Lettres écrites d'Egypte et de Nubie entre 1828 et 1829 - Jean-Francois Champollion - E-Book

Lettres écrites d'Egypte et de Nubie entre 1828 et 1829 E-Book

Jean-François Champollion

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Jean-François Champollion dit Champollion le Jeune, né le 23 décembre 1790 à Figeac (Lot) et mort le 4 mars 1832 à Paris, est un égyptologue français. Premier à déchiffrer les hiéroglyphes, Champollion est considéré comme le père de l'égyptologie. Il disait de lui-même : « Je suis tout à l'Égypte, elle est tout pour moi ». Dans ses "Lettres écrites d'Égypte et de Nubie en 1828 et 1829" Jean-François Champollion, l'égyptologue français et découvreur de la Pierre de Rosettes en 1799 nous livre un récit saisissant de ses expéditions scientifiques.

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Table des matieres

AVERTISSEMENT

MEMOIRE SUR UN PROJET DE VOYAGE LITTERAIRE EN EGYPTE PRESENTE AU ROI EN 1827 PLAN ET MOTIFS DU VOYAG

LETTRES ECRITES PENDANT LE VOYAGE DE PARIS A ALEXANDRIE

PREMIERE LETTRE

DEUXIEME LETTRE

TROISIEME LETTRE

QUATRIEME LETTRE

CINQUIEME LETTRE

SIXIEME LETTRE

SEPTIEME LETTRE

HUITIEME LETTRE

NEUVIEME LETTRE

DIXIEME LETTRE

ONZIEME LETTRE

DOUZIEME LETTRE

TREIZIEME LETTRE

QUATORZIEME LETTRE

QUINZIEME LETTRE

SEIZIEME LETTRE

DIX-SEPTIEME LETTRE

DIX-HUITIEME LETTRE

DIX-NEUVIEME LETTRE

VINGTIEME LETTRE

VINGT ET UNIEME LETTRE

VINGT-DEUXIEME LETTRE

VINGT-TROISIEME LETTRE

VINGT-QUATRIEME LETTRE

VINGT-CINQUIEME LETTRE

VINGT-SIXIEME LETTRE

VINGT-SEPTIEME LETTRE

VINGT-HUITIEME LETTRE

VINGT-NEUVIEME LETTRE

TRENTIEME LETTRE

TRENTE ET UNIEME LETTRE

APPENDICE

AVERTISSEMENT

Les lettres dont j’offre aujourd’hui une nouvelle edition au public ont ete ecrites par mon pere, Champollion le jeune, pendant le cours du voyage qu’il fit en Egypte et en Nubie, dans les annees 1828 et 1829.

Elles donnent ses impressions sur le vif, au jour le jour, et c’est encore, au dire des personnes competentes, le meilleur et le plus sur guide pour bien connaître les monuments et l’ancienne civilisation de la vallee du Nil. Elles furent successivement adressees a son frere et inserees en partie dans le Moniteur universel, pendant que mon pere, poursuivant sa mission, rassemblait les richesses archeologiques qu’on admire au musee egyptien du Louvre, dont il fut le fondateur, et recueillait les documents precieux qu’il n’eut pas le temps de mettre en lumiere, puisque tout jeune encore, en 1832, il fut enleve a la science et au glorieux avenir qui lui etait reserve.

En 1833, mon oncle, M. Champollion-Figeac, alors conservateur au departement des manuscrits de la Bibliotheque royale, publia, chez Firmin Didot, une edition de ces lettres dont il possedait les originaux. C’est cette edition, epuisee depuis longtemps deja, que je reproduis dans le present volume.

Les savants qui ont marche dans la voie de Champollion le jeune m’ont atteste que, malgre les progres obtenus depuis trente ans dans la science qu’il a fondee, ces lettres etaient encore d’une utilite serieuse et d’un grand interet; c’est cette conviction, unie a un vif sentiment de respect pour la memoire de mon pere, qui m’a engagee a faire cette nouvelle edition.

Z. CHERONNET-CHAMPOLLION.

Paris, le 15 septembre 1867.

MEMOIRE sur UN PROJET DE VOYAGE LITTERAIRE EN EGYPTEPRE SENTE AU ROI EN 1827 PLAN ET MOTIFS DU VOYAGE

On peut considerer comme un fait positif lorsqu’il s’agit de nos connaissances reelles sur l’ancienne Egypte, que les recherches des savants et des voyageurs n’ont produit jusqu’ici de resultats complets, de documents certains qu’a l’egard du seul systeme d’architecture

suivi, pendant une si longue serie de siecles, dans ce pays ou les arts ont commence; encore est-il juste de dire que les travaux qui fixeront irrevocablement nos idees a cet egard ne sont point encore publies, et qu’il reste, de plus, a reconnaitre les regles qui determinaient le choix des ornements et des decorations, selon la destination donnee a chaque genre d’edifice. Ce point important pour la science ne peut etre eclairci que sur les lieux et par des personnes versees dans la connaissance des symboles et du culte egyptiens, car les plus simples ornements de cette architecture sont des emblemes parlants; et telle frise, qui ne semble contenir que des arabesques ou une composition calculee pour l’oeil seulement, renferme un precepte, une date, ou un fait historique.

Les doctrines le plus generalement adoptees sur l’art egyptien, et sur le degre d’avancement auquel ce peuple etait reellement parvenu, soit en sculpture, soit en peinture, sont essentiellement fausses; les nouvelles decouvertes ont pu jeter de grands doutes sur leur exactitude; mais ces doctrines ne peuvent etre ramenees au vrai et assises sur des fondements solides que par de nouvelles recherches faites sur les grands edifices publics de Thebes et des autres capitales de l’Egypte. C’est aussi l’unique moyen de decider clairement l’importante question que des esprits diversement prevenus agitent encore si vivement, celle de la transmission des arts de l’Egypte a la Grece.

Nos connaissances sur la religion et le culte des Egyptiens ne s’etendent encore que sur les parties purement materielles; les monuments de petites proportions nous font bien connaitre les noms et les attributs des divinites principales; mais comme ces memes monuments proviennent tous des catacombes et des sepultures, nous n’avons de renseignements detailles que pour les personnages mystiques protecteurs des morts, et presidant aux divers etats de l'ame apres sa separation du corps. La religion des hautes classes, qui differait de celle des tombeaux, n’est retracee que dans les sanctuaires des temples et les chapelles des palais: sur ces edifices couverts interieurement et exterieurement de bas-reliefs colories, charges de legendes innombrables, relatives a chaque personnage mythologique dont ils retracent l’image, les divinites egyptiennes de tous les ordres, hierarchiquement figurees et mises en rapport, sont accompagnees de leur genealogie et de tous leurs titres, de maniere a faire completement connaitre leur rang, leur filiation, leurs attributs, et les fonctions que chacune d’elles etait censee remplir dans le systeme theologique egyptien. Il reste donc encore a reconnaitre sur les constructions de l’Egypte, la partie la plus relevee et la plus importante de la mythologie egyptienne.

