Porteuse d'eau 6 - Catherine Lestang - E-Book

Porteuse d'eau 6 E-Book

Catherine Lestang

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Billets du Blog "Porteuse d'eau" année 2016. Réflexions sur la honte et la culpabilité. Textes bibliques et Vie des personnages bibliques.

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Veröffentlichungsjahr: 2017

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Du même auteur (Amazon 2016)

Porteuse d’eau : Tome 1 - Psychologies

Porteuse d’eau : Tome 2 - Dictionnaire

Porteuse d’eau : Tome 3 - Ancien Testament

Porteuse d’eau : Tome 4 - Nouveau Testament Partie 1

Porteuse d’eau : Tome 5 - Nouveau Testament Partie 2

Table des matières

INTRODUCTION

CHAPITRE 1

AUTOUR DE LA HONTE ET DE LA CULPABILITE.

INTRODUCTION

I GÉNÉRALITÉS

Différents types de honte

Premiers regards sur ces deux mots : honte et culpabilité.

La honte

La culpabilité

II HONTE ET CULPABILITÉ DANS LA BIBLE

Petite recension.

Présence de la honte dans le Premier Testament.

III RÉFLEXIONS SUR LES NOTIONS DE FAUTE ET DE PÉCHÉ

Pas capable est-il synonyme de coupable ?

Peut-on ne pas pas pécher ?

En guise d’introduction.

Le péché est-il une maladie?

Le traitement par les trois “médicaments”bibliques

Le jeûne

La prière

Le partage

L’origine de la maladie: le péché

En guise de conclusion.

CHAPITRE 2

AUTOUR DES MOTS

INTRODUCTION

A COMME

A comme Aimer

A comme Annonciations

A comme Apocalypse

A comme Appel

A comme Approcher

A comme Ascension

B COMME

B comme Baptême

B comme Bouleversé (ou Troublé)

B comme Buisson

C COMME

C comme Chercher

C comme Christ Roi

C comme Choix/Liberté

C comme Colère

C comme Consécration

C comme Consolation

C comme Coupe

C comme Croix

C comme Croix

D COMME

D comme Dette

D comme DIEU

E COMME

E comme Enlevé

E comme Esprit

E comme Esprit

F comme

F comme Faute

F comme Festin

F comme Feu

F comme Fils

J comme

J comme se Jeter

H comme

H comme Honte

Temps un: Gn 2,5-17

Temps deux: Gn 2,18-25

Temps trois: Gn 3,1-6

Temps quatre: Gn 3,7-24

Et le créateur ?

H comme Honte

H comme Humilité

I comme

I comme Incarnation

I comme Intendant

M comme

M comme Marie-Madeleine

M comme Miséricorde

M comme Murmure

O comme

O comme Offrandes

O comme Ombre

P comme

P comme Parole

P comme Pêcheur/ Pasteur

P comme Porte

P comme Poutre

R comme

R comme Retour

R comme Royaume

S comme

S comme Saisi

S comme Serviteur

R comme

R comme Raison

R comme Raison

S comme

S comme Surmoi

T comme

T comme Tentations

V comme

V comme Vérité

V comme vêtement

CHAPITRE 3

AUTOUR DES PERSONNAGES

Introduction

Premier Testament

Caïn et Abel : comment la honte peut-être parfois productive.

Loth : un homme qui semble poursuivi par la poisse

Elie et Elisée

NOUVEAU TESTAMENT: MATTHIEU

Joseph

NOUVEAU TESTAMENT: LUC

Zacharie

Elisabeth

Pierre raconte la pêche inattendue

Le Père du Fils Prodigue

Simon et Cléophas, sur la route de Jérusalem à Emmaüs : Luc 24, 32.178

NOUVEAU TESTAMENT: MARC

Le lépreux

Le Possédé de Capharnaüm

NOUVEAU TESTAMENT: JEAN

Des histoires de pain et de poissons :

INTRODUCTION.

