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Une société malade d'inégalités qui ne se résorbent pas. Une société éclatée en communautés qui ne parviennent plus à se parler. Des réseaux traditionnels qui permettaient de relier les individus - partis politiques, syndicats, religions...- en souffrance ou en perte d'influence. La conséquence est visible, de mouvement social en mouvement social : la France a du mal à se reconnaître dans un projet commun, susceptible de répondre aux attentes du plus grand nombre, et notamment des plus fragiles. A Lille, les SSF, fidèles à leur mission "penser ensemble pour agir et travailler au bien commun", ont dressé le diagnostic de cette France fracturée, mais aussi montré comment, sur tout le territoire, des femmes et des hommes se mettent au service de leur concitoyens. Expertises et analyses permettant de comprendre comment on en est arrivé là, mais aussi qu'il existe des chemins pour faire société, pour mieux vivre ensemble. Sans naïveté, mais sans désespérer de l'avenir.
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Veröffentlichungsjahr: 2020
Ouverture
Dominique Quinio
L
ES FRACTURES SOCIALES
:
DES RÉALITÉS ET DES PERCEPTIONS
Jérôme Fourquet
Fil rouge autour de la Pensée sociale chrétienne
Dominique Coatanéa
DES LIENS SOCIAUX EN MUTATION
Pierre Giorgini
Bernard Perret
Fil rouge autour de la Pensée sociale chrétienne
Dominique Coatanéa
Les Tables inspirantes
Fil rouge autour de la Pensée sociale chrétienne
Dominique Coatanéa
UNE SOCIÉTÉ EN QUÊTE DE SENS ET DE CONFIANCE
Claire Hédon
Nathalie Sarthou-Lajus
Mgr Laurent Ulrich
Xavier Bertrand
Clemens Ladenburger
Envoi
Dominique Quinio
Homélie de Mgr Ulrich
Sélection d’entretiens parus dans le journal
La Croix
L’histoire, les hommes, l’activité des Semaines sociales
Les sessions des Semaines sociales de France
Liste des ateliers et tables inspirantes
Index des intervenants
Bonjour à tous et merci à tous d’être présents ici à Lille. Un remerciement particulier à Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Lille, à Mgr Antoine Hérouard, évêque auxiliaire, et aux représentants du diocèse, au secrétaire général adjoint de la conférence des évêques, le P. Jean-Christophe Meyer (qui vient de prendre ses fonctions), aux responsables de la Catho de Lille qui nous accueille, Pierre Giorgini et Thérèse Lebrun, aux intervenants qui ont accepté de témoigner auprès de vous, aux membres des Antennes locales et régionales des Semaines sociales, et tout particulièrement à celle des Hauts-de-France. Merci à ceux que je connais et à ceux que je ne connais pas, aux habitués des Semaines sociales et aux autres. Et bienvenue aux jeunes étudiants de divers établissements catholiques d’Île-de-France qui viennent en éclaireurs pour préparer la rencontre que nous organisons en janvier prochain avec eux sur le même thème.
C’est toujours un honneur et une émotion que d’organiser une rencontre des Semaines sociales à Lille : ces terres, comme celles de Lyon, ont donné naissance à notre vieille association, prenant à bras le corps la « question sociale » du début du XXe siècle, réfléchissant à ce que le christianisme pouvait en dire au travers des premières encycliques sociales et élaborant des propositions pour redonner aux travailleurs, aux ouvriers, la dignité qui leur était due dans un contexte de révolution industrielle qui menaçait de les écraser.
Un siècle plus tard, il y a toujours une « question sociale », malgré les importants progrès de la protection sociale et de la solidarité obtenus au fil des ans. Mais des facteurs nouveaux sont entrés en jeu : la mondialisation de l’économie et la difficile régulation politique de cette économie globalisée, l’explosion numérique et, enfin, la conscience de l’urgence climatique. Autant de données qui ne peuvent être traitées isolément et qui se combinent entre elles, compliquant les réponses à apporter. En outre, l’individualisme – que l’on peut, dans une version plus positive, appeler volonté d’autonomie de la personne – a progressé dans une société devenue plurielle et multiculturelle, où chacun est tenté de se replier sur son univers proche, sa communauté.
