Pris dans le blizzard - Eli Easton - E-Book

Pris dans le blizzard E-Book

Eli Easton

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Beschreibung

Neige, vapeur et secrets. Lorsque Jude Devereaux, qui fuit un amant violent, trouve refuge dans un chalet isolé de l'Alaska, incapable de rejoindre la ville avant que le blizzard s'abatte sur la région, Hutch, déjà suspicieux de nature, se montre méfiant. Cependant, Jude n'est pas seulement superbe, il est aussi amusant, intelligent et entreprend de flirter avec lui. Ils vivent des moments agréables pendant les trois jours où ils restent coincés à cause de la neige, mais lorsque les nuages s'éclaircissent, Hutch découvre qu'il est un peu trop attaché à Jude. Pourtant, Jude est-il vraiment celui qu'il prétend être ? Venu en Alaska pour échapper à un monde d'espionnage et de violence, Hutch ferait tout pour ne pas avoir à y retourner. Mais une menace pèse sur Jude et le laisser s'en tirer seul est inconcevable pour Hutch. Il refuse que quelque chose de terrible lui arrive… même s'il doit pour cela dévoiler des secrets qu'il pensait enfouis pour toujours.

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Veröffentlichungsjahr: 2019

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Table des matières

Résumé

Avant-première

Dédicace

Chapitre Un

Chapitre Deux

Chapitre Trois

Chapitre Quatre

Chapitre Cinq

Chapitre Six

Chapitre Sept

Chaptitre Huit

Chapitre Neuf

Chapitre Dix

Chapitre Onze

Chapitre Douze

Chapitre Treize

Épilogue

Biographie | Par Eli Easton

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Droits d'auteur

Quelqu’un comme lui ne devrait pas se trouver là-dehors.

 

Hutch ne répondit pas. Il continua de le dévisager, cherchant quelque chose pouvant confirmer ses soupçons. Il ne trouva rien.

 

Peut-être que Jude n’était pas ce qu’il semblait être. Mais là encore, il y avait des chances qu’il ne soit réellement qu’un petit futé privilégié et pourri gâté. Peut-être que jamais personne ne lui avait jamais dit non, hommes ou femmes. Parce qu’il avait fait l’armée, Hutch savait qu’un hétéro ne refuserait pas une pipe ou un cul si on le lui proposait. Puis, il y avait ce gosse qui avait rejoint leur unité en Afghanistan : Brauderman. Mignon à vomir. Les cheveux blonds, les joues rouges, tout le tralala. Autour du gosse, Gorshen avait toujours agi de manière étrange et crispée : il craquait complètement pour lui, même si Gorshen était aussi hétéro qu’on pouvait l’être. Peut-être que Jude était comme ça. Peut-être qu’il avait en permanence des hétéros à ses pieds.

 

Alors, peut-être que ce flirt était juste un flirt. Et peut-être que Hutch était un fils de pute bien parano.

 

Il se détendit et attrapa une autre bouchée de chili.

 

— J’ai un jeu de cartes. Mais il vaudrait mieux pour toi de ne pas mettre d’argent sur la table.

 

— Tiens donc ?

 

Jude croisa à nouveau son regard, mais plus calmement cette fois-ci.

 

— Attention, M. Vantard. Tu ne sais pas à quel point je suis bon à ce jeu-là.

Pris dans le blizzard

 

Par Eli Easton

 

Neige, vapeur et secrets.

Lorsque Jude Devereaux, qui fuit un amant violent, trouve refuge dans un chalet isolé de l’Alaska, incapable de rejoindre la ville avant que le blizzard s’abatte sur la région, Hutch, déjà suspicieux de nature, se montre méfiant. Cependant, Jude n’est pas seulement superbe, il est aussi amusant, intelligent et entreprend de flirter avec lui. Ils vivent des moments agréables pendant les trois jours où ils restent coincés à cause de la neige, mais lorsque les nuages s’éclaircissent, Hutch découvre qu’il est un peu trop attaché à Jude.

Pourtant, Jude est-il vraiment celui qu’il prétend être ? Venu en Alaska pour échapper à un monde d’espionnage et de violence, Hutch ferait tout pour ne pas avoir à y retourner. Mais une menace pèse sur Jude et le laisser s’en tirer seul est inconcevable pour Hutch. Il refuse que quelque chose de terrible lui arrive… même s’il doit pour cela dévoiler des secrets qu’il pensait enfouis pour toujours.

À Poppy. Que je remercie pour l’inspiration.

Chapitre Un

 

 

BON sang, pourquoi fallait-il que les détecteurs de mouvement se déclenchent tout à coup pendant la nuit la plus froide de l’année ?

Parce que les animaux ressentent le froid, eux aussi, imbécile, et qu’ils sont à la recherche d’un abri.

Hutch resta allongé à fixer la tache lumineuse provenant de l’extérieur sur son plafond. La lumière avait été activée par quelque chose en mouvement et le faible bip bip de son alarme lui indiquait qu’il y avait quelque chose, là-dehors. Et voilà où il en était maintenant : toujours couché dans son lit à s’en plaindre. Merde, il ramollissait. Cela dit, il faisait moins dix dehors. S’il y avait des sales types dans les parages, c’étaient de vrais abrutis.

