On n'a rien vu venir - Collectif - E-Book

On n'a rien vu venir E-Book

Collectif

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Beschreibung

7 chapitres, 7 familles différentes... Une seule et même cause à défendre

On n’a rien vu venir est un roman à 7 voix destiné aux jeunes lecteurs de 10 ans et plus. Il décrit, à travers le regard de 7 familles, l’arrivée au pouvoir du « Parti de la Liberté ».
Pourquoi les auteurs ont-ils décidé d’écrire ce roman pour les plus jeunes lecteurs, qui ne votent pas encore ? Parce que c’est eux qui voteront demain, parce que, dès aujourd’hui, ils peuvent influencer le vote des adultes, de leurs parents. Parce qu’ils sont la conscience politique de demain.
Ce texte engagé est accessible aux plus jeunes lecteurs, dès 10 ans, avant qu’ils n’entrent dans leur période « blasée ». Pour les sensibiliser à la question très actuelle de l’extrême-droite, à l’importance de l’engagement, du vote et, plus généralement, des choix que l’on fait dans la vie.

Un roman d'anticipation à mettre en toutes les mains | Age conseillé : 8-12 ans

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

- "On n’a rien vu venir parle de ce qui peut arriver si l’on n’y prend garde. C’est pourquoi je considère que c’est un livre important, et je vous encourage à le lire." - Extrait de la préface de Stéphane Hessel

- "C'est un roman fort, percutant, qui fait réfléchir sur ces mécanismes insidieux, qui appelle à un vrai réveil des consciences. Il est préfacé par Stéphane Hessel en personne où il renouvelle aux jeunes générations son appel à l'indignation et à son corollaire l'engagement, fondements de toute démocratie digne de ce nom." Méli-Mélo de livres

- "Un texte qui montre, avec des mots adaptés à on public, les dégâts que peut produire la propagande démagogique, lorsqu' "on n'a rien vu venir". - Agir par la culture

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L’éditeur remercie vivement Virginie Vanhaeverbeke et Pierre Galand

PRÉFACE

Cette histoire commence le soir des élections. Les habitants, qui ont choisi les hommes politiques qui vont les représenter, descendent dans la rue pour fêter la victoire. Leur victoire, croient-ils. Mais ils se trompent…

Et la vie de tout le monde va changer, pas uniquement celle des adultes.

Que feriez-vous si un de vos amis devait quitter le pays à cause de sa couleur de peau ? Que diriez-vous si vos parents choisissaient eux-mêmes les copains avec qui vous pouvez parler ? Que penseriez-vous si une discipline radicale était instaurée à l’école ? C’est de ça que parle On n’a rien vu venir, de ce qui peut arriver si l’on n’y prend garde. C’est pourquoi je considère que ce livre est important, et je vous encourage à le lire.

« Mais nous, nous ne sommes pas en âge de voter », me direz-vous. Qu’importe. Chaque génération est en mesure de trouver sa place et de choisir son engagement. Et les conséquences des choix de vos parents, des adultes en général, vous concernent autant qu’eux.

Pendant la seconde guerre mondiale, j’ai eu la chance de m’échapper du camp de concentration où j’étais prisonnier. J’ai pris, à ce moment, la décision de profiter de la deuxième chance qui m’était offerte de vivre pour lutter pour ce qui me tenait à cœur : la justice sociale et le respect des droits humains… Je me suis engagé dans la Résistance et, après la guerre, j’ai participé à la rédaction de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme. Mais j’étais déjà un adulte.

N’attendez pas de devenir des adultes ! Aujourd’hui, déjà, vous avez le pouvoir de dire non à ce qui ne vous semble pas juste, de vous indigner face à ce qui vous révolte, de faire preuve d’esprit critique vis-à-vis de ce que vous lisez, de ce que l’on vous donne à regarder à la télévision.

Vous avez un avis. Vous pouvez le partager, avec vos amis, vos parents, vos professeurs. Il est bien sûr souhaitable que les jeunes apprennent de l’expérience accumulée des vieux, mais les vieux ont aussi beaucoup à recevoir des jeunes.

Il n’est jamais trop tôt pour s’engager. Et ce beau roman est une des voies qui vous encourageront à résister et à persévérer.

LUNDI 4 JUIN LE GRAND SOIR

Mon père est comme un fou depuis ce matin. On dirait que c’est le soir de la Coupe du Monde et que son équipe fétiche est en finale.

— Assieds-toi, Stef, ça va commencer !

Un vrai lion en cage qui attend son steak. Je n’aurais jamais cru que des élections puissent le mettre dans un état pareil.

— Papa, je peux aller faire un tour ?

— Vas-y, mon grand, ta mère et moi on ne bouge pas, les résultats vont arriver dans un quart d’heure.

