étroitement liés. Le présent livre ambitionne d’apporter les données fondamentales pour les éclairer.

Premier thème : le pétrole. Pourquoi si peu d’infos vraiment intéressantes à propos des multinationales les plus puissantes de la planète ? « Derrière chaque grande fortune, se cache un crime », disait Balzac. Que cache l’histoire d’Exxon, Shell et BP ? Et quel avenir nous préparent-elles ?

Que fera-t-on avec l’argent du pétrole ? Est-il possible de l’employer de façon intelligente et utile ? Ca dépasse bien sûr le cas du Venezuela. A Dubaï, on construit des hôtels à vingt mille euros la nuit pendant que le monde arabe reste pauvre et sous-développé. Le Nigeria est un des plus gros exportateurs du monde, mais sa population croupit dans la misère. Et dès qu’on découvre un gisement de pétrole quelque part dans le monde, cinq minutes après, les Etats-Unis y installent une base militaire.

Il ne s’agit pas seulement du pétrole et du gaz, mais de toutes les richesses naturelles. A quoi doivent-elles servir ? A gonfler les bénéfices des multinationales ou à sortir le tiers-monde de sa misère ? Le Congo est le pays le plus riche du monde, mais son peuple est le plus pauvre. Récemment, une commission a examiné les contrats miniers conclus avec les multinationales : pas un n’était honnête.

Autre question à élucider : pourquoi l’Amérique latine est-elle restée si pauvre alors que l’Europe et les Etats-Unis sont devenus si riches ? Quels ont été, quels sont les liens entre eux qui expliquent ce fossé, cette dépendance ? Aujourd’hui, tout ce continent affronte d’énormes défis : pillage et gaspillage des matières premières, biodiversité en péril, dette, exode des cerveaux, augmentation des bases militaires… Là aussi, Afrique et Moyen-Orient vivent des problèmes semblables.

Des tentatives de changement, il y en a déjà eu en Amérique du Sud. Ca s’est mal terminé, comme au Chili de Salvador Allende, écrasé par un coup d’Etat de la CIA en 1973, puis livré à la dictature de Pinochet. En fait, les Etats-Unis ont imposé des dictatures militaires à chaque pays du sous-continent. Cette Histoire pourrait-elle se répéter demain ?

Chavez est adoré par les uns, mais pour d’autres, c’est le diable. De quelle méthode avons-nous besoin pour éclairer cette affaire ? D’abord, de faits ! Quand les médias nous parlent du Venezuela (mais aussi de la Bolivie, de l’Equateur ou du Brésil), ça manque terriblement de faits. On a droit à beaucoup d’adjectifs et à des accusations sans preuves. Généralement copiés – collés d’après la version de Washington. Mais rien sur les problèmes réels du terrain. Quand on relit la presse, quand on analyse la télé, on est effaré par le bas niveau de notre information.

La ‘Solution Chavez’ peut-elle éliminer la pauvreté ? Les choses changent-elles réellement au Venezuela ? Nous devons absolument aller chercher les faits, les témoignages de première main, les avis des uns et des autres. Que vaudrait un juge qui écouterait seulement une des parties ?

Nous devrons voir aussi comment et pourquoi les Etats-Unis ont investi des centaines de millions de dollars pour essayer d’éliminer le président vénézuélien.

Les Etats-Unis ! Seraient-ils le nœud du problème ? Pourquoi cherchent-ils à dominer tout le pétrole, dans le monde entier, bien au-delà de leurs besoins propres ? Quel rôle joue l’Amérique latine pour leur économie ? Le contrôle de ces richesses, de ces marchés, de cette main d’œuvre serait-il un enjeu dans la rivalité entre grandes puissances ?

Zbigniew Brzezinski, ancien ministre et stratège le plus influent des Etats-Unis, a défini ainsi le défi qui se pose à Washington : comment contrer le déclin économique et militaire, comment rester la seule superpuissance, comment empêcher les rivaux - Europe, Japon, Russie, Chine - de s’allier et d’affaiblir la domination des USA ? Les richesses du tiers monde sont des pions dans ce grand échiquier. Dès lors, après l’échec de Bush, quelle sera, durant ces prochaines années, la politique internationale des Etats-Unis ?

Bien entendu, tout cela pose la question : où réside le véritable pouvoir ? A la Maison-Blanche ? Pas sûr. Ce livre analysera ce que nous appelons le gouvernement de l’ombre. Et le rôle d’un homme dont on ne parle jamais et qui pourtant tire les ficelles…

Amérique latine, pétrole, matières premières, multinationales, modèle économique, guerres, domination mondiale… Tout est lié. Ce livre suivra l’enchaînement logique des problèmes qui se posent à nous pour comprendre le monde actuel.

Ce livre, je ne l’ai pas écrit pour les spécialistes de l’Amérique latine. Car le Venezuela soulève des questions qui nous intéressent tous, où que nous vivions. Trois questions en fait…

1. L’économie dominée par les multinationales est-elle viable à long terme ? Pourra-t-elle assurer le bien-être et la démocratie à tous les habitants de la planète ?

2. Pouvons-nous nous être satisfaits de la démocratie comme elle fonctionne aujourd’hui ? Avons-nous prise sur les grandes décisions qui concernent nos intérêts ? Y a-t-il une alternative ?

3. De même, pouvons-nous être satisfaits de l’information que nous recevons sur les conflits économiques et sociaux, les guerres, l’environnement ? Est-il possible d’accéder à une information de qualité ?

Economie, démocratie, information : ces trois questions conditionnent notre avenir.

Ce livre veut susciter un débat large, ouvert et constructif. Vous êtes donc invités à communiquer vos questions, critiques et propositions sur le forum d’Investig’Action : www.investigaction.net

HUGO CHAVEZ

Né le 21 juillet 1954 à Sabaneta, Barinas (Venezuela) de parents enseignants.

Ses parents l’envoient à l’Académie militaire du Venezuela.

Entre à l’armée en 1975 et deviendra lieutenant - colonel.

Crée, en 1983, le Mouvement Bolivarien Révolutionnaire 200, du nom de Simon Bolivar, libérateur du Venezuela et des autres colonies espagnoles d’Amérique du Sud.

Le 4 février 1992, avec d’autres officiers, tente un coup d’Etat contre le président Carlos Andres Perez pour mettre fin à la corruption et au clientélisme. Est emprisonné.

Est libéré en 1994, après la destitution du président Perez.

Crée alors un parti politique, le Mouvement Cinquième République (MVR).

Remporte l’élection présidentielle du 6 décembre 1998, avec 56% des voix, la plus forte majorité en quarante ans de régime républicain.

Convoque une Assemblée constituante qui rédige une nouvelle Constitution. Elle prévoit notamment la possibilité d’un référendum révocatoire pour tous les élus, président compris.

Réélu le 30 juillet 2000 avec 59% des voix.

Renversé par un coup d’Etat militaire le 11 avril 2002, il échappe à la mort. La population se mobilise autour du palais présidentiel et impose le retour du président.

Le 15 août 2004, remporte à 59% un référendum révocatoire convoqué par l’opposition.

