Sur le chemin de la clandestinité - Tome 2 - Josie-K . - E-Book

Sur le chemin de la clandestinité - Tome 2 E-Book

Josie K.

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Beschreibung

Berlin, 15h53. Le froid mord la peau de celle qui vient d'arriver, traînant ses lourds bagages dans cette gare inconnue. Les heures s'égrènent, l'angoisse monte. Où est Bisseck, le contact censé venir la chercher ? La peur s'infiltre, l’angoisse monte. Au même moment, deux hommes en uniforme s'approchent. Policiers ? Contrôleurs ? Qui sont-ils ? Que lui veulent-ils ? Elle pensait avoir touché le fond en Belgique. Elle pensait avoir laisser derrière elle, les quatre mois de chaos vécu sans-papiers. Mais en posant le pied en Allemagne, elle découvre un monde plus impitoyable encore. Son nom ? Josie. Son objectif ? Trouver un travail. Son crime ? Exister là où elle ne devrait pas. Son destin ? Incertain. Son erreur ? Faire confiance à ceux qu’elle pensait bien intentionnés à son égard. Bienvenue dans le monde de la clandestinité ! Seule, désorientée, ne parlant pas la langue, elle doit naviguer dans un monde hostile et trouver le moyen de renouer avec sa passion de toujours; la nutrition tropicale! Berlin, ville étrangère et froide, devient le théâtre d'une lutte acharnée contre l'adversité. Police allemande, violence domestique, bailleur véreux, cohabitation forcée, compatriotes aux intentions floues, Talla protecteur - prédateur… Sa tête est mise à prix, la mort rôde. Elle devra faire des choix extrêmes : mentir pour survivre, ou dire la vérité et périr. Trahir ou être trahie. Tuer ou être tuée…. Plongez au cœur d’une quête déchirante, peignant à merveille le poids de l'exil. Où frontières entre courage et désespoir, vertu et immoralité se brouillent… NB: La lecture de "Sur le chemin de l'illégalité" qui est le tome 1 de cette œuvre est recommandée.

À PROPOS DE L'AUTRICE  

Josie-K est Experte en Nutrition Tropicale exerçant en clientèle privée depuis 2012. Cette auteure prolifique compte à ce jour 13 livres de Nutrition Tropicale à succès. Ainsi qu’un roman et deux recueils de poèmes émouvants, qui ont conquis le cœur d'un large public. Naviguant entre les mondes de la science et de l'art, cette auteure polymathe offre une perspective rafraîchissante sur la vie et la créativité. À travers ce second récit bouleversant où l'imagination rencontre l'expertise, cette œuvre rajoute une couche à son parcours multidisciplinaire. Il promet d’être une expérience littéraire unique et enrichissante, nous offrant un prélude passionnant à une série de chefs-d’œuvre futurs…

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Seitenzahl: 371

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Couverture

Titre

Josie-K

SUR LE CHEMIN DE LA CLANDESTINITÉ

PARU DU MÊME AUTEUR :

–SUPERALIMENTS & ALICAMENTS TROPICAUX, juillet2024.

–SUR LE CHEMIN DE L’ILLÉGALITÉ (roman), mai2024.

–INRI (recueil de poèmes), avril2024.

–TENTATIVE D’ÉVASION (recueil de poèmes), mars2024.

–7 ALIMENTS TROPICAUX MERVEILLEUX À DÉCOUVRIR ABSOLUMENT! Novembre2023.

–HYPERTENSION ARTÉRIELLE, L’ALIMENTATION QUI « GUÉRIT », juin2023

–25 JOURS POUR RÉVEILLER SA LIBIDO ET DEVENIR ENDURANT AU LIT ! Janvier2023

–GUIDE NUTRITIONNEL DU DIABÉTIQUE, août2022.

–DÉGONFLE TON VENTRE EN 21 JOURS! Mai2022.

–PERDRE 5 À 10 KGS EN 6 SEMAINES SANS SPORT, octobre2021.

–ÉQUILIBRE ALIMENTAIRE À L’AFRICAINE : LES 6 RÈGLES CLÉS POUR Y ARRIVER, avril2021.

–PERFORMANCES SEXUELLES AU TOP ! MESSIEURS, VOICI L’ALIMENTATION QU’IL VOUS FAUT, décembre2020.

–LE GUIDE COMPLET DE LA FEMME MÉNOPAUSÉE AFRICAINE, août2020.

–LE GUIDE COMPLET DU VENTRE PLAT, janvier2020.

–7 ALIMENTS À BANNIR D’URGENCE DE SON ALIMENTATION (Tome 1), octobre2019.

–9 ALIMENTS TROPICAUX QUI CHANGERONT RADICALEMENT VOTRE SANTÉ (Tome 1), août 2019.

Tous disponibles sur Amazon, à la Fnac en version électronique et papier couleur entièrement illustrée (livres de nutrition).

NOTE DE L’AUTEUR :

Aux lecteurs de l’ombre et de la lumière,

Vous tenez entre vos mains la deuxième partie d’un voyage complexe, entamé dans la première partie; Sur le chemin de l’illégalité.

Cet ouvrage initial explore les motivations, les dilemmes et les sacrifices qui guident les protagonistes. Les racines du choix, du contexte et de la réalité initiale y sont profondément plantées. C’est là que les personnages, que vous allez retrouver ici, ont commencé leur périple. Chaque décision, chaque acte, parfois répréhensible, parfois désespéré, trouve sa justification dans les pages du premier roman. Pour saisir toute la profondeur psychologique et la tension dramatique qui animent ce second roman, il est crucial de comprendre d’où ils viennent, ce qu’ils ont perdu et ce qu’ils sont prêts à sacrifier.

C’est ici que s’établissent les liens émotionnels et les fractures morales qui trouveront un écho encore plus puissant dans ce second roman; Sur le chemin de la clandestinité.

En sautant cette première étape et sans ce regard sur l’origine des protagonistes, sur les subtilités qui les ont conduits vers l’illégalité, leur plongée dans la clandestinité pourrait vous sembler n’être qu’un saut précipité dans le vide, ce qui n’est pas lecas.

Pour mieux comprendre les enjeux et les dilemmes qui animent ce deuxième volet, je vous recommande donc de lire en premier «Sur le chemin de l’illégalité».

L’attente en vaudra la peine, chaque page tournée du premier tome rendra les suivantes plus riches, plus intenses, plus déchirantes.