J’avais 5 ans et demi, c’était ma première année d’école, qui était la 12 éme, et j’avais appris à lire - ce qui était le cas je crois de presque toutes les autres filles de ma classe - en 3 mois. La sœur qui s’occupait de nous, Sœur Clémence, une sœur gentille, douce, je dirais adorable, a dit à ma mère une phrase qui m’avait étonnée : « Madame, votre fille vous fera honneur ». Honneur, je me demandais ce que voulait dire ce mot, d’autant que ma mère en avait été très touchée et qu’elle me l’a répété plus d’une fois. Faire honneur à quelqu’un… Manifestement elle était aussi très fière de moi et cela c’était très important.

Faire honneur c’est ce qui s’oppose à faire honte. Perdre son honneur est quelque chose de terrible. Cela se lave dans le sang, dans des guerres qui n’en finissent pas, dans des rancœurs éternelles, dans des vendettas. La honte survient quand l’honneur est perdu. Autrefois on parlait de filles perdues quand elles n’avaient pas su attendre…

Alors oui, faire honneur, être quelqu’un d’honorable, c’est presque un but en soi. Mais que se passe-t-il quand on vous a pris votre honneur (même si vous ne savez pas que ça peut porter ce nom là) quand vous étiez toute petite, parce que vos parents ont abusé de l’enfant que vous étiez ? Est-ce que la honte, c’est de ne pas avoir pu vous défendre, de n’avoir pas osé crier parce que de toutes les manières on vous l’interdisait ? Ou est-ce que ce serait cette différence qui est là, au plus profond de vous, différence qui fait que ce vécu vous a a modifiée, vous fait vivre dans la peur que ça se sache et que ça recommence (et ça a recommencé), mais surtout qui colle sur vous comme une peau, qui ensevelit votre identité et qui fait que vous vous sentez exclue de tout par votre faute, alors que ce n’est pas de votre faute ? Vous vivez dans la honte, et la honte s’attache à vous.

De cette honte vous ne parlez pas, mais elle vous colle à la peau, elle vous empêche de vivre. Vous parlez de culpabilité, sans bien savoir de quoi vous êtes fautive, mais fautive vous l’êtes, vous vous sentez telle dans toutes les fibres de votre être. Et si culpabilité il y a, parce que - comme tout le monde - des fautes vous en commettez, la honte qui est derrière majore encore la culpabilité.

Au fur et à mesure que je rencontre des personnes qui ont un passé « lourd », je remarque que la honte est là en permanence. Alors, dans mes écrits, la réflexion sur la honte sera cette année très présente. Elle sera un peu comme un fil rouge dans ce petit livre qui prend la suite des livres publiés chez Amazon à l’été 2016.

Un grand nombre de textes de ce livre seront consacrés à cette question de la honte, car comme je viens de l’écrire, bien des personnes que je suis amenée à rencontrer dans ce que j’appelle une « relation d’accompagnement ou de cheminement » sont littéralement bouffées par la honte, même si elles disent que c’est de la culpabilité. Bien souvent elles sont persuadées que ce qui leur est arrivé est écrit sur le front, que ça se voit.

Et de fait, quand on est très attentif, parfois ça se voit, parce que ce sont des personnes qui n’osent pas demander, qui ont parfois ces imperceptibles mouvements de balancement que l’on trouve chez les enfants qui sont trop abandonnés à eux-mêmes. Elles ont aussi souvent le besoin d'en faire trop pour les autres, ce qui est certainement un moyen de se prouver qu’on n’est pas si nul que ça, pas si mauvais que ça, bref que malgré cette peau qui vous colle au corps, qui vous lie à un passé dont vous ne voulez pas, il y a quand même moyen d’exister un peu.

Que la honte soit maquillée sous la culpabilité, sous l'expression « c’est de ma faute », cela ne change rien. La honte est là, et de mon point de vue elle est une véritable prison, un véritable filet; en couper les mailles est plus que difficile. Qui peut leur rendre leur honneur, leur honneur perdu, mais surtout leur honneur volé? Il y a dans l’évangile une phrase terrible : « Ne craignez pas ceux qui peuvent détruire le corps et qui ne peuvent détruire l’âme, mais craignez plutôt celui qui a le pouvoir de détruire l’âme et le corps dans le géhenne », car ce que ces personnes ont vécu c’est une tentative de détruire l’âme et le corps, et se remettre de cela quand on continue à vivre un enfer sur la terre est presque de l’ordre de l’impossible.

