Rouge, impair et mort - Pascal Dague - E-Book

Rouge, impair et mort E-Book

Pascal Dague

0,0

Beschreibung

Jade… est le nom de code de Mandy Bronker’s, une tueuse à gages qui a des principes. Elle n’exécute les contrats que ses commanditaires lui proposent que si elle estime que ses futures victimes le méritent.

Elle a des principes, « la Demoiselle », et elle émet des jugements sur la société d’aujourd’hui. Jade a une vision du bien et du mal assez précise. Les méchants, pour Mandy, ne sont pas forcément toujours ceux que l’on croit !


À PROPOS DE L'AUTEUR


Pascal Dague - Pour des raisons de sécurité, il ne peut se présenter comme il aimerait le faire… Il a servi son Pays en y mettant toute son énergie, toutes ses forces. Entre enthousiasme et écœurement. Il a aussi protégé certaines personnalités venues de mondes très différents, au péril de sa vie. Il a enfin, sous la direction de services secrets étrangers, accompagné, quelques fois, de hauts dignitaires jusqu’à leur dernière demeure… Mais quelles qu’aient été ses missions, il a toujours eu une passion pour l’écriture. Sauf que personne ne l’y a encouragé. Jamais ! … D’aucuns pensent sûrement que son « métier » a fait de lui un individu insensible et froid, ils se trompent lourdement. Il est tout le contraire.

Il en veut pour preuve le prix d’Excellence reçu en octobre 2020 par Bibliotheca Universalis et Horizon Littéraire Contemporain, dû au chantre d’amour de ses textes. Quelque part, l’écrivain est un enquêteur, un enquêteur sentimental qui traque l’information jusqu’à satisfaire sa curiosité. Rien n’est simple, rien n’est écrit d’avance, la liberté se sculpte avec le temps. Faut-il encore la prendre pour lui donner toute son importance. Le repos d’une vie est à ce prix





Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 285

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Pascal DAGUE

ROUGE, IMPAIR ET MORT

Nom de code : Jade…

RÉSERVÉ À UN PUBLIC AVERTI

PRÉSENTATION

Je suis Mandy Bronker’s… Nom de code : Jade. 35 ans, artiste peintre, côté face. Je suis aussi tueuse à gages, côté pile. Deux faces d'une même personne ? Non, pour moi, c'est la même.

Tueuse à gages : « Oui, je tue ! ». C’est mon métier…

Je suppose que vous vous dites que je devrais avoir honte de faire un métier aussi méprisable, abject même. Vous pensez que je devrais ressentir du dégoût de faire ce genre d’ignominies, d’abominations. Pour de l’argent surtout ! Détrompez-vous. Je n’en éprouve aucune honte. J’ai rarement des regrets ou des remords après avoir exécuté un contrat. Car voyez-vous, contrairement aux rois, souverains ou chefs d’État qui se sont succédé au fil des siècles, qui ont déclenché des guerres sanglantes, des massacres, des génocides, qui ont détruit, intrigué et utilisé des personnes comme moi, qui ont entraîné la mort de millions de gens, hommes, femmes et enfants, mon action à moi est ciblée, ajustée, adaptée, chirurgicale, spécifique. Mon action est choisie, même. Après mon passage, le monde s’en porte généralement mieux ! Mes victimes sont la lie de la société. Souvent, ce sont des criminels, des trafiquants, des exploiteurs, des personnes qui ont échangé leur âme et leur honnêteté contre un pouvoir, contre de l’argent. En clair, des personnes qui causent du tort à la communauté. Vous m’attendiez au tournant. Vous allez me dire que les commanditaires de mes assassinats sont du même acabit que mes victimes. Que je suis payée avec de l’argent sale. Préjugés ! Vous ne savez rien de ces gens ni de leurs motivations, tout comme vous ne savez rien de moi et de mon métier. D’ailleurs, puisqu’on en parle ! Vous ? Que savez-vous de l’argent que vous gagnez ? Que connaissez-vous des pratiques éthiques de vos employeurs ? Vous êtes fonctionnaire ? Encore pire, si vous connaissiez les motivations de ceux qui se font appeler « nos dirigeants », vous savez, ceux que vous avez élus ! Votre argent est-il propre ? J’en doute. De toute manière, votre façon d’en profiter ne l'est pas forcément. Que savez-vous des conditions de fabrication du téléphone à 1.700 € que vous utilisez ou, tiens, exemple plus simple, du t-shirt que vous portez, là tout de suite, en ce moment ? Oui, celui-là ! À quel prix a-t-il été fabriqué ? À quel prix humain surtout ! Cherchez-vous à le  savoir ? Non, vous continuez à l’acheter à 100 fois le coût de sa fabrication, sans vous poser de questions. Alors, s’il vous plaît, pas de jugements hâtifs sur mon métier. Parce que voyez-vous, je désinfecte, j'assainis, je cautérise, j’aseptise en éliminant la mauvaise graine de ce monde. Un peu comme les antibiotiques qui protègent vos organismes de l’infection, en détruisant les bactéries néfastes ou les vaccins qui vous immunisent contre les virus. Un peu comme les corbeaux et les pies qui nettoient les carcasses des animaux morts sur le bord des routes. Ceux que vos voitures ont écrasés… En clair, je fais partie de ceux qui se sont dévoués pour rendre votre, notre monde meilleur. Je suis, en quelque sorte, l’incarnation de votre face sombre. Parce que n’allez pas me faire croire que vous n’avez jamais rêvé de faire disparaître quelqu’un !