Laissez-vous emporter dès le début de cette aventure et préparez-vous à vivre une expérience littéraire bouleversante,

Avec toute ma gratitude,

Josie-K.

Merci Seigneur, pour tout !

À Saint Michel Archange,

Au père Placide Thierry-O-Atangana,

À mes parents; Mathieu et Christine.

À Freddy, Yannick, Francis.

À Alixe, Serge, Janno, Julia,

À Initiative Togo Action Plus e.V.

À la Jackschule, À Medi Büro,

À Christian, Kalash et son ami béninois.

À toutes ces personnes qui de près ou de loin, m’ont prêté main-forte

en ce territoire étranger, merci du fond du cœur.

J’ai survécu grâce à votre bonté, votre générosité et vos prières.

À tous les sans-papiers, réfugiés, exilés du monde entier, cet ouvrage vous est aussi dédié,

Puisse-t-il vous apporter le réconfort et l’espérance en des lendemains meilleurs…

«Être là, à l’étranger, sans savoir quand elle pourrait revenir chez elle, c’était regarder l’amour se transformer en angoisse.»

Chimamanda Ngozi.

L’incertitude est de tous les tourments le plus difficile à supporter.

Alfred de Musset.

Précédemment* :

Nous arrivâmes finalement à Berlin à 15h53. En sortant, il faisait beaucoup plus froid qu’à Arlon. Le conducteur déposa mes affaires et s’en alla après que je l’eus remercié. Je regardais autour de moi, perdue. Je vis des personnes descendre du taxi, d’aucun avancer à pied. Tous se dirigeaient en masse dans une même direction. Ce devait être la gare, pensais-je. Mes affaires étaient très lourdes et même avec ce que mon frère avait dû retenir avec lui. Il me restait tout de même un long sac de châssis d’un mètre cinquante de longueur, plein à craquer. Un autre sac de voyage moyen et celui qui contenait le laptop.

J’étais fatiguée et affamée, je me contentais de les trainer avec moi au sol. Même si ce geste irresponsable les endommageait. Je n’avais vraiment plus la force physique ni mentale d’y faire attention.

Une fois à l’intérieur de la gare, je vis à ma droite une longue queue qui conduisait aux guichets. Il y en avait trois exactement, mais les deux autres étaient vides. Juste à ma gauche un banc d’attente à moitié vide où je m’assis. Les gens parlaient fort, bruyamment et vite autour de moi. On avait l’impression qu’ils se querellaient tous. Qu’ils se disputaient quelque chose. Je ne saurais dire quoi exactement. Je n’y comprenais rien. Même en prêtant attention, je ne captais absolument aucun mot de leur conversation si ce n’était les rares « ja », « nein » qui ponctuaient leurs échanges.

J’inspirais profondément l’air froid et j’expirais bruyamment.

Je suis en Allemagne, murmurais-je.

Je suis à Deutschland, murmurais-je à nouveau.

Hééééééé !

C’était comme si je n’en revenais pas d’être là. Étais-je contente? Soulagée? Surprise? Enthousiaste? Choquée? Je ne saurais dire.

Je réalisais juste qu’après 8h de route, j’étais finalement là. Sansplus.

Merci Seigneur. Fis-je à hautevoix.

16h27.

Je regardais attentivement autour de moi. Je ne vis aucun noir, aucun Africain qui m’aurait laissé penser qu’il s’agissait de Bisseck.

Je lançais l’appel en ligne directe, ça ne sonnait pas.

Hum.

Il avait peut-être eu un retard, pensais-je. L’angoisse refit surface, j’essayais de me calmer du mieux que jepus.

17h15.

Personne à l’horizon.

J’appelais à nouveau Bisseck, rien. J’appelais Talla, rien non plus. Aucun de leurs téléphones ne sonnait.

Il commençait à faire de plus en plus froid, je grelottais légèrement.

Et s’il ne vient pas, je vais dormir où ? Je vais faire comment ? Wokoo !

17h43.

Toujours personne. Aucun noir à portée de vue. La gare était à moitié vide, aucune personne assise si ce n’était moi. L’inquiétude, mêlée à la peur, me gagna. Elles s’amplifièrent quand je vis avancer vers moi d’un pas assuré, deux hommes allemands. L’un blond, l’autre brun. Ils étaient à trois mètres et demi de moi. Policiers ? Contrôleurs ? Je n’arrivais pas à déchiffrer leur fonction au travers de la tenue qu’ils arboraient.

Ils portaient une tenue de couleur bleu marine très sombre, à longues manches. On aurait pu l’assimiler au noir. La partie supérieure de leur thorax était revêtue d’une espèce de jaquette de même matière qui était de couleur vert fluo. À gauche, sur ce thorax, il y avait une petite bande rectangulaire rouge avec une inscription que je ne sus déchiffrer. En dessous de ce vert fluo, il y avait deux grosses poches de même couleur que leur uniforme. Plus bas, ils avaient comme une forme de ceinture avec à droite une pochette similaire à celle prévue pour un pistolet. Du côté gauche, sur la même ceinture, une pochette avec le manche d’un poignard qui ressortait. Je notais que tous les deux avaient tout près du cou un talkie-walkie.

Woooo les Nyèèè** oooh ! Wooo c’est gâté oooh !

J’essayais de fouiller rapidement dans ma tête l’image de l’uniforme de la police allemande. Sauf erreur de ma part, c’était à peu près le même uniforme, mais avec l’inscription « Polizei » bien visible dessus. Je regardais rapidement ces messieurs, des pieds à la tête pour chercher cette inscription. Je ne vis point de « Polizei ». Qui étaient-ils ? 

Je regardais rapidement à gauche, à droite, personne. Les carottes sont cuites ! Le fameux toum-toum-toum de mon cœur reprit. Il m’affaiblit. Ils étaient maintenant à plus d’un mètre de moi. J’espérais qu’ils bifurqueraient à gauche ou à droite. J’espérais qu’une voix sourde dans le talkie-walkie les obligerait à rebrousser chemin. Rien de cela ne se produisit. Je tentais de rester calme en respirant lentement. Tâche difficile.

Toum-toum-toum-toum…

Je ne sentais plus mes jambes. Je ne sentais plus mes mains. Elles étaient comme congelées. Comme gelées dans du ciment. Je n’essayais pas non plus de bouger pour vérifier. À quoi bon ? Des voix mesquines, presque diaboliques murmurèrent dans mes oreilles :

C’est terminé, madame, ta course s’arrête ici !Tu vas rentrer au Cameroun, madame! De gré ou de force !

