Pot aux roses au Cap Coz - Martine Le Pensec - E-Book

Pot aux roses au Cap Coz E-Book

Martine Le Pensec

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Beschreibung

Les mystères du Cap Coz entrainent Léa Mattei dans deux enquêtes imbriquées qui risquent de la bouleverser à tout jamais !

Devrait-on se méfier des cadeaux ? Celui-ci, présent de bienvenue offert par Gloria, la fille du procureur Treguer, à la nouvelle greffière du tribunal, n’était qu’un simple test ADN mais il a précipité Capucine dans le chaos ! Le procureur s’alarme des retentissements possibles et charge Léa Mattei, sa détective préférée, de faire la lumière sur les origines de la jeune femme. Quels mystères recèle donc Cap Coz, entre un médecin à la retraite, un Père Noël assassin, un Canadien à la recherche de ses origines et un ermite silencieux ? Et que dissimule la mère de Capucine, Iris Menez, dont la vie est menacée ? Léa Mattei se retrouve avec deux enquêtes imbriquées sur les bras. Pendant que la France s’apprête à se confiner, la vie personnelle de Léa vacille à son insu. Plus rien ne sera comme avant, ni pour elle ni pour Capucine.

Retrouvez le détective Léa Mattei dans ce douzième tome !

À PROPOS DE L'AUTEURE

Née à Cherbourg, Martine Le Pensec vit et travaille à Toulon. D’origine bretonne et normande, elle puise son inspiration dans l’Ouest et le domaine médical dans lequel elle a travaillé plusieurs années. Elle signe, avec Pot aux roses au Cap Coz, son
dix-neuvième roman policier.

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Couverture

Page de titre

Cet ouvrage de pure fiction n’a d’autre ambition que de distraire le lecteur. Les événements relatés ainsi que les propos, les sentiments et les comportements des divers protagonistes n’ont aucun lien, ni de près ni de loin, avec la réalité et ont été imaginés de toutes pièces pour les besoins de l’intrigue. Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existant ou ayant existé serait pure coïncidence.

« La vraie faute est celle qu’on ne corrige pas. »

Confucius

« Personne n’a jamais tout à fait tort. Même une horloge arrêtée donne l’heure juste deux fois par jour. »

Proverbe Chinois

À Jean-Marc, still and allways…

À mes filles, mes soleils…

À maman, ma première lectrice !

À Cathy Vincent, mon amie d’enfance, ma plus vieille amie,

À Dalila Vuong, avec toutes mes amicales pensées.

I

Cinq jours avant Noël

L’homme avait compris instantanément qu’il n’en réchapperait pas. Un pressentiment. Le Père Noël avait surgi brutalement sur le perron comme une vision surréaliste. Le costume rouge, la barbe blanche mais le regard dur. Il avait sursauté et compris en voyant sa porte-fenêtre entrouverte, qu’il sortait de chez lui. Il s’agissait d’un cambrioleur !