Alors, bien sûr, vous n’avez jamais franchi le pas, c’est évident. Pour vous, ce ne sont que des mots. Vous êtes policés, vous êtes civilisés, vous êtes… humains. Ma raison d’être c’est que certains osent franchir le pas et vont au-delà du fantasme et de l’envie. Ils sont peu nombreux, mais suffisants pour assurer un bon revenu aux personnes dans mon genre. D’ailleurs, je suis très bien payée pour ce que je fais. Mais attention, je choisis toujours mes cibles. Je ne tue que ceux qui, selon mes critères, le méritent. Il m’arrive même de tuer des personnes sans contrat. Juge et partie ? Oui ! Si la justice existait, je ne serais sûrement pas obligée d’en arriver là. Le crime n’est plus puni de nos jours. Plutôt, la notion de crime, de bien, de mal a évolué. J’ai tué des trafiquants, des maris violents, des femmes et des hommes qui l’ont mérité, qui ont abusé du pouvoir qui leur a été donné. Mais je digresse…

La discrétion est la qualité première d’une bonne tueuse à gages, si elle veut un tant soit peu survivre dans ce métier… Quand Jade entre en scène, Mandy Bronker’s disparaît. Quand Mandy est là, vous ne verrez jamais Jade, qui évolue dans un univers parallèle au vôtre. Pour le commun des mortels, dont vous faites partie, Jade n’existe pas !

Jade apparaît, frappe et disparaît aussitôt. Une ombre est passée. Vous ne l’avez pas vue, ou vous l’avez juste entraperçue sans vous rendre compte de sa présence. D’ailleurs, avant que je ne vous en parle, aviez-vous déjà entendu prononcer le nom de Jade ? Non ! C’est certain, puisque Jade n’existe pas pour vous, et puisqu’en principe, vous n’aurez jamais affaire à elle. Ne connaissent l’existence de Jade que mes commanditaires, et mes victimes. Et encore, mes victimes perçoivent généralement ma présence trop tard pour elles. Vous ne faites partie ni de la catégorie des commanditaires ni de celle (tant mieux pour vous) des victimes de Jade. Jade avance masquée, évolue dans le Darkweb, perçoit ses émoluments sur des comptes aux îles Caïmans, ou Turques-et-Caïques. Jade n’est pas traçable, Jade n’est pas, d’ailleurs…

Dans mon champ d’activité, je suis une experte de premier plan. J’ai fait de longues études universitaires, me spécialisant dans différents domaines qui me sont fort utiles aujourd’hui… Notamment les sciences humaines comme la psychologie, la philosophie, la sociologie, l’histoire, mais aussi le droit. J’ai deux masters, un en « Civilisations, cultures et sociétés » et l’autre en « Histoire de l’art ». J’insiste bien sur le fait que je choisis mes cibles, je ne m’attaque qu’à celles qui le méritent selon des critères que j’ai prédéfinis. Avant d’accepter un contrat et de l’exécuter, je veux tout savoir de mes cibles, de celles que je vais effacer, leur vie, leurs penchants, leurs habitudes. Tout. Pour moi, elles doivent être des éléments nocifs pour la société. C’est obligatoire. Cette partie du travail est celle que je préfère. C’est ce que j’appelle « la traque ». L’acte de les tuer n’en est que la finalité, en quelque sorte…