Les modes de vie ont également changé : les réseaux traditionnels qui permettaient de créer des liens ont perdu de leur force, qu’il s’agisse de la famille, des corps intermédiaires comme les syndicats ou les partis politiques, des communautés religieuses. Ces lieux de médiation souffrent ; ils sont parfois trop ignorés des responsables politiques qui en méconnaissent la valeur et le rôle.
Cette nouvelle question sociale, nous avons voulu l’aborder avec vous durant ces journées. La France fracturée, cela ne date pas d’hier. Le fossé entre la France « d’en haut » et celle « d’en bas » (le vocabulaire, déjà, était stigmatisant), la distance entre les élites et le peuple, les gens à l’aise dans la mondialisation et ceux qu’elle inquiète, on les connaît. Les inégalités se sont installées et parfois aggravées, bien avant que n’éclate le mouvement des « gilets jaunes », ce mouvement dont en quelque sorte nous célébrons l’anniversaire, l’acte I, par nos travaux.
Le thème de cette rencontre, Refaire société, nous l’avions choisi avant ces événements mais ce qui s’est passé alors a redonné de la visibilité à cette fragmentation de notre société. Il n’y avait pas seulement rupture entre les plus pauvres et les plus riches mais se révélait la souffrance des personnes dites de la classe moyenne, des travailleurs, des retraités aux faibles revenus, des mères isolées, inquiets de connaître un jour un déclassement, de ne pouvoir vivre et consommer comme les Français plus aisés, amers de ne pas être reconnus, de ne compter pour rien, mais, surtout, inquiets pour leurs enfants.
Bien sûr, ce mouvement des « gilets jaunes » a surpris, dérangé les « experts », journalistes et politologues, agacé aussi, parce qu’il était protéiforme, qu’on ne comprenait pas toujours ses revendications, ni ses affiliations politiques (extrême droite ou extrême gauche), s’il y en avait ; puis s’est invitée la violence, insupportable. Mais on a mieux compris que les fractures étaient également territoriales, entre centres-villes et banlieues, entre les grosses métropoles (« arrogantes », ai-je entendu dans un débat à Bordeaux) et les zones rurales, désertées par les services publics. Certains parlent d’archipel français, on l’entendra tout à l’heure ; d’autres de mille-feuilles. On a vu que certains « gilets jaunes » n’avaient pas de relations avec des personnes vivant la même chose qu’eux, qu’ils n’avaient plus de lieux où se rencontrer ; sinon des ronds-points (la France n’en manque pas !) où s’expérimentait une véritable convivialité. Des lieux et des liens, c’est notre sujet. Comment relier les différents îlots de notre pays ?
Nous devons aussi travailler sur nous-mêmes : ne sommes-nous pas membres d’une certaine « élite », pas forcément financière, certes, mais culturelle, disposant des codes, de l’expérience, du savoir, de l’enracinement dont d’autres sont dépourvus. Qu’avons-nous fait de ces privilèges ?
Les Semaines sociales de France ont reformulé leur projet associatif, au terme de plusieurs mois de réflexion. Inspirés par ce renouveau, nous voulons que ces journées permettent d’enrichir le diagnostic sur l’état de notre société, par la parole des experts, certes, mais aussi par votre parole, vous qui vivez les réalités quotidiennes, sur le terrain, et qui y êtes engagés souvent. Nous voulons aussi que soit éclairé le rôle de tous ceux qui travaillent à restaurer des liens, à créer des lieux de rencontre. Car votre parole doit être entendue et écoutée. C’est l’enseignement que le mouvement des « gilets jaunes » et le Grand débat (avec leurs limites et leurs défauts) nous ont apporté. On ne peut décider « d’en haut » de l’avenir de nos sociétés, sans que chacun, à sa manière, à son niveau, participe à l’élaboration de solutions. Les associations qui travaillent auprès des plus fragiles – nous les entendrons aussi – nous l’enseignent : nous ne pouvons agir « pour » quelqu’un, sans faire « avec » lui. Ne vous étonnez donc pas d’être mis à contribution durant certains moments de notre rencontre.
