Saumur sans mesure - Gino Blandin - E-Book

Saumur sans mesure E-Book

Gino Blandin

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Beschreibung

Des vols d'instruments de musique à un projet secret de création de Data center... Quel est le lien entre ces deux affaires ?

François Hudry, ancien employé de France musique s’est installé à Saumur. Lors d’un concert privé, il révèle à Julie Lantilly que ses instruments de musique disparaissent régulièrement. La jeune journaliste du Courrier Ligérien se lance à la recherche des voleurs. Son enquête la mènera vers une affaire bien plus sombre : un projet secret de création de Data center au coeur des troglodytes serait menacé par des malfrats qui projettent d’en dérober les plans. Quel est le lien entre les deux enquêtes ? La jeune femme va bientôt le découvrir mettant pour cela sa vie en péril.

Retrouvez Julie Lantilly dans un nouveau polar saisissant en plein coeur de la cité ligérienne qui, sous des dehors de ville paisible, semble bien cacher son jeu !

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE ( à propos des précédentes enquêtes de Julie Lantilly)

- Cette jeune femme, quelque peu "casse cou" et dont le flair est plus que bien aiguisé, m'a tout de suite plu. Elle n'a pas du tout la langue, ni les yeux dans sa poche. Rien ne lui échappe ou presque ! [...] Les détails y sont tellement décrits avec une telle précision que même si on n'a jamais mis les pieds à Saumur et ses environs, on s'immerge très facilement dans l'histoire. L'écriture simple, fluide et moderne de l'auteur nous fait vivre cette enquête de l'intérieur. L'auteur nous offre ici un polar mené tambour battant par son héroïne hors du commun et tellement attachante. - Katiaeray, Babelio

- L'auteur ravira en premier les habitants du Saumurois et ceux qui aiment le coin, car on en apprend beaucoup sur Saumur et les environs. Ensuite, l'héroïne Julie Lantilly est plutôt sympa et la suivre est plaisant. - MademoiselleMaeve, Babelio

À PROPOS DE L'AUTEUR

Gino Blandin est enseignant. Auparavant, il a été foreur pétrolier. Auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire de Saumur, dont L’Histoire du Centre Hospitalier de Saumur (Prix Politi 1996), il écrit aussi des romans policiers dont le cadre est la région saumuroise.

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SAUMUR SANS MESURE

© – 2020 – 79260 La Crèche

Tous droits réservés pour tous pays

Gino BlandinSAUMUR SANS MESURE

CHAPITRE 1

L’homme eut un petit sourire et les applaudissements cessèrent. C’était convenu. Avec un mouvement parfaitement rodé, il s’installa sur le tabouret qu’il avait pris soin de régler préalablement. Le temps resta alors suspendu une fraction de seconde pendant lequel chaque spectateur réalisa qu’il vivait un moment privilégié. L’artiste fit statue, le regard habité, comme dans un autre univers et il avança la main vers le clavier. Ses longs doigts effleurèrent les touches et une note retentit, sol, suivie aussitôt d’une autre, sol, puis d’une liaison avec un trille, la pointé, si, la… L’auditoire sembla reprendre vie, comme soulagé et ravi. Le début des Variations Goldberg de Jean-Sébastien Bach est reconnaissable entre tous. Tout le monde le connaît, mais c’est une autre chose que de l’entendre là, juste devant soi, sous les doigts d’un musicien bien vivant. Moment privilégié dans une existence, très fugace car déjà les notes s’enchaînaient très vite, le morceau de musique était parti même si ces premières notes magiques revenaient comme pour rappeler à l’auditeur qu’il ne faut pas se désoler. Le paradis est certes perdu, cela est une chose établie contre laquelle on ne peut rien, mais tout espoir n’est pas vain… Comment un type a-t-il pu écrire une partition pareille ? Qui était ce Jean-Sébastien Bach ? Comment a-t-il pu commettre une telle œuvre ? À quelle époque vivait-il ? Comment a-t-il pu échapper ainsi à l’attraction terrestre ?

Pour ne pas avoir l’air trop gourde, Julie Lantilly avait fait quelques petites recherches auparavant. Elle avait ainsi appris que Jean-Sébastien Bach vivait à l’époque de Louis XV et de la Pompadour en France, c’était donc avant la Révolution. Les historiens rapportent que Bach fut reconnu de son vivant, ce qui n’est pas toujours le cas. Ainsi le roi de Prusse – bien connu celui-là – le fit venir à la cour. Ce monarque, paraît-il, donnait des concerts dans lesquels il jouait lui-même de la flûte. À l’arrivée du maître, tout le monde s’interrompait et on l’invitait à s’asseoir au piano. Bach devait être un génie de la musique. Il improvisait sur n’importe quelle mélodie et demandait au roi de lui suggérer un thème de fugue qu’il développait aussitôt, suscitant l’admiration de tous. Spectacle d’une époque révolue que la jeune femme avait l’impression d’avoir le privilège de revivre aujourd’hui.