CHAPITRE 1 - Copenhague

La nuit est déjà tombée en cette fin d’après-midi du début de l’hiver. Une ombre se déplace sur le toit-terrasse, au 52e étage, du Petersen Building, dans le quartier des affaires de la capitale danoise. L'ombre quitte le chemin balisé par les lampes LED sur le sol, et s'aventure sur le gravier vers le bord du toit. Les pas légers et discrets de l'ombre font à peine crisser les cailloux. Arrivée près du muret qui sépare le toit du sol, 150 mètres plus bas, Jade s'accroupit, pose la petite valise qu'elle transporte, l'ouvre, et en extirpe les pièces d'un fusil de précision, afin de les assembler. Puis, Jade pose le trépied du fusil sur le bord du muret, s'agenouille derrière, colle son œil à la lunette de visée et oriente l'arme vers l'immeuble situé en face, 300 mètres plus loin. Elle compte depuis le toit, situé au 60e, les étages, afin de se positionner sur le 47e. Les fenêtres sur la gauche sont éclairées. Elles correspondent à la salle du conseil d'administration de la RFT Inc., un trust scandinave. C'est ce que Jade a découvert sur les plans en forçant un peu l'entrée du site internet de RFT Inc. Les membres du conseil d'administration sont en train de s'installer. Pile à l'heure ! Ponctuels, les Danois ! Jade repère sa cible, en train de s’asseoir sur le fauteuil au bout de la table ovale. Elle fixe son objectif sur le visage de la cible : Sven Carlsen, le PDG de RFT Inc. C'est bien lui, sa cible…

Jade a reçu, il y a deux semaines, un mail anodin sur sa boîte personnelle, lui indiquant que la période des promotions avait commencé sur un site de lingerie coquine. Ce message était une alerte. Il signifiait que Jade avait une proposition de contrat. Pour en savoir plus, elle devait se connecter sur un site du Darkweb. En tapant un code (l'initiale du 7e mot du mail sur le site de lingerie, celle du 25e, du 13e, du 24e, du 71e, du 1er et du 11e) et elle avait accès au dossier concernant sa proposition de contrat. Ce dossier contenait les photos et tous les renseignements relatifs à sa cible. Si Jade acceptait le contrat, il lui suffisait de passer commande d'un string sur le site de lingerie. La moitié de la somme, soit 250.000 euros, était ensuite versée sur un compte aux Bahamas.

Elle positionne la croix de sa lunette au milieu du front de Sven Carlsen. Elle cale bien la crosse du fusil au creux de son épaule, bloque sa respiration, joue avec son index sur le ressort de la détente afin de trouver le point de blocage.

Une cible n'est pas qu'une cible. Jade a un minimum d'éthique. Elle n'exécute un contrat que si la cible le mérite, selon elle. Elle s'est renseignée sur ce Sven Carlsen, sur sa carrière, sur son ascension jusqu'au sommet. Elle a lu avec attention l'article de ce journaliste d'investigation (il en reste !) publié il y a deux ans. Le journaliste s'est rendu au Bangladesh, visiter les usines d'un des prestataires de RFT Inc. Il a raconté ce qu'il a vu. Les hommes, les femmes, les enfants aussi, travaillant pour ces prestataires, donc indirectement pour RFT, dans ce hangar surchauffé par le soleil, alignant les journées de 14 heures, dans les pires conditions qui soient, le tout pour un salaire permettant tout juste de survivre. Il a interrogé ce père à qui il a demandé pourquoi il amenait ses enfants (7 et 10 ans) avec lui à l'usine. Le salaire qu'on leur donnait, à lui et à sa femme, ne permettait pas de faire vivre la famille. Faire travailler les enfants était une obligation. Tout ça pour quoi ? Pour amasser quelques millions d'euros en plus à l'autre bout de la chaîne, donc chez Carlsen. Quel intérêt peut-on avoir à gagner toujours plus d'argent au détriment de la planète et d'une grande partie de ses habitants, alors qu’on n’aura jamais la possibilité d'en dépenser un dixième, même si on vivait 100 vies à la suite ?

Aucun remords chez Jade au moment de bloquer sa respiration et d'appuyer enfin d'un coup sec sur la détente. On peut être tueuse à gages et avoir des principes et une éthique ! Et sa cible est une belle pourriture. Jade, la tueuse au sang-froid, va entrer en action. À cette distance, aucune perturbation ne doit venir interférer sur le tir. Pas de tremblement, pas le moindre mouvement.

La munition est extraite du canon de l'arme, et s'en va rencontrer sa cible en un dixième de seconde. Jade n'a même pas le temps de relâcher sa respiration, que le métal pénètre le crane de Sven Carlsen. Elle se ressaisit juste après le moment de déconcentration qui suit le tir. Elle repose son œil sur la lunette, juste le temps de voir le fauteuil de Sven Carlsen basculer en arrière.