Toutes les branches si variees des arts, et tous les procedes de l’industrie egyptienne sont encore loin de nous etre connus. On a bien recueilli quelques tableaux et des inscriptions relatives a un certain nombre de metiers, tels que la charpenterie, la menuiserie, la tannerie, la construction navale, le transport des masses, la verrerie, l’art du charron, du forgeron, du cordonnier, de l’emailleur, etc., etc., etc.; mais les voyageurs qui ont dessine ces tableaux ont, pour la plupart, neglige les legendes explicatives qui les accompagnent, et aucun d’eux n’etait en etat de lire, sur les monuments ou ces tableaux ont ete copies, les dates precises de l’epoque ou ces divers arts furent pratiques. Nous ignorons donc si la plupart de ces arts sont vraiment d’origine egyptienne, propres a l’Egypte, ou s’ils ont ete introduits par l’influence des peuples anciens qui, comme les Perses, les Grecs et les Romains, ont tenu ce pays sous leur domination. C’est donc encore ici une question tres-importante a eclaircir pour l’histoire de l’industrie humaine; et cependant il en est beaucoup d’autres encore et d’un interet bien plus releve.

“Si l’historien s’enquiert d’abord des bas-reliefs historiques et ethnographiques, des scenes domestiques qui peignent les moeurs de la nation et celles des souverains, etc., il demande precisement les objets qui sont le moins eclaircis.” Ainsi s’exprimait, il y a douze ans, M. de Heeren, un des hommes les plus distingues de l’Allemagne; et tout ce qu’on a publie depuis, loin de remplir cette importante lacune, n’a pu qu’augmenter encore les regrets des savants qui apprennent seulement par des dessins pris au hasard, au milieu de series immenses de bas-reliefs, que les grands edifices de l’Egypte offrent encore, sculptee dans tous ses details, l’histoire entiere de ses plus grands souverains, et que des compositions d’une immense etendue y retracent les epoques les plus glorieuses de l’histoire des Egyptiens; car ce peuple a voulu qu’on put lire sur les murs des palais l’histoire de ses plus illustres monarques, et c’est la seule nation qui ait ose sculpter sur la pierre de si grands objets et de si vastes details.

L’Europe savante connait l’existence de cet amas de richesses historiques: son ardent desir serait d’en etre mise en possession. Elle a juge que nos progres dans les etudes egyptiennes demandent qu’un gouvernement eclaire se hate d’envoyer enfin en Egypte des personnes devouees a la science et convenablement preparees, pour recueillir, tant qu’ils subsistent encore, les innombrables et precieux documents que la magnificence egyptienne inscrivit jadis sur les edifices dont les masses imposantes couvrent les deux rives du Nil. L’Europe, sachant aussi que la barbarie, toujours croissante, detruit systematiquement ces respectables temoins d’une antique civilisation, hate de tous ses voeux le moment ou des copies fideles de ces inscriptions et de ces bas-reliefs historiques lui donneront le moyen de remplir avec certitude les plus anciennes pages des annales du monde, en perpetuant ainsi les temoignages si nombreux et si authentiques traces sur tant de monuments dont rien ne saurait remplacer la perte. Un voyage litteraire en Egypte est donc aujourd’hui l’un des plus utiles qu’on puisse entreprendre.

Mais ce n’est point a l’histoire seule de l’Egypte que le voyage propose dans ce Memoire doit fournir des lumieres qu’on chercherait vainement autre part que dans les palais de Thebes: c’est la qu’existent egalement, et nous en avons la certitude, des notions aussi desirables qu’inesperees, sur tous les peuples qui, des les premiers temps de la civilisation humaine, jouaient un role important en Afrique et dans l’Asie occidentale. Les principales expeditions des Pharaons contre les nations qui, dans cet ancien monde, pouvaient lutter de puissance avec l’Egypte ou lui inspirer des craintes, sont sculptees sur les monuments eriges par les triomphateurs: on y lit les noms de ces peuples, le nombre des soldats, les noms des villes assiegees et prises, les noms des fleuves traverses, ceux des pays soumis, la quotite des tributs imposes aux peuples vaincus; et les noms des objets precieux enleves a l’ennemi sont ecrits sur des tableaux qui representent ces trophees de la victoire. Ces bas-reliefs, entremeles de longues inscriptions explicatives, sont d’autant plus utiles a connaitre que les artistes egyptiens ont rendu avec une admirable fidelite la physionomie, le costume et toutes les habitudes des peuples etrangers qu’ils ont eu a combattre. Nous pourrons donc apprendre enfin, par l’etude directe de cette immense galerie historique, quelles nations pouvaient balancer, a des epoques sur lesquelles l’histoire est encore muette, le pouvoir des Pharaons en rivalisant avec l’Egypte, pour lui disputer l’empire de cet ancien monde que nous n’apercevons encore qu’a travers mille incertitudes, mais dont la realite, deja demontree, n’en est pas moins surprenante; toutefois, en rapportant le temps de ces grandes scenes a des epoques beaucoup plus rapprochees de nous que ne le voulait un esprit de systeme plus hardi que raisonne.

On ne saurait fixer l’importance des decouvertes historiques que peut amener une etude approfondie des bas-reliefs qui decorent les edifices antiques de l’Egypte, et surtout ceux de Thebes, sa vieille capitale. Ce pays s’est en effet trouve en relation directe avec tous les grands peuples connus de l’antiquite: si ses venerables monuments nous montrent une foule de peuples a demi sauvages du continent africain, vaincus et deposant aux pieds des Pharaons l’or, les matieres precieuses, les oiseaux rares et les animaux curieux de l’interieur d’un pays encore si peu connu, nous trouvons d’autre part le tableau des luttes sanglantes des Egyptiens, soit sur terre, soit sur mer, avec diverses nations asiatiques (les Assyriens, les Bactriens et les Hindous peut-etre), nations qui combattent avec des armes egales et des moyens tout aussi avances que ceux des Egyptiens, leurs rivaux. Nous savons, a n en point douter, que les temples et les palais de l’Egypte offrent les images et des inscriptions contemporaines des rois ethiopiens qui ont conquis l’Egypte, au milieu des monuments des Pharaons, dont ils ont momentanement interrompu la longue et brillante succession. On y recueillera les annales des rois egyptiens les plus renommes, tels que les Osimandyas, Amosis, les Rhamses, les Thouthmosis; ailleurs celles des Pharaons Sesonchis, Osorchon, Sevechus, Tharaca, Apries et Nechao, que les Livres saints nous peignent entrant dans le cœur de la Syrie a la tete d’armees innombrables. On reunira les copies du peu de monuments eleves sous la tyrannie des rois persans, les Darius et les Xerxes; on notera les lieux ou se lisent encore le grand nom d’Alexandre, celui de son frere, de son jeune fils, et ceux des successeurs de cet homme qui releva l’Egypte foulee par le gouvernement militaire des Perses. On eclaircira toute l’histoire des Lagides; et cet examen des inscriptions monumentales se terminera en recueillant, sur les memes edifices qui ont precede tant d’empires, leur ont survecu, et qui ont vu passer tant de gloires, les noms les plus illustres de Rome gouvernee par les empereurs. Ainsi les monuments de l’Egypte conservent des inscriptions qui se lient a l’histoire ancienne tout entiere, et en recelent une grande partie que les ecrivains ne nous ont point conservee: c’est donner une idee de l’immense moisson de faits et des documents qu’un gouvernement protecteur des sciences utiles peut assurer aux etudes solides, en ordonnant l’execution d’un voyage auquel sont directement interesses les progres de toutes les sciences historiques. Ajoutons enfin que ce voyage, ou l’on pourra etudier et comparer entre elles le nombre immense d’inscriptions qui couvrent tous les monuments de l’Egypte, avancerait avec une merveilleuse rapidite nos connaissances sur l’ecriture hieroglyphique, et qu’il fournira, sans aucun doute a cet egard, des lumieres qu’on ne pourrait peut-etre point obtenir d’une etude de plusieurs siecles faite en Europe sur les seuls monuments egyptiens que le hasard y ferait transporter a l’avenir. Sous ce point de vue seul, les resultats du voyage projete seraient inappreciables.