Il ne faudrait pas qu’il y ait malentendu : refaire société, ce n’est pas rêver une société parfaitement uniforme et uniformisée dans laquelle tout le monde penserait la même chose. D’ailleurs, des étudiants, vendredi soir dans une rencontre à l’aumônerie de la Catho, ont contesté ce titre : pourquoi re-faire ? Sans doute est-ce un effet de l’âge de ceux qui ont choisi ce titre ! Notre société est diverse et pluraliste, c’est un fait. Il s’agit de trouver les moyens de confronter les différences, les oppositions, les convictions parfois diamétralement opposées, dans un débat serein et apaisé, où l’on accepte d’entendre les arguments de l’autre, de s’enrichir de ce dialogue. Pour travailler ensemble au bien commun. Être une école du débat, c’est une ambition des Semaines sociales, même si des actualités récentes nous montrent que, même dans des lieux comme une université, le débat n’est pas toujours possible.
Quand les Semaines sociales se sont créées, c’était pour donner de l’écho aux premières encycliques sociales. Aujourd’hui, c’est le pape François avec Laudato si', bien sûr, mais aussi avec l’exhortation apostolique Evangelii Gaudium, qui nous mobilise. J’aimerais, comme un rappel de la vocation des Semaines sociales, y faire référence par quelques citations. La dénonciation est ferme, dans la droite ligne de ses prédécesseurs : « Non à une économie de l’exclusion », « Non à la disparité sociale qui engendre la violence », écrit-il. Et sans mâcher ses mots, il assène : « La culture du bien-être nous anesthésie et nous perdons notre calme si le marché offre quelque chose que nous n’avons pas encore acheté, tandis que toutes ces vies brisées par manque de possibilités nous semblent un simple spectacle qui ne nous trouble pas beaucoup ». Sommes-nous de ceux qui ne sont pas beaucoup troublés ?
Ildefonso Camacho Larana, jésuite espagnol, professeur de morale à Grenade, résume ainsi la pensée du pape : « La cause ultime ne réside pas dans le système économique en lui-même mais bien dans l’anthropologie qui le sous-tend : la subordination de tout, y compris de l’être humain, aux exigences du marché. Ce n’est pas le marché qui est stigmatisé, ni l’argent, mais leur absolutisation. » De même, ce n’est pas la science ou la technologie qui est stigmatisée, mais leur absolutisation, ce que le pape appelle le paradigme technocratique. Dans Laudato si', le pape François introduit le facteur écologique, en liant la crise environnementale et la crise sociale : pour lui il est essentiel qu’« une vraie approche écologique se transforme toujours en une approche sociale, qui doit intégrer la justice dans les discussions sur l’environnement, pour écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres ». Ce qu’il appelle l’écologie intégrale.
Nourris de ces fortes paroles, souhaitons-nous une bonne écoute, respectueuse, des échanges vifs et fructueux et des idées à foison. Car nous ne sommes pas de ceux qui prédisent « l’effondrement », nous croyons aux forces et à l’efficacité de l’engagement commun ; nous croyons que notre société peut parler à la première personne du pluriel, dire « nous ». Nous ne nous en tiendrons pas au diagnostic partagé. Nous continuerons à travailler sur le thème ici abordé, l’année prochaine, pour élaborer, avec vous, des propositions susceptibles de redonner un élan commun à notre société. Rendez-vous pour l’envoi vers cet « Acte II » des Semaines sociales, à la fin de notre rencontre. Et belle rencontre à tous.