Jade saisit son smartphone dans la valise à ses pieds, et consulte le site du Petersen Building, qu'elle a hacké il y a une demi-heure. Il lui reste 2 min 35 avant le redémarrage du site de sécurité de l'immeuble et donc la reprise de la surveillance vidéo. Timing parfait ! Puis, elle démonte son fusil et le place dans la valise, recherche et ramasse la douille tombée à ses pieds, avant de s'éloigner du bord du toit et de regagner la porte d'accès. Elle dévale les marches de l'escalier en métal qui la ramène au dernier étage de l'immeuble. Elle s'engouffre dans un local technique où elle a laissé le reste de ses affaires. Jade se saisit de l'ordinateur portable, qu'elle avait laissé connecter avant de monter sur le toit. Le système de sécurité de l'immeuble va se remettre en route. Elle attend quelques secondes avant d'appuyer sur le bouton « shutdown ». Elle a maintenant environ six minutes avant qu'il ne se relance à nouveau et que les caméras de sécurité ne se remettent en route.

Six minutes, un peu juste pour quitter l'immeuble, mais suffisant pour changer sa physionomie et atteindre au moins le hall de sortie… Jade quitte sa tenue sombre qu'elle portait pour sa mission sur le toit : leggings, haut moulant, cagoule, gants, lunettes de snowboard, bottines, non pas qu'elle ne voulût pas être reconnue, les caméras n'étant pas opérationnelles. Elle ne voulait surtout pas laisser la moindre trace d'ADN sur les lieux du tir. La police scientifique va, en effet, passer au peigne fin le toit de l'immeuble. Son ADN n'est fiché nulle part, ce n'est pas aujourd'hui que ça va commencer. Une fois nue, elle se rhabille rapidement d'un tailleur noir, d'une perruque rousse, d'une paire de lunettes en écaille. Elle rajoute un peu de coton dans sa bouche à l'intérieur de ses joues, pour changer sa physionomie. Elle consulte l'ordinateur, avant de le fermer et de le remettre dans la valisette. Encore 4 min 22. Jade ajoute les vêtements sombres dans la valisette, et quitte le local technique. Une porte lui permet de rejoindre l'escalier qui la ramène de l'étage technique aux étages de bureaux. Elle se dirige vers la batterie d'ascenseurs et appuie sur le bouton d'appel. Une cabine monte vers elle. Elle est douze étages plus bas. Enfin, le « ding » retentit et les portes s'ouvrent. Elle presse sur le bouton du rez-de-chaussée, avant de consulter son smartphone : encore 1 min 12 avant la relance du système de surveillance. Elle est à l'abri. L'ascenseur s'arrête à différents étages, où entrent des employés quittant le bureau. C'est parfait, Jade va atteindre le rez-de-chaussée au milieu d'un groupe d'employés. Les caméras ne verront rien de particulier ni de significatif. L'ascenseur arrive enfin au niveau zéro. Jade sort de la cabine et traverse le hall avec une dizaine de personnes. Du coin de l’œil, elle observe les vigiles, qui ne semblent pas plus que ça sur le qui-vive. Pareil, elle repère une caméra de surveillance qui balaye le hall et sa petite lumière rouge qui indique qu'elle est en service. Les bandes qui seront étudiées ne montreront qu'une employée rouquine quittant le bureau au milieu de ses collègues. Une fois sur le parvis, l'attention de Jade est attirée par les gyrophares de véhicules de police, des pompiers ou bien d'ambulances au pied de l'immeuble d'en face. Des sirènes retentissent et indiquent que d'autres véhicules de secours convergent vers les lieux. Jade s'éloigne sur le parvis vers le boulevard en contrebas. Elle hèle un taxi : « À la gare centrale ». Un véhicule de police circulant à vive allure croise le taxi, alors que le taxi s'éloigne… Une fois sur la banquette à l'arrière du taxi, Jade se détend enfin. Elle se connecte via son smartphone à son compte numéroté aux Bahamas et vérifie que la seconde partie de la somme due a bien été versée. Les 250.000 euros sont bien arrivés. Juste histoire de s'amuser un peu, elle procède à un nouveau « shutdown » du site de sécurité du Petersen Building, avant de se déconnecter, un sourire aux lèvres…

Arrivée à la gare de Copenhague, Jade se dirige vers la consigne. Après avoir ouvert le numéro 17, elle pose la valisette qui contient le fusil et tout le matériel qu'elle a utilisé pour exécuter le contrat. Elle y ajoute le passeport au nom de Selma Larsson, de nationalité suédoise, qu'elle a utilisé pour son court séjour sur le territoire danois, le temps d'exécuter son contrat. Dans les jours qui suivent, une personne envoyée par le commanditaire viendra récupérer le tout. Jade s'empare d'un sac de voyage qui se trouve dans la consigne. Elle se dirige ensuite vers les toilettes de la gare, s'enferme dans une cabine et enfile les vêtements du sac de voyage. Un pull, un jean et un blouson de cuir. Elle s'assure que, dans la poche du blouson, se trouvent le passeport au nom d'Amélia Van de Velde, de nationalité hollandaise, ainsi que son billet de train. Après un crochet par la consigne pour y déposer le sac avec les vêtements de working girl et la perruque rousse, Jade se dirige vers les quais, à la recherche du sien à destination de Hambourg.