Il se glissa hors de son lit et enfila un pantalon GORE-TEX par-dessus son caleçon thermique. Il gagna la pièce principale du chalet et revêtit sa parka blanche résistante au froid, sa cagoule, son bonnet, ses bottes et ses gants. Il sortit sa carabine du placard et se faufila par la porte de derrière du chalet, loin de la lumière des capteurs. Comme Hutch déblayait régulièrement la poudreuse aux alentours, il n’émit pas le moindre bruit en se faufilant sous le couvert d’une rangée d’arbres pour revenir vers le porche. Ce foutu raton laveur allait avoir une sacrée surprise.

Sauf que l’intrus en question n’était pas un raton laveur. Lorsque Hutch put avoir un bon visuel de la cour située entre le chalet, l’abri et le garage, il aperçut la forme solitaire d’un humain dans une veste de ski noire, capuche relevée, plié en deux. La silhouette tituba vers le porche du chalet, se traînant comme une chose sortie d’un film d’horreur des années soixante-dix.

Ou d’une guerre.

L’adrénaline afflua dans ses veines. Qu’il ait sommeil ou non, qu’il soit gelé ou pas, il fut instantanément en état d’alerte maximale. Il balaya les arbres et l’allée sombre du regard sans parvenir à voir par-delà l’éclairage de sécurité. Il n’y avait pas un seul bruit dans l’obscurité. Il serpenta silencieusement entre les arbres et fit le tour de la propriété, à la recherche des compagnons de son indésirable invité. Mais il n’y avait personne, juste les traces imprimées du passage de l’homme solitaire dans la neige fraîchement tombée depuis la route.

Après cinq bonnes minutes, lorsqu’il fut relativement certain que l’autre homme était venu seul, Hutch approcha du porche. L’inconnu était appuyé contre la porte d’entrée du chalet. Il avait probablement déjà toqué.

Hutch se tint au-dessus de lui et pointa son canon sur le visage de l’homme toujours dissimulé dans l’ombre de sa capuche.

— Qui êtes-vous ?

Au milieu des étendues sauvages de l’Alaska, étouffées par la neige, sa voix profonde résonna fort.

L’homme fit des gestes de supplication avec ses mains et se redressa avec raideur, à moitié gelé.

— Je vous en prie.

La voix était grave, mais faible.

Hutch ne baissa pas sa carabine.

— Qui êtes-vous ? répéta-t-il, plus fort.

— J… J… Jude. Devereaux. Je vous en prie, ne tirez pas. Je cherchais juste un a… a… abri.

— Les mains en l’air. Bien haut.

L’homme obtempéra du mieux qu’il le put, mais ses membres semblaient être complètement engourdis par le froid. Hutch le fouilla rapidement, mais de manière approfondie, tâtant les épaisses couches de vêtements protégeant un corps tonique et svelte. L’homme n’avait pas d’arme sur lui. Mais il avait un portefeuille. Hutch l’ouvrit et le plaça sous le meilleur angle de la lumière du capteur. Jude Devereaux, Californie.

Californie. La vache. Ce crétin devait être en état de choc à cause de la température. Même Hutch se les gelait. Il faisait un froid de canard, là-dehors.

Il baissa sa carabine.

— Debout.

Jude Devereaux tenta de se remettre sur ses pieds, mais il était mal en point. Hutch l’aida d’une prise ferme sur son coude, ouvrit la porte du chalet, incita Devereaux à entrer et le suivit.

 

 

À L’INTÉRIEUR du chalet, Devereaux vacilla dangereusement sur ses pieds sans entreprendre de retirer ses affaires. Il faisait plutôt frais dans le chalet. Hutch laissait toujours le feu se consumer petit à petit avant d’aller se coucher. Il remua les braises et ajouta quelques bûches, gardant un œil sur Devereaux dans sa vision périphérique. Devereaux ne bougea pas d’un pouce avant que Hutch ne se retourne pour lui faire face. Et lorsqu’il le fit, ce fut pour lever le bras et faire tomber sa capuche de ses mains gantées, épaisses comme des gourdins.

Hutch ravala un cri de surprise. Seigneur. Jude Devereaux était… Il était terriblement séduisant. Il avait d’épais cheveux noirs de toute évidence bien coupés, bien qu’ils aient été décoiffés par la capuche de sa doudoune et par la sueur. Ses yeux hébétés étaient bleus. Pas vraiment un bleu ordinaire, plutôt un bleu profond et lumineux, comme des foutus saphirs ou quelque chose y ressemblant. Il avait des pommettes hautes et saillantes, un profil légèrement plat, une peau pâle couverte de taches de rousseur, une barbe sombre, un nez droit dont les narines frémissaient légèrement et une large bouche aux lèvres charnues.