Le 3 décembre 2006, gagne l’élection présidentielle par 63% face à Manuel Rosales.

Premier péché :

« Il leur apprend à lire ! »

Chapitre 1. Ce merveilleux sourire sur la figure de Carmen…

« Quand mon fils allait à l’école, j’étais incapable de l’aider pour ses devoirs. Mais mon petit-fils, oui, je vais pouvoir l’aider à présent ! » Carmen a 72 ans, et son sourire est un soleil qui illumine le club, une petite pièce sombre et fraîche où nous nous trouvons en ce matin de juillet.

Nous sommes à Guarenas, ville-banlieue de la capitale Caracas. Le club est un petit local d’activités tout simple, au rez-de-chaussée d’un immeuble genre « barre de béton » à une centaine de kilomètres de Caracas. Des bâtiments plutôt tristes et placés à dix mètres du bord de l’autoroute. Bien sûr, les espaces libres sont rares dans ce relief très accidenté, mais les architectes des années 60 n’ont pas vraiment fignolé pour la qualité de vie. Dans la cour intérieure, quelques enfants jouent à sauter inlassablement sur une vieille Chevrolet des années 70, retraitée depuis très longtemps.

A l’intérieur, nous faisons la connaissance d’autres retraitées, mais en pleine activité, celles-là. L’impression grise du décor est bien vite dissipée par la réception chaleureuse et les rires de Carmen et ses amies. Ces petites vieilles dames dynamiques ont revêtu de belles jupes aux couleurs vives, surmontées de blouses blanches éclatantes. Elles se préparent à nous offrir un petit spectacle de danses traditionnelles.

L’occasion de cette petite fête, c’est la remise solennelle des diplômes de la campagne d’alphabétisation, dénommée Mission Robinson. Nous sommes quelques étrangers, venus des quatre coins du monde - un New-Yorkais, un Indien, un Chypriote et moi - pour découvrir sur le terrain à quoi ressemble ce Venezuela nouveau. Dans ce petit quartier, l’alphabétisation a libéré 35 personnes, de 23 à 83 ans.

« Carmen, veux-tu bien lire pour nos amis ce qui est écrit ici au tableau ? », demande une jeune femme qui coordonne les activités du groupe. Carmen répond lentement : « La-ca-pi-ta-le-du-Ve-ne-zue-la-est-Ca-ra-cas. » Applaudissements. « Maria, pourrais-tu faire ce calcul ici au tableau ? »« Cinq-plus-deux-égale-sept ». Applaudissements. « Gladys, veux-tu montrer sur cette carte où se trouvent les Etats-Unis ? » Le doigt hésite un moment : « Ici ».« Et Cuba ? » « Là ». Applaudissements.

Banal ? Pour nous peut-être, mais pas ici. Il y a trois mois, Carmen, Maria et Gladys auraient été incapables de répondre à ces questions simples. Elles faisaient partie du million et demi d’analphabètes dont personne ne s’était jamais soucié.

Ce miracle s’est produit un peu partout dans le pays… Celsa, une autre jeune diplômée de 73 ans, se confie : « Je n’ai jamais pu aller à l’école. Ma famille était pauvre et j’ai dû travailler très tôt avec ma mère pour gagner de quoi vivre. A 73 ans, j’ai enfin pu apprendre à lire et à écrire. C’est grâce à notre président ! »

L’analphabétisme : une fatalité ou une violation des droits de l’homme ?

Quand Chavez devient président en 1999, il hérite d’une situation catastrophique sur le plan de l’enseignement. A l’époque, sur vingt-deux millions de Vénézuéliens, un million et demi sont analphabètes. En outre, deux millions de gens n’ont même pas achevé l’école primaire. Le Venezuela consacre à l’éducation à peine 2,8% du montant de sa production annuelle (PIB). Contre 5 à 6% dans les pays riches.

Le bas niveau des connaissances découle directement de la pauvreté. Le Venezuela a beau bénéficier de la manne pétrolière depuis 80 ans, l’argent du pétrole n’a rempli qu’un très petit nombre de poches, ou plutôt de coffres-forts. En 1999, 80% de la population vit sous le seuil de pauvreté.

Conséquence : beaucoup de petits enfants entrent à l’école primaire sans être passés par la maternelle et ils souffrent de graves carences en protéines et en calories, ce qui diminue leurs capacités scolaires. Ils sont ainsi condamnés à l’échec avant d’avoir commencé.

Et l’exclusion frappe massivement… Un élève sur dix n’atteint pas la troisième année. Quatre sur dix ne dépassent pas la septième. Moins de 20% achèveront le secondaire. Les collèges sont réservés aux nantis car privés et coûteux. Moins de 5% auront les moyens d’entrer à l’université. Une situation typique du tiers monde, mais désastreuse pour l’avenir du pays.

On comprend que le candidat Chavez ait inscrit en tête de son programme la lutte contre l’analphabétisme et pour une bonne scolarisation. Seulement, tous les gouvernements qui l’avaient précédé avaient fait les mêmes promesses. Sans les tenir. En dix ans, à peine 70.000 Vénézuéliens ont échappé à ce fléau.

Ceci dit, les premières années Chavez ne seront pas brillantes non plus : à peine vingt mille alphabétisations en deux ans. En cause : la lenteur des structures administratives, la bureaucratie.

L’analphabétisme est un terrible cercle vicieux : pauvre, donc ignorant, donc sans travail, donc pauvre. Comment en sortir ? En mai 2003, l’Etat décide de faire de l’analphabétisme le problème numéro un.

Dans nos pays du Nord, où l’analphabétisme a théoriquement disparu, on pourrait être tenté de sous-estimer le problème et les souffrances de ces gens. Seulement, mettez-vous un instant à leur place… Vous êtes dans la rue, vous cherchez votre chemin ? Impossible de lire une plaque ! Dans un magasin, vous aimeriez acheter quelque chose ? Impossible de déchiffrer les prix ! Vous signez un contrat de travail ? Le patron peut vous rouler à sa guise. L’analphabète est un exclu total.

En réalité, notre planète compte 850 millions d’analphabètes. Un adulte sur quatre souffre de cette exclusion, et c’est vraiment le mot « souffrance » qu’il faut employer. « Le manque d’argent n’est pas ce qui fragilise le plus ceux qui sont dans la misère, explique la directrice d’un programme d’alphabétisation des Caraïbes. Le pire, c’est le sentiment d’impuissance qui accable les pauvres et qui leur rend pratiquement impossible de s’arracher à la misère. »1

L’analphabétisme aggrave les inégalités : deux - tiers des analphabètes sont des femmes. En Afrique noire ou dans les pays arabes, une femme sur deux ne sait ni lire, ni écrire. La proportion est moindre en Amérique latine mais celle-ci compte quand même 22% de la population analphabète mondiale. Pour un pays en développement, il s’agit d’un handicap grave à l’heure où toute tâche productive implique des connaissances de plus en plus poussées, à l’heure où la connaissance elle-même devient un élément clé de la production.

Mais comment va-t-on s’y prendre pour être efficace ? Une commission présidentielle est chargée de définir un plan plus radical…

Mobilisation générale !