Une fois que le train a quitté Copenhague, Jade se détend complètement. Il y a trois autres personnes dans son compartiment. Un homme d'affaires affairé, qui consulte un ordinateur portable, une toute jeune fille arborant quelques piercings et avec un énorme casque sur les oreilles qui dodeline de la tête au rythme de la musique qu'elle écoute et une femme d'environ 45 ans, blonde, distinguée et très belle. Surtout, le regard de Jade est aimanté sur les cuisses de la femme, largement découvertes du fait des jambes croisées haut. Cette femme a vraiment de jolies jambes et Jade prend le risque de les photographier en gros plan, avec son smartphone, le plus discrètement possible. Elle se racle la gorge au moment du clic-clac du déclencheur. Elle passe plusieurs minutes à regarder alternativement la photo et les cuisses de la femme en face d'elle, avant de fermer les yeux et de laisser son esprit vagabonder. Avant de s'assoupir, Jade est en train de s'imaginer rejoindre la femme allongée sur un lit, nue et lascive. La jeune fille, toujours avec son casque sur les oreilles, les observe s'embrasser sur le lit. N'y tenant plus, elle pose son casque et rejoint le duo sur le lit. Les deux femmes la déshabillent avant de l’entraîner dans leurs caresses. Voilà le scénario que Jade est en train de s'imaginer avant de s'assoupir…

Le train entre en gare de Hambourg aux alentours de minuit. Après un dernier regard vers ses deux compagnes de jeux virtuels, Jade quitte le compartiment et le wagon, sort de la gare et se dirige vers la BMW, qu'elle a louée le matin même à Berlin. Elle fouille dans la boîte à gants pour en sortir un nouveau passeport. Cette fois, c'est le sien, celui de sa véritable identité : Mandy Bronker’s. Et Mandy Bronker’s est une artiste peintre parisienne d’une trentaine d’années, qui rencontre un certain succès avec ses œuvres figuratives, inspirées d'Edward Hopper. Elle expose en ce moment à Berlin, d'où sa présence dans la capitale allemande. C'est la couverture rêvée pour endosser l'identité de Jade l'espace d'une journée.

Une fois Hambourg derrière elle, Mandy enfonce l'accélérateur de la BMW sur l'Autobahn. Elle se sent lasse, et a l'intention de parcourir la distance entre Hambourg et Berlin en beaucoup moins que les 3 heures 30 nécessaires. Le compteur annonce 250km/h et les kilomètres défilent. Elle laisse parler les chevaux de la grosse cylindrée. Il est deux heures trente quand Mandy gare la voiture près de son hôtel de luxe dans une avenue berlinoise. Après avoir demandé son passe à la réception, elle regagne sa suite et se jette sur le lit king seize. Cette fois, c'est terminé ! Après l'exécution d'un contrat, Mandy se relâche complètement. Ses muscles tendus et noueux jusqu'à présent se détendent. Elle se sent comme dans de la ouate, comme après un massage. Mandy se déshabille et enfile un kimono en soie. Le doux contact du vêtement sur son corps nu est tout à fait agréable. Pour que sa détente soit complète, elle sait de qui elle a besoin : calmer aussi sa libido ! Elle s'empare de son smartphone, pour regarder à nouveau la photo des cuisses de la voyageuse du train. Cette femme et la jeune passionnée de métal l'ont bien émoustillée. Mais non, elle ne va pas se calmer toute seule en se caressant sur le lit, même si elle en a vraiment envie. C'est comme un rituel, après chaque contrat, Mandy se connecte sur un site, toujours le même. Celui d'un réseau international de call-girls haut de gamme (et hors de prix).