On t’avait dit de rentrer au Cameroun non ? Tu as dit que tu es Rambo non ? Tu as dit que tu es King-Kong non ? Que rien ne te dépasse non ?Voilà ! Tu vas…

Je bouchais mes oreilles sans les toucher pour ne plus les écouter. Ils n’étaient plus très loin de moi. Leurs regards toujours braqués dans ma direction. L’un d’eux saisit son talkie-walkie et y murmura quelque chose. Mon ventre se mit à bourdonner. Les fourmis-magnan*** étaient de retour sur ma colonne vertébrale. Je n’arrivais plus à respirer normalement. J’ouvris légèrement ma bouche. Pourquoi venaient-ils en ma direction ? Que cherchaient-ils ? Je venais à peine d’arrivée, je n’avais même pas encore partagé l’information avec qui que ce soit. Avais-je fait quelque chose de mal ? Quoi ? Mon cerveau n’avait en mémoire aucun délit de ma part, je venais fraîchement d’arriver sur ce territoire. Quel était donc le problème ? Aucune réponse ne me parvint.

Mon cerveau renonça de réfléchir lui aussi. Le ciment qui avait gelé mes mains, mes pieds le gela lui aussi. Qu’allait-il se passer là dans quelques minutes ? Je n’en avais aucune idée. Je ne voulais même pas l’imaginer. Je fermais donc les yeux dans l’espoir de disparaître. Je fermais les yeux dans l’espoir de quitter ce monde, de passer de vie à trépas. Je fermais donc les yeux pour les échapper, pour y échapper. Je sentis les larmes ruisseler. Je ne voulais pas assister à ce qui allait se produire. Dans quelques minutes. Lorsque ces deux messieurs arriveraient à ma hauteur. Non… Je gardais mes yeux fermés et j’entendis mon cœur fredonner d’une voix forte, ce chant Ewondo* :

Mesiki bi mekyebe a mis moe aa nge w’abebe bivus biam, yene te me ngôl a Nti wam oo wulgu t’avol oze me kode, m’ayem n’one nnem ngol a Nti, kodege ma engongôl. Za’a me kode a Nti, w’one eke mbil dzam, w’one asobo dama aa, ndi, dzama ese ene ve wa, ngue w’abebe bivus biam ana oo, a Nti medzang aa * Ewondo : l’une des langues Beti parlée au Cameroun.

M’aloe wa a Zamba wam oo e a Nti vogolo, keege te melô moe abe ma owog nyon wam, nge w’abebe bivus biam ana Nti, oyeme ne medzañ ya*…*

Traduction : Je ne peux avoir gain de cause devant Toi, si Tu regardes mes fautes, aie pitié de moi mon Seigneur, presses le pas et viens me sauver, je sais que Tu es miséricordieux Seigneur, sauve-moi, je t’en supplie. Viens me sauver Seigneur, c’est Toi mon recours, c’est Toi mon refuge, mon rempart, c’est Toi, si Tu regardes mes fautes aujourd’hui, Seigneur je me perds! Je T’appelle mon Dieu, Seigneur écoutes, tends tes oreilles vers moi et entends mon pleur, si Tu regardes mes fautes aujourd’hui, Seigneur, saches que je suis perdu…

À suivre…

Sur le chemin de l’illégalité, Josie-K, juin 2024.

Nyèèè : policiers dans l’argot camerounais.

Fourmis-magnan : fourmis légionnaires carnivores du genre Dorylus, aux morsures très douloureuses.

1

Mars 2018, gare d’Oranienburg, Berlin. 18h etplus…

Les larmes ruisselaient sur mon visage, je gardais les yeux fermés. Je suppliais Dieu de tout mon cœur, de toute mon âme. Sans arrêt. Qu’adviendra-t-il de moi, là, dans quelques minutes ? Avec ces messieurs qui fonçaient droit en ma direction ?

Allaient-ils me tirer dessus? Me demander mes pièces d’identité ? Me demander ce que je faisais là avec autant de bagages ? Allaient-ils me conduire de force au poste de police ? Me faire subir un interrogatoire musclé ? Et parce que je ne parlais pas leur langue, allaient-ils me foutre en cellule sans ménagement ? Et me rapatrier au prochain vol sans transition ? J’avais presque l’impression de lire sur les coupures de journaux du lendemain : « une Camerounaise sans papiers en Allemagne rapatriée le jour de son arrivée! »

Je n’avais pas prévu ce qui se passait en ce moment, dans toute ma planification. J’étais donc sous le choc, tétanisée.

Allaient-ils me menotter devant tout ce monde ? Qu’adviendrait-il de mes affaires ? Surtout de mon ordinateur où toute ma vie reposait ? Qu’allais-je devenir ? Après tous ces efforts fournis pour me retrouver enfin sur ce territoire. Oh nooon…

Je n’en avais aucune idée. J’étais extrêmement fatiguée, j’avais envie de dormir, de me reposer, éternellement peut-être. Afin de mettre fin à cet oscillogramme émotionnel que je vivais en permanence depuis plusieursmois.

J’aurais tellement aimé rentrer dans un violent coma à l’immédiat. Une balle en plein cœur, un poison mortel ingéré, aurait été salutaire pour moi, en cet instant précis, pensais-je.

Toum-toum-toum-toum-toum…

Mon cœur cognait si fort dans ma poitrine que j’avais du mal à respirer. J’ouvris légèrement la bouche. Les yeux toujours fermés.

Malheureusement, j’étais encore vivante et j’avais encore tous mes sens. Mon corps raide et les battements accélérés de mon cœur qui résonnaient jusque dans mes oreilles en étaient la preuve.

Tout à coup, je sentis une main forte me saisir l’épaule droite par l’arrière. Je sursautais, mon corps se crispa. Je fronçais mes yeux restés fermés. Mes mains s’agrippèrent à mon sac à dos qui était resté sur mes genoux.

Ça y est, ils allaient me menotter, m’appliquer le Taser! Comme ils le font avec de grands criminels, dans les films. Après, ils m’embarqueraient sans ménagement au vu et au su de tout le monde en direction du prochain poste de police.

Ils allaient me faire passer un interrogatoire en allemand, avec peut-être un traducteur qui transcrirait approximativement mes réponses. Transcription qui de toute façon ne serait pas en ma faveur.

