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La Lune rouge brille dans la nuit. C’est le signe que quelque chose se prépare… Car dans la sinistre Cité de l’Anarchie se trouve un être aussi puissant qu’ancien : la Reine sanglante, un vampire qui dort dans son cercueil depuis des siècles.
Ne reculant jamais face à la moindre mission difficile, Cid Kagenô se rend sur place pour prendre part à l’assujettissement de cette reine. Il y fait la connaissance d’une belle et mystérieuse jeune femme, Mary, qui se présente comme la plus ancienne chasseuse de vampires.
Les membres de Shadow Garden rejoignent l’aventure et rencontrent eux aussi des adversaires féroces au cours de leur périple : Yukime l’Esprit renard, Juggernaut le Tyran et Crimson, le vampire qui dirige ses pairs au sein de la Cité.
L’heure du réveil de la Reine sanglante approche, et avec elle le chaos…
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Seitenzahl: 270
Veröffentlichungsjahr: 2024
Cover
Pages couleur
Prologue : En route pour la Cité de l’Anarchie pendant les vacances d’automne !
Chapitre 1 : Chassons les bandits à la Cité de l’Anarchie !
Chapitre 2 : Faisons irruption dans la Tour écarlate !
Chapitre 3 : Objectif : la Reine sanglante !
Chapitre 4 : Tout détruire, pour mieux reconstruire !
Chapitre 5 : Créons de faux billets dans l’ombre de la bataille entre Mitsugoshi et l’Union des commerces majeurs
Chapitre 6 : Mettons les faux billets en circulation !
Annexes
A propos de JNC Nina
Copyright
Pages couleur
Table des matières
Le tournoi de Bushin fut remporté par Claire.
Pendant un instant, je me demandai ce que l’intrusion de Rose pouvait engendrer comme conséquence mais, heureusement, mon spectacle improvisé me sauva la mise.
Je fus complètement emporté par l’atmosphère de l’endroit, quand un éclair de génie me frappa.
Tiens, ça pourrait marcher, non ?
J’occupai le devant de la scène. Ma décision était prise.
Les gens, à l’instar du monde qui tourne, connaissent un mouvement constant et ne s'arrêtent pas pour réfléchir. Après tout, la vie n’est pas un long fleuve tranquille. J'allais donc dorénavant développer ma capacité d'improvisation pour faire face à toute situation grâce à un mode de pensée flexible.
Sitôt le tournoi de Bushin terminé, le quotidien de la capitale reprit son cours. Certaines régions du royaume d’Oriana étaient en conflit, mais je n’étais qu’un simple noble et cela ne me concernait pas. Le deuxième semestre commença normalement pour moi.
Dans le royaume d’Oriana, il y avait différentes factions ennemies. Des rumeurs annonçaient qu’une guerre civile allait éclater. Auquel cas, je désirais y prendre part. J’avais hâte !
La vie à l’académie continuait, sans Rose. J’avais de la peine pour elle, mais il en était ainsi.
D’autres commérages affirmaient qu’une passion était à l’origine de sa fuite, ou encore une histoire de succession au trône, mais rien de tout cela n’était juste. La raison véritable de sa disparition n’avait aucune d’importance ; où que Rose se trouvât, je souhaitais seulement qu’elle fût saine et sauve.
Après sa victoire, ma sœur fut très occupée. Elle menait une vie de célébrité, enchaînant les rencontres et les mondanités, mais les choses se calmèrent peu avant les vacances d’automne, et elle revint à l’académie.
Soudainement, il fallait qu’elle me vît. Maintenant qu’elle était libre, elle me harcelait, et je n’eus d’autre choix que de céder à ses caprices et d’organiser une sortie pour fêter son triomphe.
Nous dînâmes donc tous les deux dans un restaurant du magasin Mitsugoshi. J’optai pour le « Menu de charité vraiment peu cher pour les ultras pauvres, offre limitée » mais, pour une raison inconnue, des plats luxueux furent dressés devant nous.
C’est étrange.
« Tu es très généreux. Je n’aurais jamais cru ça de toi. Même le château ne proposait pas une telle cuisine quand on recevait des invités », me dit Claire, en regardant les mets scintillants.
De plus, nous nous trouvions dans une salle privée, réservée aux VIP. Je présumai d’abord que nous avions été confondus avec d’autres clients et je profitai d’un passage aux toilettes pour clarifier la situation auprès d’un serveur, mais tout semblait en ordre.
La peur s’empara de moi à l’idée de l’addition qui m’attendait. Toutefois, puisqu’il s’agissait du magasin Mitsugoshi, peut-être que tout cela était une faveur de Gamma.