1 Dominique Quinio est présidente des Semaines sociales de France.
JÉRÔME FOURQUET2
Je vais essayer d’éclairer un diagnostic sur l’état de la société française en m’appuyant sur le livre que je viens de publier qui s’appelle L’Archipel français, dans lequel nous faisons le constat d’un degré de fragmentation très important. L’idée n’est pas de communier collectivement dans un âge d’or révolu où la société française aurait été homogène. Il y a toujours eu des différences sociales, culturelles et régionales importantes. Mais, historiquement, dans chaque village, il y avait les rouges et les blancs, ou les blancs et les bleus, suivant les périodes et les territoires, marqueurs d’une opposition historique entre un bloc catholique, d’un côté, et un bloc républicain et laïc, de l’autre, qui a donné sa cohérence et sa consistance à la société française, depuis la Révolution française jusqu’au milieu des années 80. Ces deux matrices structurantes – matrice catholique et matrice républicaine et laïque – se sont disloquées au cours des dernières décennies à une vitesse stupéfiante, entre les années 60-70 et aujourd’hui. C’est sur les décombres de ces deux matrices que le phénomène d’archipélisation a pu ensuite se déployer. Nous allons commencer avec la matrice catholique, la plus ancienne et la plus profondément enracinée. Nous allons parler ici, à l’université catholique de Lille, de déchristianisation. Vous avez évoqué Marcel Gauchet qui avait publié en 1985 Le désenchantement du monde dans lequel il parlait déjà du phénomène de sortie de la religion et avait même théorisé le fait que le catholicisme serait la religion sortie de la religion. Nous arrivons 35 ans plus tard et constatons que ce processus de déchristianisation, de sortie de la religion, collectivement, est sans doute arrivé à son stade terminal. Cela peut ne pas faire plaisir à entendre, mais nous allons nous appuyer sur des chiffres pour objectiver ce constat.
L’Ifop étant une vieille maison, nous avons retrouvé une enquête de 1961, à la veille de Vatican II, dans laquelle les enquêteurs interrogent les Français sur la fréquence à laquelle ils se rendent à la messe. À la question « Allez-vous à la messe tous les dimanches ou plus ? », 35 % des personnes interrogées ont répondu oui. À la demande de La Croix, nous avons réitéré ce sondage en 2012-13 pour évaluer le degré de pratique religieuse catholique. En posant exactement la même question pour pouvoir comparer les résultats, ce sont 5 % de personnes qui déclarent aller à la messe au moins une fois par semaine. Certes, les catholiques pratiquants étaient déjà minoritaires dans les années 60 avec 35 %, mais c’est une sacrée minorité de blocage et c’était majoritaire dans des pans entiers de la société avec tout un écosystème qui gravitait autour d'elle : une presse, des associations, des fondations, des intellectuels, ce qui donnait un poids substantiel à cette culture catholique. Aujourd’hui, à 5 %, les catholiques n’ont pas disparu, ils sont très actifs et présents au quotidien, mais ils ne représentent plus qu’un des îlots de l’archipel français alors qu’il y a 50 ans, ils en étaient l’un des piliers constitutifs.
Il faut aller un cran plus loin pour prendre l’ampleur de ce processus de déchristianisation et ne pas s’arrêter à l’indicateur du taux de remplissage des églises le dimanche. Il faut mesurer que l’influence culturelle du catholicisme a aussi énormément perdu de terrain. Dans mon livre, nous nous appuyons sur des sondages ainsi que sur certaines données qui peuvent paraître futiles, mais qui sont éclairantes, comme le choix des prénoms donnés aux enfants qui naissent. Le fichier de l’Insee recense 84 millions de naissances. Si l’on prend uniquement le premier prénom, le prénom Marie, par exemple, est donné à 20 % des petites filles qui naissent en France en 1900. C’est une moyenne nationale : on est à 10 % en Île-de-France alors que dans des régions catholiques comme les Vosges ou le Finistère, on atteint 50 %. Aujourd’hui, la moyenne nationale est à 0,3 %. Pour les garçons, le prénom Jean représentait 16 % en 1900 et atteint à peu près le même niveau que Marie aujourd’hui. Nous avons observé un engouement, dans les années 40-50, pour les prénoms composés à partir de Marie ou de Jean, ce qu’on peut analyser comme une étape intermédiaire dans le déclin de cette culture catholique, mode qui durera environ 15 ans.