Ils m’enfermeraient dans une cellule des jours, des semaines probablement, sans téléphone, sans moyens d’informer mes proches. Je n’aurais que le chagrin pour compagnie. Je pleurerais tous les jours, tellement que les larmes finiront par s’assécher de mes yeux. Je maigrirais à vue d’œil. Je regretterais très probablement, des années durant, la folle décision qui m’avait poussée à rester illégale sur le sol belge, après l’expiration de monvisa.

Je regretterais plein de choses.

Adieu mes efforts, adieu mes rêves, adieu la Belgique, adieu l’Allemagne, bonjour le Cameroun. Pensais-je mentalement. Les yeux toujours fermés.

La main étrangère se serra sur mon épaule. C’était une main d’homme sans aucun doute. Je n’avais pas le courage d’ouvrir mes yeux pour vérifier par moi-même. Je maintenais mes yeux fermés, car j’attendais de recevoir un coup, une gifle, une balle tirée sur moi. J’attendais que mes mains soient saisies violemment pour être plaquées dans mon dos et tout mon corps avec, à même lesol.

J’attendais de ressentir que l’on m’arrachait mon sac posé sur mes genoux pour le jeter au loin. J’attendais de ressentir sur mes deux poignets, le fer glacé des menottes. Et que l’on me fasse me lever de force.

J’attendais. Au bout de quelques secondes qui semblaient être des minutes interminables dans mon esprit, un scénario différent de mes pronostics se produisit.

Dans mon dos, j’entendis de la bouche du propriétaire de la main forte agrippée à mon épaule. Et d’une voix forte cette phrase allemande « Wir sind zusammen! Wir sind zusammen!».

Rapidement, mon esprit tenta de se remémorer des bribes d’allemand que j’avais appris au lycée. Mon esprit se rappela que: Zusammen=ensemble. Wir sind=nous sommes.

J’entendis des voix plus fortes. Cette fois-ci en face de moi, dans un allemand très fluide et rapide dont je ne sus déchiffrer aucun mot cette fois-ci. C’était la voix des messieurs que j’avais vu avancer vers moi des minutes auparavant.

Que disaient-ils ? Je n’en avais aucune idée. Cet allemand était beaucoup trop rapide, je ne pus saisir aucun mot. La main sur mon épaule me secoua et me parla en français :

–Josie, Josie, c’est toi Josienon ?

J’hésitais à ouvrir les yeux, mais je ne pouvais les garder fermés plus longtemps. Je baissais la tête et j’entrepris d’ouvrir les yeux lentement. Je vis mon sac contre lequel je m’étais blottie de toutes mes forces. Je relevais lentement la tête et je vis les deux agents qui s’éloignaient par ma gauche.

Pourquoi s’en allaient-ils ? N’étaient-ils pas là pour me perquisitionner ? Pour m’arrester ? Je ne comprenais pas. Qui était celui qui m’avait saisi par mon épaule et avait crié de la voix forte « Wir sind zusammen » ? Je me retournais instinctivement. Je vis un jeune homme d’une trentaine d’années. Il arborait des locks, mi-longs, il avait gardé sa main sur mon épaule et me fixait en esquissant un léger sourire.

–C’est toi Josie non ?

J’esquissais la tête de haut en bas sans dire un mot. Ah oui c’était probablement Bisseck !

–C’est moi, Bisseck Frederick, celui qui devait venir te chercher. Je suis désolée, j’ai fini le travail un peu plus tard. Le temps de prendre le train, la batterie de mon téléphone était complètement à plat, impossible de te contacter. Désolé, masœur.

Je notais qu’il y avait un autre jeune homme pas très loin de lui qui regardait la scène sans rien dire. Bisseck qui avait peut-être noté mon air apeuré et interrogateur fit instinctivement les présentations.

–Je te présente mon ami, Yohann, on habite ensemble.

Mes bras se détachèrent lentement de ce sac que j’avais tenu cramponné à moi de longues minutes. J’osais me mouvoir lentement pour me dégourdir, j’avais des crampes douloureuses dans tout le corps. Lentement je déposais mon sac sur le côté et je me levais pour les saluer.

–Enchantée Frederick, enchantée Yohann, fis-je dans une voix faible, timide, emplie de peur et de crainte. Je leur tendis timidement ma main et les saluais respectivement.

–Enchanté Josie, tu peux m’appeler Mvondo einh. Reprit Yohann.

Je me retournais et je vis que les messieurs à l’uniforme n’étaient plus là. Mvondo et Bisseck m’expliquèrent par la suite qu’ils s’étaient dirigés vers moi parce que j’étais là, seule depuis plusieurs heures. Ils souhaitaient savoir si j’étais perdu ou si j’attendais quelqu’un compte tenu de l’heure. On était très loin du scénario que je m’étais fait dans ma tête !

2

Mars2018

Bisseck m’informa que Talla, celui qui vivait à Berlin n’était pas dans la ville. Par conséquent, il ne pourrait malheureusement pas passer me prendre ce jour comme convenu. J’allais devoir passer la nuit chez lui. Et ce n’est que le lendemain que, Talla; le monsieur aux opportunités de Berlin passerait me prendre.

Aaaaah ! Passer la nuit avec 2 parfaits inconnus ??? Deux messieurs visiblement plus forts physiquement que moi, dans un pays où je ne parlais pas la langue et où je ne connaissais personne ! Wèkeeeh ! Encore moi dans les affaires tordues ??? Aaah Seigneur ! Toi aussi !

M’exclamais-je mentalement. Le scénario que me présenta Bisseck était rocambolesque, risqué et illogique pourmoi.

Je sortais d’un long voyage où mes émotions avaient été mises à rude épreuve, je sortais d’une ville où tout mon séjour n’avait été que montagnes russes émotionnelles. Et voici qu’à peine arrivée, sans repos ni transition, je me retrouvais encore dans des situations ambiguës et risquées.

La principale chose dont j’avais besoin à ce moment précis était le repos, la paix, la tranquillité. Mais voilà qu’à peine avoir foulé ce sol étranger, je devais à nouveau retourner en mode alerte-défense-analyse-prudence, tout ce que je détestais !

Mais pourquoi Seigneur ? Pourquoi tous ces contournements ? Avec tous les risques que cela comporte ?

Et s’ils étaient des dealeurs de drogue ? Des proxénètes ? L’épisode avec le DJ en Belgique était encore frais dans ma mémoire, je ne voulais pas faire preuve d’imprudence à nouveau.