« Au fait, la présidente de la société Mitsugoshi est une de mes amies, expliquai-je.
— Menteur.
— C’est la vérité ! C’est probablement pour ça qu’on a droit à des services en plus.
— Si c’est une blague, dis-le directement et avec humour ! Mais ne t’inquiète pas, je n’en doute pas. Je sais que tu as fait de ton mieux pour moi. »
Ma sœur afficha un grand sourire. Voilà longtemps que je ne l’avais pas vue d’aussi bonne humeur. Je songeai que le reste importait peu.
« J’adore la cuisine des restaurants de Mitsugoshi. Tout est nouveau et délicieusement savoureux. C’est la première fois que je mange du rôti de bœuf.
— Oh ! »
Nous dégustâmes notre repas dans une ambiance joyeuse.
« Annerose a été éliminée, la princesse Iris s’est retirée, et ce Michael Conk ou je ne sais quoi a été disqualifié. J’ai seulement gagné par chance.
— C’est vrai.
— N’acquiesce pas si vite !
— Ce n’est pas vrai, tu as gagné grâce à ta propre force !
— Exactement, c’est bien sûr grâce à ma force. Mais tout le monde ne pense pas ainsi.
— Oui, ce n’est pas étonnant.
— Dis-le-moi encore.
— Si le monde ne reconnaît pas ta force, c’est sûrement parce qu’il est aveugle !
— On n’y peut rien. C’est comme ça que sont les gens. Mais je ne suis pas une femme qu’on peut sous-estimer et faire taire.
— Il vaudrait mieux que tu sois plus distinguée.
— Je vais commencer à m’énerver.
— Bande d’ignares ! Je vais vous montrer à quel point ma sœur est talentueuse et magnifique !
— Bien sûr que je compte le leur montrer. Et tu ferais mieux de coopérer.
— Je refuse.
— Pas de refus. C’est aussi pour ton bien.
— Pour mon bien ?
— Oui. Que comptes-tu faire après avoir obtenu ton diplôme ? Tu ne trouveras pas de travail en ayant des notes aussi médiocres.
— Eh bien, je ne sais pas vraiment… »
Je n’avais jamais réfléchi à mon futur après les études. Ma sœur serait à la tête de la famille, et je trouverais un travail quelconque.
Probablement quelque chose de très éloigné des chevaliers ou de ces autres métiers prestigieux. Je choisirais plutôt une profession digne d’un personnage secondaire…
J’ai trouvé !
« Je deviendrai le passeur A. »
Le genre de gars qui dirait au protagoniste : « Payez le droit de passage ou vous ne passerez pas. »
« Le passeur A ? Que signifie ce A ?
— Ça veut dire “lambda”, ou quelque chose comme ça.
— Franchement, passeur n’est pas un métier pour les nobles. Pour commencer, le salaire est bas, le travail difficile, et la durée d’un tour de garde ne laisse quasi aucun temps de repos.
— Ah… Je vois. »
Un métier dans lequel on ne pouvait pas faire de pause ne m’intéressait pas. Cela pourrait entraver mes plans en tant qu’Éminence de l’Ombre.
« Gardien de prison peut-être ?
— C’est pire. C’est un métier où tu côtoies des déchets.
— Hmm… Eh bien, je pourrais choisir ma voie quand le moment viendra. N’importe quel travail me convient du moment que je peux faire ce que je veux.
— Et que veux-tu faire exactement ?
— C’est un secret. Je garde pour moi tout ce qui me tient vraiment à cœur.
— Oui, c’est ça. Il n’y a rien que tu veuilles faire, pas vrai ? Arrête de remettre les choses à plus tard en racontant n’importe quoi.
— Comment est-ce que tu en es arrivée à cette conclusion ?
— Si tu passes en revue ton comportement de tout à l’heure, tu devrais comprendre, non ?
— Bon, ce n’est pas bien grave.
— Si, ça l’est. On parle de ton avenir. Libère-toi pendant les vacances d’automne. Fais exactement ce que je te dis et je te ferai devenir chevalier.
— Que comptes-tu faire pour ça ?
— Héhé ! L’assujettissement du vampire originel, la Reine sanglante, a commencé. Tu n’auras qu’à te tenir derrière moi. »
Ma sœur se mit à rire sans retenue.
***
Après notre repas, nous décidâmes d’aller nous promener dans la capitale royale. Quand je me dirigeai vers le comptoir pour payer, l’employé me dit que je ne devais rien à l’établissement.
Sûrement grâce à Gamma. Ou peut-être était-ce parce que ma sœur avait gagné le tournoi de Bushin. Ces deux explications semblaient plausibles.
« Nous avons dépassé le couvre-feu.
