Notre République - Leonel Houssam - E-Book

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Léonel Houssam

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Beschreibung

Deux cent treize hommes et femmes pénètrent dans le village d'Orgape. Les quelques soixante-quinze personnes vivant dans les maisons longeant la rue principale sont saisis au petit matin, extirpés de leurs lits, poignets liés dans le dos, avant d'être parqués dans une grange non loin de l'entrée ouest et dans un garage à tracteurs au centre du village en face de la maison. Les assaillants ne perdent pas de temps et s'activent rapidement pour fabriquer des barrages et protéger les maisons placées sur les lieux stratégiques. Ils vident les quatre semi-remorques de leurs contenus : nourriture, armes, matériels informatiques, générateurs, purificateurs d'eau et l'ensemble des effets nécessaires pour tenir un siège. Toutes les voitures de passage sont détournées, priées de rebrousser chemin car le village est fermé pour cause de déminage d'une bombe non -explosée de la Seconde Guerre Mondiale. Cette fiction qui se situe dans un futur proche, très proche, met en avant Bertrand, un insurgé incontrôlable qui mène un combat féroce contre un capitalisme moderne devenu fou, dangereux et totalement destructeur.

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Seitenzahl: 57

Veröffentlichungsjahr: 2022

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Sommaire

1 er jour

1er jour

Deux cent treize hommes et femmes pénètrent dans le village d’Orgape. Les quelques soixante-quinze personnes vivant dans les maisons longeant la rue principale sont saisis au petit matin, extirpés de leurs lits, poignets liés dans le dos avant d’être parqués dans une grange non loin de l’entrée ouest et dans un garage à tracteurs au centre du village en face de la maison. Les assaillants ne perdent pas de temps et s’activent rapidement pour fabriquer des barrages et protéger les maisons placées sur les lieux stratégiques. Ils vident les quatre semi-remorques de leurs contenus : nourriture, armes, matériels informatiques, générateurs, purificateurs d’eau et l’ensemble des effets nécessaires pour tenir un siège. Toutes les voitures de passage sont détournées, priées de rebrousser chemin car « le village est fermé pour cause de déminage d’une bombe non – explosée de la Seconde Guerre Mondiale.

Au milieu de la soirée du premier jour d’occupation, les autorités sont prévenues par le grand-oncle d’une habitante du 4 rue des Moires. Il ne faut pas plus d’une demi-heure pour que la police débarque. Deux voitures qui sont immédiatement prises pour cibles à coups d’armes de guerre. Deux policiers sont mortellement blessés. Trois autres légèrement touchés. Deux s’en sortent sans égratignure.

C’est l’été, toujours plus insensé, où les températures ont une fois de plus atteint des records. Le monde occidental fait semblant de croire qu’il existe encore un mince espoir… Dans le village occupé, les assaillants semblent penser le contraire.

NOTRE RÉPUBLIQUE – 30e jour après.

La rue des Moires est fermée de chaque côté par des barricades de troncs d'arbres coupés dans le parc séculaire du centre de la ville. La pluie bat le bitume, des silhouettes de jeunes hommes, torse nu, en pantalon de treillis, casquettes américaines et Kalachnikovs en bandoulière. Des filles en ombres chinoises qui attendent adossées aux murs de briques des maisons mitoyennes de style coron. Quelques vieillards avachis sur des chaises installées sur les deux trottoirs. Détritus, carcasses de voitures, haies de lauriers, d'arbustes, de roseaux ravagés par le manque d'eau, les balles perdues, les ponctions destinées au feu de bois pour la cuisson. On sent la poudre, le mauvais café, les ordures pourrissant, les égouts... Bertrand tire sur sa clope après avoir pissé sur le pare-chocs de la carcasse carbonisée de l'Audi break. Il ne prête pas attention aux suppliques de cette jeune femme qu'il vient de baiser sans ménagement dans le couloir de la maison de l'ancienne maire.

PARODIANT SES ANCÊTRES – 33e jour.