Le Père Noël se balançait d’un pied sur l’autre à deux mètres de lui. Un étrange dandinement presque ridicule. Du coin de l’œil, il vit le désordre dans le salon et sentit une bouffée de colère. À cinq jours du réveillon, sa villa de l’allée de Penfoulic, face à l’anse du même nom, à Fouesnant, était décorée pour la circonstance. Des guirlandes clignotantes entouraient la rampe de l’escalier de cinq marches, qui menait à l’entrée. Celle-ci arborait aussi son lot de lumières multicolores. Il avait mis le paquet en prévision de l’arrivée prochaine de ses deux filles et surtout de ses quatre petits-enfants pour les vacances de Noël. S’il n’avait tenu qu’à lui, seul depuis deux ans, les décorations seraient restées dans les cartons, au grenier. Mais le regard de Claudine, son épouse décédée, avait troué l’au-delà pour lui intimer de faire son devoir ! Et voilà que cet olibrius se mettait à tirer sur les guirlandes ! Il en oublia l’impression de malaise qui l’avait envahi quelques secondes plus tôt au profit de la colère. Faisant fi de son âge, il s’élança vers l’inconnu en vociférant. Ce dernier recula et agita la tête comme pour l’inviter à le suivre en traînant une guirlande cassée. Au passage il renversa une jarre qui se brisa. L’homme vit rouge ; une jarre de Claudine ! On aurait dit que le cambrioleur mettait un point d’honneur à tout saccager. D’une main il cassait une branche, de l’autre il envoyait valser tout ce qui se trouvait sur son chemin. En une minute, le jardin bien ordonné avait changé de visage et le Père Noël courait toujours vers la mer. L’anse de Penfoulic et ses vasières, qui bordait en bas la propriété du retraité, et donnait ordinairement une sensation de quiétude, était sombre et menaçante à cet instant. Le socle de granite à micas noirs recouvert d’eau douce et salée, car traversé par la rivière Pen Al Len, n’était plus le havre lacustre qu’il connaissait. Bien que le terrain fût fortement pentu vers le ravage, le Père Noël continuait de descendre à grandes enjambées. L’homme donna un coup de reins pour le rattraper et comprit qu’il glissait. Il atterrit les deux pieds dans l’eau et sentit qu’il s’enfonçait dans la vase molle. L’eau froide s’infiltra dans ses chaussures et la morsure glaciale contracta ses mollets. Il battit des bras en vain pour rétablir son équilibre mais tomba en arrière. La fureur céda la place à la terreur. Seul, au crépuscule, il comprit que l’autre l’avait entraîné ici à dessein. L’ombre du Père Noël s’avança vers lui et le recouvrit. Âgé et malhabile, il n’avait plus assez de force pour s’extraire de la vasière. C’était de mauvais augure pour lui que son voleur revienne et il se mit à claquer des dents. L’homme déguisé se pencha vers lui et lui parla. Les questions posées le ramenèrent des années plus tôt. Il tenta d’éluder mais l’individu au regard froid le souleva légèrement par son col et le laissa retomber brutalement. Suffisamment pour que son visage s’immerge. Suffoquant, il capitula et prononça quelques mots. L’autre sortit un carnet et les nota. Puis il releva les yeux qui firent comme deux flaques noires comme la nuit. Aucun sentiment n’en émanait. Il se recroquevilla sur lui-même quand l’individu le tira par son vêtement deux mètres plus loin. Allongé sur le dos, il sentit l’homme l’attraper aux épaules pour le retourner sur le ventre puis peser pour l’enfoncer dans l’eau. Il essaya maladroitement de racler le fond de ses mains sans parvenir à prendre appui. L’air s’échappa de ses poumons à grosses bulles. La vase caressait son visage comme un linceul. À bout il inspira et noya ses poumons.

Des cloches tintaient de plus en plus violemment dans ses oreilles en une cacophonie dantesque puis tout s’arrêta et la nuit vint à sa rencontre.

Un appel retentit dans la propriété, qu’il n’entendit pas. On le cherchait. Le Père Noël le relâcha et s’enfuit par le rivage sans se retourner.

Un oiseau lança son cri aigre en penchant la tête. Le corps flottait sur le ventre, inerte.

II

23 décembre

Capucine, une coupe de champagne à la main, sourire XXL affiché sur son visage, papillonnait de l’un à l’autre de ses collègues de travail réunis pour la circonstance.

Ils fêtaient sa récente promotion au sein du tribunal de Brest. La jeune femme venait d’être nommée greffière en service auprès d’un substitut. Jeune diplômée et forte de sa réussite au concours, elle savourait son plaisir d’intégrer la grande maison du tribunal de Brest. Gloria Treguer Johnson lui entoura les épaules amicalement.

— Comment vas-tu ma coloc’ préférée ?

Un peu grisée par le champagne, Capucine Menez éclata de rire.

— Préférée ? J’espère bien !

Juriste au Tribunal et fille unique du très redouté procureur Treguer, Gloria avait quitté la villa de son père, à Plouzané, pour emménager dans un appartement du centre-ville avec deux colocataires. Capucine était la dernière arrivante. Pascal Treguer n’avait guère apprécié le choix de sa fille. Il aurait préféré qu’elle prenne son propre appartement. Vieille école le procureur… Mais Gloria, franco-américaine et frondeuse, avait préféré ce type de logement. Elle avait besoin de présence, de fous rires, de longues discussions autour d’un verre ou d’une pizza. De vie quoi ! De plus, son choix stratégique lui permettait d’éviter ainsi l’arrivée intempestive de son père.

— Allez, viens par ici, tu es la reine de la soirée Capucine. Elle a été organisée pour toi.

Gênée d’être la cible de tous les regards Capucine rosit. Gloria la conduisit d’une main ferme jusqu’au bout de la salle, devant une des tables rondes, couverte d’assiettes de canapés divers, et demanda le silence.

— S’il vous plaît ! Un petit mot d’accueil pour notre nouvelle collègue Capucine Menez !

Elle passa le micro à son père qui se fendit d’un discours pour souhaiter la bienvenue à la nouvelle recrue. Le procureur pouvait se montrer charmeur et agréable selon les circonstances. Tout le monde applaudit sa prestation et Gloria reprit le micro.