— Ce n’est pas grave, j’ai reçu la permission d’assister à la fête.
— Tant mieux. »
La nuit, les rues étaient singulièrement calmes.
Je levai les yeux vers le ciel et aperçus le croissant de lune qui brillait dans les ténèbres. J’avais le sentiment que le satellite était étrangement rouge.
« Qu’il y a-t-il ? me demanda ma sœur.
— J’ai l’impression que la lune est plus rouge que d’habitude.
— Ah bon ? Elle a toujours la même couleur pourtant.
— Peut-être. Quand on y pense bien, qu’elle soit rouge ou bleue, cela importe peu. »
Mais rouge, c’est bien plus cool !
« Je te parlais de la Reine sanglante tout à l’heure.
— Ah oui, c’est vrai.
— J’imagine que tu le sais déjà, mais des incidents ont été causés par les sbires de la Reine sanglante au-delà de la Cité de l’Anarchie.
Oh, je n’étais pas au courant.
« Après quoi les royaumes alentour ont demandé à la Société des Magelames de faire tomber la Reine sanglante.
— Oui, oui.
— Une troupe de Magelames va être constituée. Comme l’équipe sera formée de gens très forts, il sera difficile pour eux de bien s’entendre et de coopérer.
— Ah, oui.
— C’est pour ça que je peux t’emmener avec moi. Tu pourras rester en retrait et observer la scène en toute sécurité. Je m’occupe de tout. Ne t’inquiète pas, si tu suis bien mes instructions, tu en tireras bénéfice.
— Je vois.
— Si tu gagnes en notoriété à ce moment-là, intégrer la garde royale sera un jeu d’enfants. Je me suis liée d’amitié avec leur chef à la dernière fête. Je pourrais lui parler de toi si tu le souhaites.
— Ah, hein…
— L’assujettissement devrait avoir lieu pendant les vacances d’automne. Comme on dit, “premier arrivé, premier servi”. Mais ce n’est pas la peine de se presser. »
À ce moment-là, le vent transporta des effluves de sang. Une exhalaison très chargée. Quelqu’un était peut-être mort.
Ma sœur le remarqua aussi.
« L’odeur du sang. La source est proche. »
Elle s’arrêta pour jeter un œil dans une ruelle sombre.
« Reste bien derrière moi.
— D’accord. »
Elle s’engagea dans l’allée, la main posée sur le pommeau de son épée.
Je la suivis en gardant une certaine distance. Alors que l’on s’avançait, j’aperçus une ombre noire accroupie au bout du chemin. Des bruits de mastication résonnèrent.
« Scrontch, scrontch. »
Il n’y avait plus aucun doute : quelqu’un était mort.
« Hmm ! »
Ma sœur retint un cri de surprise puis dégaina son fer.
L’ombre noire se retourna, peut-être avait-elle senti notre présence. C’était un être humain ensanglanté. Non, ce n’était pas une personne. Ses yeux étaient rouges comme le sang, et sa bouche entrouverte dévoilait des crocs acérés. Son aigre salive coulait sur les pavés. Des restes humains gisaient à ses pieds.
« Jetez votre arme et rendez… Ah !
— Aaaaaah ! »
La créature montra les dents et bondit vers ma sœur.
Ses mouvements rappelaient ceux d’une bête sauvage plutôt que d’un individu. L’épée de Claire refléta le clair de lune… Puis, le monstre fut coupé en deux.
« Je vous avais prévenu », dit-elle en regardant le cadavre.
Soudain, le torse tranché rampa au sol.
« Il n’est pas mort ? »
Le monstre tendit la main, puis attrapa la jambe de ma sœur.
« Aaah…
— C’est qu’il est tenace ! »
Elle le décapita.
La tête de la créature roula sur les pavés, et mordit l’air en claquant des dents.
« Clac, clac. »
Ses yeux rouges fixèrent faiblement ma sœur, puis s’éteignirent. Une puanteur lourde et épaisse se répandit dans le quartier.
« Est-ce que c’est une goule… de la Reine sanglante ? »
La créature avait une apparence humaine mais son teint était exsangue. Elle se déplaçait comme un animal et jouissait d’une grande vitalité. Pourtant, elle semblait dépourvue de raison.
« Les goules sont les serviteurs des vampires, pas vrai ? »
Ces espèces de monstres ne m’intéressaient pas, mais je m’interrogeais sur le degré de puissance des vampires.
« Sale bête… murmura ma sœur en regardant le sol.
— Claire ?
— Tu sais que les goules étaient autrefois des humains, n’est-ce pas ?
— J’en ai entendu parler.