Julie ne connaissait pas grand-chose à la musique et aux musiciens. Ses cours de solfège et de flûte à bec d’écolière commençaient à dater. Elle savait que les trois plus grands Allemands se suivaient ainsi : Bach, Mozart et Beethoven. Bach se situait avant Mozart, mais ils n’avaient pas été contemporains. Par contre, Mozart et Beethoven auraient pu se rencontrer. Le second avait une vingtaine d’années quand le premier était décédé et Beethoven était contemporain de Napoléon Bonaparte, pour ce dernier, c’était une tout autre musique qui se terminait en 1815 par la défaite de Waterloo. Elle possédait ainsi ses repères chronologiques. Une anecdote l’amusait au sujet des Variations Goldberg : la légende qui racontait que Bach aurait composé cette œuvre pour calmer les insomnies d’un riche aristocrate, le comte Von Keyserling. Elle avait un peu de mal à imaginer le grand compositeur au chevet de l’autre pour l’endormir au piano, comme une maman musicienne le ferait pour son enfant. Toutefois, il fallait reconnaître que la musique de Bach était efficace : le voisin de Julie s’était déjà assoupi sur sa chaise.

Le salon était plein comme un œuf. Nul n’ignorait la qualité des concerts privés donnés par François Hudry et tous les mélomanes de la région s’y précipitaient. Le maître des lieux avait fait toute sa carrière à la radio – il avait longtemps été l’animateur « vedette » de France-Musique – ce qui expliquait le fait qu’il connaissait un grand nombre de musiciens avec lesquels il avait tissé des liens d’amitié, François étant toujours aimable et gentil. C’est ainsi qu’il faisait venir chez lui les plus grandes pointures de pianistes. Après quelques années de rodage, le système était au point. Maintenant, il fallait réserver très vite à l’annonce d’un nouveau concert car il y avait des aficionados. Ce qui explique pourquoi, ce jour-là, la salle était pleine à craquer. On s’y entassait, serrés les uns contre les autres. L’auditoire se composait d’hommes et de femmes de façon équilibrée. Par contre, la majeure partie pouvait être classée dans le troisième âge. Si les femmes pouvaient tricher sur la couleur de leurs cheveux, pour les messieurs cela n’est pas de mise et le cheveu blanc était dominant. Julie avait l’impression d’être la gamine de la manifestation. En fait, les moins de trente ans se comptaient sur les doigts d’une main.

Le salon était de belle taille pour une maison bourgeoise. Le piano à queue en occupait une grande partie. Certains contestent l’idée que la musique classique est ou était réservée à une certaine couche de population très privilégiée. On doit reconnaître qu’il faut un appartement assez grand pour accueillir un piano à queue. François Hudry était très fier du sien, un piano Blüthner ancien mais en parfait état de marche. Il occupait un coin de la pièce et devant, les gens avaient pris place. La promiscuité de la disposition des chaises n’était pas pire que celle d’un avion de ligne. Enfin, il fallait quand même mieux ne pas se retrouver auprès de quelqu’un de volumineux. L’ami de Julie, Milo Blandinelli, un habitué du lieu qui l’avait amenée ici, lui avait conseillé de ne pas s’asseoir trop près de l’instrument. Le son y jaillissait trop brut, il n’avait pas eu le temps de se diffuser dans l’espace. C’est pourquoi ils s’étaient assis dans le fond, contre une grande fenêtre. Plusieurs personnes qui n’avaient pas trouvé place dans le salon étaient restées dans le couloir, parmi elles, le maître des lieux courtois et efficace.

Les murs du salon étaient recouverts d’un tissu jaune. Les poutres au plafond attestaient de l’ancienneté de la demeure. D’ailleurs, sur l’une d’elles avait été gravé « mai 80 » ce qui semblait indiquer que la maison datait de 1780. La disposition des sièges ne permettait pas un coup d’œil sur l’ensemble de la pièce. Ainsi, de là où elle se tenait, Julie avait le regard arrêté sur un joli tableau dans le style François Boucher qui représentait le buste dévêtu d’une jeune fille lascivement étendue. Elle ne souriait pas et regardait en arrière comme si elle attendait poliment que le peintre en eût fini. À l’époque où il avait été réalisé, ce tableau avait dû être considéré comme coquin, voire osé. Aujourd’hui, ce genre d’image ne choquait plus personne. Dans son riche encadrement doré, le tableau avait gardé toute sa fraîcheur. Julie ne pouvait également détacher son regard du cou de la jeune femme brune, les cheveux taillés au carré, qui était assise devant elle. Elle possédait un très joli cou, un cou de cygne aurait dit le poète, qui présentait un petit acrochordon discret qui lui donnait une note très féminine.