Hutch cligna des yeux. Qu’est-ce qu’une personne comme lui faisait à errer en plein milieu de l’Alaska au beau milieu d’une nuit glaciale du mois de mai ?

— Qu’est-ce que vous fichiez, là-dehors ? demanda Hutch, ne tentant même pas de masquer le « pauvre imbécile » implicite dans le ton de sa voix.

Devereaux fixa Hutch, puis baissa le regard, comme s’il cherchait à voir si ses pieds étaient encore bien attachés à son corps. Ses cils noirs étaient saisissants contre ses joues rougies par les bourrasques de vent.

— Vous me croiriez si je vous disais que c’est une longue histoire ?

— Faites un résumé, insista Hutch d’une voix dure.

Devereaux releva de nouveau les yeux vers lui, son regard s’éclaircissant quelque peu. Il avait l’air méfiant. Il essayait probablement de déterminer à quel point Hutch pouvait être dangereux. Ce n’était pas très surprenant. Hutch l’avait accueilli avec un flingue entre les deux yeux. Et même s’il n’était pas le mec le plus baraqué du monde, il avait l’air sérieusement massif à côté d’un homme de taille et de poids moyens comme Devereaux. Hutch n’avait pas non plus peur d’utiliser sa carrure pour intimider les autres. En ce moment même, il avait les épaules rejetées vers l’arrière, les jambes légèrement écartées et les bras croisés sur son torse. Ce gars se trouvait sur son territoire. Il voulait une réponse, bon sang.

Devereaux humidifia nerveusement ses lèvres gercées.

— Je suis venu avec un ami pour des vacances au ski. Nous nous sommes disputés et je suis parti.

— Parti ? Parti pour aller où ?

Devereaux essaya de hausser les épaules, mais cela tourna au grelottement à la place.

— C’était une l… location. Ça doit se trouver à huit kilomètres d’ici. J’ai marché.

Hutch arqua un sourcil, incrédule.

— C’était stupide, consentit rapidement Devereaux. Lorsque… je suis sorti, ça… ça n’avait pas l’air si terrible que ça dehors. Je pensais que je pourrais rejoindre la ville à pied. Ça ne paraissait pas si éloigné lorsque nous sommes arrivés en voiture. Je ne devais pas avoir les idées très claires.

— Sans déconner.

Devereaux baissa les yeux vers le sol.

— J’ai couru quelques kilomètres. Je ne pensais pas que ça serait un problème. Je cours facilement six, sept kilomètres chez moi et je me disais que courir me tiendrait chaud. Mais… le froid. Mon corps est devenu trop raide pour continuer de courir et la ville était plus éloignée que je ne l’imaginais. J’ai… J’ai vu votre allée. Je suis presque passé à côté dans le noir.

Sa voix perdit en puissance, ne devenant qu’un tremblement bas.

— Encore heureux. Je n’aurais sûrement pas pu continuer comme ça encore très longtemps.

— Sans blague. Vous êtes juste un abruti qui a bien de la veine d’être encore en vie après ça. Vous le savez, hein ?

Devereaux lui lança un regard franc. Il esquissa un petit sourire.

— Ouais. Première règle lorsqu’on se tire dans un accès de colère : ne pas le faire lorsqu’on est au bord d’un ravin ou en plein milieu du désert de l’Alaska.

L’humour noir dans ses mots apaisa davantage les soupçons de Hutch à son égard que ne l’avait fait sa fouille. Il poussa un grognement.

— Vaudrait mieux constater l’ampleur des dégâts et vous faire avaler quelque chose de chaud.

— Je ne voudrais pas vous importuner. Si je pouvais juste utiliser votre téléphone, je pourrais appeler un taxi.

Devereaux faisait bonne figure, mais Hutch pouvait dire qu’en se réchauffant à l’intérieur du chalet, il souffrait. Il n’avait pas essayé de retirer son manteau et il agitait ses mains avec raideur. Sa bouche, lorsqu’il ne l’ouvrait pas pour sortir des âneries, était pincée de douleur. S’il avait véritablement fait des kilomètres sous un temps pareil, il n’y avait aucun doute que son corps ne le supportait pas très bien, surtout en sachant qu’il était plutôt habitué au climat californien.

— Il est deux heures du matin, répliqua Hutch catégoriquement. Et on n’est pas vraiment à Manhattan ici. Vous n’irez nulle part cette nuit.

Pas tant que je ne décide pas que c’est une question de vie ou de mort de vous emmener à l’hôpital, ajouta Hutch dans sa tête.

­— Enlevez votre manteau. Il faut que je vérifie vos mains et vos pieds.

L’espace d’un instant, Devereaux parut vouloir discuter son ordre, mais la fatigue fit pencher la balance dans son sens. En le voyant lutter avec ses gants, n’ayant pas la force de les retirer, Hutch le fit pour lui et les enleva délicatement. Les mains de Devereaux avaient pris une teinte rouge foncé critique, mais pas le noir qui aurait indiqué une engelure.