Les travaux des Francais qui firent partie dell’expedition d’Egypte n’ont fait que preparer l’Europe savante a de tels resultats, en lui montrant, par le trop petit nombre de dessins pris sur les monuments historiques, tout ce qu'elle doit desirer encore, et tout ce qu’on peut attendre d’un examen approfondi et d’un voyage dont ces monuments seront l’objet principal. Ces recherches, qui doivent produire tant de fruits et jeter tant de lumieres sur l’obscurite des temps antiques, etaient impossibles alors. On n’avait, en effet, a la fin du siede dernier et dans les premieres annees du siede present, aucune donnee positive sur le systeme des ecritures egyptiennes; aussi les membres de la Commission d’Egypte, et la plupart des voyageurs qui ont marche sur leurs traces, persuades peut-etre qu’on n’arriverait jamais a l’intelligence des signes hieroglyphiques, ont-ils attache moins d’interet a copier avec exactitude les longues inscriptions en caracteres sacres qui accompagnent les figures mises en scene dans les bas-reliefs historiques; il les ont presque toujours negligees, et souvent meme, en copiant quelques scenes de ces bas-reliefs, on s’est contente de marquer seulement la place occupee par ces legendes. C’etait cependant, sinon pour cette epoque, du moins pour l’avenir, la partie la plus interessante d’un tel travail. Mais enfin on doit beaucoup de reconnaissance a ces voyageurs pour nous avoir appris, a n’en pouvoir douter, qu’il ne depend plus que de notre volonte de recueillir, par exemple, dans le palais de Karnac a Thebes, l’histoire des conquetes de plusieurs rois, et probablement aussi celle de la delivrance de l’Egypte du joug des Pasteurs ou Hykschos, evenement auquel se rattachent la venue et la captivite des Hebreux; dans les sculptures de Kalabsche, le tableau des conquetes de Rhamses II a l’interieur de l’Afrique; dans les galeries du palais de Medinet-Abou, les expeditions de Rhamses-Meiamoun contre les peuples de l’Asie; dans divers temples de la Nubie, des hauts faits des Pharaons Mœris, Osortasen, Amenophis II; dans le palais de Kourna, ceux de Mandouei et Ousirei, etc.; enfin, dans les palais de Louqsor, les edifices d’Ibsamboul et le palais dit d’Osimandyas, les details les plus circonstancies sur les conquetes du grand Sesostris, tant en Asie qu’en Afrique.

De nos jours, des dessins de la totalite de ces grandes scenes historiques, qui s’eclairent les unes par les autres, et surtout des copies exactes des inscriptions hieroglyphiques qu’on y a melees en si grand nombre, acquerraient un prix infini et realiseraient, sinon en totalite, du moins en tres-grande partie, les hautes esperances qu’y rattachent les sciences historiques. Les notions positives sur le mecanisme de l’ecriture hieroglyphique sont assez avancees, et l’on a reconnu le sens d’un nombre de caracteres assez considerable, pour retirer sur-le-champ, avec une certitude entiere, les faits principaux et les plus precieux contenus dans ces bas-reliefs ou dans ces inscriptions, et tous les documents utiles qu’ils renferment; enfin, avec les connaissances nouvellement acquises sur les ecritures de l’ancienne Egypte, un voyage entrepris maintenant sur cette terre classique, par un petit nombre de personnes bien preparees, produira incontestablement des resultats scientifiques tels qu’on eut en vain ose les esperer dans le temps meme que l’Egypte, au pouvoir d’une armee francaise, etait livree aux recherches d’une foule de savants qui ont beaucoup fait pour les sciences physiques, naturelles et mathematiques, mais qui manquaient de l’instrument essentiel et indispensable pour exploiter convenablement la mine si riche de documents historiques que la fortune des armes livrait a leur examen. La France guerriere a fait connaitre a fond l’Egypte moderne, sa constitution physique, ses productions naturelles, et les differents genres de monuments qui la couvrent: c’est aussi a la France, jouissant de la faveur de la paix, si propice au progres des sciences et de la civilisation nouvelle, a recueillir les souvenirs graves sur ces monuments temoins d’une civilisation primitive et des efforts progressifs des sciences sur une terre qui en fut le berceau: elles en sortirent pour eclairer l’Europe encore a demi sauvage lorsque l’Egypte etait deja dechue de sa premiere splendeur: l’Europe remontera donc ainsi vers ses plus antiques origines.

Apres cet expose sommaire des motifs generaux du voyage, il reste a indiquer l’ordre detaille des travaux que doivent executer les personnes chargees de cette entreprise litteraire.

1 deg. Visiter un a un tous les monuments antiques de style egyptien, en faire dessiner l’ensemble, et lever le plan du petit nombre de ceux que les voyageurs ont negliges ou n’ont point suffisamment etudies.

2 deg. Rechercher sur chaque temple les inscriptions dedicatoires donnant l’epoque precise de leur fondation, et celles qui indiquent toujours l’epoque ou ont ete executees les differentes parties de la decoration.

C’est, en d’autres termes, recueillir les elements positifs de l’histoire et de la chronologie de l’art en Egypte.

3 deg. Copier avec soin, dans tous leurs details et avec leurs couleurs propres, les images des differentes divinites auxquelles chaque temple etait dedie. Recueillir les inscriptions religieuses relatives a ces divinites, et tous les titres divers qui leur sont donnes.

4 deg. Copier surtout les tableaux mythologiques ou plusieurs divinites sont mises en scene.

5 deg. Dessiner les bas-reliefs representant les diverses ceremonies religieuses, et tous les instruments de culte.

Ces divers travaux auront pour resultat de faire connaitre a fond l’ensemble du culte egyptien, source de toutes les religions paiennes de l’Occident, et serviront a demontrer les nombreux emprunts que la religion des Grecs fit a celle de l’Egypte. On terminera ainsi les dissidences qui partagent les savants sur une matiere mise en discussion avant de posseder les elements indispensables pour en eclaircir les difficultes.