Les choses ne vont pas traîner. Le 1er juillet démarre la « Mission Robinson ». Objectif : alphabétiser un million de personnes en un an ! Ne serait-ce pas mégalo ? La campagne ne va-t-elle pas se fracasser sur la réalité des faits ? Pour réussir cette tâche énorme, il faut des gens, une méthode, du matériel et de l’argent.

Tous ces problèmes vont être résolus avec une énergie et une détermination incroyables. Le 1er juillet 2003, le soleil de l’alphabétisation se lève sur ce pays : mobilisation générale !

Les gens ? Cent mille jeunes, civils et militaires, vont constituer la plus pacifique des armées, l’armée du savoir pour tous. Ces formateurs se mobilisent bénévolement pour aller apporter le savoir élémentaire partout. Dans les quartiers pauvres de Caracas, mais aussi dans les coins les plus reculés : plaines agricoles, villages perdus de la Cordillère des Andes, deltas impénétrables de l’Amazonie… Ils iront partout, jusqu’au moindre recoin, et s’il le faut à dos de mule, en bateau ou en hélicoptère.

Sans l’impulsion de Chavez et de l’Etat, l’alphabétisation aurait été impossible. Mais sans la mobilisation des organisations de base également. Pour que les ‘élèves’ viennent, il fallait qu’ils soient informés, et aussi qu’ils surmontent leur gêne. Les organisations de base les plus diverses feront du porte-à-porte pour contacter les gens. Elles se débrouilleront pour trouver des salles de cours. Il n’y en a pas ? On emploiera des maisons privées, des églises, des clubs et même des établissements pénitenciers !

Si tant de personnes ont pu réaliser leur rêve, c’est donc aussi et surtout grâce aux organisations populaires de base qui ont su saisir et concrétiser les chances offertes par le gouvernement. Comme l’explique Yaritza Mota, coordinatrice de la Mission Robinson dans un quartier de Caracas appelé ‘23 janvier’: « Nous ne sommes pas uniquement des professeurs, mais de véritables travailleurs sociaux ».2

La méthode ? On décide de s’appuyer sur l’expérience d’un pays qui a fait ses preuves en la matière : Cuba a été salué et primé par l’Unesco pour ses brillants résultats en matière d’élimination de l’analphabétisme. L’île socialiste a élaboré une méthode originale, baptisée Yo, si puedo (Oui, je peux). Très visuelle, elle consiste à associer un par un les lettres et les chiffres, que les élèves connaissent un peu intuitivement. Les cours sont divisés en trois phases : 1 à 10 : initiation. 11 à 52 : développement de la lecture et de l’écriture. 53 à 55 : consolidation.

Evidemment, le Venezuela n’a pas assez de professeurs pour former un million d’élèves. Les cours seront donc donnés en vidéo via la télévision et des magnétoscopes. Dans chaque classe, des facilitadores, qui ont reçu une formation pour accompagner et encadrer les élèves. Chaque facilitateur reçoit une bourse mensuelle de 84 dollars pour couvrir ses frais de déplacement et de repas.

Le matériel ? Il en faut une quantité énorme dont l’Etat vénézuélien ne dispose pas. Cuba, avec qui des accords de coopération ont été signés, va fournir quatre-vingts mille téléviseurs et autant de magnétoscopes, 1,9 million de manuels et un million de cassettes vidéos. Et pour les facilitateurs, deux cent mille manuels et quatre-vingts mille cassettes vidéo.

Ce n’est pas tout. La lutte contre l’analphabétisme est une lutte contre l’exclusion sous tous ses aspects. Toutes sortes de difficultés devront être surmontées. Pour les indigènes de l’Amazonie, les manuels seront traduits spécialement dans leurs langues. Beaucoup d’analphabètes, ayant des problèmes de vue, recevront gratuitement des examens médicaux. Et trois cent mille lunettes correctrices, fournies également par Cuba. Pour les aveugles, les manuels seront traduits en braille. Pour les sourds, on élaborera une méthode spécifique.

L’argent ? Tout cela coûte cher évidemment, même si on peut compter sur de nombreux bénévoles, l’aide généreuse de Cuba et une bonne dose de débrouillardise. Aussi, dès 2004, le budget de l’éducation passe à 4,6% du PIB (production nationale du pays).

Libérés de l’ignorance

Les résultats de cette méga - campagne dépasseront les espérances, que certains jugeaient utopiques. Un million et demi de personnes alphabétisées en deux ans ! Il reste moins d’un pour-cent d’analphabètes (essentiellement en raison de handicaps divers). Alors que l’Unesco évalue à 4% le pourcentage d’analphabétisme irréductible. Dès juillet 2005, Chavez peut proclamer son pays officiellement libéré de l’analphabétisme.

Cette réussite exceptionnelle dans le tiers-monde est saluée par tous. Sauf par les médias privés, aux mains de l’opposition, qui trouvent encore le moyen de critiquer l’alphabétisation. Pour donner un exemple : chaque diplômé de la Mission Robinson reçoit la “bibliothèque familiale” : une caisse de trente beaux petits livres de poche. Comme ces livres ont été imprimés à Cuba, l’opposition hurle à l’endoctrinement.3 Faudra qu’elle nous explique comment elle fait pour ranger Le petit prince de Saint-Exupéry ou les romans d’Honoré de Balzac parmi les livres ‘subversifs’ !

Cette mauvaise foi ne tombe pas du ciel : l’opposition n’a rien fait de sérieux, quand elle était au pouvoir, pour éliminer l’analphabétisme. Mais les privilégiés souhaitent-ils que le peuple se libère de ses chaînes ? Un peuple non éduqué est plus facile à manipuler.

Les médias internationaux ont pratiquement tous passé sous silence cette grande réussite de Chavez, qu’ils aiment à traiter de dictateur. « Dictateur » ? D’une espèce assez rare alors, car en général les tyrans ne souhaitent guère que leur peuple opprimé apprenne à lire, à écrire, à se cultiver, à développer un esprit participatif et critique.

« Ne vous arrêtez pas de lire, sinon… »

Eliminer l’analphabétisme était un objectif spectaculaire certes, mais insuffisant. Aux stades suivants de l’enseignement, on comptait aussi des millions d’exclus. Or, si l’on veut développer le pays, créer une économie qui ne dépende pas trop des revenus du pétrole, cela exige de bien former un grand nombre de travailleurs.

Heureusement, ici, on ne se repose pas sur ses lauriers. Yaritza avertit ses élèves en leur remettant leurs diplômes : « Il ne faut pas vous arrêter de lire, sinon vous allez perdre tout ce que vous avez appris. » Les sourires quittent leurs visages… « Inscrivez-vous à la mission Robinson 2 pour continuer et approfondir vos connaissances » Message bien reçu. Dans ce quartier, 95% des 798 participants ont décidé de suivre l’enseignement du second degré.

L’expérience a montré qu’il fallait prolonger l’effort entamé. Ainsi est née la Mission Robinson 2 dont la méthode s’appelle Yo si puedo seguir  (Oui, je peux continuer). Cette fois, il s’agit de permettre à tous les citoyens qui ont dû arrêter leurs études primaires de les terminer. Cent sept mille ‘facilitateurs’ et cent mille assistants aideront à réussir cette nouvelle mission. Mais beaucoup d’élèves sont devenus des adultes qui ont charge de famille à présent. L’Etat leur alloue donc cent mille bourses d’études.