L'Indien joue avec les cotillons. Dans son bluejean Lois, il tortille un peu son cul massif, parodiant ses ancêtres. Bertrand lui serre la main, l'invite à entrer dans le corridor de la maison bourgeoise. D'une main ferme, il attrape la crosse d'un Magnum qu'il tend au Peau-Rouge ivre et souriant:

« Arrête un peu la picole gros naze. Si tu veux faire honneur à tes racines, vise entre les deux yeux, pas dans les pattes »

La pluie a cessé. Le crépuscule illumine la rue de sa lumière rouge orangée. La couche nuageuse effilochée s'étire au-dessus des quartiers ennemis, bien au-delà du Mont Avril. L'Indien foule de nouveau le goudron trempé avec ses baskets Nike rose fluo usées salies.

Bertrand s'engage dans le petit jardin de la maison. Il soulève l'énorme planche de bois gisant au centre de l'ancien potager. Le visage dégueulasse de Martin apparaît, surgissant de l'obscurité épaisse du tunnel. Après avoir balancé l'énorme sac à dos qui lui sciait les épaules, il se hisse dans le carré de poireaux morts avant de se tenir presque au garde à vous.

« Fais pas chier. On n'est pas à l'armée. Alors t'as quoi là-dedans ?

- Sept cartouches de clopes, deux kilos de sucre, deux de farine, trois litres de lait et d'huile, six d'eau minérale, quatre boîtes d'aspirine, deux briquets, un paquet de café soluble, des aiguilles et une paire de ciseaux, une canette de coca, trois bouteilles de whisky.

- D'où vient cette viande ? Putain qu'elle est bonne et juteuse ! »

LEUR RÉPUBLIQUE. LA VIANDE, LES VENTRES PLEINS. 36e jour.

Tout le monde rit autour de la table. Quelques détonations leur parviennent mais ils n'y prennent pas garde. Ils sont au chaud de leur amitié inflexible, baignant dans l'ivresse, les organes en forme, les bouches bavardant, les hormones affolées. Ils lèvent leurs verres et blaguent. Pierre continue à chauffer l'assemblée en réitérant son admiration pour Staline: « C'est autre chose que Trotski et Hutch ». Fou rire, viande mastiquée. Claire jaillit dans le petit salon avec un nouveau plat de bidoche grillée sur le barbecue improvisé dans un caddie métallique stationné au-dessus d'un foyer de cendres incandescentes. La joie, les tapes dans le dos, le whisky, les cigarettes, les rires, les armes posées à portée de main... Mais l'ennemi attend tapi, terrassé, inquiet.

Ils rongent les os, ils sucent les cartilages, ils balancent les déchets aux deux boxers affamés bavant autour de la tablée. La liberté. Leur République. La viande. Leurs ventres pleins.

« On est le seul endroit au monde où Dieu laisse la liberté s'exercer »

Pierre sort son chibre et se branle. Personne n'y prête vraiment attention sauf peut-être Kévin qui aimerait en goûter la saveur, le sang, le brûlé de la viande emplissant encore sa gorge et excitant ses papilles. Le pénis luit et rougit sous la pression de la paume refermée. Le sperme s'éparpille sous forme de gouttelettes impeccablement sphériques et d'un blanc laiteux gourmand... Les rires. Les verres que l'on cogne. La viande que l'on mâche. Les détonations qui rythment les échanges...

UN EFFET STROBOSCOPE QUI LUI RAPPELLE SES NUITS HARDCORE. 39e jour.

Dans les lunettes à vision nocturne volées à l'ennemi deux jours plus tôt, il fixe ce soldat posté derrière le check-point. Son visage blanc-vert, ses yeux comme des billes de lumière,... Il place son front au centre du viseur. Le tir est sec, sexe d’acier explosant la boîte crânienne, la tête fléchissant en arrière jusqu'à disparaître derrière les sacs de sable. En première ligne, on ne choisit pas son adversaire.

Bertrand fait une sorte de prière: « Qu'il repose en paix quelque part dans tes camps de concentration de l'au-delà »