Depuis la page d'accueil, Mandy sélectionne les filtres. La ville d'abord : Berlin. 17 filles sont disponibles à cette heure de la nuit. Le filtre suivant concerne l'ethnicité des call-girls : Mandy sélectionne « toutes ». Ensuite vient la couleur des cheveux : « toutes » encore. Enfin, le dernier filtre correspond aux préférences sexuelles. Entre « rencontre “les hommes”, “les couples” et “les femmes” », Mandy choisit « les femmes ». Il reste trois modèles disponibles en fonction des préférences de Mandy. Amandine, une rousse flamboyante, Johanna, une superbe black et enfin Hannah, une blonde. Mandy, consulte le détail des profils des trois filles. Amandine, la rousse, est superbe. Son choix semble se diriger vers elle, dans un premier temps. Par contre, elle est spécialisée dans la domination. Mandy n'a rien contre de la soumission soft, bien au contraire. Toutefois, ce soir, elle a envie de tendresse. Elle élimine Amandine à regret, d'autant plus que les photos d'elle nue sur son profil sont à faire saliver. Il faudra qu'elle revienne à Berlin ! Reste Johanna et Hannah. Après avoir longtemps hésité, pesé le pour et le contre, elle écarte la black. Sa dernière conquête à Paris était une Américaine à la peau chocolat, Ashley. On va varier un peu les plaisirs, une blonde, allons-y. Hannah est tout aussi magnifique que Johanna. Elle a 25 ans, est grande (1m80), a une belle poitrine et un postérieur de princesse. Elle sélectionne sur le profil de Hannah le numéro d'appel. Il se compose directement sur son smartphone. Une voix féminine prend la communication. Elle indique qu'elle souhaite réserver avec Hannah, choisit l'option « pour la nuit », donne son numéro de carte bancaire. Le temps de la transaction, elle communique le nom de son hôtel et le numéro de chambre. Une fois la transaction passée, la voix féminine lui annonce que Hannah sera à son hôtel dans une demi-heure. Mandy appelle la réception de l'hôtel pour avertir qu'une jeune fille va la demander d'ici une demi-heure, qu'on peut la laisser monter à sa chambre :

⸺ Qu'avez-vous comme champagne ?

Pendant que son interlocuteur énumère les champagnes, elle se repasse les photos d'Hannah nue sur le site.

⸺ Vous n'avez pas de Cristal ?

⸺ Non !

⸺ Montez un Veuve Clicquot millésimé alors ! Frappé, d'ici une vingtaine de minutes, s'il vous plaît.

Le champagne attend sur son lit de glace dans son seau, lorsqu'on frappe à la porte de la chambre. C'est sûrement Hannah…

C'est bien Hannah. Elle est superbe. Les photos sur le site ne sont pas retouchées. Hannah est même plutôt plus belle en réalité que sur les photos. Mais Mandy n'a jamais été déçue par ce site de rencontre. Hannah domine du haut de ses 1m80, plus les talons aiguilles Mandy, pourtant pas vraiment petite. Elle a les traits fins. Ses cheveux blonds sont rassemblés en un chignon. Son manteau ouvert sur une robe noire, courte et décolletée laisse deviner un corps de rêve. Mandy avale sa salive. Les prestations d'Hannah sont chères, mais le programme a l'air de valoir le   coup :

⸺ Vous avez réservé pour la nuit c'est ça ? lui dit Hannah dans un anglais parfait.

⸺ Tout à fait ! Mais je parle allemand, si vous préférez.

⸺ Ach, la nuit est bien avancée, j'espère qu'ils vous ont fait une ristourne ?

⸺ Non, pas vraiment !

⸺ Ils exagèrent ! Je resterai pour la grasse matinée, si vous voulez, je n'ai rien de prévu demain matin. Enfin, si vous pouvez ?

Ne laissant pas à Mandy le temps de répondre, Hannah s'est assise sur le bord du lit. Elle a ouvert la ceinture du kimono de Mandy, découvrant son corps nu. La main d'Hannah caresse le ventre de Mandy avant de remonter vers la poitrine :

⸺ Vous êtes très belle Mandy, ça change. On n'est pas si nombreuse à rencontrer les femmes sur le site, la dernière fois, je suis tombée sur une Russe hideuse d'au moins 100 kilos. Franchement Mandy, passer la nuit avec vous va être un plaisir.