Je n’avais jamais rencontré Bisseck, ni Mvondo de ma vie. C’étaient de parfaits étrangers à mes yeux. Comment les suivre et passer la nuit chez eux dans de telles conditions ? Il devait être 18h20 environ. Bisseck prit la parole :

–Josie, tu as l’air traumatisée einh ? Tu es très calme depuis. C’est quoi ? Les contrôleurs là t’ont fait peur apparemment. Fit-il l’air amusé.

–Pourquoi dis-tu cela ? demandais-je à brûle-pourpoint.

–Parce que quand on est arrivé tu étais la seule Nga**** noire avec les bagages, j’ai dit à Yohann que c’est sûr que la fille-ci croit qu’on l’a abandonné. Et qu’on mentait qu’on va venir la chercher. Et Mvondo enchaîna :

–Rien que de dos, j’ai vu comment tu étais accroché à ton sac, j’ai su que tu étais en panique.

–Oui c’est vrai, repris-je avec sincérité. Ce n’étaient pas les policiers alors ?

–Nooon ce sont juste les contrôleurs, ils surveillent le train, parfois ils interviennent s’il y a les bagarres, des gens saouls dans le train ou dans la gare.

–Ekieee ! Tu croyais que c’étaient les Nyèèè***** ? demanda Bisseck avec un fort accent camerounais.

–Oui je pensais que c’étaient les policiers et qu’ils devaient me demander mes papiers et peut-être me conduire en cellule.

Les deux éclatèrent de rire. Bisseck se tordait littéralement.

–Wouaaah récé******, ils t’ont vraiment traumatisé einh ? Ici on ne contrôle pas les gens comme ça, ne t’inquiète pas, sauf si tu fais un faux way*******. Donc tu as cru qu’on venait te ask******** tes pépas******** einh ? Il éclata de rire à nouveau.

Je m’étais visiblement fait un film. Les voir rire autant me soulagea quelque peu. Cela signifiait que j’étais hors de danger. Tant que je ne ferais pas de bêtises, je ne serais pas contrôlée. À partir de ce moment, petit à petit, je sentis mon corps se relâcher et la tension s’éloigner de celui-ci.

–Bon, on est à Berlin ici, ma maison est à Fürstenwalde, donc on va aller là-bas tu vas dormir et demain Talla passera te prendre. Je vais lui écrire dès qu’on arrive à la maison que tu es déjà avec nous. Je n’avais aucune idée de cet endroit. Pire, je n’avais pas internet sur mon téléphone pour regarder.

Sans transition, ils se saisirent de mes affaires et nous sortîmes de la gare en direction de l’arrêt-bus, pas loin de là. Une dizaine de minutes plus tard le bus s’arrêta, Bisseck me demanda d’acheter mon ticket pour éviter un contrôle inopiné. Qui ne tournerait pas en ma faveur, si je n’en avais pas un, m’informa-t-il. Bisseck avait sa carte de transport mensuelle, je lui tendis un billet de 10 euros pour mon ticket et ainsi que pour celui de Yohann. Il y avait la possibilité de s’acheter les tickets chez le chauffeur, Bisseck revint avec deux tickets validés. Mvondo et lui en profitèrent pour me narrer le fonctionnement des transports, avec leurs propres vécus et anecdotes. Le bus secouait et ne manquait pas de me projeter tantôt à gauche, tantôt à droite. Ils m’invitèrent à toujours saisir fortement l’une des rampes à l’intérieur du bus chaque fois que j’y rentrerais, afin de garder l’équilibre. C’était la première fois que j’utilisais le bus sur le sol européen.

Le bus nous laissa à la grande gare de Berlin, la principale, Berlin-Hauptbahnof. En entrant, je fus subjuguée. Elle était si gigantesque, si lumineuse et bondée à cette heure. J’entendis des voix fortes en allemand venant d’un standard très probablement, mais je ne comprenais pas un mot. Nous prîmes les escaliers roulants et chemin faisant, je vis un énorme tableau numérique avec des chiffres, des mots, des noms de villes. Ah oui ! Ceci devait être le tableau annonçant les prochains départs et destinations de cette gare. C’était la première fois que je voyais cela de mes yeux. La gare était si grande, si propre et belle. Avec des boutiques, des échoppes de restaurations rapides, des Backereï********toutes si illuminées

Waouuh….

Soupirais-je intérieurement.

Nous prîmes 3 escaliers roulants au total pour nous retrouver dans l’une des voies tout en haut. Bisseck et Mvondo n’arrêtaient pas de parler. Mais mon esprit était absorbé par cette réalité nouvelle, impressionnante et intimidante à lafois.

Un train rouge-orangé s’arrêta; le S-Bahn********. Je vis une masse de personnes qui attendaient avec nous se mettre à l’écart pour permettre aux personnes de sortir du train. Je notais que pendant tout ce temps où les personnes sortaient du train, personne ne bousculait, personne n’essayait de rentrer de force.

Le lot de personnes sortant du train avait tari, ce fut au tour des personnes qui attendaient à l’extérieur d’entrer. Cela se fit dans le calme et l’ordre. Là encore, aucune bousculade.

Waouhh…

Un instant, je m’imaginais au Cameroun. Tentant de reproduire la même scène dans mon esprit.

–Ho ! Petit! Laisse-moi entrer !

– Tu oses me bousculer? Ça ne va pas dans ta tête ? Ça vous prend même souvent par où ? Tu sais qui je suis ?

–On t’a dit que c’est le train de ton père ici ? Dis-donc pousse-toi !

–Je suis ici avant toi, toi tu sors loin derrière là-bas pour venir faire la force ici ? Tu es malade ? Ça ne va pas avec toi ? Tu te croisoù ?

–Même le train que le blanc a construit pour faciliter le transport, vous voulez faire comme l’Opep******** de vos villages avec, vraiment ça ne vaut pas la peine avecvous…

Ce serait la pagaille totale… Pensais-je quelques secondes en me projetant mentalement. Je laissais mon esprit errer un instant, ce qui me fit sourire quelques secondes en imaginant le scénario.

Le train était bondé lorsque nous entrâmes, il n’y avait plus assez de places assises. Une fois de plus, ils me rappelèrent de saisir une des rampes pour ne pas me renverser ni bousculer les personnes près de moi. Je ne savais pas exactement où nous allions, je ne connaissais pas vraiment Bisseck et Mvondo, ni ce qui se passerait avec eux. J’avais la triste impression de m’être jeté dans le vide, sans expérience ni parachute.

