Les deux amis - André Querton - E-Book

Les deux amis E-Book

André Querton

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Beschreibung

Découvrez une nouvelle réhabilitation de personnages des Évangiles d'André Querton !

Joseph d’Arimathie et Nicodème sont cités par les Évangiles.
Ce sont deux sages, deux hommes de loi, deux amis. Ils sont tous les deux membres du Conseil des Anciens.
Nicodème s’est entretenu une fois, de nuit, avec Jésus. Il a aussi tenté en vain de convaincre le Conseil des Anciens de ne pas juger un homme sans l’avoir entendu.
On sait que Joseph et Nicodème ont procédé à l’inhumation de Jésus au soir de la Passion.

Le lecteur plongera dans un essai à la fois littéraire et spirituel, marchant dans les pas des personnages bibliques que sont Joseph d’Arimathie et Nicodème.

À PROPOS DE L'AUTEUR

André Querton est un ancien diplomate belge, actif depuis plus de dix ans dans les domaines de l’édition et de la philanthropie.

Son premier roman, La Chambre d’Art, a été publié en 2014 aux Éditions L’Age d’Homme. En 2016, il a écrit un portrait biographique Thomas Jefferson, vie, liberté et bonheur, paru aux Éditions du Pavillon.

En 2017, il a publié Le Père Prodigue aux Éditions du Pavillon qui est un récit tiré des Évangiles.

Ces trois ouvrages ont bénéficié en Belgique d’un accueil critique très positif. Simon à la croisée des Chemins s’inscrit dans la même veine que Le Père Prodigue avec lequel il forme un diptyque.

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Couverture

Page de titre

À Alexis, Vincent et Vincent, fidèles compagnons de bons conseils et de conciliabules propices

Les deux amis

Sois le bienvenu et laisse donc mes serviteurs s’occuper de toi. Mets-toi à l’aise, accepte de te rafraîchir les pieds, ces gens sont là pour cela. Ils font bien leur travail et ils en sont fiers. Ils sentent déjà que je te reçois comme un ami, même si nous ne nous sommes jamais vus.

Surtout, ne sois pas impressionné par le confort de ma maison. Ce n’est pas un palais, quand même. Tu regardes tout autour de toi avec émerveillement et c’est vrai que tout ici est beau. J’y ai veillé avec attention. Tout ceci est le fruit de mon travail, de ces longues années que j’ai passées au service du Conseil et du Peuple. Rassure-toi : je n’ai rien volé ni ne me suis enrichi injustement ou malhonnêtement. Quand on est béni par le destin, il m’a toujours semblé inconvenant et vulgaire de désirer davantage ; c’est faire injure à la Fortune en vérité. S’estimer comblé est une forme de sagesse et même de piété. Ne te méprends pas, cependant : faite de mes mains, cette opulence que tu admires s’évanouira dans le vent dès que je disparaîtrai ou que la faveur du Conseil se détournera de moi. Mais je ne redoute rien : mon pas est assuré, mes amitiés sont solides et le Peuple me restera toujours fidèle.

Vent, fumée, tout est vanité, je le sais et je le crois. Si l’œuvre du juste et celle du méchant s’évanouissent pareillement, le chemin du juste m’est toujours apparu plus fleuri, plus chatoyant, plus paisible. J’en ai aimé les promesses de repos, de tranquillité de l’âme, la ligne droite.

Comme tu le sais, je faisais partie du Conseil des Anciens et, parce que j’y suis entré alors que j’étais vraiment très jeune, j’en suis devenu par la force des choses, non certes le doyen, mais le membre y comptant le plus d’années de présence. Ma famille était honorable depuis des générations et j’ai été sensible tôt à ce à quoi mes privilèges familiaux me prédestinaient. Mon père veillait à mon éducation morale. Il me disait que ces chances qui m’avaient été offertes dès mon enfance sans que je ne les mérite, il me faudrait les mériter plus tard, après, au cours de toute ma vie, en m’en rendant digne par mon travail et mon intégrité. Je devais accepter des cadeaux du destin sans scrupule, m’en servir comme d’outils dont je serais toujours responsable.

Je me souviens aussi qu’un matin, comme nous marchions dans nos champs et pâturages, mon père me désigna un berger qui gardait un de nos troupeaux. « Vois-tu, dans la vie, il y a des bergers et des moutons ; que veux-tu devenir ? berger ? mouton ? » Or, ce berger qu’il me désignait était un pauvre, déguenillé et sale. Il m’apparut aussi qu’il n’était cependant pas un misérable. Il était attentif à sa besogne, consciencieux ; il n’y avait nulle raison de ne pas croire que c’était un homme honnête et digne de respect. Cette réflexion a orienté mon regard sur les hommes : je distingue toujours les bergers des moutons sans m’arrêter à leur place dans la société ; je connais bien des gens satisfaits et respectés qui ne sont en fait que des moutons, qui se laissent entraîner, par les idées des autres, par leurs intérêts personnels, par leurs passions irréfléchies. Dieu me garde de leur ressembler.

J’ai étudié la Loi avec amour. Dès ma jeunesse, j’ai été mesuré et attentif. J’ai eu la chance de travailler très tôt pour un vieux sage qui a décidé de m’associer de près à ses études et ses enseignements. C’est grâce à lui que je suis devenu un Ancien si jeune, par simple héritage de sang et d’éducation.

Ah, combien de vieillards ai-je accueillis ensuite dans notre Conseil au cours de toutes ces années ; ils avaient le plus souvent dix ou quinze ans de plus que moi, mais ils arrivaient là sans grande conscience de notre travail commun, ne connaissaient rien des délicats mécanismes de notre assemblée et s’ils avaient certes une belle autorité méritée, ils ne savaient trop comment la mettre en œuvre sans arrogance. Leur expérience leur devenait parfois un poids, un handicap qu’ils traînaient sans s’en rendre compte. C’est bien beau d’avoir un avis précis et juste, mais l’essentiel dans un Conseil est de le faire partager, de convaincre autour de soi. Sans aucun doute, ils étaient nombreux à être plus avisés que moi, mais il leur manquait le plus souvent la manière et le goût de persuader. Ils s’avançaient, donnaient leur avis péremptoire d’un ton pénétré, puis regagnaient leur siège. Convaincus d’avoir raison, ce qui était souvent le cas, ils négligeaient de tenir compte de l’avis des autres, qui non moins souvent, n’avaient pas tort non plus. Moi, j’étais un artisan de la conciliation et de la manœuvre. J’écoutais les uns et les autres, analysais la profondeur de leurs raisonnements, démêlais leurs qualités communes de leurs oppositions formelles et me saisissant des premières, faisais discrètement les propositions utiles. Grâce à moi, certaines de leurs idées triomphaient ; ils s’en estimaient glorifiés, mais c’est à moi que revenait la reconnaissance du Conseil. Et j’étais donc là, le corps et l’esprit vifs parmi ces vieillards plus ou moins cacochymes, que je respectais infiniment parce que je me nourrissais de leur expérience et la mettais en œuvre.

Je n’ai jamais brigué la première place ; je préfère de loin être juste derrière celui qui est au premier rang. J’aime être de ses conseillers proches, lui murmurer à l’oreille, l’écouter aussi. Il y a peut-être là une forme de paresse. J’y voyais l’occasion d’une prudence, d’une possibilité de voir plus loin, de n’être pas pressé de toutes parts. D’être plus efficace.