— Et maintenant place aux cadeaux ! Capucine voici quelques modestes présents pour te témoigner notre amitié et surtout le grand plaisir que nous fait l’arrivée d’une nouvelle greffière dans nos murs !

Un grand éclat de rire secoua la salle, suivi d’un brouhaha. Le manque cruel d’effectifs de la justice n’est un secret pour personne et les greffiers sont les rouages indispensables au bon fonctionnement d’un tribunal.

— Avec ça on compte bien te garder longtemps, plaisanta Gloria en lui tendant des paquets.

Émue, Capucine ouvrit ses cadeaux. L’un d’eux était un magnifique Code pénal qu’elle souleva pour le montrer, ce qui déclencha les rires de l’assemblée.

— Avec ça sur votre bureau vous serez incollable, ma chère Capucine, commenta Pascal Treguer !

La jeune femme le remercia d’un sourire. Le paquet suivant contenait des bons cadeaux de chez un parfumeur du centre-ville, qui réjouirent la jeune femme. Puis Gloria lui tendit le dernier. Solide, rectangulaire, elle le soupesa sans deviner son contenu.

— Allez, ouvre-le, pressa Gloria. Tu ne pourras pas deviner.

Capucine ôta le papier et découvrit l’inscription sur la boîte : myADN.com.

Elle lui jeta un coup d’œil interrogatif.

— Qu’est-ce que c’est ?

— Tu ne devines pas ?

Capucine secoua la tête.

— Réfléchis un peu. À quoi passes-tu ton temps lorsque tu ne révises pas ton droit ?

Capucine réfléchit quelques secondes et un grand sourire éclaira son visage.

— La généalogie ?

— Bingo !

— Et alors ça…

— …c’est un test ADN, que tu vas faire et qui va partir tout droit au Texas. Ça ne se pratique pas en France. La législation… Mais aux USA, c’est possible. Alors, toi qui es passionnée de généalogie, tu connaîtras ainsi tes origines ethniques précises par l’analyse de ton ADN. Et en plus, cerise sur le gâteau, ton analyse, une fois dans la base de données, te permettra de retrouver, dans le monde entier, des parents proches ou éloignés !

Surprise Capucine lisait les instructions à l’intérieur de la boîte.

— C’est chouette. Je n’y aurais jamais pensé. Merci beaucoup pour ce beau cadeau !

Gloria lui prit le kit des mains.

— Allez, viens avec moi.

Elle l’entraîna vers un bureau voisin et entreprit de sortir le matériel fourni.

— Ce n’est pas compliqué. Tu vas frotter une minute l’intérieur de ta joue puis je déposerai le coton-tige dans le flacon. Tout cela partira dans l’enveloppe matelassée dès demain et il faut compter environ un mois pour recevoir les résultats.

Capucine s’exécuta et frotta avec application l’intérieur de sa joue. Puis elle vit ses cellules ADN disparaître dans l’enveloppe bulle que Gloria récupéra.

— Direction le Texas, commenta cette dernière !

Gloria était toute aussi excitée que Capucine à l’idée de découvrir prochainement les résultats. Elle savait la jeune femme curieuse de ses origines et aussi qu’elle montait laborieusement l’arbre généalogique de sa famille. Capucine, emplie d’espoir, jeta un dernier regard à l’enveloppe sans se douter du séisme qui l’attendait.

III

30 décembre

La peur lui serrait l’estomac tandis qu’elle se hâtait de remonter l’allée principale du cimetière. La neige abondante en cette saison avait recouvert en grande partie les tombes et formait des congères sur les bas-côtés. Elle venait d’avoir un choc tandis qu’elle se recueillait sur la tombe de sa plus vieille amie, Prudence, décédée mi-décembre. L’infirmière avait été sa seule confidente ici. Elle ne l’avait pas entendu arriver. Une main avait soudainement serré son épaule droite, une douleur violente et inattendue. Une poigne de fer. Et quand elle s’était tournée la stupeur l’avait envahie. Un Père Noël aux yeux cruels la fixait. Dans son autre main il tenait une cordelette qu’il passa d’un geste rapide autour de son cou. Puis il la tira à lui. La tête penchée elle étouffait mais tentait malgré tout de résister. Que lui voulait ce détraqué ? La ville voyait augmenter chaque année le nombre de drogués de toutes sortes. Avait-elle affaire à l’un de ces types en quête d’argent pour se payer une dose ?

— Mon… sac, parvint-elle à articuler.

Le Père Noël ricana.

— Je ne suis pas ici pour quelques billets !

Il la redressa et parla.