6 deg. Prendre, dans les temples, des calques exacts des figures representant les divers souverains de l’Egypte, et avec tous les details de costume, afin de former ainsi l’iconographie des rois et des reines; ces bas-reliefs, surtout ceux de l’epoque la plus ancienne, offrant le portrait des Pharaons, de leurs femmes et de leurs enfants.

7 deg. Rechercher dans les palais de Thebes, d’Ahydos, de Sohleb, et dans tous les genres d’edifices, tous les bas-reliefs historiques; les dessiner avec soin, figures et legendes, et copier les longues inscriptions historiques qui les suivent ou les separent.

8 deg. Recueillir dans les palais et les tombeaux des rois tout ce qui se rapporte a la vie publique et privee des Pharaons.

9 deg. Dessiner dans les catacombes de Thebes ou des autres villes egyptiennes les tableaux et les inscriptions relatives a la vie civile

des diverses classes de la nation, surtout ceux qui retracent les arts, les metiers et la vie interieure des Egyptiens; faire le recueil des costumes des diverses castes, etc.

10 deg. Copier les inscriptions votives, gravees sur la plate-forme des temples, sur les rochers environnants et dans les catacombes, toutes les fois que ces inscriptions porteront une date clairement exprimee.

11 deg. Recueillir toutes les legendes royales, sculptees sur les edifices, avec leurs diverses variantes, et preciser le lieu ou elles se lisent, pour determiner ainsi l’anciennete relative de chaque portion d’un meme edifice, et l’etat soit progressif, soit retrograde de l’art.

12 deg. Rechercher et faire dessiner avec soin tous les bas-reliefs et tableaux astronomiques, prendre les dates exprimees soit sur ces memes sculptures, soit dans leur voisinage, pour demontrer sans replique l’epoque assez recente de ces compositions, que l’esprit de systeme s’obstine encore, malgre des demonstrations palpables, a considerer comme remontant a des siecles fort anterieurs aux temps veritablement historiques. On fixera egalement ainsi l’opinion encore incertaine des savants a l’egard du point reel d’avancement auquel les Egyptiens avaient porte la science de l’astronomie.

13 deg. On devra recueillir avec un soin scrupuleux tous les caracteres hieroglyphiques de formes differentes, en notant les couleurs de chacun d’eux, afin de former le tableau le plus approximativement complet qu’il sera possible de tous les caracteres employes dans l’ecriture sacree des Egyptiens.

14 deg. On dessinera toutes les inscriptions qui peuvent conduire soit a confirmer, soit a etendre nos connaissances, relativement a la langue et aux diverses ecritures de l’ancienne Egypte.

15 deg. Il est du plus pressant interet pour les etudes historiques et philologiques de chercher dans les ruines de l’Egypte des decrets bilingues, semblables a celui que porte la pierre de Rosette. Ces steles existaient en tres-grand nombre dans les temples egyptiens des trois ordres. Des fouilles seront donc dirigees dans l’enceinte de ces temples, pour decouvrir de tels monuments, par le secours desquels le dechiffrement des textes hieroglyphiques ferait un pas immense.

16 deg. Le directeur du voyage ferait aussi executer des fouilles sur les points ou il serait possible de rencontrer des monuments historiques de divers genres: ceux des objets trouves et qui meriteraient quelque attention seraient emportes pour etre places au Musee royal du Louvre, si ces objets etaient d’ancien style egyptien, et au Cabinet des antiques de la Bibliotheque royale, si ces objets etaient des medailles et des pierres gravees, ou autres monuments de style grec ou romain. Les statues grecques ou romaines appartiendraient aussi au Musee des antiques du Louvre.

17 deg. On pourrait faire egalement, a Thebes et dans toutes les autres parties de l’Egypte, des achats d’objets interessants pour les collections royales; on pourrait completer ainsi avec avantage les diverses series de monuments antiques qui existent dans ces etablissements.

18 deg. On desire depuis longtemps que des personnes instruites dans les langues orientales visitent les couvents de la vallee des lacs de Natron et de la Haute-Egypte, et examinent les livres coptes ou autres que renferment les bibliotheques des moines chretiens, lesquelles peuvent contenir des ouvrages importants. Cette visite pourrait etre faite avec soin pendant le voyage, et il serait facile peut-etre d’acquerir des manuscrits interessants a peu de frais.

19 deg. Quelques voyageurs en Egypte ont parle d’inscriptions en caracteres inconnus, tracees ou gravees sur quelques monuments; on s’attacherait a les recueillir, precisement parce qu'elles sont considerees comme inconnues. Il en serait de meme des manuscrits ou inscriptions en phenicien, dont il n’existe encore qu’un tres-petit nombre en Europe, ainsi que des inscriptions en caracteres persepolitains ou cuneiformes, dont l’alphabet n’est pas encore entierement connu, quoique les monuments ou ils sont employes ne soient pas tres-rares. La decouverte des hieroglyphes phonetiques a concouru a accroitre cet alphabet au moyen d’une courte inscription en caracteres cuneiformes et en caracteres egyptiens. On peut en trouver d’autres, qui seraient soigneusement copiees.

20 deg. Il manque a la Bibliotheque du Roi quelques-uns des plus utiles ouvrages de la litterature arabe. On aurait peut-etre l’occasion de les acquerir a un prix convenable.

Tels sont le but, le plan et les motifs d’un voyage en Egypte.

Pour l’executer, M. Champollion n’attend plus que les ordres du Roi.

LETTRES ECRITES PENDANT LE VOYAGE DE PARIS A ALEXANDRIE

Lyon, le 18 juillet 1828.

Me voici arrive a Lyon en tres-bonne sante. J’ai trouve notre ami M.

Artaud pret a me recevoir, et je me suis etabli dans son musee.

J’ai trouve dans celui de la ville, entre autres morceaux curieux, une statuette en bronze, de 7 pouces de hauteur, representant le dieu Nil, morceau d’un excellent travail. Je la fais dessiner pour mon Pantheon: c’est, jusqu’ici, une chose unique et que je suis bien aise d’avoir rencontree.

M. Artaud a ecrit aujourd’hui a M. Sallier d’Aix, pour l’informer de mon prochain passage par cette ville. Je m’attends donc a faire une bonne recolte dans cette nombreuse collection, et j’y consacrerai deux jours s’il le faut.

Toulon, 25 juillet 1828.

Je suis arrive ici hier au soir en parfaite sante et apres un voyage moins penible que la saison d’ete et le ciel de Provence ne pouvaient le faire supposer. Partis d’Aix a trois heures du matin, nous etions a Toulon sur les six heures du soir; je me suis a peine apercu de la chaleur pendant la route, grace aux fourrures en laine dont je suis couvert; ce qui me fait croire que le proverbe vulgaire: Qui pare le froid pare le chaud, doit etre emane comme tant d’autres de la sagesse des nations.