Hutch dézippa la doudoune de ski tape-à-l’œil et hors de prix de Devereaux et la lui retira. En dessous, il portait un pull-over thermique de ski bleu, par-dessus un physique très dynamique. Hutch conduisit Devereaux jusqu’au canapé, l’aida à s’y asseoir avant de s’agenouiller à ses pieds. Les bottes qu’il portait étaient de vraies chaussures allemandes, du type qu’on trouvait dans les complexes de luxe des Alpes suisses. Le cuir était épais et les matériaux, de haute qualité, doublés avec de la peau de mouton, chose qui avait probablement sauvé ses pieds. Lorsque Hutch eut enlevé les deux paires de chaussettes en laine, il constata que l’état des pieds de Devereaux était pareil à celui de ses mains : irrités, mais ne tournant pas au noir. La tranche ainsi qu’un de ses petits orteils étaient tout juste en train de virer au rouge sombre.

— Si vous étiez resté dehors plus longtemps, vous l’auriez perdu, constata-t-il en tapotant son orteil.

— Putain, murmura Devereaux sans y insuffler trop d’énergie.

Comme le reste de sa personne, ses mains et ses pieds étaient élégants, longilignes. Hutch sentit comme un malaise. Quelqu’un comme lui ne devrait pas se trouver là-dehors.

Il se releva.

— Il faut vous faire couler un bon bain chaud. Vous devrez entrer dans la baignoire et rajouter de l’eau chaude petit à petit pour vous habituer à la température.

Devereaux frissonna.

— Il fait chaud ici. J’ai chaud.

— Vraiment ? Ben, pourtant faut dire qu’il ne fait pas si chaud que ça, Devereaux, alors dites-vous que c’est pas bon signe. Allez prendre ce bain puis allez dormir. Nous verrons ce que nous ferons ensuite demain matin.

Devereaux avait fermé les paupières, mais il les rouvrit, et riva ses yeux incroyablement bleus Hutch avec un regard de gratitude.

— Jude. Appellez-moi Jude. Vous êtes un homme bien, vous savez ? Encore désolé de m’imposer à vous comme ça. Si vous êtes sûr qu’il n’y a pas de taxi…

Hutch s’abstint de lever les yeux au ciel.

— Sûr, pas au beau milieu de la nuit.

— Je ne connais même pas votre nom.

— Hutch.

— Hutch. Merci.

Les yeux de Jude se fermèrent de nouveau et il s’enfonça dans le canapé. Hutch profita de l’occasion pour approfondir sa fouille en l’inspectant de plus près et en explorant ses poches. Devereaux ne remua pas une seule seconde. Il ne portait pas d’armes sur lui, sauf s’il les cachait dans son cul, auquel cas, comme l’aurait dit son ancien camarade Moby D : il méritait bien de l’emporter. Top, roulement de tambour :badaboum.

Hutch laissa Devereaux se reposer sur le sofa pendant qu’il allait remplir le bain.

Chapitre Deux

 

 

HUTCH fit couler l’eau, prépara le thé et réveilla Jude pour lui faire avaler la boisson chaude. Jude grogna et frissonna dès la première gorgée, et Hutch l’obligea à boire la tasse entière.

Il s’assura que l’eau du bain était seulement tiède et non brûlante. Ce serait déjà un choc assez important pour son organisme. Hutch fit décoller Jude du canapé et le guida jusqu’à la salle de bain. La petite pièce était réchauffée par les vapeurs d’eau et par le chauffage d’appoint qu’il avait mis en marche.

— Comment vont vos mains ? Est-ce que vous pouvez vous déshabiller tout seul ? demanda Hutch d’un air détaché.

— Ça va. Ça va, je vais bien.

— Bon. Ça ne va être très plaisant pour vos extrémités, mais faites en sorte qu’elles restent immergées. Lorsque votre corps se sera habitué, vous pourrez vider un peu la baignoire et ajouter de l’eau chaude avec le robinet à votre gauche.

L’air épuisé, Jude acquiesça.

— Ne vous endormez pas dans le bain, lui ordonna Hutch d’un air grave.

Puis, il laissa Jude s’occuper du reste.

Une demi-heure plus tard, Hutch toqua à la porte de la salle de bain, sans obtenir la moindre réponse. Il ouvrit le battant et découvrit Jude endormi sur le sol, le corps recroquevillé sur lui-même pour s’adapter à l’étroitesse de la pièce. Sa peau était rose et encore un peu humide, et il était parvenu à enfiler le caleçon long et les chaussettes que Hutch avait mis à sa disposition. Ses lèvres étaient entrouvertes et il semblait profondément endormi. Il avait l’air presque fragile. Hutch connaissait bien ce type de sommeil. Il vous tombait toujours dessus après un affrontement ou un effort physique extrême. Le froid qui régnait ce soir-là et qui faisait tomber la température dans le négatif pompait l’énergie jusqu’aux os alors que votre corps tentait désespérément d’empêcher les parties les plus importantes – vos organes, votre cœur et votre foie – de geler.