⸺ Merci, ça va être un plaisir pour moi aussi, Hannah. Une coupe de champagne avant de commencer ? Mandy tend une coupe à Hannah…

Un peu plus tard, Hannah attire Mandy vers elle. Elle se retrouve à califourchon sur ses genoux. Hannah l'enlace et pose sa bouche sur celle de Mandy. Les deux femmes s'embrassent. La langue d'Hannah écarte les lèvres de Mandy avant de se glisser entre. Les mains d'Hannah font glisser le kimono sur les épaules de Mandy, avant de le faire tomber au sol. Elles n'ont pas interrompu leur baiser. Hannah se saisit de la coupe à moitié bue et verse le reste du breuvage entre les seins de Mandy. Le liquide coule sur son ventre jusqu'au nombril. Hannah lape le champagne sur la peau de Mandy, qui gémit de plaisir. Puis, Mandy s'empare à nouveau des lèvres de la jeune Allemande et en force du bout de sa langue l'accès. Elle a passé ses mains dans le dos d'Hannah à la recherche de la fermeture éclair qui va lui permettre d'ôter la robe noire de sa compagne d'une nuit. Elle la trouve et la baisse jusqu'au bas du dos d'Hannah. Du bout des doigts, elle caresse la peau du dos de l'Allemande. Sa caresse provoque la chair de poule chez Hannah. On peut proposer des prestations tarifées et y prendre du plaisir, la preuve ! Hannah frissonne sous les caresses de Mandy. Les deux femmes se sont relevées et Hannah fait glisser la robe sur ses cuisses. Dessous, elle ne porte qu'un string et une paire de bas tenus par un porte-jarretelles. Mandy s'est approchée de son amante et lui caresse les cuisses, les hanches, le ventre, la poitrine. Puis, elle agrippe le string et le fait glisser sur les cuisses, puis les mollets d'Hannah. Son sexe est épilé, la main de Mandy s'égare entre les cuisses d'Hannah, un doigt court autour du trésor, sans le toucher. Hannah respire un peu plus fort. Apparemment, elle prend du plaisir aux caresses de Mandy.

Mandy prend l'initiative. Elle attire Hannah vers le lit, la tenant par la main. Juste avant d'y arriver, Mandy s'agenouille derrière Hannah toujours debout. Elle embrasse les fesses de l'Allemande avant d'y poser sa langue. Un cul de princesse, c'est la première remarque que s'est faite Mandy, en regardant les photos d'Hannah sur le site. Elle n'est pas déçue, mais alors pas du tout. La langue de Mandy court sur les fesses rebondies. Elle écarte légèrement les deux globes pour glisser sa langue entre, à la recherche du petit œillet. Elle le titille du bout de la langue, avant de le lécher plus avidement. De sa main gauche, elle agrippe la cuisse d'Hannah pour l'écarter doucement. Sa main droite est sur le sexe de son amante, déjà bien humide. Hannah pousse une série de soupirs, puis un petit cri aigu, lorsque Mandy pénètre un, puis deux doigts dans son vagin. Mandy repousse maintenant Hannah vers le lit et l'aide à s'allonger sur le dos. Elle l'enjambe et vient se placer tête-bêche au-dessus d'elle. Chacune des deux jeunes femmes déguste le sexe de l'autre. Mandy laisse monter son orgasme sans chercher à le retenir. Il est puissant et violent. Il faut dire qu'Hannah sait y faire avec sa langue et ses doigts. Quelques tremblements la secouent encore plusieurs secondes après que les dernières vagues de plaisir sont passées. Mandy reprend son labeur interrompu le temps de sa jouissance. Elle vient s'agenouiller au pied du lit et positionne son visage entre les cuisses d'Hannah, toujours sur le dos. Elle enroule à nouveau sa langue autour du clitoris d'Hannah, tout en titillant l'entrée de son vagin du bout d'un doigt. Le doigt se fait plus explorateur, tandis que la langue ne relâche pas la pression sur le petit appendice d'Hannah.

Hannah jouit à son tour. Mandy en est certaine, elle ne simule pas. Elle n'a pas lâché la belle du regard. La bouche d'Hannah est tordue en une grimace de plaisir, elle a les yeux fermés. De plus, elle agrippe le pauvre drap du lit et le serre fort avec ses deux mains. Les cuisses d'Hannah posées sur ses épaules sont raides et dures comme du bois. Un véritable orgasme en quelque sorte. Le souffle rauque, des soupirs rappelant plus les grognements ou le feulement d'une féline. On est loin des minauderies d'un orgasme simulé. Mandy est remontée sur le lit et s'est allongée à côté d'Hannah, tout contre elle. Elles s'embrassent du bout des lèvres et du bout de la langue, tout en caressant le sein ou le ventre de l'autre. Mandy bouge la première : — Je nous fais couler un bain avec beaucoup de mousse et on termine ce Veuve Clicquot dedans ! La baignoire est spacieuse et fait   balnéo !

⸺ Avec plaisir.