Installée au fond, Julie n’apercevait pas l’artiste. Elle entrevoyait parfois entre les deux personnes assises devant elle ses mains qui couraient sur le clavier. Indépendamment de la musique, ce qui était extraordinaire c’est que le musicien n’avait pas de partition. Il jouait de mémoire ! Comment cela était-il possible : les Variations Goldberg devaient représenter des dizaines et des dizaines de pages de partition. Comment ce jeune type pouvait-il mémoriser une telle œuvre ? Pour un pianiste, il devait y avoir des repères, mais pour les non-musiciens cela semblait être un exploit prodigieux.

L’auditoire était très attentif. Personne ne bronchait et chacun écoutait religieusement Bach, même Pimperl, le petit chien de François – il l’avait appelé ainsi car c’était le nom du chien de Mozart – qui avait trouvé place sur les genoux d’une dame. Julie ne pouvait s’empêcher de penser à ce qui se passerait si un portable se mettait à sonner ! Mais il fallait reconnaître que maintenant tout le monde savait arrêter son portable ou le mettre en mode « avion ». Personne ne prétextait plus son grand âge pour s’excuser de ne pas connaître la manipulation. La jeune femme se demandait comment tous ces gens recevaient cette musique ? Elle, elle ne pouvait pas empêcher son esprit de vagabonder parfois. Elle sautait d’une idée à l’autre, perdue dans ses rêveries, quand, brusquement, elle réalisait qu’au lieu d’être attentive à la musique, si belle était-elle, elle n’écoutait plus. Tous ces gens qui l’entouraient avaient-ils le même problème ? Probablement. Personne ne l’avouait, mais tout un chacun devait sûrement décrocher parfois (son voisin en était la preuve). Il y avait, paraît-il, deux sortes d’auditeurs : les musiciens, c’est-à-dire ceux qui connaissent et qui savent lire la musique, jouer d’un instrument, et les autres. Des recherches scientifiques l’avaient démontré : l’écoute de la musique ne faisait pas intervenir les mêmes parties du cerveau dans les deux catégories. Un musicien n’écoutait pas la musique de la même façon qu’un béotien.

Julie éprouvait également des scrupules à se trouver aujourd’hui en ce lieu, au Clos Mué, chez François Hudry. Elle craignait que cela soit « donner de la confiture à un cochon » comme disait autrefois sa grand-mère. C’est-à-dire offrir un cadeau à quelqu’un qui n’était pas en mesure culturellement de l’apprécier, comme par exemple, offrir un verre de bordeaux millésimé à un Texan. Certes, elle trouvait la musique de Bach très belle, mais beaucoup de personnes auraient été plus aptes qu’elle à l’apprécier pleinement. Elles en auraient tiré davantage de profit qu’elle. Ici, parmi tous ces privilégiés, combien méritaient vraiment d’être là ? Il ne fallait pas se voiler la face, une grande partie des gens qui se trouvaient dans ce salon le devait plus à leur statut social qu’à leur sensibilité musicale, les deux étant liés.

À l’issue d’une bonne heure de musique, le morceau prit fin, ce qui était inexorable. Aussitôt, ce fut un tonnerre d’applaudissements, comme on dit. L’artiste ne l’avait pas volé ! Il souriait en simulant de petites courbettes comme s’il venait de faire quelque chose de très banal, à la portée de tous. Il était beau mec, le bougre ! Julie n’en avait jamais entendu parler auparavant, mais son voisin lui rappela qu’il s’agissait de Nima Sarkechik, un pianiste prometteur, d’ascendance iranienne. Barbu et chevelu, il n’avait pas du tout le look d’un musicien classique. Il était souriant, radieux comme un sportif venant de remporter une épreuve olympique. Devant un tel enthousiasme, il se prêta au traditionnel rappel. Il retourna s’asseoir au piano et attaqua la Sonate en ré majeur, K. 284 « Dürnitz » de Wolfgang Amadeus Mozart et ce, toujours sans partition !

Vingt-cinq minutes plus tard, le concert prenait fin définitivement. Dans un premier temps, François Hudry invita ses invités à déposer une petite participation financière dans un chapeau pour remercier le musicien puis à passer dans la salle à manger. Il s’effectua alors un mouvement de masse vers la sortie. Il convenait de s’armer de patience car tout le monde devait passer par la porte simple qui n’avait pas été conçue pour cela. Pour patienter, Milo, en habitué des lieux, entreprit de plier et de ranger les chaises, ce que Julie fit également.

— Ça t’a plu ? demanda-t-il.

— C’était fantastique.