Hutch positionna ses pieds de part et d’autre de Jude, s’accroupit et le souleva, hissant son invité entre ses bras. Il le porta jusqu’à la chambre et le déposa sur le lit, écartant la couverture de l’autre côté et l’y allongeant. Il borda la couette autour de lui et sortit une autre couverture du placard. Voyant que Jude ne bougeait pas d’un pouce, Hutch vérifia son pouls et sa respiration, mais tout paraissait fonctionner correctement.

De retour dans le salon, il fit plus minutieusement les poches de Jude, vérifiant chaque détail. Il y avait un smartphone hors de prix noir verrouillé par un mot de passe. Hutch ne tenta même pas de trouver la bonne combinaison. Il y avait le portefeuille en cuir de Jude. Il contenait presque trois cents dollars en espèces, un permis de conduire avec une photo de Jude, quelques cartes de crédit, une carte d’abonnement à une salle de sport, une autre de sécurité sociale et une photo de Jude avec les cheveux plus longs, jouant au volleyball avec un autre gars sur une plage ensoleillée. Sonamant ? Son frère ? Un ami ? Il y avait aussi le portrait d’une petite fille brune aux yeux bleus à l’air sérieux qui ressemblait étrangement à Jude. Sa sœur ? Sa fille ? Il y trouva également plusieurs tickets de restaurants californiens et un autre enregistré à l’aéroport de Paris.

Hutch remit tout à l’intérieur du portefeuille, puis il déménagea les affaires de Jude sur une chaise dans la chambre. Après être revenu dans le salon, Hutch mit en route son ordinateur portable. Il fit une recherche à propos d’un certain « Jude Devereaux » et trouva plusieurs personnes portant le même nom. Lorsqu’il tomba sur une photo du gars qui était actuellement en train de dormir dans son lit, il creusa un peu plus loin sa recherche. De toutes les choses les plus ridicules qu’il aurait pu trouver, Jude était mannequin. Il y avait des photos de lui sur une piste d’atterrissage dans un costume en tweed et un manteau noir, et d’autres pour une campagne Abercrombie & Fitch où il était l’un des six mannequins représentés, tous d’origines ethniques différents. Il avait également été photographié pour une publicité de voiture où il se tenait à côté d’une BMW bleue. Dans celle-ci, il était habillé comme un homme d’affaires multimillionnaire. Ses yeux étaient de la même couleur que la voiture.

Il ne paraissait pas être extrêmement célèbre, mais de toute évidence, il avait quand même un peu de succès. Hutch grogna, aussi amusé qu’écœuré. L’ami, ici en Alaska, tu dois être complètement dépassé par les événements, songea-t-il avec amertume. La station de ski la plus proche, au mont Aurora, pouvait bien se targuer de ses spectaculaires aurores boréales, mais même là-bas, l’endroit était toujours un peu reculé. Ce n’était pas vraiment Aspen.

Il fouilla encore un peu sans rien trouver pouvant indiquer que Jude avait un jour fait l’armée.

La connexion Internet était mauvaise à cause des chutes de neige de plus en plus intenses et Hutch finit par perdre patience. Il éteignit l’ordinateur et s’allongea sur le canapé avec une couverture. Il n’avait pas envie de fermer l’œil, pas avec un étranger chez lui, pas alors que tant de questions restaient encore sans réponses. N’empêche, les capteurs l’en informeraient si quelqu’un d’autre approchait de sa propriété et Jude n’allait sûrement pas reprendre ses esprits avant plusieurs heures. Hutch laissa sa conscience tomber dans un état de semi-éveil.

 

 

HUTCH se réveilla à l’aube. Derrière les vitres, seuls régnaient le silence et la neige qui tombait dehors. C’étaient les prémices de la tempête annoncée. La température était remontée à un tendre -2ºC, mais la neige tombait désormais abondammentpar gros flocons qui s’accumuleraient rapidement.

Il vérifia l’état de santé de Jude. Ce dernier était toujours endormi et respirait correctement. Sous la couverture, Hutch se saisit d’un de ses bras pour examiner sa main ; la peau avait repris une couleur normale, pâle et couverte de taches de rousseur. Satisfait, Hutch le laissa dormir.

Il était presque midi quand Jude montra le premier signe d’éveil. Assis à la table de la cuisine, Hutch entendit du bruit venant de la chambre et patienta jusqu’à ce que Jude arrive en traînant les pieds. Ses cheveux étaient ébouriffés et il nageait littéralement dans le caleçon long de Hutch. Il avait encore le visage chiffonné par le sommeil et semblait toujours un peu groggy.

Jude marqua un temps d’arrêt et dévisagea Hutch.

— Hé. Je pensais vous avoir complètement rêvé.

— Si vous m’aviez vraiment rêvé, je dirais que vous n’avez pas une imagination très fertile.

Jude examina Hutch de haut en bas dans une brève évaluation de sa personne.

— Oh, je ne sais pas trop. Je trouve que j’ai une imagination plutôt débordante. Il y avait de bonnes chances pour que je me réveille ce matin et que je découvre que mon sauveur n’était en réalité qu’un vieil homme édenté et pas… eh bien, pas vous.