Je sais que je suis incapable, malgré mon désir et ma bonne volonté, d’aider ces personnes à se libérer de cette fausse peau, de cette enveloppe qui les paralyse. Mais, à mon petit niveau, leur permettre de dissocier honte et culpabilité me semble être un petit pas important, du moins pour moi qui suis à l’extérieur. Je veux dire que leur donner peut-être des moyens pour différencier ce qu’il en est de la honte - cette honte qui parfois était déjà là avant leur naissance, et de la culpabilité, me semble important. Certains des textes ci-après veulent servir à cela; maintenant à chacun d’en faire ce qu’il peut, avec cette manière de voir.

Peut-être que, pour le dire autrement, j’aimerais leur rendre leur honneur, leur fierté. Il est possible que la permanence de la relation - presque quotidienne - que j'entretiens avec certaines d’entre elles puisse un peu participer à cette restauration, mais c’est loin d’être une guérison. Si ces personnes peuvent déjà comprendre que malgré les aléas de la relation (parce que des aléas il y en a), il y a une permanence qui existe et qu’elles valent la peine qu’on ne se détourne pas d’elles au premier coup de griffe, alors peut-être que, le temps aidant, une image d’elles peut se restaurer. Je peux dire que c’est en tous les cas mon désir, avec l’aide de Dieu, parce que ce n’est pas si facile de rester simplement dans la présence.

Par ailleurs j’essaie toujours, quand je rencontre des personnes qui me disent que ce qu’elles ont fait à un moment donné de leur vie provoque encore chez elle une grande culpabilité, voire une véritable honte, de trouver avec elles pourquoi elles ont fait cela, et de comprendre qu’à ce moment là de leur vie, il y avait des circonstances atténuantes, de manière à restaurer leur image narcissique. Cette restauration narcissique, parce qu’elle touche à l’identité profonde, parfois à ce que l’on appelle l’enfant intérieur, est pour moi quelque chose d’indispensable et je suis prête à me battre pour cela.

Quand je dis me battre, je veux dire que je me sens souvent en porte à faux avec la position ecclésiale centrée énormément sur la faute et la culpabilité. Se reconnaître pécheur, c’est une chose : qui ne reconnaît pas qu’il commet des fautes, des erreurs, et parfois sans même s’en rendre compte? Mais passer sa vie en étant mangé par une culpabilité liée à une faute ancienne, qui peut s’expliquer dans un contexte donné, non. Je crois profondément en l’amour de Dieu, et aider les personnes à se dégager d’un Dieu qui juge, qui punit, qui condamne, cela je veux le faire de toutes mes forces. Dieu, comme le dit Marie Balmary, n’est pas un Dieu Ogre ni un Père fouettard. Oui il y a des actes qui ont pu être mauvais, qui ont aujourd’hui des conséquences, mais quand Jésus guérit quelqu’un jamais il ne lui demande ce qu’il a fait… Et j’aime quand le regard porté sur soi devient un peu moins négatif, peut-être parce que c’est une expérience que j’ai faite au cours de ma propre thérapie.

Je crois aussi que le regard que je peux porter sur ces actes du passé qui empoisonnent le présent, sans les juger, car qui suis-je pour juger, et en essayant de comprendre avec la personne quelle pouvait être sa douleur et sa souffrance à ce moment là, peut un peu l’aider à se dégager d’un poids; à couper même le lien qui relie en permanence à ce passé et qui empêche de vivre le présent. Cela permet de se regarder autrement, de se juger autrement, de comprendre ce qui se passait à ce moment là, et à apprendre à faire un peu taire cette instance psychique qui s’appelle le Surmoi, pour qu’elle cesse de critiquer, d’attaquer et de détruire.