Quand le salon reprit son aspect ordinaire, ils entreprirent à leur tour de passer à la salle à manger. Celle-ci était une pièce magnifique, les murs couverts de livres et de tableaux. Un lustre en cristal de Bohême étincelait de tous ses feux. Le principe de la collation en fin de concert était que chacun apportât son écot. Les épouses en général apportaient des plats de leur fabrication : quiches, tartes, terrines, etc. Les messieurs venaient plus volontiers avec une bouteille de vin. Un viticulteur voisin et mélomane, Jacques Pareuil, propriétaire du château de Berrye, apportait, lui, plusieurs caisses ! Comme le salon, la salle à manger était de belles dimensions. Une table circulaire où se trouvaient les plats occupait une grande part de la surface, rendant l’endroit exigu. Pour l’atteindre, bien que l’on soit entre gens bien élevés, il fallait jouer des coudes car certains avaient la mauvaise habitude de se servir et de rester sur place. Ce fut Milo qui entreprit une percée. Dès qu’il atteignit la table, il fit passer un verre à la jeune femme et lui demanda ses préférences. Tout heureux d’avoir réussi à obtenir une part de quiche, ils se retirèrent dans un coin pour la savourer.

Il y avait là un grand nombre de personnes d’origine étrangère. Devant eux, un couple s’exprimait en allemand alors qu’à proximité, on parlait anglais. Soudain, il y eut un mouvement dans l’assemblée : Nima Sarkechik fit son apparition. Toujours souriant, il avait troqué son costume de concert pour une djellaba très chic. Certains s’empressèrent de venir le congratuler et lui proposer un verre. Julie et son compagnon en profitèrent pour quitter la salle à manger. Ils suivirent le couloir avant de se retrouver dans la cuisine où, là également, une grande table circulaire était couverte de victuailles : les fromages et les desserts attendaient d’être présentés dans la salle à manger. Certains convives avaient trouvé plus pratique de s’installer dans cette pièce pour grignoter. Milo salua quelques personnes de connaissance puis il sortit, suivi de la journaliste.

Ils se retrouvèrent sur une terrasse naturelle qui dominait toute la campagne douessine. Le coup d’œil sur les champs qui s’étendaient à perte de vue était magnifique. La lumière qui les enveloppait leur donnait la douceur du pastel. La butte du village de Tourtenay limitait l’horizon. Là encore, des groupes s’étaient formés loin du tumulte de la salle à manger. Sous un grand érable, un couple avait pris place à une petite table de jardin. L’homme leva la tête et les aperçut.

— Milo, viens avec nous ! lança-t-il avec un large sourire.

Julie reconnut ce monsieur, c’était Paul Loupias, l’ancien maire de Montreuil-Bellay qu’elle avait rencontré quand il était en activité1. Ils s’approchèrent. Par chance, il y avait là deux chaises libres. Ils se saluèrent mutuellement en échangeant les formules habituelles, puis s’installèrent autour de la table ronde.

— Ça fait plaisir de vous voir, attaqua Milo qui semblait bien connaître le couple.

Les deux hommes se mirent alors à échanger des nouvelles locales. Julie ne se mêla pas de leur conversation même s’ils parlaient d’événements dont ils avaient pris connaissance sous sa plume dans les pages du Courrier.

— Comment trouvez-vous ça ? demanda la dame en s’adressant à Julie.

Cette dernière mangeait une succulente part de tarte salée qu’elle avait trouvée au salon.

— C’est excellent… Je ne sais pas ce qu’il y a dedans, mais c’est vraiment très bon…

— Merci !

— C’est vous qui avez fait cette tarte ?

— Oui, c’est la mienne… dit la dame avec un sourire ravi.

— Félicitations ! Il faudra que vous me donniez votre recette.

— Ce n’est pas compliqué…

Julie se demanda pourquoi elle avait raconté le bobard classique consistant à réclamer au cuisiner ou à la cuisinière la recette du mets succulent qu’elle venait de déguster, alors qu’elle ne cuisinait jamais. Ginette Loupias s’était lancée dans les explications quand elle fut interrompue par l’arrivée de François Hudry.

— Alors les amis, tout va bien ? lança-t-il joyeusement.

— Tu nous a encore gâtés ! répondit Paul Loupias en se levant.

— C’était magnifique, renchérit son épouse. Où as-tu trouvé cet artiste ?

— Je l’ai rencontré par relations, comme d’habitude. Je me suis empressé de l’inviter chez moi avant qu’il ne devienne trop courtisé. Il s’est déjà produit à la National Gallery of Arts et au Kennedy Center de Washington. C’est une étoile montante, comme on dit. N’hésitez pas à lui poser des questions. Il sera ravi de vous répondre.

Un type, visiblement d’origine nord-africaine, qui discutait dans un groupe lui fit un petit signe de la main.

— Salut Assan ! ça t’a plu ?

L’autre fit un signe de la tête. Puis, à l’intention de ses proches invités, François Hudry précisa :

— Je ne suis pas peu fier ; j’ai réussi à convertir Assan à la musique classique. Il est maçon. Au départ, je l’avais embauché pour qu’il répare mon four à pain. Maintenant, je lui ai commandé mon futur studio. Il va transformer la grange en auditorium. Quand il a débarqué ici, il n’écoutait que de la musique de variété à plein pot de préférence. Ça me cassait bien les oreilles…

— Tu as réussi à lui faire écouter de la musique classique ?