Il m’a ete impossible d’ecrire d’Aix comme j’en avais le projet: le cabinet de M. Sallier m’a occupe pendant les deux jours que j’ai passes dans cette vieille ville. J’y ai trouve quelques pieces importantes que j’ai copiees ou fait dessiner. Ce ne fut que le soir du second jour que M. Sallier me mit dans les mains un paquet de papyrus egyptiens non funeraires, dans lequel j’ai trouve: 1 deg. un long papyrus en fort mauvais etat, qui m’a paru renfermer des observations astrologiques, le tout en belle ecriture hieratique; 2 deg. deux rouleaux contenant des especes d’odes ou litanies a la louange d’un Pharaon; 3 deg. un rouleau dont les premieres pages manquent, mais qui contient les louanges et les exploits de Rhamses-Sesostris en style biblique, c’est-a-dire sous la forme d’une ode dialoguee, entre les dieux et le roi.

Cette affaire-ci est de la plus haute importance, et le peu de temps que j’ai donne a son examen m’a convaincu que c’est un vrai tresor historique. J’en ai tire les noms d’une quinzaine de nations vaincues, parmi lesquelles sont specialement nommes les Ioniens, louni, Iavani, et les Lyciens, Louka, ou Louki; plus les Ethiopiens, les Arabes, etc. Il est parle de leurs chefs emmenes en captivite, et des impositions que ces pays ont supportees. Ce manuscrit a pleinement justifie mon idee sur le groupe qui qualifie les noms de pays etrangers, et ceux de personnages en langues etrangeres. J’ai releve avec soin tous ces noms de peuples vaincus, qui, etant parfaitement lisibles et en ecriture hieratique, me serviront a reconnaitre ces memes noms en hieroglyphes sur les monuments de Thebes, et a les restituer, s’ils sont effaces en partie.

Cette trouvaille est immense, et ce manuscrit hieratique porte sa date a la derniere page. Il a ete ecrit (dit le texte) l’an IX, au mois de Paoni, du regne de Rhamses le Grand. Je me propose d’etudier a fond ce papyrus, a mon retour d’Egypte.

M. Sallier m’a promis de me donner l’empreinte en papier des trois pierres qui portent les fragments du decret romain relatif au prix des denrees et marchandises; je l’aurais faite moi-meme, mais, malheureusement, on a rempli en platre durci les lettres du texte: on les fera laver et nettoyer.

Toulon, le 29 juillet.

J’ai recu la premiere lettre de Paris, attendue deja avec impatience. Ma serie de numeros ne commencera qu’apres l’embarquement, et ma premiere sera datee des domaines de Neptune, car j’espere que nous rencontrerons en route quelque batiment revenant en Europe, et qu’il sera possible de le charger d’un billet pour la France. Mais si par hasard nous sommes seuls sur le grand chemin du monde, vous n’aurez de mes nouvelles que dans deux mois au plus tot, les departs d’Alexandrie pour France etant extremement rares. Notre corvette, destinee a convoyer les batiments marchands, ne convoiera personne. On n’ose plus se mettre en mer, non qu’il y ait danger de perte de corps ou de biens, mais parce que le commerce avec l’Egypte est dans un etat complet de torpeur; l’Egypte ellememe n’envoie plus de coton. L’amiral m’assure, toutefois, que nos relations avec le pacha sont sur le pied le plus amical. Je vais avoir, du reste, des nouvelles positives sur notre position a l’egard de l’Egypte, car je recois a l’instant un rendez-vous au lazaret, de la part de M. Leon de Laborde, arrivant d’Alexandrie en trente-trois jours.

Il me dira certainement ce qu’il faut craindre ou esperer; le ton de sa lettre est d’ailleurs tres-rassurant, et je n’en augure que de bonnes nouvelles.

Nos Parisiens sont arrives ce matin; et nos Toscans le soir, apres un voyage de quinze jours. Ils ont eu toutes les peines du monde a traverser le cordon sanitaire etabli a la frontiere du Piemont par le roi de Sardaigne, qui, trompe par les exagerations d’un capitaine marchand de Marseille, debarque a Genes, s’est imagine que la peste ravageait la Provence; les regiments ont marche pour occuper tous les debouches des Alpes, et les lettres et journaux venant de France sont taillades et passes au vinaigre. Il est connu en Italie que nous mourons ici et a Marseille par centaines: tandis que le temps est superbe, grace a une brise d’ouest qui rafraichit l’air et nous jettera en pleine mer en moins d’une heure.

La mer promet d’etre excellente. J’ai deja essaye mon estomac, et je le crois assez bien amarine, ayant couru la rade en barque par une mer assez grosse.

30 juillet.

Il m’a ete impossible de voir M. de Laborde; la brise etait trop forte pour pouvoir sans danger communiquer avec le lazaret dans une petite embarcation; il m’indique un nouveau rendez-vous pour demain a une heure: mais a cette heure-la, je serai deja loin de Toulon, puisque notre embarquement aura lieu entre neuf et dix heures du matin. Nos gros effets sont a bord, et nous sommes prets a dire adieu a la terre ferme.

On me fait esperer de toucher en Sicile. J’ai demande a l’amiral qu’il permit au commandant de nous debarquer quelques heures a Agrigente; cela est accorde. C’est a la mer a nous le permettre maintenant. Si elle est bonne, j’ecrirai a l’ombre d’une des colonnes doriques du temple de Jupiter.

Adieu; soyez sans inquietude, les dieux de l’Egypte veillent sur nous.

En mer, entre la Sardaigne et la Sicile, 3 aout 1828.

Je vais essayer d’ecrire malgre le mouvement du vaisseau, qui, pousse par un vent a souhait, marche assez rapidement vers la cote occidentale de Sicile, que nous aurons ce soir en vue, selon toute apparence.

Jusqu’ici la traversee a ete des plus heureuses, et le plus difficile est fait: mon estomac a subi toutes ses epreuves, et je me trouve parfaitement bien maintenant. Le repos force dont on jouit sur le batiment, et l’impossibilite de s’y occuper avec quelque suite, ont tourne au profit de ma sante, et je me porte a merveille.

Je ne parlerai point des deux jours passes, n’ayant eu sous les yeux que le ciel et la mer. Le tableau, quoique varie par quelques evolutions de marsouins et la lourde apparition de deux cachalots, presenterait trop d’uniformite. La seche desolation des cotes de Sardaigne, pays bien digne de l’aspect de ses anciens Nuraghes, n’offre rien non plus de bien interessant.

Je parlerai donc de l’espoir plus attrayant de debarquer au milieu des temples de la vieille Agrigente. Notre commandant nous le promet pour demain au soir, si Eole et Neptune veulent bien nous octroyer cette douceur.

Du 4.

Nous ayons tourne, pendant la nuit, la pointe ouest de la Sardaigne, et couru la cote meridionale, vraie succursale de l’Afrique. Ce matin nous ne voyons encore que le ciel et la mer. Vers le soir, on apercoit l'ile de Maritimo, le point le plus occidental de la Sicile, mais un calme malencontreux nous empeche d’avancer.

Du 5.

Apres une nuit passee a louvoyer, nous avons revu Maritimo de bon matin, a deux ou trois lieues de nous. Le vent s’etant enfin leve, le vaisseau a passe devant les iles de Favignana et Levanzo; nous avions en perspective Trapani (Drepanum), l’ancien arsenal de Sicile, et le mont Eryx si vante dans l’Eneide. L’apresmidi, nous avons passe devant Marsalla et salue devotement ses excellents vignobles: il s’est mele a mon salut une teinte fort respectueuse, lorsqu’on a depasse cette ville qui fut la vieille Lilybee, le principal etablissement carthaginois en Sicile. Cette cote meridionale est d’une beaute parfaite.