Je parle du Surmoi, car beaucoup de personnes qui ont vécu des abus dans leur enfance se reprochent de ne pas avoir su dire non, elles s’en veulent; or un enfant ne peut pas dire non, surtout quand cela vient d’un parent proche qui de plus est dans le chantage affectif. Elles se reprochent leur paralysie, or il leur était impossible de bouger. Faire le mort est un moyen de défense, mais il est coûteux sur le plan psychologique car il est nécessaire de se dissocier pour survivre, pour ne pas être dans le présent. Le Surmoi, lui, va faire croire que l’autre avait raison, que c’est de sa faute, que l’on doit être puni toute sa vie, et que ce que l’on a subi est tellement honteux que d’emblée on est comme banni de la société et qu’on n’a pas le droit d’exister; l’acte subi, cet acte qui fait violence, cet acte dont on n’est pas coupable, engendre une honte dont il est difficile de se sortir.

Mettre des mots, en théorie, cela paraît facile, mais le poids de la honte est tel qu’il fait comme une armure, une carapace; et même si la personne est d’accord, cela ne passe pas une certaine barrière. Les mots, les phrases, oui c’est bien, mais c’est comme si ça glissait sur cette espèce de manteau, de seconde peau que la honte a tissée sur ces personnes et dans lesquelles elles sont comme embaumées avec l’impression de ne pas vivre, mais de survivre; d’être des vivants avec de la mort en soi, et un désir de mort pour que cela cesse, pour que cela finisse; qui pousse souvent à des tentatives de suicide. Je constate petit à petit à quel point la honte est quelque chose dont il est bien difficile de se débarrasser et que c’est bien différent de la culpabilité qui peut se réparer plus facilement.

La honte est donc quelque chose qui colle au corps, qui colle à la peau, qui se confond même avec elle et qu’il est bien difficile de dissoudre. Moi qui fus aussi chimiste, je regrette que « la poudre à dissoudre la honte » n’existe pas. Et pourtant je sais que la rencontre avec l’amour peut être cette goutte qui va commencer à décoller cette dépouille. Sauf que tout changement, même s’il est souhaité ou souhaitable, provoque des résistances.

Je pense que seule l’expérience d’un amour inconditionnel peut casser cette armure, mais encore faut-il pouvoir l’accepter, ce qui est loin d’être évident quand justement on a été trompé par la personne qui aurait dû vous donner cet amour-là. Et seule une expérience de la rencontre dans l’Esprit avec Jésus peut faire cela, du moins c’est ce que je pense; mais parler de Dieu à ces personnes qui ont vécu et qui vivent l’enfer, c’est impossible.… Quand on est confronté au Mal, on ne peut que se taire.

Pourtant je crois profondément que seule la rencontre avec Dieu, la Présence, le Souffle (quel que soit le nom que l’on lui donne, mais pour moi il est le Souffle d’Amour) peut libérer. Il y a eu une expérience de mal, seule une expérience de bien peut réparer, et recréer ce qui a été entravé.

Il me semble que si on lit la Bible et en particulier les évangiles, la question de la honte est sous-jacente, même si on parle de péché. Les guérisons ne permettent elles pas de reprendre sa place dans sa ville, dans sa famille ? Car la maladie, quand elle est vécue comme conséquence d’un péché, engendre une honte qui enlève l’identité. Quand Jésus guérit, il donne aux personnes leur identité de fils ou fille d’Abraham, donc de croyants.

Peut-être peut-on aussi comprendre le moment où Jésus sur la croix se tourne vers sa mère et lui présente Jean comme son fils, certes comme la fondation de l’Eglise, mais aussi comme la manifestation d’un amour de fils envers sa mère: avant de rendre le souffle, Jésus fait ce qu’il faut pour sortir sa mère de la honte sociale, car être la mère d’un condamné à mort, c’est quand même la honte pour toute la famille; alors il lui donne une autre famille, ce qui n’est pas rien.

Peut-être aussi que cette mort infamante sur la croix, mort conforme à ce qui était annoncé par la prophète Isaïe (Isaïe 53) a permis de laver la honte humaine, la honte de la violence, la honte du mal; car la honte ne peut se laver que dans le sang, et le sang répandu ce jour-là rend à l’être humain son honneur et sa dignité.