À cet instant précis peu m’importait. À quoi bon ? Qu’aurais-je bien pu changer à cette situation ? J’étais déjà soulagée que les contrôleurs de train de la gare ne soient pas la vraie police comme je l’avais imaginé. Il restait juste à espérer que ces jeunes hommes soient de bonne moralité et ne m’embarquent pas dans des situations louches ou des affaires douteuses.

Je ressentais des douleurs épouvantables au niveau des épaules, mon sac à dos était si lourd. J’avais le ventre vide, j’étais épuisée, mes émotions avaient été mises à rude épreuve de toute la journée. Je voulais juste prendre un bain et dormir. Mais visiblement nous avions encore du chemin à faire.

Il eut deux changements de trains; du S-bahn au Régionalbahn********. Du Régionalbahn au U-bahn********.

Le trajet dura environ 1h30. La nuit était noire, lorsque nous arrivâmes à destination en sortant du U-bahn. J’étais derrière eux pendant qu’ils avançaient avec mes affaires, heureusement ils m’avaient soulagé de ce fardeau. Bisseck s’arrêta à un Spätkauf********et je le vis acheter un pack de 6 bières. Mvondo prit un paquet de cigarettes et une petite bouteille de liqueur allemande forte Jägermeister, très exactement.

Hummm.

Mon esprit analytique que je forçais au silence depuis se remit en marche.

Je suis en train d’aller à une destination inconnue, avec deux Camerounais. Un en locks, qui vient d’acheter 6 bières, l’autre la cigarette avec un whisky. Les deux sont plus forts physiquement quemoi…

Et si c’était pour te violer ? Et si c’étaient des proxénètes ? Des fumeurs de Ndeupah********? De drogue ? En plus tu ne parles pas l’allemand, si tu cries même au secours, tu vas expliquer comment? Qui va comprendre ? Akieee !

Interrogea mon esprit tourmenté.

Haaaa !

Dépassée par la situation cocasse, risquée et sans issue véritable que je vivais en cet instant précis, je me remis à prier silencieusement toute la suite du trajet.

Seigneur, viens à mon aide, viens à mon secours. Ma vie, ma survie sont entre tes mains. Protège-moi stp. Tu sais pourquoi je me retrouve dans cette situation…

Nous arrivâmes chez Bisseck à 21h33. Il vivait dans un tout petit appartement au premier étage d’un immeuble assez reculé. Il m’expliqua qu’il avait reçu ce logement du gouvernement puisqu’il était en Ausbildung********.

Mon cœur se mit à battre la chamade lorsqu’il referma la porte derrièremoi.

–Entre, entre, fit-il, avenant, le sourire aux lèvres.

Je notais en entrant qu’il y avait un grand lit avec un canapé sur le côté et un écran plat juste en face du lit. Avec à droite des vêtements suspendus rangés sur des cintres et en dessous des chaussures bien rangées.

–Voici le salon, fit-il.

Le salon ? m’interrogeais-je intérieurement. Pourquoi salon avec un lit en plein milieu ? Je n’osais pas demander à cela à hautevoix.

Il me fit voir la cuisine qui était presque de même surface que le salon avec une petite table, 3 chaises et un réfrigérateur assez grand. Mvondo resta au salon et alluma le téléviseur tout en se servant sa liqueur.

Bisseck me conduisit aux toilettes et m’indiqua les différentes commodités. Là aussi, je fus surprise; il fallait monter dans une baignoire pour prendre sa douche, je n’avais jamais vu cela auparavant. Une fois de plus, je n’osais pas interroger cela à haute voix.

Il n’y avait pas d’autres chambres, avais-je noté. J’avais tant espéré qu’il y aurait une chambre supplémentaire. Où j’aurais pu m’enfermer à clé. À double, voir triple tour pour me sentir assez en sécurité et espérer dormir paisiblement.

Rien.

Nous rentrâmes au salon rejoindre Mvondo qui était allé au petit balcon non éclairé pour fumer. Je ne voyais plus les traits de son visage. Juste les volutes de fumée qui s’élevaient et se répandaient autour de son visage.

Hummm, te voilà avec les Bangaman********! Et tu vas devoir passer la nuit aveceux…

–Voici le canapé Josie, tu vas dormir ici, moi et Yohann on sera sur le lit, attends je te prends une couverture, fit-il en se dirigeant dans son mini dressing à portée de vue.

Je ne bougeais pas, surprise, mon cerveau était en pleine évaluation de la situation. Comment dormir dans la même salle avec de parfaits inconnus ? Je cherchais une issue, une alternative mentalement. Il n’y en avait pas dans l’immédiat. Ah oui, si ce n’était de dormir à la belle étoile, dans le froid. Il se rendit peut-être compte de mon trouble et medit :

–C’est comme ça qu’on jongle ici en Mbeing******** einh. Il n’ y a pas d’espace, le loyer coûte cher… Ma chambre ci que tu vois c’est un hôtel 5 étoiles pour d’autres personnes. Je ne me vante pas ooh, Yohann peut te confirmer…

Je lui indiquai mon désir de prendre une douche et je pris une partie de mes affaires avec lesquelles je me dirigeais dans la salle debain.

Une fois à l’intérieur, je vérifiais à trois reprises que j’avais bien fermé la porte et que personne ne pourrait entrer à mon insu. Un court moment, je me sentis libérée, en paix, en sécurité. En ouvrant l’eau chaude et en la sentant sur ma peau, une sensation d’apaisement m’envahit. Le vide s’installa dans ma tête, dans mon esprit. Mon cerveau se mit en pause, l’eau ruisselait sur mes jambes, mes orteils, je les sentis eux aussi se détendre. Ils avaient été emprisonnés plus de quinze heures dans des tennis. Qu’est-ce que c’était agréable de ne plus porter des chaussures !

Ce moment à la salle de bain fut d’ailleurs l’unique moment agréable de cette journée.

La vapeur emplit rapidement la pièce qui était toute petite et bientôt elle devint opaque.

Je planais, je volais, j’étais comme sous hypnose. J’étais anesthésiée de toute douleur, crainte, peine, frustration, inconfort. Cela n’existait plus. Je désirais tant que ce moment perdure.

J’avais envie de passer la nuit dans cette douche. Je m’imaginais très bien assécher la baignoire pour y poser une couverture ou même mes vêtements. Afin de dormir comme un bébé. Afin de me sentir à l’abri, afin de vraiment me laisser aller dans les bras de Morphée. Ceci avant d’affronter le jour suivant.  J’ignorais ce qu’il me réserverait.