— Exactement ! Maintenant…

Il fut interrompu à son tour par un homme et une dame qui affichaient le style anglais de la gentry.

— Salut François, fit le monsieur avec un fort accent, en lui serrant la main. Et encore merci, c’était vraiment un concert inoubliable…

— Vous ne restez pas ? Vous allez rater ma tarte à la praline.

— Non, merci. Nous sommes vraiment, désolés mais il faut que nous y allions.

Tous les trois s’éloignèrent légèrement de la table pour continuer leur conversation.

Les quatre convives attablés se remirent à déguster. Madame Loupias, qui n’en avait pas terminé avec sa recette, revint à la charge :

— Où en étais-je ? dit-elle en s’adressant à Julie. Ah oui, quand vous avez bien étalé votre pâte brisée…

Mais elle ne put aller plus loin car François Hudry revint vers la table et récupéra son verre.

— Le pauvre Norman… fit-il en regardant le couple s’éloigner.

— Que leur est-il arrivé ? demanda Milo.

— Ils se sont fait cambrioler le mois dernier.

— Ah ! fit Paul Loupias en essuyant sa moustache. Où habitent-ils ?

— Dans la campagne baugeoise, plus exactement dans la forêt baugeoise. Il y a quelques années, ils ont acheté un magnifique petit château isolé de tout.

— De nos jours, être trop isolé fait courir de gros risques, fit remarquer madame Loupias.

— J’y suis allé une fois, mais je ne suis pas sûr d’être capable d’y retourner. Un endroit s’appelle Parnay mais il n’a rien à voir avec le Parnay, de chez nous.

— Je ne connais pas.

— On les avait mis en garde pourtant, mais ils ont dû minimiser les risques. Il a suffi qu’ils retournent en Angleterre quelques jours et ils se sont fait cambrioler. Ça n’a pas traîné.

— Le préjudice est important ? demanda Paul Loupias.

— Ça aurait pu être pire. Enfin, je dis cela… heureusement que Norman ne m’entend pas. Ils se sont fait voler uniquement leurs instruments de musique.

— Incroyable !

— Norman Thayer était et est encore violoniste. Il a longtemps été premier violon du London Concert Orchestra. Il s’est fait voler ses trois violons en particulier un Giuseppe Rocca de 1839 très précieux sur lequel il se produisait en concert, et sa femme, lady Ethel, qui joue de la harpe, n’a pas retrouvé son instrument non plus.

— Ça doit être terrible pour eux ?

— Je ne vous le fais pas dire. Ils sont vraiment atterrés. Ils parlent déjà de retourner en Angleterre.

— Les pauvres ! Je présume que ce sont des instruments de valeur ?

— Oui, le Rocca en particulier vaut une fortune. Ce n’est pas un violon qui se vend chez le receleur du coin. Il faut forcément un circuit spécial pour écouler ce genre d’instruments.

— Il faut espérer pour eux qu’ils les retrouveront. Ce doit être terrible pour un musicien de perdre son instrument préféré.

— L’alerte a été donnée sur tous les réseaux sociaux ? demanda Milo.

— Oui, je pense qu’on les a aidés pour déclencher toutes les alertes possibles.

— Se retirer dans le Baugeois, faut aimer la solitude… commenta Ginette Loupias qui, visiblement, n’attendait que la fin de la conversation pour revenir à sa recette.

Mais François Hudry n’en avait pas terminé :

— Le plus surprenant dans l’affaire, fit-il, c’est que les voleurs n’ont pris que les instruments. Ils n’ont rien emporté d’autre dans la demeure. Ils n’ont touché ni aux meubles, ni à la vaisselle, ni aux tableaux, rien… Ils n’ont embarqué que les violons, la harpe et quelques archets.

— Peut-être ont-ils été dérangés pendant leur forfait et obligés de déguerpir ?

— C’est possible, c’est une hypothèse qui a été retenue, bien sûr.

— Ou peut-être que ce sont des cambrioleurs mélomanes ?

— C’est plus difficile à imaginer mais pourquoi pas ?

À ce moment, apparut une élégante jeune femme. C’était elle qui était assise devant Julie pendant le concert. Elle vint vers eux.

— François, lança-t-elle. On t’attend au salon pour que tu coupes ta tarte à la praline.

— J’arrive Amélina, répondit le maître de maison.

Puis, s’adressant à ses hôtes avant de les quitter, il ajouta :

— Venez ! C’est une spécialité de mon pays. Il va falloir se précipiter parce que nous sommes nombreux aujourd’hui et j’ai peur qu’il n’y en ait pas pour tout le monde. J’aurais dû en faire deux.