Je reste persuadée, parce que cela c’est mon expérience, mais elle est singulière, que reconnaître Jésus comme celui qui est présent dans sa vie, reconnaître que son Esprit est à l’œuvre si on le lui demande, donne une identité renouvelée qui permet de sortir de la honte que l’on peut ressentir quand on commet des fautes, des erreurs, des péchés. Car finalement se reconnaître pécheur c’est aussi comme le dit David avoir honte de ne pas avoir été assez fort pour résister.

Mais c’est aussi croire que notre honneur nous a été rendu; à nous ensuite d’accepter le chemin proposé, qui n’est pas si simple.

J’aime écrire, ce doit être mon péché mignon; j’aime transmettre ce qui parfois m’apparait avec clarté, alors que comme on dit « j’ai galéré » pour comprendre, pour que ça prenne sens; et parfois un sens autre que celui que je connais depuis toujours, par exemple pour certaines paraboles.

Les billets de mon blog sont un bon moyen de transmettre, un peu dans le désordre, ce qui a été mon propre chemin au cours de l’année écoulée.

Pour mettre un peu d’ordre, j’ai regroupé ces écrits en trois chapitres.

Le premier est plus spécifiquement lié à des réflexions techniques sur la honte et la culpabilité. J’ai lu différents livres. Celui de Serge Tisseron (La honte - psychanalyse du lien social, Dunod 2015) reste une référence; celui plus récent d’Albert Ciccone (Honte, culpabilité et Traumatisme, Dunod 2015) m’a permis de mieux différencier la honte de la culpabilité mais m’a laissée sur ma faim en ce qui concerne l’impact et le traitement du traumatisme; différents livres de Boris Cyrulnik, ainsi qu'un certain nombre d’ouvrages consacrés aux séquelles des traumatismes graves, publiés sous la direction de Onno Van der Hart. Mais en me centrant un peu sur la Bible, j’espère apporter un autre regard sur ce qu’il en est de la honte et de la culpabilité.

Dans le second chapitre, pour reprendre un peu le tome 3 de la série de livres "Porteuse d'eau" déjà publiés, j’ai regroupé différents billets par ordre alphabétique. Cela devient donc une sorte de dictionnaire. Il y a de nouvelles définitions, des définitions qui conviennent mieux à la psy que je reste; mais aussi qui me permettent d’ouvrir les yeux de mon cœur, et ce n’est pas si simple. J’aime quand je peux trouver des harmoniques entre l’ancien et le nouveau testament, j’aime que ça résonne, même si parfois mon approche peut déranger ou déplacer comme on dit aujourd’hui. Ce chapitre est surtout constitué par mes réflexions sur les versets qui m’ont donné du grain à moudre, comme j’aime dire : comprendre ce que disent les mots ou un mot, réfléchir dessus, le laisser un peu s’enfouir en moi et le laisser prendre son envol. Peut-être que l’on pourrait parler de spiritualité, mais cela me paraît un peu trop fort pour ces réflexions au fil des jours.

Enfin le dernier chapitre, peut-être celui que je préfère, s’intitule « personnages ». Il arrive, cela a toujours été comme cela depuis que j’ai commencé à écrire, que tout à coup je sente ce qui se passe dans un personnage, ce qu’il ressent. J’ai commencé à rédiger à la première personne lorsque je travaillais avec des enfants lourdement handicapés en milieu hospitalier. Je me suis rendue compte qu’en observant, parfois en touchant, en utilisant aussi les apports de la psychanalyse, les soignants pouvaient alors comprendre beaucoup mieux ce qui se passait avec ces enfants différents et les regarder autrement. J’aime quand en moi les mots sont là pour décrire. Je dois dire que j’aime ces moments où cela vient tout seul, où les mots s’enchaînent, où les affects se disent. Je dois dire aussi que pour moi, (parce que souvent ce temps d’écriture suit un temps de prière), c’est comme si l’Esprit soufflait en moi pour donner du corps et de la présence à ce que je lis dans la Bible.

Comme pour les livres précédents, je ne pense pas qu’il faille lire à la suite. Il y a une table récapitulative en fin de livre.