Cette salle de bain devint dans mon esprit, comme un temple, un lieu de recueillement. Une assurance de paix, de tranquillité une fois les verrous fermés.

Non ! Le salon n’était pas la pièce 5 étoiles, comme me l’avait dit Bisseck, pas du tout ! C’était sa salle de bain qui était l’espace 5 étoiles. Je ne craignais plus rien à l’intérieur, mon corps n’y était plus sous tension, mon regard n’y était plus vif ou trop attentif. Ni mon cerveau en alerte. Jusqu’ici, je n’avais jamais imaginé combien il pouvait être sécurisant et agréable d’être enfermée dans des toilettes…

Il me semble que ma rêverie et ma douche durèrent longtemps, car un bruit à la porte me sortit de mes divagations.

–Josie, ça va ? Tout va bien ?

–Oui, oui merci fis-je.

–Ça fait déjà 30 minutes que tu es là-bas la Go********. Donc c’est comme ça que vous durez aux toilettes en Belgique mama ? Hééééé ! s’exclama-t-il avec une pointe d’humour.

–Non, non ça va j’ai presque fini, jesors.

–OK, Yohann va faire les œufs avec le Schinken********tu manges ?

Je ne savais pas ce que le Schinken était, mais je déclinais automatiquement.

–Non merci j’ai de quoi manger, ça va aller, merci beaucoup.

–OK.

Je me vêtis rapidement, je nettoyais la douche, le miroir pour la laisser telle que je l’avais trouvée. J’avais une folle envie de porter un petit pyjama léger, car mon corps avait été comprimé de toute la journée, mais je ne pouvais pas me permettre un tel luxe et risque. J’enfilais malgré moi un autre pantalon-jean, soutien-gorge, chemise et pull et je demeurais en chaussettes.

Je ne savais pas ce qui allait se passer cette nuit. Je ne connaissais pas non plus les intentions de ces jeunes hommes, qui jusqu’ici avaient été corrects, mais la prudence était mon seul rempart. Il fallait compliquer la tâche, quelles que soient leurs intentions. Vêtue ainsi, il était facile avec le froid à l’extérieur de s’échapper et courir. Au cas où les choses tournaient mal. Vêtue ainsi une tentative de viol serait ardue. Vêtue ainsi, j’avais de l’argent enfoncée dans la petite poche de mon Jeans au casoù…

La paranoïa avait élu domicile dans mon esprit, je l’avoue. Mais les circonstances ne me permettaient pas de m’en défaire. Je les rejoignis au salon. Je déclinais toutes leurs propositions : bières, cigarettes, liqueurs, jus, repas. J’eus pour diner deux pommes que j’avais emportées avec moi depuis la Belgique et que je croquais en guise de dîner. Toute la soirée je demeurais sur mes gardes.

Je repris la prière silencieuse tout au fond de mon cœur. Honneur à St Michel Archange…

Je suivais subtilement chacun de leurs mouvements. La tension et la nervosité reprirent possession de mon corps. Mon cœur se mettait à battre fort quand l’un d’eux passait près de moi. Ces palpitations s’atténuaient quand il s’éloignait de nouveau. Et tout le temps que nous restâmes éveillés, mon cœur virevolta au gré de chacun des mouvements de ces messieurs.

–J’ai écrit à Talla pour lui dire que tu es déjà là et qu’on t’a déjà récupéré de la gare. Il ne m’a pas encore répondu. Je l’ai appelé, mais ça ne sonne pas, peut-être que son téléphone est déchargé. Lança Bisseck. J’espère que ce n’est pas le Ndem********…

Ce seul mot retourna mon esprit et me fit faire une crise de panique. Bisseck enchaîna :

–Hum s’il me Ndem********, c’est que je ne sais pas comment on va faire einh ? Moi-même j’ai ma Nga********, je vis déjà ici avec Yohann, je ne pourrais pas te garder plus de deux jours.

Cette annonce me fit l’effet d’une claque. En gros, il me faisait clairement comprendre que Talla avait intérêt à passer me prendre comme convenu, sinon il ne pourrait pas m’héberger plus longtemps.

Je soupirais bruyamment et lentement.

Je n’en pouvais plus de cette incertitude, de ce cafouillis. De ces contournements et tortillements dans ma piètre existence depuis que j’étais arrivée en Europe. Un court moment, j’eus envie de maudire Dieu, de lui dire 4 mots, je m’abstins.

Je chassais ce scénario éventuel dans mon esprit et je changeais de prière. Ce n’était plus la prière de protection et de combat à Saint-Michel comme j’avais entamé. C’étaient maintenant des prières de supplications ardentes au Seigneur.

Mon Dieu ne m’abandonne pas, je t’en supplie, évite-moi le pire. Guide et oriente mes pas, que par ta Grâce Talla vienne me chercher. Que je trouve vite le travail et que j’ai ma propre maison. La prière transitionna par la suite vers Saint-Joseph : St Joseph St Patrons des travailleurs, priez et intercédez pournous…

Il était minuitdix.

Un moment Mvondo se leva et se dirigea à la cuisine, je le vis ressortir avec un couteau, le regard en ma direction.

Je t’ai bien dit que c’étaient des bandits, des malfaiteurs, tu as vu non ?Toi-même tu vois un gars en locks, tu t’attends à quoi ? murmura une voix dans matête.

Voilà qu’on va maintenant te couper le cou ! Toi-même, tu partais où avec des étrangers ? En plus des Camerounais ? Voilà alors…

Les voix machiavéliques avaient refait surface dans ma tête. Je luttais de toutes mes forces pour les réduire au silence sans paniquer. Pourquoi avait-il un couteau ? Je regardais discrètement Bisseck qui regardait la télévision imperturbable.

Haaaa !

Nga : femme dans l’argot camerounais.

Nyèèè : policier dans l’argot camerounais.

Récé : sœur dans l’argot camerounais.

Faux way : bêtise, erreur dans l’argot camerounais.

Ask : demander dans l’argot camerounais.

Pépas : papiers, titre de séjour dans l’argot camerounais.

Backereï : boulangerie en allemand.

S-Bahn ou Stadtschnellbahn : chemin de fer rapide urbain dans le centre-ville et ont des caractéristiques similaires à celles du métro. Il correspond au RER parisien.