— Je suis venu chercher…

Sa voix sépulcrale avait résonné avant de se perdre dans le cimetière désert et elle avait tressailli. Il avait continué en racontant une histoire. Elle la connaissait en grande partie. Une sueur froide coulait en rigole dans son dos et mouillait ses tempes. Mais elle ne pouvait pas répondre à sa demande. Elle ne savait pas.

Il continuait son interrogatoire et elle comprenait qu’il ne lui laisserait aucune chance. La peur, qu’elle avait emportée en quittant la France et qui s’était estompée avec les années, était revenue intacte. Elle allait mourir, c’était certain. Elle ignorait son identité mais il était venu l’attendre pour se venger. Elle essaya de gagner du temps, de négocier. Chaque seconde comptait. Soudain une silhouette fantomatique se profila entre les tombes. Quelqu’un avançait vers eux dans la brume glacée du jour. Elle profita de la surprise pour se dégager. Le dos courbé, elle fila entre les sépultures, glissant par moments dans la neige durcie, dérapant dans la boue glacée sans regarder s’il était à ses trousses. Pliée en deux par le manque d’air, elle se terra quelques minutes derrière une congère. Puis le souffle court elle parvint à remonter la côte jusqu’à la sortie. Son salut était là ! Elle déboula sur la route déserte. Sa main droite chercha nerveusement ses clefs de voiture garée en face, sur le parking du Mont Royal. Elle perdit plusieurs précieuses secondes à les trouver. Quand enfin elle traversa, elle n’eut pas le temps d’éviter la berline lancée à pleine vitesse. Au volant, le Père Noël ne dévia pas d’un millimètre percutant le corps d’Alice dans un choc terrible qui la projeta à plus de 15 mètres. Elle retomba avec un bruit mat et une large flaque de sang se répandit sous sa tête.

C’était fini !

***

Janvier à Montréal

Mike Dumont monta les quelques marches qui menaient à la petite maison de sa mère, rue Sherbrooke, à Montréal. L’hiver canadien avait enneigé tout le devant et les marches auraient nécessité un déblayage. Située en bas du Mont Royal, le poumon vert de la ville, la rue longue de plusieurs kilomètres allait du parc Westmount à la place Versailles, en longeant aussi les parcs Maisonneuve et Lafontaine.

C’est justement là que se trouvait la maison d’Alice, sa mère, juste en face du parc Lafontaine. Mike, âgé de 23 ans, connaissait le parc depuis sa petite enfance. Infirmière, Alice Dumont avait émigré au Canada alors qu’il n’avait que six mois. Elle avait laissé derrière elle la Bretagne, sans regrets selon elle. Pas de mari, plus de famille. C’était tout ce que Mike savait. Alice n’était pas une grande bavarde. Elle ne s’était jamais confiée sur son père qu’elle qualifiait d’une rencontre sans lendemain.

— Mais il m’a laissé le plus beau des cadeaux lui disait-elle, lorsqu’il la questionnait, depuis son enfance.

Mais le sourire de sa mère et leurs échanges n’étaient plus que des souvenirs. Cela faisait une quinzaine de jours qu’Alice était décédée. Retrouvée morte, face à l’entrée du cimetière du Mont-Royal. Une de ses amies, infirmière également, était décédée quelques jours plus tôt et cela avait beaucoup affecté Alice. Elle sortait vraisemblablement d’une visite sur la tombe de celle-ci.

Alice avait 60 ans. Elle travaillait encore comme infirmière-chef à l’hôpital général de Montréal, tout près du parc du Mont-Royal. Apparemment elle avait été percutée et projetée sur plusieurs mètres par un véhicule qui ne s’était pas arrêté. Propulsée à plus de 15 mètres par un chauffard qui ne lui avait laissé aucune chance selon la police de Montréal. Mike et sa mère avaient toujours été très liés. Alice était une femme réservée. Malgré tout, elle avait eu une liaison avec un aide-soignant de l’hôpital durant 18 ans et décédé deux ans plus tôt, d’un cancer. Alice n’avait jamais quitté sa petite maison. Elle et Jim se retrouvaient le week-end et une nuit par semaine. Une vie bien réglée qui avait semblé leur convenir. Jim, jamais marié, n’avait pas eu d’enfants et Mike l’aimait bien.

Quant à Mike, au moment du décès de sa mère il n’avait pas encore quitté la maison familiale. Ces dernières années, délaissant sa chambre d’enfant, il s’était installé un studio au sous-sol. La situation convenait aux deux et lui économisait pour l’avenir.