Une heure plus tard, Mandy, les dernières tensions dues à sa journée mouvementée envolées, elle s'endort paisiblement auprès de cette sublime créature couchée nue auprès d’elle…

CHAPITRE 2 - Cadavres au détail

⸺ Game over Baby, dit Jade en plongeant son poignard d’une lame de 25 centimètres dans le ventre de Sergueï.

L’homme a tenté d’aspirer une goulée d’air. Il a juste tenté. Il n’a réussi qu’à hoqueter et à s’étouffer… Un filet de salive rougie se met à couler de sa bouche jusqu’à son menton. Il essaie aussi d’articuler quelque chose. Mais juste un gargouillis peut sortir de sa bouche grande ouverte.

⸺ Tu disais, Sergueï ?

⸺ Tu m’avais dit que…

⸺ Que quoi, Sergueï ? J’ai du mal à te suivre, articule et termine tes phrases. Sinon, on ne va pas y arriver…

⸺ Que si je te disais ce que je savais… tu me laisserais en vie.

⸺ Oui, je sais Sergueï. J’ai dit ça. Mais j’ai menti. Désolée.

Jade a juste le temps de retirer son poignard et de s’écarter avant que le salopard ne s’écroule sur le sol, à ses pieds, face contre terre. Elle repousse du bout de sa botte, le corps inerte afin de vérifier s’il respire encore. Manifestement, non, il a rendu l’âme. La poussière du désert boit avidement la flaque de sang qui s’est échappée de la plaie. « Une pourriture en moins sur la   Terre », se dit Jade en se baissant pour nettoyer sa lame sur la chemise de Sergueï et avant de le ranger dans son étui, accroché à sa ceinture. Elle rechausse ses lunettes à verres miroir. Elle les a retirées, malgré le soleil presque au zénith, parce qu’elle a souhaité que Sergueï puisse voir ses yeux au moment de crever ! Elle retourne vers son véhicule qui l’attend à quelques mètres. Elle a envie de partir de là, avant que ce foutu soleil ne devienne trop dur à supporter… De plus, Mia, la belle Mia, l’attend dans sa chambre, dans cet hôtel pourri de Santa Rosita. Mia n’a plus rien à craindre de ce connard de Sergueï. Mais d’autres salauds sont encore tapis dans l’ombre, prêts à bondir. Et ça tombe bien, avant que Jade ne plante son poignard dans Sergueï, ce salaud, croyant encore pouvoir sauver sa peau, a lâché un nom. Le nom de celui qui est au-dessus de lui dans l’organisation. Comment en est-on arrivés là ? Revenons au début de cette histoire, enfin au début… Une heure avant.

C’est grâce à Mia que Jade a retrouvé la trace de Sergueï. Mia, l’ex-maîtresse officielle de Sergueï, s’était vu signifier la séparation par quelques coups. Jade a soigné les bleus à l’âme, mais aussi au visage de Mia. Elle lui a promis de revenir après avoir rendu à Sergueï la monnaie de sa pièce. Un peu plus que la monnaie, mais ça, elle l’a gardé pour elle… Inutile d’effaroucher la belle. Elle a trouvé un véhicule qui pouvait l’emmener de Santa Rosita au bled pourri sans nom où se terrait Sergueï. Enfin, un véhicule… Un vieux pick-up rouillé, qui a, dans un autre temps, été jaune et a été utilisé pour le transport de la bière Sol, d’après les lettres décolorées et à moitié arrachées sur son flanc :

⸺ C’est le meilleur véhicule à vendre du coin, lui dit le garagiste.

⸺ Hum, le meilleur ? Ça ne donne pas envie de voir les autres. Mais bon, puisqu’il n’y a que ça ! Combien ?

⸺ 500 $...

⸺ 100 pas plus !

⸺ Ok, Señorita.

Puis, Jade pénètre dans le bar perdu au milieu de nulle part, enfin un bar… Il s'agit plutôt d’une cahute à toit plat qui a été blanche il y a longtemps, avec une pancarte en bois à moitié arrachée et tenant de guingois, où il est marqué « cantina », juste en bordure de la forêt de cactus. En entrant, elle baisse ses lunettes de soleil et regarde autour d’elle. Elle s’approche du bar et du gros type bouffi qui se tient derrière. Il est vêtu d’une chemise ouverte sur un maillot sans manches, pas très net, crasseux même, on peut dire : « Sergueï ? ». Il est en train d’essuyer des verres avec un torchon plein de taches. Il hausse les épaules et se détourne. Manifestement, il n’est pas serviable. Jade l’attrape par les cheveux et plaque sa joue sur le dessus du bar. Elle regrette aussitôt son geste, vu la couche de gras qui recouvre lesdits cheveux.