— Ces temps-ci, je suis effrayée. Et si je devenais comme ça un jour ? Un ogre qui aurait perdu toute raison…
— Tu n’es pas dotée de raison, de base…
— Tais-toi ! Il paraît que la princesse Rose était un Possédé… Mais ce ne sont que des rumeurs. Je ne l’ai dit à personne… Mais j’en suis peut-être un moi aussi.
— De quoi ? Un Possédé ? »
C’est peut-être celui que j’avais soigné, il y a longtemps.
« À l’époque, j’avais des ecchymoses noires dans le dos qui grossissaient de plus en plus, et je n’osais en parler à personne. Mais un beau matin, elles ont disparu soudainement, comme si elles n’avaient jamais existé. J’étais guérie, ça m’a rassurée. Cependant, d’après mes recherches récentes, la Possession démoniaque ne se traite pas. Si ces ecchymoses étaient des signes de ce mal, alors un jour…
— Je pense que tu n’as pas besoin de t’inquiéter. »
Parce que je t’ai soignée.
« T’es bête, je plaisantais. Il est impossible que je sois un Possédé ! »
Elle rit et leva les yeux vers le ciel nocturne.
« Mais… Je ne serai pas toujours à tes côtés… Donc, libère-toi pour les vacances d’automne.
— D’accord.
— Passons à autre chose. Allons voir les chevaliers. »
Ma sœur me tourna le dos et se mit en marche.
Je regardai le cosmos plongé dans l’obscurité et la lune était effectivement rougeâtre. J’étais curieux d’en apprendre plus sur les vampires. En outre, la Cité de l’Anarchie avait l’air intéressante.
***
J’écoutai Bêta dans ma chambre.
Le soir, après les cours, venait l’heure du rapport périodique de Shadow Garden.
« Dans le cas de ThomasZoschist, pendant le tournoi de Bushin…
— Hmm… »
J’avais beaucoup réfléchi à ce que ma sœur m’avait raconté, et la Cité de l’Anarchie paraissait vraiment trépidante.
Tout d’abord, cela faisait un moment que je n’avais pas chassé de bandits, et la Cité de l’Anarchie était essentiellement une ville de brigands et elle ne valait pas mieux que les autres. Or, les affaires de malfrats étaient aussi mes affaires.
« Epsilon peut se déplacer plus facilement. L’intérieur du royaume d’Oriana…
— Hmm. »
Pour résumer les propos de Claire sur mon avenir, si j’avais de l’argent, tout était O.K. Avec des fonds, tout était possible.
La Cité de l’Anarchie était pleine de criminels insignifiants. Et le grand cerveau de ce réseau devait sûrement amasser un beau pactole. Donc, si je faisais exploser cette organisation, je récupérerais ses trésors et tous mes problèmes seraient résolus. Tout cela était évident.
« La force militaire de Shadow Garden ne cesse de croître et le laboratoire d’Alexandria a développé une machine à vapeur…
— Hmm. »
Si j’avais assez d’argent pour vivre et m’amuser, la question du travail ne se poserait plus. Je pourrais alors être passeur, garde, chômeur, boulanger selon mes désirs et même mener à temps plein une existence de personnage non-joueur. Qui dit avoir de l’argent dit aussi ne pas être contraint financièrement. Ça donne envie.
La Cité de l’Anarchie était dominée par trois cheffes, dont l’une allait être annihilée. Laquelle devrais-je choisir de détruire ? Je pouvais tout à faire les réduire à néant en même temps, mais cela m’empêcherait d’échelonner les opérations et les gains ultérieurement.
La Reine sanglante avait l’air d’être la plus excitante. Imaginer à l’infini les différentes manières de vaincre le vampire originel était génial, mais je voulais aussi garder le meilleur pour la fin.
Mon cœur balançait. Cela dit, la Reine sanglante était pour l’instant la candidate dotée de la plus grande destructivité.
« Mon rapport est terminé.
— Hmm.
— Si vous avez des questions, n’hésitez pas à…
— Ça sent… »
Alors que je lui coupai la parole, Bêta s’agenouilla et baissa la tête, tremblante.
« La Cité de l’Anarchie… a l’odeur du sang.
— Dieu merci, ça ne venait pas de moi… murmura Bêta.
— La Reine sanglante est en mouvement…
— C’est ce qu’il semblerait. Il n’y a pas vraiment de lien entre la Reine sanglante et l’Ordre, alors je n’ai pas suivi cette piste…
— Une tempête s’annonce… C’est une tempête de sang…
— Une tempête de sang ?
— Regarde la lune, Bêta.
— La lune ? »
Je pointai du doigt l’astre, visible de la fenêtre.