Porteuse d’eau, c’est transmettre… J’aimerais que ce livre puisse être pour mes lecteurs un petit ruisseau qui chante autrement - même si parfois les textes sont un peu ardus; et qui leur donne envie de chanter, à leur manière à eux.

CHAPITRE 1

AUTOUR DE LA HONTE ET DE LA CULPABILITE.

INTRODUCTION

Cette introduction assez spécifique reprend un peu l’introduction générale, mais elle me semble nécessaire pour comprendre l’origine de ces billets.

Bien que retraitée, je travaille par internet avec un certain nombre de personnes que je connais maintenant depuis des années, et qui pour la plupart ont vécu des maltraitances tant physiques que psychiques et psychologiques durant leur enfance et leur adolescence. Je découvre petit à petit les ravages des ces maltraitances. Je ne sais pas si l’on peut guérir de cela, car je dirais que ce qui leur est tombé dessus, car elles n’y sont pour rien, c’est un peu comme si elles avaient été infectées par le virus de la poliomyélite, cette maladie qui a tué tant d’enfants et qui en a laissé tant d’autres infirmes. Bien souvent ces personnes se demandent pourquoi elles ont survécu, pourquoi elles sont là, avec ces séquelles avec lesquelles il faut vivre un jour après l’autre, séquelles qui peuvent se majorer en fonction des aléas de la vie.

Les séquelles pour ces personnes, outre un corps qui est souvent en grande souffrance, ce sont donc des séquelles permanentes qui pourrissent la vie: des flashs, des angoisses insoutenables qui prennent tout le corps et qui donnent envie de mourir, des dissociations qui mettent à distance mais qui coupent de tout, des replis sur soi bien proches de l’autisme, un contrôle incessant et usant de l’environnement, souvent accompagné d’une hyper-activité qui évite de penser; mais aussi une honte permanente avec le désir de disparaître et une très grande culpabilité.

Je dirais aussi que l’image que ces personnes ont d’elles est une image dévastée, abîmée et ce d’autant plus qu’elles n’ont pas été reconnues comme des personnes, mais traitées comme des objets.

Tout enfant ayant besoin de donner un sens à ce qu’il vit, il est évident que pour eux, c’est de leur faute, d’où la culpabilité qui est une montagne avec laquelle ils vivent. Je me rends compte aussi que leur demander de couper les relations familiales qu’elles sont parfois obligées de maintenir avec les parents est très difficile. On ne rompt pas comme cela avec ceux qui malgré tout restent vos parents.

Au fur et à mesure que j’apprends avec ces personnes, qui sont toutes différentes, à essayer de comprendre un tout petit peu, à m’adapter, à ne pas vouloir imposer un savoir, à renoncer même à mon savoir, je me rends compte que culpabilité et honte sont souvent confondues, alors qu’il ne s’agit pas de la même chose. Pour beaucoup d’entre elles, faire des démarches basiques (entrer dans une banque, aller à la mairie) sont très difficiles parce que d’emblée elles se sentent coupables de quelque chose, qu’elles ont honte de demander, honte d’exister.

Il me semble aujourd’hui que le terme de culpabilité est une espèce de mot valise dans lequel s’engouffrent beaucoup de choses; et de mon point de vue la honte, qui est différente de la culpabilité, en fait partie. De nos jours, on est coupable de tout ou presque. Et que ce soit le regard social ou le regard ecclésial, y échapper est très difficile.

Je pense que les cures psychanalytiques, ces cures « rigoureuses » avec une régularité dans le temps, avec un transfert qui se déployait, permettaient de se sortir au moins partiellement de cette culpabilité qui est un véritable fardeau.

Lorsque je rencontre des personnes qui disent aller mal, mon désir - qui est le mien (puisque je reconnais en avoir un) - est dans un premier temps de les aider à sortir de la culpabilité et à restaurer l’image qu’elles ont d’elles (ce qu’on appelle le narcissisme primaire).