Quelques jours plus tard, Julie Lantilly se vit confier une mission sur Baugé. Elle devait réaliser une interview du maire, monsieur Chalopin. Depuis quelque temps, cette commune avait fusionné avec quatre localités voisines : Montpollin, Pontigné, Saint-Martin-d’Arcé et le Vieil-Baugé. Dorénavant, on appelait l’ensemble « Baugé-en-Anjou » mais, en pratique, la fusion ne se faisait pas sans problèmes. Par exemple, ces cinq communes possédaient chacune une « rue de la Mairie ». Si vous expédiez une lettre adressée « rue de la Mairie » à Baugé-en-Anjou, le facteur était bien embarrassé pour savoir de laquelle il s’agissait. Bref, Julie avait été mandatée pour se rendre auprès du premier magistrat de cette petite ville. À la mairie, une charmante hôtesse d’accueil lui annonça qu’il y avait un contrordre et que monsieur Chalopin avait dû se rendre en urgence sur les lieux d’un accident entre un tracteur et un semi-remorque. Elle estimait que l’élu serait sans doute de retour dans une heure. Les deux jeunes femmes se mirent d’accord. Julie se proposa de rester dans les parages et l’hôtesse lui passerait un coup de fil le moment venu.

En sortant, la journaliste put se rendre compte du choc esthétique délibérément affirmé qui avait été créé entre la façade très moderne de l’Hôtel de ville et celle du château médiéval qui lui faisait face ; d’un côté, les lignes perpendiculaires et les parois vitrées ; de l’autre, les murs ocres, les fenêtres à meneaux et les toits d’ardoise. Elle regagna sa voiture et se demanda alors comment elle allait meubler son attente. Elle n’avait guère envie de s’installer à la terrasse d’un café pour lire car la perspective d’être dérangée toutes les dix minutes par le dragueur du coin ne l’emballait pas. Soudain, elle eut une idée. Elle fouilla dans la boîte à gants de la voiture et trouva une carte routière. Elle avait déjà fait des recherches auparavant sur son ordinateur pour savoir où se trouvait le fameux « Parnay » dans la forêt de Baugé dont François Hudry avait parlé. Après quelques minutes, elle trouva ce qu’elle cherchait. L’endroit se trouvait entre Baugé et Le Lude, il ne semblait pas trop éloigné du premier. Si l’hôtesse de la mairie l’appelait durant son expédition, elle pouvait revenir en un temps raisonnable. Elle mit le contact et quitta le parking.

Très vite, au sortir de l’agglomération, elle se retrouva dans la campagne. Celle-ci était très boisée. Il n’y avait aucune construction en bordure de route et ce n’est pas le trafic routier qui dérangeait non plus les troupeaux de vaches qui paissaient tranquillement dans les prés. La route fut plus longue que la journaliste ne l’avait imaginé. Elle savait que le fameux château devait côtoyer une ferme. Plusieurs fois, elle crut y être, mais ce n’était pas ça. Et soudain, elle l’aperçut enfin. François Hudry avait parlé d’un « petit » château. Elle, elle ne l’aurait pas qualifié ainsi. C’était une imposante bâtisse de deux étages flanquée de quatre tours au toit pointu. La façade de tuffeau, toute blanche tranchait sur le vert de la végétation qui l’entourait. Elle ralentit, mais put constater qu’il n’y avait pas d’endroit pour se garer. Elle passa devant une grille qui devait être celle de l’entrée principale mais même là, il n’y avait pas de décrochement pour s’arrêter. Julie continua sa route jusqu’à un carrefour qui marquait le coin de la propriété.

Elle fit demi-tour et revint lentement sur ses pas. Elle aperçut bientôt un chemin et une petite pancarte marquée « Parnay » et s’y engagea. Le chemin était assez large. Il menait à la ferme voisine. Elle se gara et descendit de voiture. Elle s’avança sur le chemin jusqu’à une grille rouillée et envahie de ronces où un panneau avertissait « Attention au chien ». De là où elle se tenait, la jeune femme pouvait admirer le château. Il n’y avait aucune trace de vie autour. Les volets étaient clos au rez-de-chaussée comme aux étages. Elle eut une pensée pour celle ou celui qui les avait fermés la dernière fois, car, de là où elle était, elle pouvait en compter 32 !