Il y avait une ironie dans son ton et Hutch était presque sûr qu’il y avait un compliment dissimulé derrière ses propos. Il était aussi bien plus bavard qu’il ne l’avait été la veille au soir.

Hutch ne se laissa pas prendre au jeu.

— Il y a du café sur le plan de travail.

Il avait laissé une tasse propre près de la cafetière. Jude se servit.

— Il y a du lait dans le frigo, si vous voulez.

— Pas besoin, un café noir, ça me va très bien.

Jude déposa la tasse sur la table et s’y percha. Il scrutait Hutch de ses yeux bleus, avec bien moins de méfiance que la veille.

— Hutch, c’est ça ? Hutch tout court ?

Hutch hésita. Encore maintenant, son côté prudent l’incitait à en divulguer le moins possible sur lui.

— Vous n’êtes pas obligé de répondre, dit doucementJude. Je demande juste parce que les noms de famille en révèlent beaucoup sur une personne en principe. Par exemple : un O’Malley ou un Connelley sont des personnes très différentes d’un Washington, d’un Stellman ou d’un Fenniwinkle.

— Tiens donc ? Les États-Unis sont un vrai creuset pourtant. Un O’Malley peut tout aussi bien être un Juif noir habitant Brooklyn.

Jude haussa presque imperceptiblement les épaules.

— En général, dans chaque nom, on peut y associer quelque chose à une personne. Mais ce qui est encore plus révélateur, c’est quand quelqu’un refuse carrément de le donner.

Ses mots étaient légers, vivants, comme s’il était habitué à ce genre de badineries. Hutch, contrairement à lui, n’avait jamais été un grand bavard et après avoir vécu quasiment seul pendant deux ans, il était un peu rouillé lorsqu’il s’agissait de faire la conversation comme autrefois.

Il prit une gorgée de café.

— Loran. Hutch Loran.

— Ah.

Jude se laissa aller contre le dossier de sa chaise.

— Ouais, ça ne m’inspire vraiment aucune comparaison. Je suppose que vous serez mon premier Loran.

— Vous en avez, de la chance.

— Parfaitement d’accord.

Jude lui sourit par-dessus sa tasse de café.

— Merci de m’avoir recueilli et de m’avoir réchauffé la nuit dernière, Hutch Loran. J’imagine que j’aurais pu mourir là-dehors.

— Je dirais plutôt que c’est un vrai miracle que vous ne soyez pas déjà mort.

Hutch décida de laisser Jude prendre ça comme il le voulait. Le sourire de Jude s’effaça.

— Sûrement. Dites-moi… On est loin de la ville ?

— À environ treize kilomètres, à peu près.

— Sérieusement ?

Jude se passa nerveusement la main dans les cheveux. Sa coupe était si bien réussie que le geste fit parfaitement retomber ses cheveux sombres et ébouriffés par la nuit.

Hutch ressentit une pointe d’agacement au signe évident de richesse et de coquetterie. Il tourna les yeux vers la fenêtre.

— Je peux payer pour votre hospitalité. Et pour un taxi, si ça existe dans le coin. Et sinon, je peux régler les frais pour que vous m’emmeniez en ville. Encore désolé pour le dérangement.

— Pas besoin de me payer. Et pour ce qui est d’aller en ville, ça ne risque pas, aujourd’hui.

Le ton de Hutch trahit son impatience lorsqu’il fit un signe de tête en direction de l’épaisse couche de neige derrière la vitre.

— Je vois ça. Mais vous n’êtes pas censés être habitués aux chutes de neige en Alaska ?

— C’est ça, tout comme nous sommes aussi habitués à nous mettre à l’abri lorsque la visibilité et les coups de vent sont aussi catastrophiques que ça. La route pour descendre la montagne jusqu’en ville est raide. Si je vous y embarquais, même si nous arrivions à destination, ce serait trop risqué pour moi de remonter. Non, nous n’allons nulle part avant vendredi.

Hutch avait des chaînes à neige pour les pneus de son pick-up, mais aucune envie de sortir dans cette tempête. Jude Devereaux n’était pas sur son lit de mort, donc il pouvait encore ronger son frein quelque temps.

— Ça m’embête de devoir vous déranger pendant une si longue période. Attendez… on est quel jour aujourd’hui ?

— Mardi.

Les yeux de Jude se firent distants alors qu’il réfléchissait.

— C’est vrai. Nous sommes arrivés hier seulement. Seigneur, j’ai l’impression que c’était il y a des lustres déjà. Le pilote avait dit quelque chose à propos d’une tempête, je crois. Om… mon ami… lui aussi, il m’en avait parlé.

Les yeux de Jude s’assombrirent de colère et sa mâchoire se contracta nettement. Il était encore furieux à propos de quelque chose.

La perche tendue était trop tentante pour qu’il l’ignore. Hutch se pencha en avant, les coudes posés sur la table et les yeux fixés sur son invité.

— Vous êtes seulement arrivé hier ?

— Oui.

— D’où ça ?