« Ah, elle est plus rouge que d’habitude ?
— Tu as remarqué ? C’est une lune rougeâtre…
— Hein ? Est-ce la légendaire Lune rouge ?
— Que comptes-tu faire dans ce cas-là ? »
Pendant que Bêta, ahurie, regardait la lune, je pris mon verre de vin, rouge comme le sang, et le portai à mes lèvres.
La légendaire Lune rouge, hein…
Tout pouvait devenir une légende du moment que le mot était mentionné.
« Oh, oh non… Si c’est le cas, la Cité de l’Anarchie… Non, pas seulement eux, mais aussi tous les pays voisins courent un grave danger !
— Pas d’inquiétude.
— Mais… Mais nous devons agir ! Il faut dépêcher Shadow Garden au plus vite !
— Je t’ai dit de ne pas t’inquiéter.
— Ah ! Veuillez m’excuser… »
Je croisai les jambes en regardant Bêta qui tremblait toujours.
« Je m’occupe de cette affaire.
— Ne me dites pas… que vous comptez faire face à cela tout seul !
— Tu as quelque chose à redire ?
— Il est vrai que cela serait la meilleure solution… Mais, si quelque chose vous arrivait, nous serions… »
— Je te dis de ne pas t’inquiéter. »
Je souris du coin des lèvres.
« Après tout… la lune a simplement une couleur rouge, n’est-ce pas ?
— Ah ! »
Bêta me regarda, les yeux écarquillés. Elle afficha d’abord une expression de surprise, puis un sourire se dessina sur son visage.
« Veuillez excuser mon impertinence. »
Puis elle s’inclina très bas.
« La lune est simplement rouge… Même la légendaire Lune rouge n’est rien devant vous. Vous avez tout mon soutien pour cette campagne. »
Effectivement, la lune est simplement un peu rougeâtre, mais on peut compter sur Bêta pour transformer ce phénomène en une légende de la lune sanglante.
« Tu ne trouves pas que même rouge la lune reste belle ?
— Haha ! Si. C’est parce que vous êtes là que je peux percevoir sa beauté.
— Voudrais-tu boire un verre ?
— Oui ! Avec plaisir. »
Bêta et moi, nous dégustâmes nos verres de vin en admirant la lune.
Eh bien, et si on allait à la conquête de la Cité de l’Anarchie pendant les vacances d’automne ?
***
Pour la décrire en quelques mots, la Cité de l’Anarchie était un immense bidonville. Les sans-abri erraient, des cabanes bordaient les rues et une odeur de pourriture émanait des cloaques.
Mais ce n’était pas la seule singularité de cette ville : elle comptait trois gratte-ciel.
« C’est le château de la Reine sanglante. La Tour écarlate… »
Un homme grincheux qui ressemblait à un catcheur professionnel regarda la tour rouge sang qui perçait le ciel, au crépuscule.
« Qu’y a-t-il, Quinton ? Tu as peur ? lui demanda un beau jeune homme blond.
— J’ai pas peur, Goldie. C’est juste que j’avais jamais vu d’édifice aussi grand.
— Hmm… J’ai combattu à travers le monde, et cette tour est effectivement magnifique. Il faut sans doute une journée entière pour l’escalader. »
Les deux hommes admirèrent la Tour écarlate en soupirant.
Cet édifice s’élevait vers les nuages comme une spirale de sang. Les deux hommes ne parvenaient pas à imaginer comment un bâtiment pareil avait pu être construit.
« C’est pas parce que c’est une jolie tour que la personne à l’intérieur est forte. Allez, on y va.
— Ce n’est qu’une bande de voyous. Nous aurons la tête de la Reine sanglante. »
Étrangement et malgré leurs différences, Quinton et Goldie se lièrent d’amitié dès leur première rencontre. Peut-être était-ce parce qu’ils avaient tous deux été vaincus par le même adversaire ? Quoiqu’il en fût, ils étaient en bons termes depuis le tournoi de Bushin.
Tous deux parcoururent la Cité de l’Anarchie au coucher du soleil. En avançant vers le centre, ils découvrirent un lieu à la fois multiculturel et hétéroclite.
« C’est surprenant…
— Ah… Fais attention ! »
Le centre de la Cité de l’Anarchie était invisible de l’extérieur de la ville. L’architecture n’était pas le seul élément à changer. Les gens qui marchaient dans les rues n’étaient pas du tout des sans-abri. Ils tournèrent leur regard vers les deux hommes comme pour chasser une proie. Aucun d’eux ne pouvait être considéré comme du menu fretin. Quinton et Goldie l’avaient bien compris.