Grâce à cette forte mobilisation, Robinson 2 sera une nouvelle victoire. Début 2006, un million et demi de citoyens ont déjà bénéficié de ce programme. La moitié étaient de récents alphabétisés, issus de la Robinson 1.

Puis, naîtra la Mission Ribas qui va réussir à réintégrer neuf cent mille élèves4 qui avaient été privés de l’enseignement secondaire. Mêmes méthodes. Trente mille facilitateurs, cent-huit mille bourses d’études.

Mais cela ne suffit pas. Il faut aussi ramener très concrètement ces nouveaux diplômés sur le marché du travail. La nouvelle mission Vuelvan Caras5, créée au printemps 2004, organise des formations très concrètes dans plus de 6.800 coopératives subventionnées par le gouvernement.

C’est toute l’éducation qu’il faut reconstruire

Alphabétiser, réinsérer les exclus, c’était indispensable, certes. Mais le pays ne pouvait se contenter de ces mesures spectaculaires. Dans ce pays pédagogiquement sinistré, il fallait construire tout un nouvel appareil scolaire, ouvert aux pauvres, de qualité. Afin que tous aient droit à un travail valable et que le pays puisse accéder à un développement durable. Le ministère de l’Education a donc été chargé de réaliser de grandes réformes à tous les niveaux : maternel, primaire, secondaire, universitaire, professionnel.

- Maternelle : « Tout se joue avant six ans », dit-on souvent. Une école sociale doit absolument corriger les inégalités familiales pour empêcher de créer de nouveaux exclus. Les nouvelles écoles maternelles, appelées Simoncito (p’tit Simon), apportent aux tout petits l’attention, l’éducation, l’hygiène, l’alimentation, la santé indispensables pour bien démarrer leur apprentissage. Ces crèches sont très importantes aussi pour permettre l’insertion des jeunes mamans dans la vie active.

- Ecole primaire : De nombreux parents n’avaient pas les moyens de payer l’école. A peine, un enfant sur cinq terminait son école primaire. On a donc créé 3.750 écoles bolivariennes qui offrent gratuitement l’éducation à plus d’un million d’enfants pauvres. Y compris deux repas et un goûter chaque jour, un uniforme, des manuels et des cahiers. Ce ne sont pas du tout des écoles de seconde qualité. Elles disposent d’ordinateurs avec Internet, d’activités sportives avec moniteurs, de psychologues et de soins médicaux. Peu d’élèves abandonnent, et le niveau est très bon. La preuve ? Même des Vénézuéliens de la classe moyenne retirent leurs enfants des écoles privées et les placent ici, parce que l’enseignement y est gratuit, mais surtout de meilleure qualité. Cette école bolivarienne est gratuite. L’éducation privée n’est pas éliminée, mais il était impossible de compter sur elle pour résoudre la fracture sociale. Par contre, à l’école primaire de Fuerte Tiuna, le petit-fils de Chavez côtoie des enfants venus des barrios, les quartiers pauvres.

- Secondaire : les lycées bolivariens assument les mêmes tâches au niveau des adolescents. Priorité a été donnée aux traditionnels délaissés : les indigènes, la population rurale, celle des zones - frontières.

- Ecoles techniques : Depuis longtemps, l’économie du Venezuela dépend trop du pétrole, pour des raisons que nous verrons plus loin. Mais aujourd’hui, une grande notion domine la conception de l’avenir économique : le « développement endogène ». Ce terme un peu barbare désigne la volonté de construire une économie plus équilibrée, créant de nombreuses entreprises de tailles diverses. Le nouvel esprit, c’est de « compter sur ses propres forces ». Bien sûr, un tel développement exige de former de nombreux techniciens de qualité, donc de mettre en place de grandes écoles techniques. Il existe actuellement sept spécialisations : agro - élevage, arts, promotion sociale et santé, industrie, commerce et administration, sécurité et défense, intercultures et bilinguisme…

« Je ne pouvais plus payer mes études universitaires… »

Au niveau des universités également, le changement est radical. Ecoutons Gabriela, une jeune fille du quartier 23 janvier de Caracas : « Avant, nous étions exclus du système d’enseignement. Pour étudier, il fallait avoir une position sociale élevée, ça coûtait cher... Moi, j’ai commencé à étudier à l’université, mais j’ai dû m’arrêter car je ne pouvais plus payer et mes parents ne pouvaient pas m’aider. J’ai tenté d’entrer dans d’autres universités, mais elles m’ont toutes fermé leurs portes. »

Beaucoup ont vécu cette douloureuse exclusion sociale. L’université Simon Bolivar et quelques autres étaient élitistes, excluant les classes pauvres, Pour remédier à cette injustice, le gouvernement a lancé la Mission Sucre. Quatre nouvelles universités ont été créées pour accueillir les étudiants nécessiteux, dont la grande Université Bolivarienne du Venezuela où Gabriela peut enfin étudier. Dès le printemps 2004, ils étaient plus de quatre cent cinquante mille à étudier dans le cadre de la Mission Sucre. L’État distribuant 76.000 bourses d’étude de cent dollars par mois. Un étudiant sur six est donc payé pour étudier.

Un autre problème se posait : les universités trop centralisées obligeaient les étudiants à des voyages coûteux. On a donc « municipalisé » l’université, en répartissant des classes à travers tout le pays, et en utilisant des salles de cours aux heures inoccupées du soir. En outre, en 2006, vingt nouvelles universités ont été créées un peu partout dans le pays.

Mais quelle mentalité guidera les nouveaux étudiants ? « Les facultés traditionnelles de médecine produisaient des docteurs qui ne voulaient soigner que dans les quartiers à population aisée. L’université que je dirige a donc été obligée de créer une faculté de médecine. Nous voulons former une nouvelle génération de médecins qui se placent d’abord au service des gens et pas de leur portefeuille », m’indique Luis Cadenas, recteur de l’université de Barinas, que je visite après y avoir été invité pour donner un séminaire sur les médias.

Toute cette démocratisation vise à créer un enseignement supérieur de masse, mais de qualité. Les diverses réformes tournent le dos à la conception néolibérale de l’enseignement. Car le ‘chacun pour soi’ signifie en réalité tout pour les riches, un peu pour les moyens, et rien pour les pauvres. A présent, on veut passer de l’éducation - marchandise, vue comme une source de profit, à une éducation solidaire et plus humaine. Peut-être à méditer dans d’autres pays ?

Car le droit à l’éducation est garanti en principe par l’article 26 de la Déclaration des Droits de l’Homme. Mais ici, il y a peu de temps encore, toute éducation était inaccessible aux pauvres. Aujourd’hui, un Vénézuélien sur deux est en train d’étudier ! Les enfants qui avaient dû abandonner l’école y sont retournés. On trouve des classes jusque dans les endroits les plus reculés du pays, et même les Indiens vivant au fond de la forêt peuvent étudier dans des livres spécialement imprimés dans leur langue. La ‘Solution Chavez’ a marché.