J’avais remarqué dans ma pratique hospitalière que quand un enfant vient au monde avec un handicap, ce que ressent la mère ou la famille, ce n’est pas tant de la culpabilité que de la honte. Et cette honte qui fait qu’on n’ose pas montrer cet enfant, pèse lourdement sur l’enfant qui ne peut en comprendre le pourquoi, car la honte finalement touche à la différence. Être la mère d’un enfant qui risque d’être montré du doigt par la société engendre une honte considérable et dire que c’est la « génétique » qui en est responsable ne change pas considérablement les choses, car on s’en veut toujours d’avoir mis au monde un enfant pas comme les autres. La société permet de se sentir moins coupable, "parce que ce n’est pas de votre faute", mais la honte à mon avis demeure quand même.

Par ailleurs, quand je vois le poids de la honte qui pèse sur les personnes qui ont vécu ces maltraitances dans leur enfance, mais qui continuent à « leur pourrir la vie en permanence » dans leur présent, sur leur manière de vivre, dans leurs relations avec les autres, (je pense aux dissociations qui sont des mécanismes de défense, mais qui plombent complètement la vie de tous les jours, aux flashs qui remettent dans le passé, aux troubles de l’alimentation), je me dis qu’une réflexion s’impose, en tous les cas pour moi, surtout pour permettre à ces personnes de ne pas confondre honte et culpabilité.

J’ai donc au cours de cette année écrit pas mal de textes qui traitent de la culpabilité, de la honte. Je les ai regroupés dans ce chapitre, qui ne suit pas un ordre chronologique. Il y aura d'abord des généralités sur ces concepts, puis une recherche plus biblique, et enfin un questionnement sur comment sortir de la honte. Avec certainement beaucoup de répétitions, je m’en excuse auprès de mes lecteurs.

I GÉNÉRALITÉS.
Différents types de honte

De manière simple on pourrait dire qu’il y a plusieurs types de honte.

Il y a la honte personnelle : je veux faire quelque chose de bien et je n’y arrive pas (et le regard des autres est là pour se moquer de moi); c’est le cas du petit qui ne veut plus porter de couches et qui se mouille quand même. C’est la honte-échec, et le regard de l’autre est très important. Si le regard de l’autre n’est pas consolateur (tu n’y es pas arrivé, mais tu y arriveras la prochaine fois) un vécu d’échec s’installe et la confiance en soi se perd.

Il y a un autre ennui, c’est que dans une famille, l’échec d’un enfant est parfois l’échec de la famille.

C’est le cas quand un enfant vient au monde avec un handicap, ou quand l’enfant par la suite, ne fait pas honneur à la famille. Cette honte là (pour les psychanalystes, on pourrait parler de narcissisme primaire), façonne un certain type de personnalité, mais quand on quitte le registre de la honte pour aborder celui de la culpabilité, l’enfant se croit responsable d’avoir fait quelque chose de mal, sans savoir ce qu’il a fait et cela peut être très nocif sur son développement.

Il y a la honte liée à l’autre : la comparaison entre soi et l’autre, entre un plus faible et un plus fort. Quand le plus fort est vaincu par le plus faible, l’humiliation est insupportable et ne peut se laver que par violence. C’est ce qui se passe entre Caïn et Abel. Caïn pour une fois n’est pas le meilleur et cela lui est tellement insupportable que le seul moyen de laver ce qu’il vit comme un affront est de tuer Abel. Bien sûr, on peut parler de rivalité, d’envie, mais à aucun moment Caïn ne se reconnait coupable et il conteste même la sanction divine qui est l’exclusion du clan et le refus de la terre de lui donner son fruit alors qu’il était agriculteur.

C’est le cas de toutes les guerres. Le vaincu est dans la honte, il est humilié, il a perdu. Le vainqueur en profite, le vaincu devient victime d’humiliations sans nombre, pour qu’il comprenne bien qui est le plus fort. Cette honte là, se lave souvent dans le sang car elle renvoie au déshonneur, mais souvent elle se traduit aussi par une haine ou des haines qui perdurent au-delà des siècles..