Ils avancèrent, prêts à dégainer leur épée à tout moment, quand une masse lugubre émergea du chaotique paysage urbain. Cela signifiait qu’ils étaient entrés sur le territoire de la Reine sanglante.
Les deux hommes ressentirent un changement dans l’air.
« Elle est toute proche. »
Il n’y avait plus aucun citadin autour d’eux. Cependant, leur présence se faisait sentir dans les maisons, et l’objectif des deux amis n’était plus très loin. Ils se préparèrent mentalement et continuèrent leur route.
Ils arrivèrent enfin à la Tour écarlate.
« L’entrée de la tour est ici ! »
Quinton s’approcha d’un portail immense, délicatement sculpté de figures humaines et lugubres.
« Allons-y. »
Quinton posa la main sur la poignée.
« Hihi, attendez un peu… »
Une voix les interpella soudain. Elle était rauque et il était difficile de discerner sa provenance.
Ils s’arrêtèrent et regardèrent autour d’eux, quand un drap sale tomba au pied de la porte. Les deux hommes se rendirent compte qu’une personne était enroulée dedans.
« Hihi, vous n’êtes pas dignes d’ouvrir cette porte… »
La personne en haillons se releva. C’était un homme chétif. Il était plus grand que Quinton mais ses joues creuses et ses yeux enfoncés mettaient en évidence sa maigreur. Une chevelure blanche et sale tombait sur ses épaules.
Un mort-vivant ; c’était peut-être la meilleure façon de décrire cet être.
« Comment ça, “pas dignes” ?
— Seuls les serviteurs, les invités et les individus puissants peuvent passer…
— Je vois… Nous ne sommes ni des serviteurs ni des invités, c’est vrai. Nous sommes des mercenaires et nous venons voir la Reine sanglante. »
Quinton regarda l’homme en souriant fièrement.
« Hihi, hihihi, hi, hi, hihihi…
— Qu’est-ce qui te fait rire ?
— Hihi, hihi, je pensais être stupide… mais c’est toujours amusant de voir des personnes plus bêtes que moi !
— Quoi ?
— Hihi, vous n’êtes pas de taille… Il est déjà trop tard pour vous… »
L’homme aux cheveux blancs arracha un bout de son vêtement et révéla son flanc droit. Cependant, il n’y avait rien après son épaule.
« Il y a quatre ans, un autre imbécile a défié la Reine sanglante et a connu une fin désastreuse… Il a perdu son bras dominant et a été gardé captif, pour servir de chien de garde… »
Son cou était entouré d’un collier solide attaché à une chaîne.
« Ha ! Je suis Quinton, un combattant féroce qui a triomphé au tournoi de Bushin. Et lui, c’est Goldie, l’invincible dragon d’or. On n’est pas des personnes fragiles comme toi !
— Hihi, tu ne sais pas ce que tu dis… J’ai pour principe de ne pas retenir les noms des gens plus faibles que moi…
— Hein ? Et t’es qui toi, exactement ?
— Hihi, je ne suis qu’un chien de garde… Mais avant, on me surnommait le Démon blanc…
— Le Démon blanc ? Ça ne me dit rien. Tu le connais, Goldie ? demanda Quinton en se tournant vers lui.
— J’ai l’impression d’avoir déjà entendu ce nom quelque part, mais je ne sais plus où. »
Goldie secoua la tête et garda un œil sur le chien de garde.
« T’as ta réponse, monsieur l’anonyme faiblard.
— Hihi, ce n’est pas grave. Le nom d’un idiot mérite de tomber dans l’oubli…
— Navré, mais tu vas devoir nous laisser passer.
— Je suis un chien de garde… Il serait malvenu de ma part de laisser passer le menu fretin.
— Ne viens pas te plaindre plus tard. »
Quinton fixa le chien de garde et se mit en position de combat.
Le gardien dégaina une épée longue et fine. C’était une belle lame, plus grande que lui.
« Fais attention, Quinton ! dit Goldie qui avait aussi sorti son épée de son fourreau.
— De quoi tu parles ?
— Cet homme… Je n’arrive pas à jauger son niveau.
— Hein ? Ce sac d’os à qui il manque un bras ? Sois pas ridicule ! »
Quinton ignora les conseils de Goldie et attaqua. La trajectoire de la grande épée brilla à travers les rayons du soleil couchant. L’instant d’après, des effusions de sang jaillirent de toutes parts.
« Hein ? »
L’épée de Quinton se brisa en deux et tomba lourdement.
« Quinton ! » hurla Goldie.
Quinton s’effondra, blessé à l’abdomen.
« Bien… À ton tour… »
Le chien de garde, recouvert de sang, se tint devant Goldie.