Alice était décédée le 30 décembre. Depuis Mike était désemparé. Sa mort brutale était un choc dont il avait du mal à se remettre. Ses bases étaient ébranlées et il ressentait une colère sourde et froide envers l’assassin de sa mère. Comment l’appeler autrement ? Il passait souvent au SVPM (le service de Police de la ville de Montréal) pour connaître l’avancement de l’enquête. Sa mère ne pouvait pas avoir disparu comme ça, en un claquement de doigts ! Il devait retrouver son meurtrier. Depuis il menait sa propre enquête. Mike passait du temps au Mont Royal et essayait de repérer les habitués. Quelqu’un avait bien du voir ce qui s’était passé !

La semaine dernière il avait diffusé le portrait d’Alice le long de la route montant au Mont Royal et laissé ses coordonnées. En ouvrant la boîte aux lettres il découvrit une enveloppe crème. Tandis qu’il se déshabillait, ses yeux passèrent sur le salon inhabité. Il n’avait pas trouvé le courage d’y revivre depuis la mort d’Alice. Il descendit les marches pour accéder à son espace personnel où il se sentait bien à l’abri, comme dans un cocon.

Michaël Dumont que tout le monde appelait Mike, baissa la tête en descendant l’escalier. Vieille habitude pour éviter de se taper la tête. Il mesurait 1 mètre 82 et avait dû creuser le sous-sol de 60 centimètres pour obtenir une hauteur sous plafond suffisante. Arrivé au palier du bas deux marches supplémentaires lui donnaient accès au studio et lui offraient les deux mètres vingt nécessaires. Il jeta sa doudoune et son écharpe sur le canapé deux places et prit un couteau pour ouvrir proprement l’enveloppe. Il en sortit une feuille manuscrite.

« Cher monsieur Dumont, j’ai cherché à quoi correspondaient les coordonnées téléphoniques sur votre affiche. Je me souviens de l’accident survenu juste après Noël. Il se trouve que j’étais sur le mont Royal cet après-midi-là. Je photographiais les écureuils (c’est mon métier, je suis photographe) et je me trouvais à une centaine de mètres de l’entrée du cimetière, en face. Une voiture grise est arrivée en trombe et s’est garée sur le bas-côté. Je n’ai vu qu’une personne qui est sortie précipitamment pour vérifier l’avant de la voiture. Je présume que quelque chose était défait ou traînait car l’individu a essayé de redresser. Un pare-chocs ? Un phare ? De loin je ne distinguais pas et bien sûr j’ignorais qu’un accident venait de se produire un peu plus loin. J’ai recherché l’article concernant l’accident et l’horaire correspond. Je faisais des photos au téléobjectif et quelques jours plus tard j’ai découvert que cette personne et son véhicule se trouvaient sur mes clichés. Puis je suis partie pour le jour de l’An sur la côte Ouest, à Vancouver et je viens de rentrer la semaine dernière. J’ai vu votre affiche hier et je vous donne un exemplaire de mes clichés. J’espère qu’ils vous seront utiles. Votre bien dévouée, Joséphine Desrosiers. »

Mike sortit les clichés, les mains tremblantes. Il y en avait trois. Ses yeux s’arrêtèrent sur l’individu qui scrutait l’avant de la voiture, penché vers le pare-chocs. On ne voyait pas son visage. Sur le deuxième il s’était redressé. L’appareil de Joséphine Desrosiers l’avait pris de face, et sur le troisième il s’apprêtait à rentrer dans la voiture. On ne distinguait qu’un costume rouge. Une barbe blanche lui mangeait le visage ne laissant apparaître que les yeux. Ses cheveux étaient blancs, vraisemblablement une perruque. Ça ressemblait furieusement à un costume de Père Noël ! Difficile de dire si c’était un homme ou une femme. C’était quelqu’un de taille moyenne, de corpulence normale encore que le déguisement matelassé ne laissait guère distinguer ses formes. Mike sentait une colère bouillante l’agiter en contemplant les photos. C’était certainement le meurtrier de sa mère. Il avait encore en tête les images de son corps désarticulé. Il serra les dents et se servit une rasade de whisky.

Après quelques minutes à remuer de sombres pensées, il se leva et chercha une loupe. Mike se força à détailler la scène. On ne voyait qu’une petite partie de l’immatriculation de la berline grise. Il avait hâte de soumettre ça au SVPM. Il s’attarda sur le visage dont il ne distinguait qu’une étroite bande qui laissait deviner le type caucasien. On pouvait donc éliminer les personnes de couleur. Il examina encore les photos à la loupe et confirma l’étrange impression que le conducteur portait bien un costume de Père Noël. Mais la fête de Noël était passée depuis cinq jours et il n’y avait plus d’animation de ce type. C’était dérangeant. Sa mère avait croisé la route du Père Noël et elle en était morte. Mike se souvenait de tous les Noëls où elle l’avait emmené faire une photo avec le vieux bonhomme sans savoir qu’un jour d’hiver glacial un autre Père Noël lui ôterait la vie…

Il réprima un sanglot et termina son verre.