— De Fairbanks. Et avant ça, de San Francisco.

Jude toisa Hutch prudemment.

— Avec qui ? Comment ça se fait que vous vous soyez retrouvé tout seul devant chez moi en plein milieu de la nuit ?

Jude arqua un sourcil comme pour dire : « Qui a dit que c’étaient vos affaires ? » Puis, il se redressa dans sa chaise, le regard inébranlable.

— Je suis venu ici avec un ami. Je n’avais pas réalisé que nous allions en Alaska. Je pensais que nous nous rendions à Vail ou quelque chose comme ça. Pour aller faire du ski, vous voyez ? Nous avons pris l’avion jusqu’à Fairbanks, puis un jet privé jusqu’ici lundi dans l’après-midi. Mon ami avait déjà loué un chalet bien approvisionné.

— Votre ami.

— Oui.

Jude avait dit « il ». Quel genre de mec en emmène un autre pour un voyage surprise en Alaska pour aller faire du ski ? Pas un hétéro. Qui que ce soit, la personne ayant entraîné Jude jusqu’ici avait de l’argent, beaucoup d’argent. Est-ce que Jude était du genre profiteur ? Le petit minet d’un milliardaire ?

— Vous êtes gay, alors ? le questionna crûment Hutch. Ou juste flexibles et ouvert aux offres les plus lucratives ?

Jude haussa un sourcil.

— Vous demandez pour vous ou pour un ami ?

Son ton était rieur, mais il y avait une note d’amertume, là aussi.

Le visage lisse, Hutch sentit une vague d’embarras le traverser. Jude poussa un soupir.

— Est-ce que je couche avec des hommes ? Oui. Est-ce que je le fais pour de l’argent ? Non. Désolé de vous décevoir, mais vous trouverez bien autre chose pour dépenser les petites économies que vous cachez sous votre matelas.

Hutch sourit. Il aimait bien le répondant de ce gars.

— Je crois que je vais m’en remettre.

— Et de votre côté ? Vu que nous en sommes aux confidences sur notre sexualité.

Hutch plissa les yeux, fronça les sourcils et se leva pour aller remplir à nouveau sa tasse de café. Le silence était pesant.

— Pardon, dit Jude, le ton léger. Ce ne sont vraiment pas mes oignons. Surtout vu que vous êtes assez généreux pour m’offrir le gîte. Vous m’avez sauvé la vie, vous savez. C’est pas des conneries.

— N’importe qui aurait fait pareil. En Alaska, on prend soin les uns des autres.

— Même des étrangers ?

— Surtout des étrangers, parce qu’ils sont trop stupides pour s’occuper d’eux-mêmes.

Jude pouffa.

— Je plaide coupable. D’un autre côté, je suis un vrai dieu sur les voies rapides de la I-110 1.

Jude était drôle et futé, et Hutch l’appréciait bien malgré lui, probablement parce que la plupart du temps, il n’avait personne à qui parler à l’exception de ses quatre murs. Mais cela ne voulait pas dire qu’il allait remettre son interrogatoire à plus tard. Il se rassit avec son café.

— Pourquoi est-ce que votre petit ami vous a emmené au mont Aurora au lieu d’aller à Vail ?

Jude haussa les épaules.

— Pour frimer. C’est original et plus périlleux. Plus pentu. Pendant tout le vol, il n’a pas arrêté de vanter la nature sauvage de l’endroit et de ses aurores boréales.

Il y avait une touche de colère dans les yeux de Jude. Hutch l’observa, patientant.

Jude secoua la tête et expira pour se calmer.

— La nuit dernière, j’ai compris que ce voyage n’était qu’une excuse pour pouvoir tout contrôler chez moi. Il était déjà trop tard pour lui échapper à partir de là et il n’y avait personne d’autre avec qui je pouvais rester. S’il n’y avait pas de bars ou d’établissements dans le genre dans le coin, c’était aussi pour qu’il puisse avoir toute mon attention. Je me souviens du moment où il a mentionné que nous serions pris dans une tempête de neige pendant plusieurs jours. C’est l’une des raisons pour lesquelles je me suis suffisamment mis en rogne pour me tirer de là-bas hier soir. Je ne voulais pas le laisser arriver à ses fins, ni qu’on se retrouve, lui et moi, coincés ensemble durant tout ce temps. Et je pensais que je pourrais me rendre en ville avant que les intempéries ne s’aggravent.

Jude se passa une main dans les cheveux, l’air frustré.

— Nous sortons ensemble depuis un mois seulement. Je sentais bien déjà qu’il avait une tendance possessive avant ce voyage, mais… Eh oui, c’est vrai : je m’emporte facilement. Je déteste quand on essaie de me piéger.

Hutch grommela. Honnêtement, cette histoire sonnait comme quelque chose que lui-même aurait fait. Il n’aimait pas non plus quand les gens essayaient de le tenir en laisse. Surtout qu’un gars comme Jude avait sûrement un paquet de prétendants.

— Et c’est quoi le nom du type en question ?

— Omar.