Opep : véhicule de transport vers les zones enclavées, ou en direction des zones rurales, en général moins confortable.

Regionalbahn ou RB (Regio Bahn) : ce sont des trains qui desservent un plus grand nombre de stations, notamment de villes plus modestes. Surtout pour les trajets en dehors des grands axes.

Ubahn ou Untergrundbahn : « chemin de fer souterrain »; c’est un système de transport rapide conventionnel qui fonctionne principalement sous terre en Allemagne.

Spätkauf ou Späti (Spätverkaufsstellen) : magasins tardifs en Allemagne; ils permettent aux habitants de se procurer les produits de première nécessité lorsque la plupart des autres magasins ont déjà fermé. Leurs horaires de fermeture varient de minuit, 2h, 3h du matin. Certains sont ouverts 24h/24.

Ndeupah : Cannabis, Marijuana dans l’argot camerounais.

Ausbildung : formation professionnelle qui dure en général de 2 à 3 ans suivant la profession qui est apprise. Elle est plus orientée sur la pratique et se déroule en entreprise.Les alternants reçoivent une rémunération dès le début.

Bangaman : fumeurs de « banga » ;c.-à-d. Cannabis, Marijuana dans le jargon camerounais.

Mbeing : Europe dans le jargon camerounais.

Go : la fille, ou la femme dans l’argot camerounais.

Schinken : Jambon en Allemand.

Ndem (nom) : coup foireux, farce… dans l’argot camerounais. La définition du mot varie selon le contexte.

Ndem (verbe): laisser tomber, changer d’avis, ne pas respecter sa parole… dans l’argot camerounais.

Nga : femme, copine dans l’argot camerounais.

3

Je basculais sans transition de la prière de Saint-Joseph à celle de St Michel Archange : « St Anges et Archanges défendez-nous et gardez-nous. St Anges et Archanges, défendez-nous et gardez-nous. Saint-Michel Archange, défendez-nous dans le combat, soyez… »

Mvondo avança dans ma direction, mon cœur se remit à battre mille à l’heure.

Toum-toum-toum-toum….

Il se courba devant moi, je me reculais instinctivement à l’autre bout du canapé. Je le vis saisir des sandales avant de se diriger à nouveau vers le balcon.

–Ekiee Récé********, tu sursautes quoi ? Tu as peur ? fit-il en souriant. Bisseck éclata de rire. Et reprit :

–Je vois qu’on t’a seulement traumatisé là-bas en Belgique einh récé. Wouuaaah !

Mvondo, avec un ton plus compatissant, reprit :

–Récé il ne faut pas avoir peur, on est tous ici pour se battre. Qui peut se sacrifier pour venir en Mbeing par la route et venir ici commettre des forfaits ?

–D’abord que la sécurité dans le pays-ci est d’abord high********. On ne peut rien te faire la Go, nous on n’a pas le cœurlà…

Je me sentis un peu honteuse de ma réaction et de mon manque de confiance à leur égard. Mais avais-je choisi de réagir ainsi ? Pas vraiment.

Peut-être que c’est moi qui avais un problème, finis-je par conclure intérieurement. Bisseck et Mvondo avaient été corrects jusqu’ici. Ils étaient venus loin d’où ils vivaient pour me chercher à la gare, m’aider avec mes affaires lourdes. Ils m’avaient proposé à manger, à boire. Ils m’offraient un abri pour la nuit. Et malgré tout cela, j’avais juste trouvé le moyen de leur prêter de mauvaises intentions. Je culpabilisais.

Seigneur, pardon pour ce jugement, merci pour cette aide que tu m’apportes à travers tes enfants.

Nous n’échangeâmes plus un mot. Une quinzaine de minutes plus tard, Mvondo éteignit les lumières et rejoignit Bisseck qui était déjà allongé dans lelit.

–Bonne nuit, Josie.

–Bonne nuit à vous. Répondis-je.

Je me recroquevillais dans ce canapé trop petit pour mon corps. Avec le chauffage de la pièce, en plus de mon combo : pull-over + jeans + chemise, une vague de chaleur m’avait envahi. Je commençais à transpirer légèrement. Mes vêtements étaient serrés, inconfortables, mais je n’eus pas le courage de me changer.

Toujours pas assez rassurée, j’entamais la méditation du chapelet à la Vierge Marie et je m’endormis avant de l’avoir terminé. Le sommeil fut perturbé. Je me réveillais en sursaut à 2h du matin, complètement en sueur, les pieds en feu. Trop comprimée dans mes vêtements, j’enlevais le pull-over et les chaussettes non sans une certaine crainte, je déboutonnais mon jean et ouvris la fermeture pour me recoucher. À cinq heures du matin, même scénario. À chaque fois, le fait de les voir tous les deux, endormis aussi profondément, avec des sifflements de leurs ronflements perceptibles, fut ma source d’apaisement. Je me recouchais moins apeurée en prenant la ferme résolution de m’endormir moi aussi.

À 7h15, le réveil de Mvondo retentit et nous tira tous du sommeil. Il devait aller travailler. Il se prépara rapidement et s’en alla. Je ne restais à la maison qu’avec Bisseck.

J’allais à la salle de bain me rafraîchir et je jetais un œil dans le miroir. J’avais les yeux enflés et rougis. Mes tresses effectuées depuis le Cameroun n’étaient plus en très bon état, mais bon.

J’avais survécu à cette première nuit avec des étrangers, ce n’était pas plus mal, je rendis grâce à Dieu. Je fixais mon propre regard dans le miroir en m’interrogeant. Qu’allait-il se passer en cette journée ? Talla viendrait-il me chercher comme convenu ? Où allait-on aller ? Serais-je aussi confortable avec lui qu’avec Bisseck et Yohann ?

Le silence fut la réponse.

Je rentrais dans le salon-chambre ranger la couverture du canapé en la pliant, je débarrassais la table des verres et bouteilles vides qu’ils avaient laissés la veille. Je lavais les ustensiles et fis un peu de rangement.

Deux heures plus tard, Bisseck m’informa qu’il avait finalement eu Talla au téléphone et qu’il était en chemin pour passer me prendre. Je poussais un ouf de soulagement interne.

Enfin ! Je pourrais bientôt trouver du travail et avoir mon propre chez moi, prendre un nouveau départ en cette terre étrangère. Ce n’était pas plus mal, une lueur d’espoir, d’optimisme me traversa et réchauffa mon cœur.