IV

Quand elle ne travaillait pas, Capucine quittait sa colocation brestoise pour revenir au Cap Coz, là où se trouvait la maison familiale, celle de ses parents, Iris et Ronan Menez.

À 23 ans la jeune fille y avait conservé sa chambre et passait encore tous ses week-ends sur place. C’était une belle fille aux yeux foncés, dotée d’un regard magnétique. Ses longs cheveux couleur miel éclairaient son visage aux pommettes saillantes et au nez aquilin. Elle était mince avec la taille marquée et mesurait un bon mètre 70. Ce que Gloria Treguer ne manquait pas de lui faire remarquer régulièrement avec un petit sourire acide !

Elle aurait pu, à son âge, s’installer à demeure à Brest mais il y avait Joris Cabon, le matelot de son père. Ils se connaissaient depuis le collège. Le jeune homme, réservé et timide, la couvait des yeux et Capucine désespérait qu’il se déclare. Malgré tout, pendant ses études loin du Cap Coz, elle avait eu d’autres amoureux mais elle n’avait cessé de penser à Joris et était décidée à lui laisser sa chance. C’est pour cette raison qu’elle ne manquait pas de revenir en fin de semaine.

Ronan, 55 ans, son père, était le capitaine d’un thonier de 21 mètres, affrété pour la pêche au thon blanc. Cinq hommes d’équipage travaillaient avec lui durant ses campagnes en mer d’Irlande. Autrefois, Ronan travaillait sur un langoustier basé à Douarnenez et partait plusieurs mois faire des campagnes de pêche en Mauritanie. Cela faisait maintenant 20 ans qu’il avait acheté son propre bateau.

Quant à Iris, sa mère de 51 ans, elle vendait en saison les coquillages peints à la main, souvenirs du Cap Coz. Coquillages qu’elle ramassait toute l’année sur la côte entre Cap Coz et Beg-Meil. Cela l’occupait pendant les absences de Ronan et apportait un complément de revenu au foyer.

Garance, sa sœur de cinq ans son aînée, habitait à Concarneau avec Mathieu, son compagnon. Petite, brune aux yeux bleus, elle tenait de leur père.

Capucine poussa le portillon du jardin. La maison se situait avenue de la Pointe du Cap Coz, face à l’océan. La porte s’ouvrit soudain. Iris Menez guettait visiblement l’arrivée de sa cadette. Capucine se jeta dans les bras de sa mère.

— Te voilà donc ! Ça me fait plaisir de te voir ma fille.

— Papa est là ?

— Non, au port. Il bricole sur le bateau. Tu le connais… toujours quelque chose à faire.

Capucine hocha la tête. Sa mère avait exposé ses dernières créations sur la table du séjour.

— N’y touche pas, cria celle-ci de la cuisine, ça sèche !

— T’inquiète pas, seulement avec les yeux.

Elle déposa son sac dans sa chambre et revint papoter avec Iris devant une tasse de café.

— Tu ne t’ennuies pas trop maman ? Cap Coz l’hiver c’est vraiment calme…

Pour ne pas dire mort ajouta-t-elle intérieurement.

— Mais non, tu sais, j’ai mes habitudes.

Capucine savait. Personne ne connaissait mieux la côte que sa mère.

Située au fond de la baie de la Forêt, la plage du Cap Coz est un étroit cordon de sable fin, terminé à l’est par un îlot rocheux. Le Cap Coz est très protégé des vents dominants par la Pointe de Beg-Meil. Un peu plus haut en remontant vers Concarneau se trouve la vasière du Cap Coz, côté anse de Penfoulic, paradis des oiseaux et royaume des ornithologues. C’était là qu’elle et Joris y avaient découvert sternes et hérons cendrés. Un endroit magique et reposant pour admirer selon la marée, les oiseaux en quête de nourriture.

Toute son enfance avait été bercée au rythme des marées et des longues promenades avec sa mère et sa sœur ou encore Joris.

Sa mère devina ce qui la tracassait.

— J’ai dit à ton père de ramener Garance et Mathieu ce soir. Je ferais des galettes. Et aussi Joris, ajouta-t-elle avec un clin d’œil !