Grâce à Chavez que nos médias traitent de vilain ‘populiste’, des millions de Vénézuéliens ont pu récupérer leur dignité, accéder au savoir et commencer à se créer un avenir. Dans les pays voisins, des millions de gens continuent de voir leur vie gâchée par l’analphabétisme et le refus d’éducation. Par exemple, plus de 10% de la population au Mexique, plus de 20% en Jamaïque et au Nicaragua, plus de 30% au Guatemala. Pourtant, les dirigeants de ces pays sont loués par nos médias, car ils sont raisonnables et pas ‘populistes’. Cherchez l’erreur.

Augmentant massivement les subsides (y compris pour l’enseignement privé), Chavez a fait passer le budget de l’enseignement de 3% du PIB à 9%. Tout le contraire de la politique du FMI.

Avance-t-on dans la bonne direction ?

Ce qui se passe au Venezuela est important pour le monde entier. Quelle est la bonne stratégie qui permettra aux pays du tiers monde de mettre fin à l’ignorance ?

Certes, les grandes institutions internationales ont fixé de louables Objectifs du Millénaire pour réduire fortement la pauvreté d’ici 2015. Par exemple, assurer un cycle scolaire primaire complet à tous les enfants du monde. Mais à ce jour, 115 millions d’enfants n’y ont toujours pas droit. Et au rythme actuel, il en restera près de la moitié en 2015. Pire : 46 pays sont en recul ou bien n’atteindront pas l’objectif avant 2040, si tout va bien.

Certes, l’enseignement primaire se développe dans certains pays. Mais pas partout : moins d’un quart des enfants zambiens quitte l’école primaire en sachant lire et écrire. Et pour les niveaux plus élevés, l’écart entre pays riches et pays pauvres se creuse. Un jeune Français reçoit quinze années d’enseignement, un jeune Mozambicain quatre. Pour ce qui est de l’Amérique Latine globalement, les personnes en âge de travailler n’ont reçu, en moyenne, que cinq années d’enseignement. Même pas un cycle primaire complet. Et c’est une moyenne.

Or, les inégalités éducatives d’aujourd’hui sont les inégalités économiques et sociales de demain. L’analphabétisme handicape gravement les pays qui devraient compter sur le savoir pour sortir de la misère. Mais en Asie du Sud, un jeune sur deux est encore analphabète. En Afrique Noire, un sur quatre.

Et il faut savoir que le Fonds Monétaire International, instance chargée (mais par qui ?) de contrôler les dépenses publiques des Etats en difficulté, enjoint aux Etats pauvres de diminuer leurs dépenses pour l’éducation et de privatiser ce secteur. Or, seule l’école publique permet aux pauvres et aux faibles d’accéder à l’éducation. Donc, le Fonds Monétaire International (FMI) aggrave le problème au lieu de le résoudre. Nous reviendrons sur sa politique au chapitre suivant.

Une question de dignité

Il est temps pour moi d’achever ma visite à cette Mission Robinson. Petit pincement au cœur, comme toujours en quittant un endroit où on a ressenti quelque chose de très fort. La tristesse de quitter de nouveaux amis qu’on ne reverra peut-être jamais. Comme à mon habitude, je demande leurs adresses afin de pouvoir rester en contact. Carmen accepte, mais à une condition : « Ecrivez-moi votre nom aussi, por favor ! »

Et nous échangeons nos noms. Un geste banal pour nous, mais qui était impossible pour Carmen jusqu’il y a trois mois. Aujourd’hui, je vois sa main tremblante mais déterminée tracer les caractères qui lui donnent une identité, une place dans la communauté des hommes, le droit de communiquer. Et soudain je prends conscience qu’écrire est un miracle. Mais aussi un droit fondamental. Peut-on continuer à en priver près d’un milliard d’êtres humains ?

La question est donc : pourquoi Carmen et tous les autres s’étaient-elles vu refuser ce droit fondamental ? Pourquoi aucun autre président du Venezuela n’avait-il résolu ce problème ? Qu’est-ce qui a permis ce changement fondamental ?

Voilà donc le premier péché d’Hugo Chavez : il a rendu le sourire à Carmen en lui permettant d’apprendre à lire. Il a apporté à tout un peuple le droit au savoir. Mais qui donc avait intérêt à ce que ces gens restent ignorants ?

1. www.unesco.org/education/literacy_2000/francais/hisoires/alpha_compte.html#3

2. Romain Migus, Le festin du savoir, Caracas, 15 mai 2005 (communication personnelle)

3. Romain Migus, Le festin du savoir, Caracas, 15 mai 2005 (communication personnelle)

4. Chiffres du printemps 2006.

5. En hommage à une tactique employée par Simon Bolivar pour combattre les occupants espagnols.

Deuxième péché : chacun a droit à la santé !

Chapitre 2.

Avant Chavez, deux Vénézuéliens sur trois n’avaient jamais vu un médecin

« Si tu ne verses pas l’argent pour commencer, et beaucoup d’argent, on te laisse simplement crever dans la salle d’attente ! » Indigné, Romain, un jeune Français vivant à Caracas, m’explique comment son copain

a failli mourir dans une clinique privée de Caracas…

« Mon pote Maxime, 26 ans, était aux urgences au rez-de-chaussée d’une clinique privée. Matériel dernier cri, tout est parfait, y compris l’attention au malade. Il était très mal en point : souffrant d’hémophilie et atteint d’une dengue hémorragique, il avait perdu septante pour cent de ses plaquettes sanguines. A l’accueil, on le place sous perfusion et le docteur décide qu’il faut le faire monter de suite aux étages pour l’hospitaliser d’urgence. Je repars chercher ma carte bleue pour payer. Le problème, c’est qu’on était le 31 décembre. J’ai dû attendre une heure pour trouver un taxi et retourner à la clinique. Mon copain m’appelle en panique :

- « Qu’est-ce que tu fous ? Je suis encore aux urgences !

- J’arrive. Monte déjà dans ta chambre !

- Ils m’ont dit que tant qu’on payait pas, je ne pouvais pas monter me faire soigner ! »

Finalement, Maxime a pu être soigné juste à temps et sauvé. Pas pour rien, ajoute son ami : «  Les trois jours qu’il a passés dans cette clinique m’ont coûté toute ma petite réserve : 1.250 euros ! »

Avant le ‘populisme’, deux Vénézuéliens sur trois n’avaient jamais vu un médecin…

Avant l’arrivée de Chavez au pouvoir, la santé était une marchandise au lieu d’être un droit. Si vous n’aviez pas de sous, vous mouriez. Deux Vénézuéliens sur trois n’avaient jamais vu un docteur, ni reçu le moindre vaccin.

On dispose, par exemple, de statistiques décrivant un grand quartier de la capitale appelé Sucre, et comptant un million d’habitants. Ces statistiques nous apprennent que seules deux personnes sur dix avaient un emploi stable et que six sur dix vivaient dans un état de pauvreté extrême. Conséquence : plus de soixante pourcent des enfants en bas âge n’avaient jamais reçu le moindre vaccin ni aucun soin médical. Telle était la réalité de ces cinquante dernières années pendant lesquelles nos médias occidentaux ne se plaignaient jamais de dirigeants vénézuéliens ‘populistes’.

