Petites choses - Roman V. Sanchez - E-Book

Petites choses E-Book

Roman V. Sanchez

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Beschreibung

Petites choses est une fenêtre ouverte sur une pluralité de petits mondes étranges et fantastiques. Chacun d’eux contient la formule d’une rupture avec le réel. Ainsi, le lecteur partira à la rencontre d’un pharaon traversant l’au-delà, du cosmonaute qui décroche dans l’infinité de l’espace, du dernier moine sur Mars ou d’un inspecteur des impôts qui enquête sur les indices d’une guerre qui n’a pas eu lieu. Les petits mondes sont là, ils sont mûrs, ils existent. Au lecteur de se pencher pour les cueillir.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Depuis de nombreuses années, la science hermétique exerce sur Roman V. Sanchez une profonde fascination. À travers des ruptures parfois douloureuses, d’exils forcés et d’éveils, il a ressenti l’urgence de saisir ces reflets du monde et du Moi. Il souhaite emmener le lecteur dans d’étranges contrées peuplées de choses et d’êtres en transformation.

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Seitenzahl: 55

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Roman V. Sanchez

Petites choses

Nouvelles

© Le Lys Bleu Éditions – Roman V. Sanchez

ISBN : 979-10-377-9251-8

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Aux grands que nous étions.

Aux petits que nous serons.

De l’immortalité et de ses petits tracas

Machin avait appris par cœur le trajet des mouches dans son grand appartement blanc. À l’implosion du téléviseur, il avait trouvé moyen d’occuper ses sens en disposant sur le damier de la cuisine, sur l’arête de chaque fenêtre et le long de son long nez sans narines, de petites dunes de sucre qui servaient de relais aux diptères. Orchestrer les trajectoires des bêtes noires versait dans son cerveau d’enfant l’illusion de maîtriser le destin, un destin qui se laisserait approcher, nourrir, danser même dans l’élément invisible. Mais les mouches mouraient. Il fallait en faire naître chaque jour, leur enseigner les volutes que leurs mères avaient habitées avant de foncer dans la flamme d’une chandelle ou dans la fin de leurs ailes. Pour donner naissance, davantage devait pourrir. Un beau soir d’automne, Machin, excédé de voir son jeu tourner au travail, avait brûlé de rage le compost envahissant ses quartiers. Il s’était racheté un téléviseur à écran bombé, truffé de minuscules carreaux numineux. Lorsque les dernières danseuses confrontèrent leurs légions d’yeux à celles de l’objet, Machin et elles virent la même chose : le grésillement d’une forme passante et intangible qui précédait l’extase finale.

Las de jeux, Machin éteignit la dernière mouche sur son téléviseur. Il posa un grand oreiller sur son bureau purgé des sucres avant de tapisser l’étoffe d’une fine serviette. Enfin il sortit d’un coffre gravé son mousquet préféré et se fit éclater la tête.

Au réveil, Machin découvrit sans déplaisir que la nuit et sa pulpe avaient porté conseil aux larves. Déjà les mouches neuves s’ébrouaient dans l’air clos, leurs gestes riches d’une science qui ne date pas d’hier. Elles naviguaient mieux que leurs mères et conservaient sur elles un peu du cerveau de Machin dont elles se servaient comme d’un sextant incertain. En levant ses yeux creux vers le énième matin, Machin comprit que tout irait bien. Ses amis l’appelleraient. Son nom volerait leurs voix à ses maîtresses. Mais les gens mouraient. Il vit au creux de sa gueule de bois l’indicible cire colmater les bouches de sa chair pour la disposer au respire. Beauté refaite, il fut aux aguets. Quelle nouveauté allait lui faire traverser le jour ? Quel air ?

Machin rinça l’amertume de sa bouche dans un verre de calcaire puis sifflota sous l’eau dure de la douche un air éphémère. Les pluies lui revinrent ; les crues du Nil, les cruches explosées au boulet lui revinrent ; les chutes guarani, les rideaux sanguins sur tatami, les seins liquides de sa mère lui revinrent. Il s’assit pour lire le journal de ceux qui ne font pas sa vie. Il y avait dans chaque mot quelque chose de pourri d’où les mouches jaillissaient et ce jeu d’esprit le ravissait chaque jour davantage que chaque nuit. « Encore un président mort ! Un roi rené ! Et la traite des porcs, la retraite des cyprès, les chenilles qui repoussent sur les ruines de Crimée ! » Machin répondit à l’interphone : « Entrez ! ».

Entrèrent des femmes, des hommes, des gamins en costumes. Ils venaient célébrer l’an nouveau. On mangea, on blagua sur la bague et sa raison, on se couvrit de bonnes résolutions. Jamais Machin ne s’était senti aussi bien. Juste après minuit il congédia la horde de joie et se fit couler un bain d’acide où il regagna tout habillé sa dissolution.

À son réveil, le lendemain, les mouches, mal nourries, avaient cessé d’être. Un soleil rouge fusillait l’horizon. « Et maintenant quelle nouveauté ? Quelle lettre ? »

Machin se tut. Son corps proprement recomposé ne réclamait plus d’eau. Il pencha sa lourde tête par-dessus le balcon et regarda les voitures se dépasser. Les incendies lui revinrent ; les concertos pour bois précaire, les troncs desquamés par le fleuve canadien lui revinrent ; et les haines explorées en vitesse, les barils de poudre en paresse, les incas mats sur leurs tresses lui revinrent.

Tandis qu’il rouvrait soigneusement le coffre gravé pour briquer le poinçon de son abrutissement quotidien, le sommeil lui revint.

Le songe de Saint-Denis

Denis était confortablement installé sur la lunette chauffante de ses commodités quand on sonna à la porte. Il fit un sort à la cellulose et se dirigea vers l’origine du tocsin : sur le paillasson gisait une boîte grande et enrubannée d’un tissu couleur horizon. Denis la souleva avec peine puis alluma le couloir à la recherche d’une présence : personne. Il déporta le paquet vers sa table à langer. Il l’ouvrit en silence : sous l’horizon défait gisait une tête avec dans sa bouche une étiquette :

« La vie est une matière hautement réactive faite de coquillages et d’acides rieurs. »

« Tiens, se dit Denis, pourquoi pas ? »

On avait mis du temps à la lui livrer et Denis, toujours épris de nouveauté, décida de l’essayer avant l’arrivée de sa femme et de sa maîtresse.

Abandonnée sous la table, l’autre tête souriait. La moitié de grimace affectée par la nouvelle indiquait en revanche qu’elle ne se ferait que plus tard à son propriétaire. Denis versa un Brandy à sa nouveauté tout en nettoyant l’ancienne au vinaigre de fée. Tandis que la jeune tête se faisait à demi mauvaise, l’autre continuait de sourire comme si glissait sur elle l’âpreté de son traitement. Comme il avait laissé entrer l’hiver par la fenêtre, le vieil homme posa la tête sur la lunette chauffante de ses commodités. Une expression nouvelle lui vint : elle voyait des poissons de feu passer dans la faïence. Denis crut à de la fièvre. L’envie lui prit cependant de partager sa vision. Il tenta de la remettre sur son cou, s’entêta, mais rien n’y fit : sur la notice – l’autre –, il était pourtant écrit :