Iris Menez n’était pas dupe de l’attirance qui unissait ces deux-là depuis longtemps.

— Merci maman, murmura Capucine.

Sa mère ramassa les bols et disparut en cuisine pour confectionner sa pâte à crêpes. Capucine se replia dans sa chambre, heureuse de se détendre. Ces derniers jours avaient été bien remplis avec sa prise de poste au tribunal. Sur son bureau elle contempla ses recherches généalogiques. Une passion qu’elle s’était découverte un an plus tôt. Elle feuilleta les actes rangés dans un classeur et contempla son arbre. Certes il était loin d’être complet. Elle n’était remontée que jusqu’au XVIIe siècle. Plus on remonte le temps en généalogie, plus les difficultés s’accumulent. Obtenir les documents des archives départementales, apprendre qu’une guerre ou des incendies avaient détruit certains actes, déchiffrer des écritures illisibles, c’était le lot de tout généalogiste. Mais elle s’accrochait, heureuse de faire revivre tous ces ancêtres qui l’avaient précédée.

Des Bretons essentiellement. Les Menez étaient du Finistère et les Kergoat, nom de jeune fille de sa mère, du Morbihan. Elle ne désespérait pas de se découvrir une ascendance noble, qui sait ?

Pourquoi pas avec Anne de Bretagne ?

V

Mike Dumont avait remis à la police canadienne le courrier de Joséphine Desrosiers ainsi que les clichés. L’espoir que le véhicule soit identifié était ténu car la plaque n’était quasiment pas visible. Seule une fraction de l’immatriculation apparaissait. Restait l’individu et le jeune homme priait pour que son visage matche dans le fichier des personnes connues de la Police. Un maigre espoir en raison du déguisement.

Pour l’heure un autre sujet le préoccupait. Après le décès de sa mère, il avait dû s’occuper de toutes les démarches administratives, clôturer les comptes et faire passer ceux d’électricité et d’eau à son nom. Ces préoccupations administratives avaient consommé une partie de son énergie, détournant provisoirement son chagrin.

Cette mort brutale, inattendue, l’avait sidéré et mis en état de choc. Au début, il ne parvenait pas à rester dans les pièces qu’occupait sa mère. Son parfum, ténu, y flottait encore. Tout lui paraissait lointain, décoloré, comme déconnecté. Il préférait rester dans son studio au sous-sol.

Puis il avait été saisi d’une frénésie de recherches. Sa mère, partie d’une seconde à l’autre, dans un claquement de doigts, devait bien avoir laissé quelque part un indice concernant son père. Non pas que ce dernier lui ait réellement manqué, Alice ayant fait office des deux parents, mais par curiosité. Parce qu’il vivait avec elle depuis toujours et qu’elle n’en parlait jamais. Quand il était encore à l’école primaire il avait posé des questions. Elle s’était contentée de lui dire qu’ils s’étaient aimés mais que cela n’avait pas suffi pour faire leur vie ensemble. C’était peu mais il était petit et il s’en était contenté.

C’est en triant les affaires de sa mère huit jours plus tôt qu’il était tombé sur un dossier marqué « Mike » sur la couverture. Ses pulsations cardiaques s’étaient accélérées tandis qu’il ouvrait la chemise cartonnée. À l’intérieur, se trouvait son acte de naissance. « Michaël, Pierre, Dumont né le 11 juin 1997 à La Forêt-Fouesnant (29) d’Alice, Aude, Dumont et de père inconnu. »

Une nouvelle déception concernant sa filiation. Il n’avait jamais fait attention à son deuxième prénom, Pierre, et s’était demandé pourquoi sa mère avait fait ce choix. Venait-il de sa propre famille ? Ou était-ce tout simplement le prénom de ce père inconnu ?

Outre l’acte de naissance, se trouvait une autre feuille dans le dossier. « Georges Postel, 138 allée de Penfoulic à La Forêt-Fouesnant. » Alice avait ajouté : « Si un jour tu vas en France et que tu te poses toujours des questions, adresse-toi à lui. J’ai fait de mon mieux, mon petit Mike. Pardonne-moi mon silence et d’avoir tant voulu être mère… »

Une carte postale dans une enveloppe jaunie datée de février 1998 se trouvait également à l’intérieur. Une carte de bonne année avec un paysage enneigé entouré de guirlandes dorées. « Ma chère Alice, merci de m’avoir donné de tes nouvelles. Je suis heureux de vous savoir bien installés. Tout va pour le mieux ici. Que Dieu vous protège – Georges »

Son cœur avait sauté en lisant le nom. Était-ce lui son père ? Les lignes laissées par Alice étaient sibyllines. Que signifiait cette carte ? Qu’avait fait sa mère ? Mike échafaudait des suppositions. Lui avait-elle caché sa grossesse et avait-elle préféré emmener le bébé loin de lui ? Ou était-ce une séparation houleuse et Alice qui avait mis un océan et 6000 kilomètres entre elle et son amant ? Était-il marié ? Tout était possible.