Franchissons une troisième étape dans cette analyse de la déchristianisation de la société française, en allant plus loin que d’aller à la messe, baptiser ou non son enfant ou quel prénom lui donner. La culture judéo-chrétienne a légué à la société française une série d’axiomes qui n’étaient pas discutés, relatifs à des sujets aussi variés que le rapport au corps, la composition de la famille, la hiérarchie homme/ animal. Il n’y avait aucun débat sur ces sujets, que l’on soit chrétien ou non, il y avait consensus. Concernant le rapport au corps, les morts ont été enterrés pendant des millénaires alors qu’une majorité de Français veulent aujourd’hui être incinérés. Si l’on observe une pratique combattue par l’Église, et peu répandue sous nos latitudes, celle du tatouage, 18 % de la population française est tatouée aujourd’hui – 1 % pour les plus de 65 ans, 30 % pour les moins de 35 ans – et l’on dénombre 4 000 artisans tatoueurs en France. Des choses incongrues se sont banalisées, très parlantes sur l’évolution de notre rapport au corps.
Autre axiome qui ne portait pas au débat : la hiérarchie homme/animal. L’animal a été créé par Dieu pour être au service de l’homme et, accessoirement, pour être mangé. Vous avez peut-être remarqué, aux élections européennes, la présence du Parti animaliste qui a fait 2 % des voix qu’on peut rapprocher des 2,5 % du Parti communiste. On peut aussi constater la montée en puissance des revendications d’un certain nombre d’associations sur certains secteurs économiques, celui de l’élevage, des abattoirs, la présence des animaux dans les cirques, etc. Tous ces symptômes qui peuvent paraître déconcertants doivent être considérés globalement comme des symptômes d’une sortie de ce référentiel judéo-chrétien et de l’entrée progressive de la société française dans autre chose.
Sur la question de la bioéthique, quand on interroge les Français sur la Procréation médicalement assistée (PMA), si la question est ainsi libellée « Êtes-vous favorable à un élargissement du droit à la PMA ? », la tendance est au « oui ». Si on rappelle que ce droit s’adressera aux couples de femmes et aux femmes seules, ce qui fait que leurs enfants n’auront pas de père, on obtient du 50/50. Quand on décline les résultats par tranche d’âge, deux tiers des 65 ans et plus, avec cette formulation, y sont opposés, alors que deux tiers des moins de 35 ans y sont favorables. Compte tenu de la pyramide des âges, les générations issues du baby-boom pèsent encore significativement et sont porteuses de cette vision traditionnelle de la famille, de la procréation, parce qu’elles se sont construites dans cette France d’avant où ces éléments étaient structurants. Les générations suivantes se construisent dans un référentiel qui n’a plus grand chose à voir. Nous ne prenons pas encore pleinement la mesure du basculement en train de s’opérer, à la fois au rythme du renouvellement des générations, mais aussi de la législation qui modifie les cadres de référence. Nous assistons à un basculement anthropologique.
Face à la dislocation de ce pilier catholique a répondu la dislocation d’un pilier républicain et laïc, le Parti communiste. Une contre-culture s’était créée et certains sociologues parlaient même de « l’Église rouge ». Être viré du Parti communiste dans les années 60-70 était aussi douloureux pour un communiste que d’être excommunié pour un catholique. Il perdait tout, son estime, sa famille, ses relations, sa boussole. Ce monde communiste s’est effondré. Jusqu’à la fin des années 1970, le Parti communiste faisait 20-25 % des voix, pour arriver à 2,5 % aux dernières élections européennes. En 30 ans, le score du parti a été divisé par 10. La brique élémentaire de cette contre-société communiste, c’était la « mairie rouge » dans les banlieues ou les territoires ouvriers, avec les logements sociaux, les associations de locataires, les comités de quartier, les emplois municipaux, la vente des journaux, la distribution de tracts, les colonies de vacances. Au faîte de sa puissance, le Parti communiste, dans la fameuse banlieue rouge en Île-de France, contrôlait 130 mairies contre une vingtaine aujourd’hui. À l’instar des catholiques pratiquants, les communistes n’ont pas disparu, mais ils ne sont plus également qu’un des îlots de l’archipel français.