Du 6.

Je n’ai pu saluer les ruines de Selinonte, nous les avons rasees de nuit. La cote est ici un peu plus seche, quoique pittoresque, et d’un ton africain a faire plaisir. On a jete l’ancre dans la rade d’Agrigente; la sont une foule de monuments grecs que nous desirons visiter et etudier. Mais il est probablement decide que nous aurons le deboire d’etre venus a quatre cents toises de ces temples sans pouvoir meme les apercevoir. Nous payons cherement la sottise du capitaine marseillais qui a repandu a Genes la nouvelle de la fameuse peste de Marseille. Etant alles au lazaret d’Agrigente avec le commandant, on nous a repondu que des ordres de Palerme, arrives la veille, defendaient expressement qu’on donnat pratique a aucun batiment venu des ports meridionaux de France. J’ai soutenu que Toulon etait un port du nord; le bon Sicilien a repondu qu’il le savait tres-bien, mais que, n’ayant aucune instruction sur les ports du nord, il ne pouvait nous permettre de debarquer sans l’autorisation de l’intendant de la province d’Agrigente. On nous a promis une reponse pour demain a huit heures; et nous avons regagne la corvette, la mort dans l’ame et sans l’esperance d’admirer le temple de la Concorde. C’est bien la jouer de malheur, et je comprends enfin le supplice de Tantale.

Du 7, a six heures du matin.

Aucune nouvelle de terre ne nous est encore parvenue. Je perds tout espoir. Je vais fermer cette lettre pour l’envoyer dans une heure et demie d’ici a terre, pour tacher de la faire mettre a la poste a travers toutes les fumigations d’usage. Nous nous portons tous a faire plaisir, bon appetit, l’oeil vif, des teints superbes, et on veut absolument nous traiter en pestiferes! Je rouvrirais ma lettre si j’avais a vous annoncer qu’on nous permet de voir Agrigente autrement qu’a deux milles de distance; je serais si heureux de debarquer au milieu de ces venerables ruines! Mais je n’ose y compter.

Si nous n’avons pas l’entree a huit heures, nous mettrons immediatement a la voile, pour courir sur Malte.

Alexandrie, le 22 aout 1828.

Je hasarde ces lignes par un batiment toscan qui part demain pour Livourne. Comme il est fort douteux que cette lettre parvienne en France aussitot que celle dont veut bien se charger notre excellent commandant de l’Egle, lequel retourne en Europe et met a la voile mardi prochain, je mets un n deg. 1 provisoire a celle-ci, reservant tous les details pour la seconde, qui sera le veritable numero premier.

Je suis arrive le 18 aout dans cette terre d’Egypte, apres laquelle je soupirais depuis longtemps. Jusqu’ici elle m’a traite en mere tendre, et j’y conserverai, selon toute apparence, la bonne sante que j’y apporte.

J’ai pu boire de l’eau fraiche a discretion, et cette eau-la est de l’eau du Nil qui nous arrive par le canal nomme Mahmoudieh en l’honneur du pacha, qui l’a fait creuser.

J’ai pu voir M. Drovetti le soir meme de mon arrivee, et la j’ai appris qu’il m’avait ecrit et conseille d’ajourner mon voyage. Depuis la date de cette lettre, heureusement arrivee trop tard a Paris, les choses sont bien changees. Vous devez connaitre deja les conventions pour l’evacuation de la Moree, consenties le 6 juillet par Ibrahim-Pacha et signees il y a une douzaine de jours par le vice-roi Mohammed-Aly. Mon voyage ne rencontrera aucun empechement; le pacha est informe de mon arrivee, et il a bien voulu me faire dire que j’etais le bienvenu; je lui serai presente demain ou apres-demain au plus tard. Tout se dispose au mieux pour mes travaux futurs; et les Alexandrins sont si bons que j’ai deja secoue tous les prejuges inspires par de pretendus historiens.

J’occupe dans le palais du consulat de France un petit appartement delicieux donnant sur le bord de la mer; l’ordre d’execution de nos projets sur Alexandrie et ses environs est deja regle; ils comprennent les obelisques dits de Cleopatre, dont nous aurons enfin une copie exacte, et ensuite la colonne de Pompee; il faut savoir enfin a quoi s’en tenir sur son inscription dedicatoire, et si elle porte le nom de l’empereur Diodetien: nous en aurons une bonne empreinte.

Notre jeunesse est emerveillee de ce qu'elle a deja vu.... A ma prochaine les details: la serie de mes lettres d’observation commencera reellement avec elle....

Adieu.

PREMIERE LETTRE

Alexandrie, du 18 au 29 aout 1828.

Ma lettre d’Agrigente contenait mon journal depuis le 31 juillet, jour de notre depart de Toulon sur la corvette du roi l’Egle, commandee par M. CosmaoDumanoir, capitaine de fregate, jusqu’au 7 aout que nous avons quitte la cote de Sicile apres une station de vingt-quatre heures, et sans avoir pu obtenir la pratique du port, vu que, d’apres les informations parvenues de bonne source aux autorites siciliennes, nous etions tous en proie a la grande peste qui ravage Marseille, a ce qu’on dit en Italie. J’ai vainement parlemente avec des officiers envoyes par le gouverneur de Girgenti, et qui ne me parlaient qu’en tremblant, a trente pas de distance; nous avons ete declares bien et dument pestiferes, et il nous a fallu renoncer a descendre a terre, au milieu des temples grecs les mieux conserves de toute la Sicile. Nous remimes donc tristement a la voile, courant sur Malte, que nous doublames le lendemain 8 aout au matin, en passant a une portee de canon des iles Gozzo et Cumino, et de Cite-La-Valette, que nous avons parfaitement vue dans ses details exterieurs.

C’est apres avoir reconnu successivement le plateau de la Cyrenaique et le cap Rasat, et avoir longe de temps a autre la cote blanche et basse de l’Afrique, sans etre trop incommodes par la chaleur, que nous apercumes enfin, le 18 au matin, l’emplacement de la vieille Taposiris, nommee aujourd’hui la Tour des Arabes. Nous approchions ainsi du terme de notre navigation, et nos lunettes nous revelaient deja la colonne de Pompee, toute l’etendue du Port-Vieux d’Alexandrie, la ville meme dont l’aspect devenait de plus en plus imposant, et une immense foret de mats de batiments, au travers desquels se montraient les maisons blanches d’Alexandrie. A l’entree de la passe, un coup de canon de notre corvette amena a notre bord un pilote arabe qui dirigea la manoeuvre au milieu des brisants, et nous mit en toute surete au milieu du Port-Vieux. Nous nous trouvames la entoures de vaisseaux francais, anglais, egyptiens, turcs et algeriens, et le fond de ce tableau, veritable macedoine de peuples, etait occupe par les carcasses des batiments orientaux echappes aux desastres de Navarin. Tout etait en paix autour de nous, et voila, je pense, une preuve de la puissante influence du vice-roi d’Egypte sur l’esprit de ses Egyptiens.