Ce fut un second choc, après celui de la mort d’Alice. Les bases de l’existence du jeune homme étaient ébranlées. Il avait donc exploré toute la maison et épluché le moindre document sans rien trouver de plus pour l’éclairer. Alice était née à Lorient, dans le Morbihan où elle avait commencé à travailler puis elle était venue à Concarneau. Il avait retrouvé des fiches de salaires et les coordonnées d’un employeur. Une clinique privée. La discrète Alice n’avait pas gardé de liens avec la France. N’importe quel expatrié garde des contacts avec sa région d’origine, sa famille, ses amis. Pas elle. Elle n’écrivait jamais à personne et ne téléphonait pas plus. En tous les cas il n’avait jamais rien vu de tel. Cette carte de vœux, peu après son départ de la France était la seule. Avec le recul, une pensée dérangeante commençait à s’insinuer en lui, une pensée délétère qui lui faisait horreur.

Et si l’accident qui lui avait ôté la vie n’en était pas un ?

VI

Fin janvier

— Ta dam !

Mystérieuse, Gloria agita une enveloppe devant Capucine qui venait de rentrer dans leur logement brestois.

— Que se passe-t-il, demanda cette dernière, fatiguée par sa journée ?

— Tu as oublié ?

Elle fronça les sourcils.

— Ton test ADN ! Je l’ai récupéré sur le site et je te l’ai imprimé.

Capucine écarquilla les yeux. L’envoi, fait plus d’un mois auparavant, lui était effectivement sorti de la tête ! Ses débuts comme greffière lui prenaient beaucoup d’énergie. Elle retrouva le sourire en prenant l’enveloppe. Curieuse Gloria s’installa à côté d’elle.

— Allez ouvre ! Je n’ai pas voulu les détailler avant toi mais je suis aussi pressée que toi de les lire !

Capucine faisait durer le plaisir car elle connaissait bien la fille du procureur désormais et savait son impatience légendaire.

— Un, deux… trois !

Elle déplia un feuillet. Sur le côté gauche des chiffres et sur le côté droit une cartographie des continents et des cercles matérialisant les origines retrouvées. Capucine découvrit ses résultats et Gloria vit son visage se transformer.

Pas de joie.

Pas d’émotion.

Non, une profonde incrédulité s’était peinte sur son visage.

— Qu’est-ce qui se passe ?

Elle lui arracha le feuillet des mains et lut à son tour les résultats.

« 40 pour 100 Russie

22 pour 100 Europe centrale

20 pour 100 Juive Ashkénaze

18 pour 100 Pays Bas – Allemagne »

— Ce n’est pas possible, décréta Capucine ! Ils ont dû se tromper ! Mes parents sont bretons pure souche. J’ai même fait leur…

— …généalogie, je sais !

Gloria était bien embarrassée aussi. Elle avait fait faire son propre test, six mois plus tôt et il était conforme en tous points. Mère américaine, d’origine irlandaise comme beaucoup de natifs de Boston, père breton d’origine galloise et d’Europe de l’Ouest. Pascal Treguer lui avait confirmé avoir quelques ancêtres allemands. Pourquoi diable celui de Capucine était-il aussi étrange ?

Un nuage noir s’était formé au-dessus de la tête de la jeune femme. Les sourcils froncés, Gloria la voyait réfléchir à toute allure et ses conclusions ne semblaient pas la réjouir.

— Soit le site a fait une erreur soit…

Un silence.

— Soit ?

— Soit je ne suis pas la fille de mon père !

Oups ! Gloria commençait à douter du bien-fondé de son cadeau…

— Ne gamberge pas trop. Il y a sûrement une explication rationnelle à cela.

Le léger accent américain de Gloria rendait encore plus savoureux ses essais de réconfort dans la langue de Molière. Capucine fit une moue dubitative.

— Pas la peine de te creuser la tête pour trouver une explication. Ce test a mis le doigt sur un secret de famille, je n’en vois pas d’autre…

— Je vais en parler à Alex ce soir. Il est médecin et il devrait nous éclairer sur le sujet.

Alex Bertillon, la quarantaine, était le chevalier servant de Gloria Treguer depuis quelques mois*