La population du Venezuela se trouvait, comme bien d’autres, prise dans un cercle vicieux : familles pauvres, enfants malades, médecins hors de prix, familles qui s’endettent pour les payer… Mais qui s’en souciait dans les beaux quartiers et dans les grandes institutions internationales ?

Pour certains, les pauvres sont des « invisibles », comme l’a exprimé Mavis Mendez, 95 ans, à l’écrivain britannique John Pilger : « Nous ne comptions pas comme des personnes. Nous vivions et mourions sans éducation et sans eau courante, et manger aussi était hors de notre portée. Quand nous étions malades, les plus faibles mouraient tout simplement. A l’est de la cité, où sont nos demeures, nous étions invisibles, ils avaient peur de nous. »6

Tout le système santé était en panne, sauf pour une élite privilégiée. Ruben Ramos, un ancien petit patron d’une firme de transport qui se consacre à présent aux missions, nous explique : «Les gens qui avaient de l’argent allaient à la clinique privée. Mais ceux qui ne possédaient rien, ils n’avaient nulle part où aller. Les médecins vénézuéliens ont appris à l’université qu’ils devaient étudier pour gagner de l’argent. Mais on ne peut pas étudier la médecine pour s’enrichir, parce que tu vas t’enrichir avec les besoins des autres. »

Qu’en est-il dans les pays non ‘populistes’ ?

Et ce cercle vicieux est un drame à l’échelle planétaire : chaque année, 25 millions d’enfants meurent de maladies faciles à guérir : pneumonie, diarrhée, malaria, rougeole… Chaque année, dans le monde, il meurt autant d’enfants de moins cinq ans que tous ceux qui vivent en France, en Allemagne, en Italie et en Belgique 7. Mais bien sûr, si cela se passait dans ces pays, on ferait quelque chose.

Derrière les statistiques, tant de drames humains ! Ainsi, devenir maman est un des événements les plus dangereux pour une femme, en tout cas dans le tiers monde. Chez nous, le risque de décès lors d’une grossesse est d’un sur mille huit cents. Mais dans le tiers-monde, il grimpe à un sur quarante-huit. L’équivalent de trois tsunamis par jour. Catastrophes silencieuses !

Mettons-nous à la place de ces gens. Chacun de nous a déjà dû aller à l’hôpital pour soi-même ou un proche. On ne peut pas tout guérir, et souffrir est inévitable. Mais imaginez qu’à l’hôpital, on vous refuse le droit de vous soigner. Imaginez qu’un de vos proches soit victime d’une maladie grave et qu’il en meure alors qu’on aurait parfaitement pu le guérir. Comment réagiriez-vous ? Tel est le sort d’une grande partie des habitants de la planète.

D’abord, les réformes ont patiné…

Par où commencer ? Créer un nouveau système de soins de santé était un défi gigantesque. Et, durant les premières années de Chavez, il faut bien le dire, ça va plutôt patiner. Certes, la nouvelle Constitution, adoptée en 1999 après un très large débat populaire, reconnaît officiellement le droit fondamental à la santé, dans son article 84 : « La santé est un droit social fondamental, obligation de l’État, qui le garantit comme partie du droit à la vie. L’État initiera et développera des politiques de nature à élever la qualité de la vie, le bien-être collectif et l’accès aux services. Toutes les personnes ont droit à la protection de la santé, ainsi que le devoir de participer activement à sa promotion et à sa défense, et celui de satisfaire les mesures sanitaires et d’assainissement que la loi établit, en conformité avec les traités et conventions internationales souscrits et ratifiés par la République... »

Mais comment passer du papier à la réalité ? Les premières années, on élabore bien quelques plans de réforme, mais la situation ne change pas vraiment. Jusqu’à ce que l’étincelle se produise. Une petite expérience locale, aux débuts discrets...

L’étincelle

Le 16 avril 2003, 58 docteurs cubains débarquent à Caracas. Ils viennent dans le cadre d’un accord de coopération Venezuela - Cuba. Ils ont de l’expérience, car ils ont déjà travaillé dans des missions internationalistes.

S’installant dans le quartier Libertador de Caracas, ils y trouvent une situation sanitaire catastrophique : parasites, diarrhées chroniques, affections respiratoires, maladies de la peau, hypertension, asthme, diabète, épilepsie, problèmes cardiaques et cérébro - vasculaires… Un désastre ! Non soignés, de nombreux malades courent à la mort… Pour les médecins de l’ancien régime, tous ces malades n’existent pas, car ils ne sont pas ‘rentables’. Le gouvernement Chavez a bien lancé un appel d’offres. Mais à part quelques-uns, les médecins vénézuéliens ont carrément refusé d’aller s’installer dans les zones pauvres.

Tout le système santé était donc en panne, sauf pour l’élite. Pour les pauvres, les cliniques privées étaient hors de prix et les hôpitaux publics inefficaces, nous explique Romain : « Les hôpitaux publics ne fonctionnent pas, il faut se lever à cinq heures du matin pour faire la queue, et on n’est même pas sûr d’être reçu ! »

C’est seulement avec l’arrivée des médecins cubains que tout va changer … L’ancien petit patron Ruben Ramos nous explique : « Pour ceux qui n’avaient pas les moyens d’aller à la clinique (privée), les médecins cubains ont été un bienfait. Parce qu’ils traitent la maladie à son début. Une grippe soignée à temps ne va pas se transformer en pneumonie. Pour les médecins cubains, s’enrichir n’est pas ce qui leur importe. S’ils doivent aller dans une maison misérable, ils y vont. S’ils doivent sortir la nuit pour s’ occuper d’une personne, ils vont s’en occuper. Parce qu’ils sont habitués, ils ont cette conscience. Nous apprenons d’eux. Peu à peu, des médecins vénézuéliens sont incorporés dans la Mission Santé, mais au début, ils ne voulaient pas. » 8

Les 58 Cubains vont déclencher une véritable révolution dans le système des soins de santé. Oui, il est possible de changer la vie de millions de gens dans les zones pauvres. Très vite, avec son instinct pragmatique à l’écoute des réalités du terrain, Chavez comprend qu’il tient là l’expérience décisive.

Et là aussi, les choses ne vont pas traîner. L’initiative des 58 est généralisée, l’Etat vénézuélien décide d’investir de gros moyens dans ce qui va devenir la Mision Bario Adentro. Traduction : au cœur du quartier. C’est-à-dire que les nouveaux médecins pénètrent au plus profond de la société, pour y affronter la maladie, mais surtout la misère et l’exclusion. Là où elles se trouvent.

Un an plus tard, ils sont déjà dix-huit mille médecins et soignants cubains à œuvrer au Venezuela. En 2006, plus de vingt-trois mille. C’est cette expérience que je suis venu voir sur le terrain aujourd’hui. Avec quelques compagnons venus des quatre coins du monde, nous sommes venus à Guarenas, à une demi-heure de la capitale. Nous sommes en décembre, il est dix heures du matin, mais il fait torride, climat tropical oblige…

Tout a changé !