Nous en avions donc fini avec la mer, des le 18 a cinq heures du soir: il ne nous restait qu’un seul regret, celui de nous separer de notre commandant Cosmao-Dumanoir, si recommandable a tous egards, et des autres officiers de la corvette, qui, tous, nous ont combles de prevenances et de soins, et nous ont procure par leur instruction tous les charmes de la plus agreable societe; mes compagnons et moi n’oublierons jamais tout ce que nous leur devons de reconnaissance.

A peine mouilles dans le port, plusieurs officiers superieurs des vaisseaux francais vinrent a notre bord, et nous donnerent d’excellentes nouvelles du pays: ils nous apprirent la prochaine evacuation de la Moree par les troupes d’ibrahim, en consequence d’une convention recente. On attend dans peu de jours la rentree de la premiere division de l’armee egyptienne.

M. le chancelier du consulat-general de France voulut bien aussi venir a notre bord, nous complimenter de la part de M. Drovetti, qui se trouvait heureusement a Alexandrie, ainsi que le vice-roi. Le soir meme, a six heures, je me rendis a terre, avec notre brave commandant et mes compagnons de voyage, Rosellini, Bibent, Ricci, et quelques autres: je baisai le sol egyptien en le touchant pour la premiere fois, apres l’avoir si longtemps desire. A peine debarques, nous fumes entoures par des conducteurs d’anes (ce sont les fiacres du pays), et, montes sur ces nobles coursiers, nous entrames dans Alexandrie.

Les descriptions que l’on peut lire de cette ville ne sauraient en donner une idee complete; ce fut pour nous comme une apparition des antipodes, et un monde tout nouveau: des couloirs etroits bordes d’echoppes, encombres d’hommes de toutes les couleurs, de chiens endormis et de chameaux en chapelet; des cris rauques partant de tous les cotes et se melant a la voix glapissante des femmes, ou d’enfants a demi nus; une poussiere etouffante, et par-ci par-la quelques seigneurs magnifiquement habilles, maniant habilement de beaux chevaux richement harnaches, voila ce qu’on nomme une rue d’Alexandrie. Apres une demiheure de course sur nos anes et une infinite de detours, nous arrivames chez M. Drovetti, dont l’accueil empresse mit le comble a toutes nos satisfactions. Surpris toutefois de notre arrivee au milieu des circonstances actuelles, il nous en felicita cependant, et nous donna l’assurance que notre voyage d’exploration ne souffrirait aucune difficulte; son credit, fruit de sa conduite noble, franche et desinteressee, qui n’a jamais pour objet que le service de notre monarque dont le nom est partout venere, et l’honneur de la France, est une garantie suffisante de ces promesses. M. Drovetti ajouta encore a ses prevenances, en m’offrant un logement au palais de France, l’ancien quartier-general de notre armee. J’y ai trouve un petit appartement tres-agreable, c’est celui de Kleber, et ce n’est pas sans de vives emotions que je me suis couche dans l’alcove ou a dormi le vainqueur d’Heliopolis.

Du reste, le souvenir des Francais est partout dans Alexandrie, tant notre influence y fut douce et equitable. En arrivant, j’ai entendu battre la retraite par les tambours et les fifres egyptiens sur les memes airs qu’a Paris. Toutes les anciennes marches francaises pour la troupe ont ete adoptees par le Nizam-Gedid, et de vieux Arabes parlent encore en francais. Il y a trois jours, allant de grand matin visiter l’obelisque de Cleopatre, et au milieu des collines de sables qui couvrent les debris de l’antique Alexandrie, je rencontrai un Arabe aveugle et age, conduit par un enfant: j’approchai, et l’aveugle, informe que j’etais Francais, me dit aussitot ces propres mots en me saluant de la main: Bonjour, citoyen; donne-moi quelque chose; je n’ai pas encore dejeune. Ne pouvant ni ne voulant resister a une telle eloquence, je mets dans la main de l’Arabe tous les sous de France qui me restaient; en les tarant il s’ecria aussitot: Cela ne passe plus ici, mon ami. Je substituai a cette monnaie francaise une piastre d’Egypte: Ah! voila qui est bon, mon ami, ajouta-t-il; je te remercie, citoyen. De telles rencontres dans le desert valent un bon opera a Paris.

Je suis deja familiarise avec les usages et coutumes du pays; le cafe, la pipe, la siesta, les anes, la moustache et la chaleur; surtout la sobriete, qui est une veritable vertu a la table de M. Drovetti, ou nous nous asseyons tous les jours, mes compagnons de voyage et moi.

J’ai visite tous les monuments des environs; la colonne de Pompee n’a rien de fort extraordinaire; j’y ai trouve cependant a glaner. Elle repose sur un massif construit de debris antiques, et j’ai reconnu parmi ces debris le cartouche de Psammetichus II. Je n’ai pas neglige l’inscription grecque qui depend de la colonne, et sur laquelle existent encore quelques incertitudes. Une bonne empreinte en papier les fera cesser, et je serai heureux d’exposer sous les yeux de nos savants cette copie fidele qui doit les mettre enfin d’accord sur ce monument historique. J’ai visite plus souvent les obelisques de Cleopatre, toujours au moyen de nos roussins, que les jeunes Arabes nomment un bon cabal (denomination provencale). De ces deux obelisques, celui qui est debout a ete donne au Roi par le pacha d’Egypte, et j’espere qu’on prendra les moyens necessaires pour faire transporter cet obelisque a Paris. Celui qui est a terre appartient aux Anglais. J’ai deja copie et fait dessiner sous mes yeux leurs inscriptions hieroglyphiques. On en aura donc, et pour la premiere fois, je puis le dire, un dessin exact.

Ces deux obelisques, a trois colonnes de caracteres sur chaque face, ont ete primitivement eriges par le roi Moeris devant le grand temple du Soleil a Heliopolis. Les inscriptions laterales sont de Sesostris, et j’en ai decouvert deux autres tres-courtes, a la face est, qui sont du successeur de Sesostris. Ainsi, trois epoques sont marquees sur ces monuments; le de antique en granit rose, sur lequel chacun d’eux avait ete place, existe encore; mais j’ai verifie, en faisant fouiller par mes Arabes diriges par notre architecte M. Bibent, que ce de repose sur un socle de trois marches qui est de fabrique grecque ou romaine.

C’est le 24 aout, a huit heures du matin, que nous avons ete recus par le vice-roi. S.A. habite plusieurs belles maisons construites avec beaucoup de soin dans le gout des palais de Constantinople; ces edifices, de belle apparence, sont situes dans l’ancienne ile du Phare.

Nous nous y sommes rendus en corps, precedes de M. Drovetti, tous habilles au mieux, et les uns dans une caleche attelee de deux beaux chevaux conduits habilement a toute bride dans les rues d’Alexandrie par le cocher de M. Drovetti, et les autres montes sur des anes escortant la caleche.