Il y a enfin la honte subie consécutive à ce que vous a fait subir un autre. C’est la honte dont parlent tous ceux qui ont été en position de victime. Cela renvoie à l’esclavage de toute nature, en particulier sexuel. Normalement c’est celui qui se sert de l’autre qui devrait être porteur de la honte, mais il n’en n’est rien. C’est la victime qui est honteuse, car elle n’a pas pu se défendre, dire non, riposter; elle se vit à juste titre comme salie, bafouée.

Premiers regards sur ces deux mots : honte et culpabilité.

Il me semble que, de nos jours, si à un niveau collectif on peut parler de la honte par exemple en disant que, parce qu'Untel a dit ou fait quelque chose, alors c’est « la honte » pour un certain nombre de personnes, on préfère et de loin remplacer ce mot par culpabilité . Or la culpabilité renvoie à une faute commise contre quelqu’un, elle est donc dans la relation (les psychanalystes parlent de Surmoi); alors que la honte renvoie à une image de soi abimée, et renvoie au Moi Idéal et donc au Narcissisme.

Il me semble que cette confusion est grave. La culpabilité peut être réparée on peut demander pardon, la honte elle se lave, dans le sang bien souvent car elle va avec le déshonneur, l’humiliation. Je pense que bien souvent c’est la honte sous-jacente à la culpabilité (même si la faute est grave) qui pousse au suicide. La honte est à l’origine de ces secrets de famille, de ces vendettas qui se perdent dans la nuit des temps, mais qui restent terriblement actives ; la honte, il faut la masquer, mais il faut aussi la venger . Le déshonneur est insupportable.

La honte

La honte par définition se cache. C’est un peu un tabou. Ces secrets de famille qui empoisonnent tant les relations et même les vies sont bien liées à ce tabou : on ne dit pas ce qui a provoqué la honte, le déshonneur, donc l’exclusion de son groupe social, ou sa place dans sa famille. La honte, il faut la masquer voire l’enterrer. Et pourtant, elle est là, elle stigmatise un individu, une famille, un village, une nation.

La question de la « honte » est une question qui me semble importante, car les personnes que je connais, et qui ont vécu des abus dans leur enfance, parlent certes de culpabilité (c’est de leur faute si telle ou telle chose leur est arrivée parce qu’elles n’ont pas su crier ou se défendre ou dire non, elles l’ont bien cherché); mais surtout, ce sont ces actes mauvais, interdits par la société, qui les ont couvertes de honte, alors que ce devrait être l’auteur de ces actes qui devrait en être couvert.

Or souvent ceux qui font de tels actes hors norme s’en glorifient; ils ne se rendent pas compte du mal qui peut être fait quand on « joue » avec son fils ou avec sa fille et quand on lui demande de se taire. Bien sûr on parle de pardon, de demande de pardon. Mais si demander pardon c’est reconnaître qu’on a fait le mal, est-ce suffisant pour qu’une guérison soit possible? Je n’en suis pas si sûre. Peut-être cependant cela permet-il de quitter la position de victime et de vivre au lieu de survivre; mais je n’en suis pas certaine. Peut-on pardonner à quelqu’un qui vous a détruit en sachant ce qu’il faisait? Même si je transforme un peu la phrase, car je ne sais pas de quel petit il s’agit, mais Jésus a bien dit « malheur à celui qui scandalise un seul de ces petits. Il vaudrait mieux lui attacher une meule au cou et le jeter dans la mer » Luc 17, 2 ; il ne parle pas de pardon mais de châtiment.

Mais ce mot de honte ("j’ai honte d’être ce que je suis devenu ou ce qu’on m’a fait devenir") n’est que rarement prononcé, car en lui-même il fait honte. La honte doit être cachée. Pourtant ces personnes portent, sur elles et en elles, cette espèce de peau (un peu comme Peau d’Ane) qu’elles sont seules à voir et à porter, mais qu’elles imaginent être vue par tous ceux qui les croisent. Alors, souvent elles sont voûtées, parfois à la limite de l’obésité, elles n’osent pas poser de questions aux autres, elles n’osent pas demander de renseignements, et elles se cachent. Elles vivent dans la peur (comme Adam dans le livre de la Genèse) que quelque chose ne se voie.