Guarenas est une petite ville de trois cent mille habitants. Pour couvrir cette région qui manquait complètement de soins médicaux accessibles, Cuba a envoyé 135 médecins, 16 dentistes, plusieurs opticiens et responsables de laboratoires.

A Guarenas, tout a changé ! Les habitants peuvent à présent se faire soigner dans trois petites maisons médicales, des centres de médecine dits de ‘première ligne’ : consultations simples, soins légers de médecine générale. Nous visitons une de ces maisons médicales, le Consultorio Dona Menca de Leoni en compagnie de son responsable, le docteur cubain Miguel Gomez. Dans la salle d’attente, une dizaine de patients attendent; en cette fin de matinée, ce sont surtout des femmes. Je demande :

« Beaucoup de travail ?

Oui, en huit mois, nos médecins ont effectué 450.000 consultations pour cette région.

Qui a construit cette maison médicale ?

Nous-mêmes, répond le docteur. Mais le gouvernement vénézuélien nous a fourni tous les matériaux. »

Simple et propre, le décor n’a rien de spécial. Tout est comme chez nous. Ce qui est spécial, c’est que jamais une telle installation médicale n’avait existé dans un quartier pauvre du Venezuela. Et sans Chavez, il n’y en aurait toujours pas.

Nous passons devant le stock des médicaments de base de la maison médicale : « La clé, c’est la prévention, nous explique le docteur Gomez. Maintenant, les gens connaissent les médicaments que nous leur donnons. Ils comprennent ce qu’on leur fait. Et nous leur indiquons aussi des exercices physiques qui les aident à se porter mieux. »

Et les exercices physiques ont bel et bien lieu, nous allons le vérifier tout de suite, car notre visite suivante est un club du troisième âge. Les cours de gym sont animés par des éducateurs sportifs venus de Cuba également.

Il est midi à présent, et le soleil cogne dur. La leçon vient juste de se terminer sur le parking situé devant le club. Mais cette chaleur n’empêche pas les élèves - tous de respectables grand-pères et grand-mères - de saluer notre arrivée en refaisant courageusement les exercices qu’ils venaient de terminer. Je me sens un peu gêné : quel châtiment ! Mais apparemment, les petits vieux ont bien profité des cours précédents, car ils refont sans problème leurs étirements et leurs flexions - et une, et deux, et trois ! – tandis que moi, je ne songe lâchement qu’à trouver un petit coin d’ombre et y rester bien tranquille…

Après les exercices, tout le monde crève de soif, même ceux qui se sont contentés de regarder. Ca tombe bien, une des mamies nous entraîne tous, visiteurs et élèves, vers la terrasse couverte de sa maison. Avec ses amies, elle nous a préparé des jus de fruits tropicaux si délicieux que nous mettons de côté les traditionnels conseils de prudence donnés aux touristes.

Et nous faisons connaissance… De quel pays venez-vous ? Quel est ou quel était votre métier ? Vous avez des photos de vos enfants ? Leurs mots simples nous disent avec émotion la colère d’hier, l’espoir d’aujourd’hui, la différence entre ‘avant’ Chavez et ‘après’ Chavez. Et la fierté d’être devenus des gens qui bougent, dans tous les sens du mot.

Les pauvres ont-ils le droit d’avoir de bonnes dents et des lunettes ?

De telles questions peuvent sembler vides de sens en Europe occidentale, en tout cas aux yeux de certains. Mais ici, au Venezuela, les médecins traditionnels se font payer terriblement cher, et la question « Les pauvres ont-ils le droit… » est une question très réelle ici.

Nous visitons à présent le Centre de Diagnostic Oropeza Castillo. Un petit bâtiment tout blanc, juste un rez-de-chaussée, simple mais d’une propreté impeccable. Neuf spécialistes cubains exercent dans ce labo ouvert depuis six mois. On nous les présente : Maseo, 52 ans, est responsable des ultra - sons. Esther, 35 ans, s’occupe des rayons X. Marisa, 40 ans, nous montre avec fierté son matériel d’endoscopie, vous savez, ce petit tuyau fin qui fait si peur quand on vous le rentre par la bouche pour aller visiter votre système digestif, mais qui peut vous rendre de fameux services, car il n’a pas son pareil pour aller détecter les problèmes internes cachés. « Aïe, ce truc me fait vraiment peur !», commente l’ami chypriote. Marisa le rassure avec un grand sourire : « Si vous ne stressez pas, ça ne fait pas mal ! »

On a implanté les Centres de Diagnostic Intégral (CDI) de façon très décentralisée dans tout le pays afin que le plus grand nombre de communautés en bénéficient, tout en gardant l’efficacité. Une patiente, Lina, explique : « Avant je devais aller loin de chez moi pour ce genre de soins. Il y avait de longues files d’attente, tu devais prendre un ticket et attendre ton tour, y compris en cas d’urgence. Ici c’est plus facile, plus rapide et en plus tu bénéficies d’une attention spéciale. »

Efficacité signifie que les CDI sont équipés du matériel de pointe le plus moderne. Avant, ce genre de matériel ne se trouvait que dans les cliniques privées, le peu qui se trouvait dans le secteur public était en voie de privatisation. Felicie est la responsable générale du laboratoire où trois mille personnes se font examiner chaque mois. Je l’interroge :

« Quels sont les plus grands problèmes de santé que vous rencontrez ?

Le problème numéro un, c’est la dengue (maladie infectieuse virale, transmise par les moustiques et typique des zones (sub)tropicales). Numéro deux : les diarrhées dues au parasitisme intestinal. Numéro trois : les infections respiratoires. Numéro quatre : les maladies de la peau.

De quoi avez-vous besoin pour améliorer la situation sanitaire ?

Tout doit commencer par une bonne prévention. Nous devons absolument renforcer l’éducation sur l’hygiène. Nous faisons des tournées explicatives parmi la population. Mais ça ne suffit pas.

Que vous faut-il alors ?

Que la télévision joue un rôle éducatif plus grand.

Mais les grandes télés qu’on peut capter dans tout le pays sont aux mains des intérêts privés, c’est-à-dire de l’opposition ?

Oui, mais nous espérons que ceci changera grâce à la nouvelle loi sur la « Responsabilité des médias » qui leur imposera certaines obligations envers le public. »

Les Centres de Diagnostic Intégral jouent un rôle très utile pour décongestionner les hôpitaux traditionnels et offrir un meilleur cadre de soins aux patients. Leur service d’urgences fonctionne en permanence sept jours sur sept. A ce jour, plus de 17 millions de personnes ont pu être soignées par plus de 150 centres de ce type qui existent à présent. Auparavant, moins de trois millions de personnes avaient un accès régulier aux soins.9

La première fois que je m’attarde chez un dentiste

Ce qui est remarquable dans l’expérience vénézuélienne, c’est qu’elle est partie de la pratique et non de considérations bureaucratiques. Arrivés sur le terrain, les médecins de la Mission Barrio Adentro ont constaté, par exemple, que les dents de la population étaient en piteux état : à peine 27% des personnes dans un état bon ou assez bon. 48% malades et 24% gravement malades. De ce constat alarmant, est né immédiatement un programme pour implanter un peu partout des centres de dentisterie accessibles à tous.