Je sors. Dans le quartier flotte une drôle d’ambiance. Depuis quelques semaines déjà, des affiches rouges et brunes ont envahi les murs : « PARTI DE LA LIBERTÉ ». C’est stylé, j’avoue. Je suis fier de mes parents. La liberté, c’est plutôt un truc cool. Par contre, moi, j’aurais choisi du vert, ou bien du bleu, pour les affiches.

Tout est silencieux. Pas de voitures, pas de voisins discutant sur le trottoir, rien. C’est le néant, un peu. Y’a juste la lumière de la télé qui clignote derrière les fenêtres. Ça sent vraiment le grand soir.

— Hé ! Toto ! Qu’est-ce que tu fais là ?

Une voix s’échappe de la fenêtre d’en face. La voix de mon meilleur pote.

Le seul qui m’appelle Toto, c’est Walid. Ma mère déteste ça. Elle dit qu’on ne m’a pas donné un prénom de héros grec pour que ça devienne un surnom « à la noix ». Moi, je lui réponds que, ce qui est « à la noix », c’est de dire encore, au XXIe siècle, « à la noix ». Ça marche à chaque fois. Elle change de sujet direct.

Je crois que c’est pour ça que mes parents n’aiment pas Walid. Pour cette histoire de surnom. C’est vraiment hyper nul, comme raison. Mais Walid, il ne s’y fait pas, à Hector. Alors c’est Toto et basta. Du coup, moi, j’appelle Walid « Wawa ». Au début, c’était juste pour énerver ma mère. Ensuite, c’est devenu une habitude. Toto et Wawa dans un bateau. Personne ne tombe à l’eau.

— T’as vu, Wawa, il est trop bizarre, le quartier, ce soir…

— Tu m’étonnes. Mes parents sont comme des fous.

— Ouais, les miens aussi. Enfin, surtout mon père. On dirait… j’sais pas… un hamster dans sa roue, genre. Il court sans aller nulle part.

— Mon père à moi, il est super stressé. Je l’ai jamais vu comme ça. Tu vas où, au fait, Toto ?

— J’en sais rien, j’me balade. Les élections, tout ça, c’est pas mon truc. Je vois pas ce que ça change.

— C’est clair. Mais moi, j’peux pas sortir. Mes parents ne veulent pas. Ils disent que c’est trop risqué.

— Risqué ? Hé ! Ça va, faut pas exagérer non plus, va sûrement y avoir un peu la fête, mais j’vois pas où est le risque ! Remarque, si, on peut devenir sourd en passant trop près d’une corne de brume, j’avoue.

— Bon, faut que j’y aille, Toto, ma mère est dans tous ses états parce que je suis à la fenêtre. J’te jure, des fois, j’ai l’impression de vivre à l’asile.

— À demain, alors, au collège, comme d’hab’ !

— Ouais, à demain. Bonne balade, mon pote.

« Risqué. » Ils sont bizarres, les parents de Walid. Les élections, c’est pas la guerre non plus.

Déjà qu’ils ne veulent jamais que Walid vienne chez moi. Si maintenant il n’a plus le droit de sortir, c’est abuser, franchement. Heureusement qu’on est dans la même classe, sinon, on ne se verrait jamais, Wawa et moi.

Un peu plus loin, une porte s’ouvre. Des gens traînent de grosses valises et les attachent sur le toit de leur voiture. Ils regardent à droite et à gauche comme s’ils avaient peur qu’on les surprenne. Au moment où je passe devant eux, ils s’arrêtent net. On dirait que quelqu’un les a mis sur pause. Seuls leurs yeux bougent pour me suivre. Ça me met mal à l’aise, alors je fais un petit signe de la main.

 — Euh… salut… votre télé est cassée, ou quoi ?

D’accord, c’est pas super drôle. Mais ils me font flipper avec leur regard de bête traquée. Malheureusement, ma petite phrase ne produit aucun effet. Ils restent là, immobiles. Sans rien dire. Comme des animaux la nuit devant des phares. Je baisse les yeux et je continue à avancer. Finalement, ils finissent de fixer leurs valises et rentrent chez eux en claquant la porte. Vraiment bizarre, l’ambiance, dans le quartier.

Je tourne à gauche, quand, tout à coup, la rue se remplit de cris de joie. Le bruit couvre la ville tout entière. Les portes s’ouvrent et des dizaines de personnes se précipitent dehors, avec des drapeaux rouges et bruns. Un bouchon de champagne me frôle la tête. Ils ont raison, les parents de Walid, c’est risqué de sortir le soir des élections !