Elle avait auparavant regardé sur Internet et avait ainsi appris que ce bâtiment avait été construit par un officier russe qui avait résidé en France au lendemain de la chute de Napoléon. On avait oublié cet épisode : à la chute de l’Empire, la France avait été occupée par plusieurs pays ennemis, dont la Russie, jusqu’en 1818. C’était donc cet officier qui avait fait bâtir ce château dans le style éclectique de l’époque. Il s’appelait de Charles-Ludolphe de Virmont ce qui ne fait pas très russe. C’était sûrement un descendant de huguenots qui avaient été chassés de France par la révocation de l’édit de Nantes. Ce qui faisait penser cela, c’étaient les médaillons qui ornaient la façade du second étage. Sur la face sud – que Julie n’apercevait pas de là où elle était –, on trouvait Luther et Calvin, et sur la face nord, l’amiral de Coligny et Philippe Duplessis-Mornay, tous des Protestants notoires. On prétend également que le parc aurait été dessiné par l’un des frères Bühler, célèbres paysagistes protestants d’origine suisse à qui l’on doit, entre autres, le parc du Thabor à Rennes et le parc de la Tête d’or à Lyon.

Julie en était là de ses réflexions quand elle entendit un bruit de moteur. Elle vit arriver un homme juché sur un volumineux tracteur Massey-Ferguson. Il s’arrêta à sa hauteur, eut un petit geste de la tête et lança pour couvrir le bruit du moteur :

— Vous cherchez quelque chose ?

— Bonjour, le salua Julie avec un grand sourire. Je voulais rendre visite à monsieur et madame Thayer, mais j’ai l’impression qu’ils ne sont pas là.

— Les Anglais ? fit l’homme qui se dressa sur sa machine pour avoir un meilleur coup d’œil dans le parc. Non, j’ai l’impression qu’ils ne sont pas chez eux. Je ne vois pas leur voiture.

— Vous ne savez pas quand ils rentreront ?

Le fermier coupa son moteur pour faciliter la conversation. Dans un coin pareil, l’occasion ne devait pas se présenter tous les jours.

— Non, je n’en sais rien. Ils ne me disent pas quand ils s’absentent.

— Vous ne les fréquentez pas ?

— Non, pas vraiment, nous ne sommes pas du même monde. On se salue de loin quand on s’aperçoit et c’est tout.

— C’est vous qui surveillez le château quand ils ne sont pas là ?

— Non, ils ne m’ont rien demandé et c’est tant mieux ; je ne tiens pas à avoir cette responsabilité. Je ne dis pas que si je vois quelque chose de bizarre, je ne vais pas jeter un coup d’œil, mais c’est tout. Je me méfie, vous pouvez me croire. Quand on voit ce qui se passe dans les journaux, je ne tiens pas à recevoir un mauvais coup parce que j’ai dérangé des cambrioleurs.

— Une telle demeure dans un endroit comme celui-ci doit courir des risques.

— Oh, ça c’est sûr ! Le château a été cambriolé plus d’une fois. Mais il y a longtemps que ça ne s’est pas produit ; avec les propriétaires précédents, il n’y avait pas grands risques. Il n’y avait plus rien à voler dans la baraque. Ils n’avaient plus un rond. Ils tenaient le château de leur famille, mais ils n’avaient plus les moyens de l’entretenir. Il commençait à avoir besoin de réparations, croyez-moi.

— Je devine qu’une bâtisse de cette taille doit demander beaucoup d’entretien.

— Je ne vous le fais pas dire. Quand les Anglais, les propriétaires de maintenant, sont arrivés, la première chose qu’ils ont faite ça a été de réparer la toiture. L’entreprise est restée là plusieurs semaines. Je serais curieux de savoir combien ça a dû coûter.

— Vous avez appris qu’ils ont été cambriolés la semaine dernière, paraît-il ?

— Non, je ne le savais pas.

— C’est un ami qui m’a raconté cela.

— C’est bien possible, vous savez. Aujourd’hui, à la campagne, on n’est plus au courant de rien. Heureusement qu’il y a encore le Courrier.

L’homme fit un signe en direction de la voiture de Julie sur les portières de laquelle le nom du quotidien s’affichait en lettres rouges. Il avait dû repérer de loin qu’elle était journaliste.

— Autrefois, tout le monde allait à la messe et c’était comme ça qu’on était au courant des nouvelles. Tandis qu’aujourd’hui, plus personne n’y va. Ajoutez à cela qu’il n’y a plus de curés. Maintenant, il y a un prêtre pour cinq ou six paroisses. Si bien qu’il dit la messe chaque dimanche dans une église différente. Vous êtes au courant, bien sûr. Faut suivre le mouvement et faut avoir une voiture. Les vieux, s’ils n’ont personne pour les véhiculer, ils ne peuvent pas y aller. Tout ça pour vous dire qu’avant, on était au courant des nouvelles. Vous voyez ? Si vous ne me l’aviez pas dit, je ne le savais pas. La semaine dernière, dites-vous ?

— C’est ce qu’on m’a dit…

— Ça a dû se faire de nuit. Moi, je n’ai rien remarqué de particulier… Ils ont eu des dégâts ?

— Je ne peux pas vous dire avec précision… Je sais toutefois qu’on leur a volé des instruments de musique.

— Des instruments de musique ?

— Oui, ce sont des musiciens. Ils possédaient des instruments de valeur. Les voleurs les ont emportés.