C’est dans un tel centre que nous sommes accueillis par Jose Alonso, 37 ans, originaire de La Havane, et par Jacqueline, 30 ans, qui vient de Cienfuegos. Ces deux dentistes soignent environ trente personnes par jour. Mais là, il est 14 heures, la chaleur est au maximum, et les patients attendent un meilleur moment. Alors, comme notre petit groupe désire prendre des photos en souvenir, l’un des visiteurs, un ami indien s’installe ‘pour rire’ dans le fauteuil et le dentiste sort sa fraise, toujours ‘pour rire’.

Nous bavardons encore un peu. C’est bien la première fois de ma vie que je prolonge mon séjour chez un dentiste ! Certes, nous y sommes encouragés par un ‘airco’ bien agréable. Mais surtout par l’atmosphère emballante qui règne ici, chaleureuse et simple. Chacun pensera ce qu’il veut de Cuba, mais ces médecins ont quitté leur pays et leur famille, ils sont partis à des milliers de kilomètres afin de soigner leurs semblables. Ils ne font pas de phrases, ils ne se mettent pas en avant, pas de déclarations à la télé, ils sont là, c’est tout. Et leur venue a bouleversé la vie de millions de gens. En bien.

Ils sortent du brouillard !

Sur le terrain, les médecins de Bario Adentro ont aussi constaté que des milliers de Vénézuéliens avaient un urgent besoin de lunettes. Plus de quatre cent salles d’optique ont donc été installées, elles aussi « au cœur du quartier ».

Nous visitons un de ces services complets d’optimétrie, située dans le secteur de La Montañita un quartier très pauvre, en bordure de forêt. Un spectacle impressionnant comme une usine très bien organisée… Vous entrez dans une première pièce pour le diagnostic de votre vue et de vos problèmes. De là, vous passez dans une autre pièce pour des mesures précises. Dans un troisième local, un technicien fabrique vos lunettes sur-le-champ. En phase 4, un dernier examen de contrôle. Et hop ! Le parcours complet en une après-midi. Vous êtes entré en vous cognant, vous ressortez avec une vue de jeune homme. Ici, environ quarante patients sortent ainsi chaque jour du brouillard.

Encore une fois, chez nous, dans les pays riches, ce sont des choses banales. Seulement, mettez-vous un instant à leur place… Imaginez-vous terminant votre vie, condamné à la maladresse, à l’isolement, à la déchéance faute de quelques euros pour vous payer un examen et une paire de lunettes… Depuis Chavez, plein de gens voient clair.

Notre journée se termine par un autre aspect de la prévention. Mais pour les plus jeunes cette fois. Vers 17 heures, nous nous rendons au hameau de ‘Copacabana’ (sic), où vivent une cinquantaine de familles très pauvres. Deux éducateurs cubains, Jorge, 38 ans, et Roberto, 40 ans, organisent pour les enfants de ce quartier une séance de jeux traditionnels en plein air. Comme on faisait chez nous dans le temps : courses de sacs, courses - relais avec obstacles, etc. Grands et petits rient de bon cœur en voyant les chutes et les maladresses, chacun encourage son équipe, applaudit ses vainqueurs, console ses perdants, et à la fin, tout le monde a la voix éraillée… Les deux éducateurs nous expliquent leur philosophie : « Nous voulons développer le sport et le jeu. Le sport en jouant. L’important à nos yeux, c’est que les gens d’ici participent, qu’ils prennent des initiatives. »

Cette mission-là s’appelle Barrio Adentro Deportivo : le sport au cœur du quartier. Plus de cinq mille profs de sport cubains réalisent la meilleure des préventions pour élever le niveau de vie et de santé. Chaque semaine, plus de trois cent cinquante mille séances de gym se déroulent ainsi dans les quartiers du pays et plus de cinq cent mille activités physiques à l’école. Et de nombreuses thérapies spécifiques : pour les femmes, pour les obèses, pour les hypertendus… La gym n’est plus un luxe pour privilégiés.

Pour être complets à propos de notre visite à Guarenas, signalons encore que cette commune a également acquis quatre ambulances qui transportent en moyenne trois cents personnes chaque mois en direction des divers hôpitaux. Et qu’elle a mis en service deux cliniques mobiles qui ont permis, dès les huit premiers mois, d’examiner vingt mille patients dans les zones les plus reculées.

Il faudrait aussi parler des services de revalidation qui combinent technologies de pointe et méthodes issues des médecines naturelles et traditionnelles. Le laser côtoie l’acupuncture, les ultrasons voisinent avec l’hydrothérapie et l’ostéopathie. Science et savoirs traditionnels se réconcilient pour apporter le maximum de solutions aux maux des patients.10 Et aussi des médicaments bon marché : des pharmacies populaires mises sur pied par des comités de quartier les vendent avec une remise de 85%. Et complètement gratuits s’ils sont prescrits par l’hôpital.

Rentrant à Caracas, après nos diverses visites, chacun de nous exprime son admiration pour ces réalisations impressionnantes. En un temps record, la situation a changé radicalement. D’abord, Barrio Adentro 1 a permis à chacun d’accéder aux soins de base. Puis, à partir des besoins constatés sur le terrain, Barrio Adentro 2 a fourni des centres de diagnostic, des labos, des services de dentisterie, d’optique, de revalidation, etc…

Derrière les chiffres, un miracle

Dès septembre 2004, Chavez peut présenter les premiers chiffres d’un bilan remarquable : « Les médecins ont effectué 56 millions de consultations, visité 8,2 millions de familles, sauvé 18.470 vies, donné des soins dentaires à trois millions de personnes, soigné les yeux de 556.000. Ces chiffres ne disent rien de la joie et de la sécurité dont bénéficient aujourd’hui plus de 17 millions de Vénézuéliens. »11

En 2008, les chiffres témoignaient d’un succès impressionnant après cinq années à peine : 2.738 centres de consultation avaient été créés, 989 centres de diagnostic, en cardiologie infantile : 162.899 examens et 1.931 opérations chirurgicales (en trois ans), en ophtalmologie : douze millions de consultations.

Derrière chaque chiffre, un handicap évité, un enfant qui vivra, des parents libérés de l’angoisse, des vieillesses moins pénibles… Qui a dit que l’argent du pétrole pouvait seulement faire le malheur des peuples ?

Un président qui tient ses promesses…

On comprend que la popularité de Chavez ait encore grimpé au fil des ans. Un président qui tient ses promesses !

Par exemple, Aymara Alvarado que nous avons rencontrée avec ses deux enfants – la petite est souffrante – à l’entrée du dispensaire du comité de quartier Fabricio Ojeda (Caracas). Il est midi, elle attend son tour. Satisfaite par les réformes ? Oui, « il y a de nouveaux hôpitaux, des nouvelles choses... Quel changement, comparé à avant ! Faut pas payer sans cesse. Les examens sont gratuits. On s’occupe bien de nous. » 12