Les voisins se prennent dans les bras et s’embrassent comme au Nouvel An. Juste derrière moi, j’entends démarrer la voiture avec les valises sur le toit. La porte arrière est à peine refermée qu’ils partent à fond la caisse. Comme s’ils avaient cambriolé une banque. Un grand type me soulève et me porte sur ses épaules. Il m’enveloppe dans son drapeau et marche en chantant. Hallucinant ! Je chante moi aussi, un peu n’importe quoi, j’essaie de suivre les paroles. Je cherche Walid dans la foule. Même si je sais qu’il n’a pas le droit de sortir. J’aurais adoré partager ça avec lui !

De plus en plus de drapeaux s’agitent aux fenêtres. Certains lancent des pétards. Le grand type me pose finalement et part rejoindre ses copains en me faisant un geste de la main. Je continue à chanter sur place puis je fais demi-tour pour rentrer chez moi. J’ai hâte de voir ce que ça donne, à la maison.

— Hé, psitt !

Je reconnais une fille du collège. Elle se planque derrière une poubelle. Je m’approche et je lui dis :

— Salut ! T’as vu ce truc de fou ! C’est trop trop bien, hein !

— Ça craint, oui. Tu entends ce que tu chantes, au moins, espèce de mouton débile ?

— Ben quoi, non, j’sais pas, on s’en fiche, c’est juste pour faire la fête.

— T’as raison : « Le pays libéré de sa vermine », c’est la fête.

— Pourquoi pas ?

— Tu sais ce que c’est, « la vermine » ?

— Les rats, les cafards, tout ça.

— Ouais, c’est ça, les cafards et… ton copain Walid.

Cette fille est complètement folle. Quel est le rapport entre la vermine et Walid ? Autour de nous, la fête continue. On nous tend des affiches rouges et brunes.

— Tu laisses Walid tranquille, OK ? J’insulte pas tes copains, moi !

— Moi, je vais le laisser tranquille, c’est sûr, mais ça ne sera pas le cas de tout le monde. T’es vraiment à l’ouest, mon pauvre.

— De quoi tu parles ?

— Walid, il n’est pas sorti faire la fête, ce soir ?

— Non, ses parents disent que c’est « risqué ».

— Et tu ne trouves pas ça bizarre, toi, qu’ils disent que la fête est « risquée » ?

— Ben si. Mais c’est pas une raison pour le traiter de vermine.

— T’es vraiment trop naze. Je lâche l’affaire.

La fille part en courant et jette son affiche par terre. Je déroule la mienne et je lis.

« 6 heures 33, tout le monde debout ! »

Pas de quoi se planquer derrière les poubelles, franchement. Je retourne la feuille. Derrière, s’étale en grandes lettres rouges : « Parti de la Liberté, le pays enfin libéré de sa vermine ! » En dessous, un dessin représente de grands hommes aux visages blancs, qui montrent une porte à de petits hommes aux peaux teintées de différentes nuances de brun.

Je lâche la feuille comme si elle était en flammes. Je réalise, d’un coup. Sans transition. Je réalise que je suis un vrai idiot. Que la fille avait raison en disant que la « vermine » de la chanson, c’était Walid et sa famille. Je réalise surtout que j’ai trahi mon meilleur pote en la chantant. Je pense à mes parents, qui ont voté pour ces monstres. Qui doivent faire la fête, à l’heure qu’il est. Une fête anti Walid, dans ma maison. Et je n’ai rien vu venir. Et puis, je me dis que c’est impossible. Qu’eux non plus, ils n’ont pas dû comprendre. Ça ne peut pas être autrement. Mes parents n’aiment pas Walid parce qu’il m’appelle Toto. C’est tout. Rien à voir avec le reste. En tout cas, je dois rentrer, et vite.

Je piétine la feuille, dégoûté, comme si c’était une crotte de chien.

— Hé, toi ! Ramasse ça !

Quatre hommes en noir sont devant moi. Ils me montrent la feuille que je viens d’écraser.

— Depuis quand on marche sur la Liberté ?

J’obéis. Je me penche et je prends l’affiche.

— J’aime mieux ça, dit l’un d’entre eux. Et maintenant, rentre chez toi, faut pas traîner ici, mon gars. Bientôt, les mômes n’auront enfin plus le droit de sortir à cette heure-ci, alors habitue-toi tout de suite.

Je serre la feuille et je me mets à courir. Des larmes coulent toutes seules de mes yeux. Au moment de passer devant les fenêtres de Walid, je tourne la tête. Sa sœur Samia est là, derrière les rideaux entrouverts de la cuisine. Elle regarde dehors, l’air inquiet. Tout à coup, Walid ouvre la porte et vient me rejoindre.

J’entends Samia qui hurle :

 — Walid ! Rentre ici tout de suite !

J’essuie mon visage tout en continuant de courir.

Et je crie :

— Faut pas rester là, Wawa, le Parti de la Liberté, c’est pas ce qu’on croyait.

Walid me rattrape et m’arrête, d’une main sur l’épaule.