« En… enfoiré ! »
Goldie n’eut pas le temps d’apercevoir l’attaque du chien de garde qui trancha Quinton. Il ne put voir que du sang gicler et la grande épée de son ami se briser.
La différence de maîtrise qui les séparait était aberrante. Il comprit que l’homme privé de son bras dominant et réduit à un sac d’os était bien plus fort que lui. Malgré cela, Goldie se tenait prêt.
Mon amitié avec Quinton fut brève. Mais nous partagions la même envie de nous remettre de notre défaite.
« T’inquiète pas… Je suis pas mort. Si j’avais été tué, j’aurais été qu’un bon à rien… »
Le chien de garde se mit à rire.
« Comment oses-tu faire ça à Quinton ! »
Goldie concentra son mana dans son épée et déclencha son attaque ultime.
« Dieu maléfique ! Mort subite ! Épée du dragon d’or ! »
Lorsqu’il lança l’assaut, Goldie croisa le regard du chien de garde. Ses yeux noirs et épouvantables étaient injectés de sang.
Goldie plongea dans ces pupilles sans fond et se souvint du Démon blanc.
« Toi… Enfoiré, est-ce que tu es… »
Les lèvres du gardien s’entrouvrirent.
Si ce chien de garde est vraiment le Démon blanc, ça veut dire que…
Il comprit alors l’envergure de leur différence de puissance. Il frappa le sol de son épée, comme s’il était dans un état second.
Un nuage de poussière se forma.
« Quinton ! Je… Je reviendrai te chercher ! cria Goldie en s’enfuyant.
— Il a déguerpi… Mais moi, je ne poursuis personne… Après tout, je suis un chien de garde. »
Balayant les débris d’un coup d’épée, il regarda Goldie s’éloigner.
« Hihi, mais resteras-tu sain et sauf ? »
Il leva les yeux vers les tours qui touchaient les cieux.
Trois tours, trois souverains qui régnaient en maître, la plus grande décharge du monde… C’était la Cité de l’Anarchie. Un endroit régi par la loi du plus fort où se concentraient le mal et les richesses. Un lieu que ni les rois, ni les chevaliers, ni les démons ne pouvaient atteindre. C’était la Cité de l’Anarchie. Ici, la force servait de code.
Les vacances d’automne étaient arrivées. Claire et moi parvînmes à la Cité de l’Anarchie.
« C’est donc ça, la Cité de l’Anarchie. Ça sent mauvais.
— C’est normal. C’est un bidonville », dit ma sœur en lançant un regard menaçant aux vagabonds.
Trois tours se dessinaient à l’horizon, au-dessus du reste. L’idée de les renverser comme des quilles de bowling m’amusa.
« Est-ce que je peux aller voir ces tours ?
— Toi, alors ! Tu vas foncer droit dans la gueule du loup ? La Société des Magelames a apparemment mis en place une base, c’est là qu’on ira d’abord pour rassembler des informations.
— Oh… »
Je suivais ma sœur à travers le bidonville jusqu’à un endroit où étaient alignés des étals. Ils proposaient une nourriture étrange, des médicaments douteux, des biens volés et des animaux domestiques.
« Eh, belle demoiselle ! Venez voir ! On vient de recevoir des animaux de compagnie pleins d’énergie !
— Moi ?
— Oui, oui, vous, la plus belle fille du monde !
— Hmm, vous avez bon goût. Je veux bien jeter un œil, alors.
— Claire, c’est juste pour te flatter.
— Tais-toi, ordonna-t-elle avant de me traîner jusqu’au marchand.
— Approchez, celui qui est là vient d’arriver, c’est un animal très dynamique ! »
Le vendeur amena un jeune homme blond, le tirant par la chaîne attachée à son cou.
« C’est l’esclave Magelame Goldie ! Alors, un beau garçon comme ça, c’est parfait pour une jolie fille comme vous, non ? »
Le visage de Goldie était couvert de blessures comme s’il avait été roué de coups. Il grognait : « Rah, rah ! » dans l’espoir de faire passer un message.
« Il a l’air mal en point, non ?
— Hmm, j’ai l’impression de l’avoir déjà vu quelque part…
— Hahaha ! C’est peut-être le transport qui l’a secoué ? Bon, je vous le fais à 27 millions de zennies au lieu de 30 millions.
— Dites donc, c’est cher !
— Croyez-moi, mademoiselle, ce genre d’esclave Magelame se vend deux fois ce prix ailleurs. Il n’y a qu’à la Cité de l’Anarchie que vous pouvez avoir une telle affaire !
— Je n’en veux pas.
— Vous êtes une habile négociatrice, jeune fille ! C’est compris, je vous offre deux bêtes pour le prix d’une !