Descendus au grand escalier de la salle du divan, nous sommes entres dans une vaste piece remplie de fonctionnaires, et nous avons ete immediatement introduits dans une seconde salle, percee a jour: dans un de ses angles, entre deux croisees, etait assise S.A., dans un costume fort simple, et tenant dans ses mains une pipe enrichie de diamants. Sa taille est ordinaire, et l’ensemble de sa physionomie a une teinte de gaite qui surprend dans un personnage occupe de si grandes choses. Ses yeux ont une expression tres-vive, et une magnifique barbe blanche couvre sa poitrine. S.A., apres avoir demande de nos nouvelles, a bien voulu nous dire que nous etions les bienvenus, et me questionner ensuite sur le plan de mon voyage. Je l’ai expose sommairement, et j’ai demande les firmans necessaires; ils m’ont ete accordes sur-le-champ, avec deux chaouchs du vice-roi, qui nous accompagneront partout. S.A. a ensuite parle des affaires de la Grece, et nous a fait part de la nouvelle du jour, qui est la mort d’Ahmed-Pacha, de Patras, livre a des Grecs introduits dans sa chambre par des soldats infideles soudoyes. Quoique fort age, Ahmed s’est vigoureusement defendu, a tue sept de ses assassins, mais a succombe sous le nombre. Le vice-roi nous a fait donner ensuite le cafe, et nous avons pris conge de S.A., qui nous a accompagnes avec des saluts de main tres-bienveillants. C’est encore une grace de plus dont nous sommes redevables aux bontes inepuisables de M.

Drovetti.

La commission toscane, conduite par M. Hip. Rosellini, a ete recue aussi le lendemain, 25 aout, par le vice-roi, presentee par M. Rosetti, consul-general de Toscane. Elle a recu le meme accueil, les memes promesses et la meme protection. L’Egypte, disait S.A., devait etre pour nous comme notre pays meme; et je suis persuade que le vice-roi est tres-flatte de la confiance que nos gouvernements ont mise dans son caractere, en autorisant notre entreprise dans les circonstances actuelles.

Je compte rester a Alexandrie jusqu’au 12 septembre: ce temps est necessaire pour nos preparatifs. Les chaleurs du Caire, et une maladie assez benigne qui y regne, baisseront en attendant. Le Nil haussera en meme temps. J’ai deja bu largement de ses eaux que nous apporte le canal construit par l’ordre du pacha, et nomme pour cela le Mahmoudieh. Le fleuve sacre est en bon etat; l’inondation est assuree pour le pays bas; deux coudees de plus suffiront pour le haut. Nous sommes d’ailleurs ici comme dans une contree qui serait l’abrege de l’Europe, bien recus et fetes par tous les consuls de l’Occident, qui nous temoignent le plus vif interet. Nous avons ete tous reunis successivement chez MM. Acerbi, Rosetti, d’Anastazy et Pedemonte, consuls d’Autriche, de Toscane, de Suede et de Sardaigne. J’y ai vu aussi M. Mechain, consul de France a Larnaka en Chypre, tres-recommandable sous tous les rapports, et l’un des anciens de l’expedition francaise en Egypte.

Nous sommes donc au mieux, et nous en rendons journellement des graces infinies a la protection royale qui nous devance partout, et aux soins inepuisables de M. Drovetti, qui ne se font attendre nulle part.

Je suis rempli de confiance dans les resultats de notre voyage: puissent-ils repondre aux voeux du gouvernement et a ceux de nos amis!

Je ne m’epargnerai en rien pour y reussir. J’ecrirai de toutes les villes egyptiennes, quoique les bureaux de poste des Pharaons n’y existent plus: je reserverai les details sur les magnificences de Thebes pour notre venerable ami M. Dacier; ils seront peut-etre un digne et juste hommage au Nestor des hommes aimables et des hommes instruits.

J’ai recu les lettres de Paris de la fin de juillet par le Nisus,

arrive en onze jours. Adieu.

DEUXIEME LETTRE

Alexandrie, le 14 septembre 1828.

Mon depart pour le Caire est definitivement arrete pour demain, tous nos preparatifs etant heureusement termines, ainsi que ce que je puis appeler l’organisation de l’expedition, chacun ayant sa part officielle d’action pour le bien de tous. Le docteur Ricci est charge de la sante et des vivres; M. Duchesne, de l’arsenal; M. Bibent, des fouilles, ustensiles et engins; M. Lhote, des finances; M. Gaetano Rosellini, du mobilier et des bagages, etc. Nous avons avec nous deux domestiques et un cuisinier arabes; deux autres domestiques barabras; mon homme a moi, Soliman, est un Arabe, de belle mine, et dont le service est excellent.

Deux batiments a voile nous porteront sur le Nil; l’un est le plus grand maasch du pays, et il a ete monte par S.A. Mehemed-Ali: je l’ai nomme l’Isis; l’autre est une dahabie, ou cinq personnes logeront assez commodement; j’en ai donne le commandement a M. Duchesne, en survivance du bon docteur Raddi, qui doit nous quitter pour aller a la chasse des papillons dans le desert lybique. Cette dahabie a recu le nom d’Athyr: nous voguerons ainsi sous les auspices des deux deesses les plus joviales du Pantheon egyptien. D’Alexandrie au Caire, nous ne nous arreterons qu’a Kerioun, l’ancienne Chereus des Grecs, et a Ssa-el-Hagar, l’antique Sais. Je dois ces politesses a la patrie du ruse Psammetichus et du brutal Apries; enfin, je verrai s’il reste quelques debris de Siouph a Saouafe, ou naquit Amasis, et a Sais, quelques traces du college ou Platon et tant d’autres Grecs allerent a l’ecole.

Notre sante se soutient, et l’epreuve du climat d’Alexandrie, qui est une ville toute lybique, est d’un tres-bon augure. Nous sommes tous enchantes de notre voyage, et heureux d’avoir echappe aux depeches telegraphiques qui devaient nous retarder. Les circonstances de mauvaise apparence ont toutes tourne pour nous; quelques difficultes inattendues sont aplanies: nous voyageons pour le Roi et pour la science; nous serons heureux partout.

Je viens a l’instant (huit heures du soir) de prendre conge du vice-roi.

S.A. a ete on ne peut pas plus gracieuse; je l’ai priee d’agreer notre gratitude pour la protection ouverte qu'elle veut bien nous assurer. Le vice-roi a repondu que les princes chretiens traitant ses sujets avec distinction, la reciprocite etait pour lui un devoir. Nous avons parle hieroglyphes, et il m’a demande une traduction des inscriptions des obelisques d’Alexandrie. Je me suis empresse de la lui promettre, et elle lui sera remise demain matin, mise en langue turque par M. le chancelier du consulat de France. S.A. a desire savoir jusqu’a quel point de la Nubie je pousserai mon voyage, et elle m’a assure que nous trouverions partout honneurs et protection; je lui ai exprime ma reconnaissance dans les termes les plus flatteurs, et je puis dire qu’il les repoussait d’une maniere fort aimable; ces bons musulmans nous ont traites avec une franchise qui nous charme. Adieu.

TROISIEME LETTRE

Au Caire, le 27 septembre 1828.