— Est-ce qu’Omar va partir à votre recherche ?

— J’en doute. Il ne m’a pas suivi après que je suis parti la nuit dernière.

— Il pensait sûrement que vous n’iriez pas bien loin et que vous reviendriez à un moment ou un autre.

— Peut-être.

— Mais vous êtes allé loin. Ça doit être un véritable enfoiré s’il n’est pas parti sur vos traces par ce temps-là.

— C’est ça, un enfoiré, commenta froidement Jude. Il imagine sûrement que j’ai réussi à atteindre la ville. Et même si ce n’est pas le cas, pour lui, je mérite certainement de mourir de froid après l’avoir rembarré.

Hutch grimaça.

— Vous croyez qu’il irait jusqu’à souhaiter votre mort ? Pourquoi est-ce que vous étiez avec lui, si vous le croyez vraiment ?

Jude sembla éviter son regard.

— Ce n’est pas ce que je pensais quand nous avons commencé à sortir ensemble, c’est sûr. Les gens cachent toujours leurs côtés les plus sombres. Tout ce que je dis, c’est que ça ne m’étonnerait pas que je l’aie assez énervé pour qu’il se fiche d’où je peux bien me trouver. Puis, même si ça lui importe, ce n’est pas comme s’il allait s’embêter à venir me chercher, pas par ce temps. Il n’est pas du genre à jouer les héros.

Hutch scruta le visage de Jude. Il n’avait pas du tout l’air inquiet. La neige avait commencé à tomber tôt dans la matinée, donc les traces laissées par Jude avaient certainement déjà été recouvertes. Mais elles devaient avoir été discernables pendant au moins quelques heures avant ça, à supposer qu’Omar les ait cherchées.

— Est-ce qu’Omar a des hommes avec lui ?

Jude parut confus.

— Des hommes ? Non. Il n’y avait que nous deux.

— Et le pilote qui vous a emmenés ici ?

— Il nous a quittés à l’aéroport. C’était juste la routine pour lui.

Jude fronça les sourcils.

— Écoutez, je réalise que je suis un indésirable ici, mais il n’y a pas de raison de tourner ça à l’interrogatoire. Y a aucun problème.

Ouais. Bien sûr. C’était toujours ce qu’on disait. Hutch se rendit jusqu’à son bureau, sortit une carte topographique du secteur et la déplia sur la table en déplaçant leurs tasses.

— Nous sommes ici.

Il pointa la zone dans laquelle se situait le chalet juste à côté de Camelback Road.

— Et là, c’est la ville.

Il montra une concentration de routes sur la droite de la carte.

— Est-ce que vous sauriez me dire où vous séjourniez ?

Jude poussa un soupir avant de se lever et de se pencher sur la carte. Son trouble transparaissait toujours, comme s’il pensait qu’il en faisait vraiment toute une histoire pour pas grand-chose, mais Hutch s’en fichait bien. C’était parce qu’il était consciencieux qu’il avait survécu aussi longtemps. Jude examina la carte pendant plusieurs minutes en retraçant les chemins avec son doigt. Ses mains étaient minces, manucurées et le perturbaient d’une façon tout à fait exaspérante.

Hutch ressentit de nouveau un certain malaise quant à l’étrangeté de l’apparition d’un homme tel que Jude Devereaux sur le pas de sa porte. Il était trop parfait. Et peut-être que la beauté avait bien le pouvoir de pénétrer vos pensées et de tout détraquer, mais pour Hutch, il y avait autre chose chez Jude, quelque chose qui allait au-delà d’une bonne génétique. De manière générale, Hutch n’était pas du genre à craquer pour l’apparence de quelqu’un. Il n’était pas de ceux qui bavaient sur des acteurs ou des calendriers sexy. Pourtant, Jude avait quelque chose de captivant. Il y avait de l’intelligence dans ses yeux, de l’humour, de l’astuce, de la transparence, de la franchise, tout à la fois. Pour un bellâtre dans son genre, il y avait aussi une touche inattendue de robustesse. Pas à la suite d’une expérience militaire, non, mais il semblait teigneux, comme quelqu’un qui ne se laissait marcher dessus par personne. Il fallait dire qu’il avait quand même plaqué quelqu’un au beau milieu des contrées sauvages de l’Alaska, après tout. Il fallait en avoir des belles. D’un autre côté, c’était aussi carrément stupide, mais il fallait en avoir quand même. Si Jude Devereaux avait été dans l’unité de Hutch dans les Marines, il aurait été son favori – sûrement comme l’avait été Randy.

Personne ne ressemble à Randy ou Moby D ou Fred. Alors, ferme-la.

Non, Jude n’était pas Randy. Malgré tout, il existait des personnes avec qui ça collait tout de suite, comme ça avait été le cas entre Randy et Hutch. Dès les cinq premières minutes avec Randy, Hutch avait su qu’ils allaient être amis. De bons amis. Les meilleurs. Il ressentait aussi cette connexion avec Jude, ce qui était aussi surprenant qu’illogique. Ils n’avaient rien en commun.