— Ils sont considérés comme des animaux, je vois.
— Approchez ! Voici l’esclave Magelame Quinton ! »
Le marchand fit venir un homme qui ressemblait à un catcheur professionnel, qui présentait une large blessure au ventre. Au moins, sa plaie semblait avoir été traitée.
Ce Quinton paraissait implorer :
« Hmm, hmm ! »
J’avais l’impression de l’avoir déjà vu quelque part, lui aussi…
« C’est 40 millions de zennies pour Goldie et Quinton, un lot de deux ! Vous ne ferez pas une meilleure affaire qu’ici, à la Cité de l’Anarchie !
— Mais pourquoi son abdomen est ouvert ?
— Oula ! Aurait-il également été endommagé pendant le transport ? Très bien, je vous les offre à 37 millions de zennies les deux ! Plus bas, ce serait du vol !
— Je n’en veux toujours pas.
— Comment ? Vous n’êtes pas sérieuse, jeune fille !
— J’en ai déjà un qui me correspond parfaitement, dit Claire en me tapotant la tête.
— Je vois, le jeune homme était donc votre escla…
— Non, vous vous trompez.
— Allons-y. »
Claire me saisit par la nuque et me tira à l’écart.
Puis, quelqu’un s’adressa au marchand.
« Eh, monsieur, si le lot coûte vraiment 37 millions de zennies, alors j’achète.
— Bien sûr, c’est exact, merci ! Hmm ? Vous êtes…
— Raah, raah !
— Hmm, hmm ! »
Quelqu’un venait d’acquérir le lot de deux. Comme les visages des esclaves m’étaient familiers, je m’interrogeais sur leur sort, mais mes inquiétudes se dissipèrent quand un client les emporta avec lui.
Hein ?
Puisque le marchand avait conclu sa vente, il possédait au moins 37 millions de zennies en ce moment. Je pourrais lui voler son argent…
Non, ce genre de petit butin n’était pas suffisant.
Visons plus haut.
« Allez, dépêche-toi.
— J’arrive, pas la peine de me tirer comme ça !
— Sans ça, tu irais sûrement te perdre quelque part.
— Mais bien sûr que non ! »
J’ai regardé en direction des trois imposants gratte-ciel pendant notre marche. Il y avait une tour rouge, une tour blanche et une tour noire.
Bien, où vais-je aller en premier ?
***
À notre arrivée à la base de la Société des Magelames, Claire fut immédiatement convoquée à une réunion. Seuls les Magelames les plus forts avaient été appelés. Ce ne fut pas mon cas.
Les efforts de Claire pour m’intégrer à cette assemblée furent en vain. Avant d’aller sur les lieux, elle m’ordonna de « l’attendre sagement ici. »
Sur ce, j’allais sagement me balader à travers les rues de la Cité de l’Anarchie. Quand je sortis, le soleil était déjà couché. Le ciel brillait encore, mais une lune rougeâtre s’était déjà levée à l’est.
La lune semblait devenir plus pourpre chaque jour et j’étais convaincu que cela ne venait pas de mon imagination. Cela dit, cette lune-ci et celle de la Terre étaient différentes…
Les habitants de la ville déambulaient sans prêter attention à cet étrange phénomène. Ils vivaient au jour le jour, concentrant toute leur énergie vers les clients, leurs proies. Ainsi, je fus victime d’un vol à la tire pour la dixième fois de la journée. Je gardais mon porte-monnaie dans une poche de pantalon facile d’accès et me faisais donc souvent voler. Je m’assurais cependant de toujours rendre la pareille. En d’autres termes, je récupérais à la fois mon portefeuille et celui de mon voleur. Après tout, c’était la loi du plus fort qui régnait. Si on m’attaquait, je me vengeais.
Aujourd’hui, le contenu de mon portefeuille était passé de 40 000 zennies à 110 000 zennies. La vie était pleine de surprises. Peut-être que ma vocation était de devenir un habitant A de la Cité de l’Anarchie. Cette ville était un paradis : il suffisait de se balader pour se remplir les poches. Je marchais presque en fredonnant, quand soudain un cri retentit.
« Une goule ! Il y a une goule ! »
Ah, une goule. Celle-ci ne devait pas être loin. Les habitants réagirent rapidement. Ceux qui ne savaient pas se battre prirent la fuite. Cependant, de nombreux marchands continuèrent leur activité, ignorant les gémissements. Certains se tournèrent même vers les hurlements en souriant.
« Une goule est apparue. Il y en a beaucoup dernièrement.
— Et si on allait évacuer le stress ? »
Certains frappaient du poing, d’autres sortaient leurs couteaux.