— Dans un endroit isolé comme celui-ci, il ne faut rien laisser de valeur ou alors dans un coffre-fort et encore… parfois les voleurs sont capables d’embarquer le coffre.

— Je ne sais pas s’ils avaient équipé le château d’un système d’alarme.

— Quel système voulez-vous installer ici ? C’est bien beau d’installer un dispositif, mais il faut qu’il soit relié à quelque chose. Si les voleurs déclenchent un système qui alerte la gendarmerie la plus proche, c’est-à-dire celle de Baugé, le temps que les pandores arrivent ici, ils auront eu dix fois le temps de déguerpir.

— Je comprends.

— Je n’ai jamais essayé de prévenir la gendarmerie au milieu de la nuit, mais je serais curieux de savoir au bout de combien de temps, elle serait là. Et puis, d’après les journaux, ils sont plus intéressés de faire souffler les honnêtes gens dans le ballon que de courir après les voleurs. Ils prennent moins de risques et ils encaissent le pognon.

Julie lui adressa un petit sourire complice.

— Enfin, si on ne leur a volé que des instruments de musique… continua le paysan.

— Mais c’étaient des instruments de grande valeur !

— Je comprends, mais je veux dire qu’ils auraient pu saccager le château, faire pire : y mettre le feu. Des instruments de musique pour des musiciens, je comprends que c’est embêtant, mais on peut vivre sans…

— Si on vous piquait votre tracteur, vous ne seriez pas content !

— C’est vrai, vous avez raison, tout est relatif… Allez, bonne journée, mam’zelle !

Sur ces derniers mots, le fermier remit le moteur du tracteur en marche. Il adressa un salut à la jeune femme et reprit sa route. Au bout du chemin, il mit le clignotant et disparut au coin du parc. De l’autre côté de la grille, rien n’avait bougé. C’est à ce moment-là que le portable de Julie se mit à sonner. Présageant la nature de l’appel, elle « décrocha » tout en se précipitant vers sa voiture.

Le même jour, à la sortie du bureau, Julie et ses collègues se retrouvèrent au café d’Orléans pour boire un verre. Chacun y allait des faits divers qu’il avait traités pour le journal. De son côté, Julie raconta qu’elle s’était rendue à Baugé et qu’elle avait dû attendre le maire plus d’une heure, bien qu’elle eût un rendez-vous.

— Qu’est-ce que t’as fait en attendant ? lui demanda Jocelyne, la secrétaire.

— Si je vous le dis, vous allez encore vous foutre de moi, fit Julie.

— Mais non, rétorqua Frédéric.

— Nous ne sommes pas comme ça, tu nous juges mal… rajouta Pascal.

— Eh bien, je suis allée me balader…

— Tu as bien fait, intervint la secrétaire. J’en aurais fait autant à ta place.

— Je te comprends, renchérit Frédéric avec éloquence, se promener à Baugé ! Quelle ville merveilleuse !

— Je ne suis pas restée en ville, je suis allée explorer la campagne.

— Quelle initiative, mademoiselle Lantilly, quelle audace !

— Je suis allée à la recherche d’un château.

— D’un château ! Lequel ? Dans le coin, je connais celui de Baugé, de Durtal, du Lude… il y en a d’autres ?

— Bien sûr, tu ne cites que les grands, mais il y en a plein d’autres, plus petits, disséminés dans la campagne.

— C’est vrai, tu as raison, il y en a partout. Alors, lequel es-tu allée voir ?

— Celui de Parnay.

— Celui de Parnay ? Mais c’est tout près d’ici, c’était le château du père Cristal2.

— Ce n’est pas le même « Parnay », ballot ! Étant à Baugé, je n’allais pas revenir ici pour voir un château qui se trouve à deux pas. Il s’agit d’un autre Parnay.

— Et pourquoi tu voulais voir ce truc ?

— C’est là que vous allez vous moquer… fit Julie en aspirant malicieusement sur sa paille.

— Mais non, refirent tous les autres.

— Nous ne sommes pas comme ça, tu nous juges mal… réitéra Pascal.

— Eh bien voilà… commença-t-elle. Dimanche dernier, j’ai assisté, invitée par un ami, à un concert privé de musique classique. À l’issue de ce concert, j’ai rencontré un couple d’Anglais « so british ». Ces gens venaient de se faire cambrioler quelques jours plus tôt. J’ai appris également qu’ils habitaient dans les environs de Baugé, un château qui s’appelait « Parnay ». Vous me suivez ? Quand je me suis retrouvée comme une cruche à Baugé, m’est venu l’idée de chercher où se trouvait cette demeure, par pure curiosité.

— Tu l’as trouvée ?

— Oui, c’est un beau château du xixe siècle, au milieu d’un parc avec une grande façade en tuffeau. Il se trouve sur la route qui mène de Baugé au Lude.