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Cette histoire poignante est le récit d'une famille française qui, confrontée à l'antisémitisme croissant, a dû prendre une décision douloureuse pour protéger son intégrité et préserver l'avenir de ses enfants. Ce périple de la France vers Israël est le reflet de la complexité des choix auxquels font face de nombreuses familles aujourd'hui. Au fil de ces pages, nous suivrons à travers les dédales de leur adaptation à une nouvelle culture, à une nouvelle langue, tout en gardant un regard rétrospectif sur les épreuves qui les ont contraints à ce voyage, entre les souvenirs douloureux de l'antisémitisme et la promesse d'une nouvelle vie, tissée de rêves, au coeur de la terre promise. Ce n'était pas simplement un départ géographique, mais une migration empreinte d'émotions complexes, marquée par le poids de l'injustice et la quête de la sécurité. Leur récit est un témoignage vibrant de la résilience humaine face à l'adversité, une histoire d'espoir et de renouveau dans un contexte mondial où les défis liés à l'intolérance persistent.
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Seitenzahl: 222
Veröffentlichungsjahr: 2024
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L’antisémitisme ne détruira pas les juifs. Je pense que l’antisémitisme détruira les pays où il est présent.
Meyer Richard.
Ce roman, basé sur des faits réels, est l’histoire d’une famille française de confession juive, semblable à tant d'autres, dont l’identité et l’attachement à la France dépassaient les frontières du simple patriotisme.
L’amour inconditionnel de la terre de France était profondément enraciné en eux. Ils croyaient en la liberté, l'égalité et la fraternité, portant ces principes comme des étendards sacrés.
Cependant, un événement tragique allait bouleverser leur existence, les contraignant à prendre une décision déchirante : abandonner leur patrie pour une destination lointaine et incertaine, à la suite d’une agression antisémite.
Cet acte de violence, motivé par la haine et l'ignorance, a ébranlé tous ses principes et rompu leur confiance en la société qui les avait accueillis.
Dans un geste de courage et de détermination, ils ont décidé de tout quitter, laissant derrière eux les souvenirs douloureux et les cicatrices invisibles, pour chercher un nouveau départ et une nouvelle vie sur une terre imprégnée d'histoire et de symbolisme : Israël, la Terre Promise, où ils espéraient trouver sécurité et appartenance.
Ce récit singulier reflète une réalité complexe et troublante. Il soulève des questions sur l'identité, la tolérance et le sens de l'appartenance.
Il met en lumière les défis et les sacrifices auxquels les familles sont confrontées (antisémitisme et autres formes de discrimination).
Au fil des pages, nous suivrons le périple de cette famille courageuse, explorant les joies et les peines de leur transition vers une nouvelle vie en Israël. Un témoignage poignant de résilience et d'espoir, rappelant que même dans les moments les plus sombres, la lumière de l'humanité brille au travers du courage et de la solidarité.
Meyer RICHARD.
*
Alyah 1
L'État d’Israël est la destination privilégiée des migrations juives internationales. Selon le Bureau central des statistiques, l’institut des études démographiques israélien, environ 2,4 millions de personnes se sont installées dans le pays entre 1950 et 1994.
Si l’Alya a été longtemps motivée par une quête spirituelle, religieuse ou philosophique, voire par une volonté de rejoindre un pays jeune et dynamique, la peur en est devenue l'un des principaux moteurs.
À partir de 2004, époque où de nombreux actes antisémites ont fait la une, la question de l'Alya chez les Juifs était omniprésente. Ces années-là étaient particulières face à la montée de l’antisémitisme.
Il n'y avait jamais eu autant de Juifs français prêts à s'exiler depuis 20 ans. L’importation du conflit israélo-palestinien sur le territoire français précipitait le départ des Juifs français.
On estimait alors de 15 à 30 000 le nombre des Français prêts à quitter le pays dans les 15 années suivantes. 2
À partir de 2015-2016, les chiffres étaient éloquents : le nombre de Français de confession juive à faire l'Alya avait bondi avec de 5 à 7000 départs. Certains évoquaient un phénomène de masse.
Entre 2019 et fin 2022, environ 8 000 Juifs français auraient entamé un processus d’alyah, mais tous ne l’ont pas achevé.
En 2022, 2 000 personnes ont immigré en Israël depuis la France, contre 3 500 en 2021. Le nombre de nouveaux arrivants depuis l’Amérique du Nord est aussi tombé de 4 400 en 2021 à 3 500 en 2022. Cette baisse significative de l’alyah des Juifs d’Amérique du Nord et d’Europe occidentale était attendue, elle est principalement liée au coût de la vie et à la crise du logement en Israël.
2022 a néanmoins été une année record pour l’alyah depuis deux décennies, avec presque 75 000 personnes qui se sont installées dans le pays. Plus de 75% de ces nouveaux arrivants provenaient de Russie et presque 20 % d’Ukraine, soit cinq fois plus que l’année précédente, et ont bénéficié de la Loi du retour.
Selon les dernières données, environ 63 % des immigrants arrivés en 2015 et 66 % de ceux en 2016 ont toujours leur centre de vie en Israël. Depuis 2017, ce pourcentage oscille entre 61 % et 69 %.
Directement lié à la situation géopolitique actuelle, Israël s’attend à un afflux massif de Juifs venant de tous les continents.
Le ministère de l’Alyah et de l’Intégration estime qu’il existe encore un potentiel important pour l’alyah depuis la France.
1 (Alyah : terme hébreu signifiant "ascension" ou "montée" et faisant référence à l'émigration juive vers Israël.)
2 (Études INA).
(Données de l’Autorité de la population, de l’immigration et des frontières. The Times of Israël ; septembre 2023).
Chapitre - I
L’éternel retour de la haine.
La fabrique du mensonge.
Chapitre - II
Cathy
La triste répétition.
Des Justes.
Chapitre - III
L’intégration.
Notre ville ; Netanya.
Pourim.
Jérusalem, l’Histoire.
Sharon.
Chapitre - IV
Yom Haʿatzmaout
2014-Guerre de Gaza.
Maman.
Chapitre-V
Récurrence.
Maurice.
Chamboulement
Claire.
Anna.
Benjamin.
Avec un mensonge on va loin, mais sans espoir de retour.
Proverbe juif
Comme la mer est belle en ce milieu du mois de mars 2013. Aussi loin que mes yeux puissent voir, il n’y a pas l’ombre d’un nuage dans ce ciel si bleu.
Les rares nageurs intrépides qui s'amusent dans l’eau limpide, à peine à 16 degrés, me font frissonner, m’incitant à remonter le col de ma chemise, même avec les 21 degrés qu’affiche le tableau électronique de la cabane des maîtres-nageurs.
Assis sur la terrasse du café l’Étoile de mer, les pieds nus douillettement enfouis dans le sable fin de cette belle plage, mes pensées sont ailleurs.
Le soleil inonde cette plage déserte de sa lumière dorée, tandis que le " tac-tac " des balles sur les raquettes de deux joueurs halés et bodybuildés, me berce agréablement.
Apaisé par le doux murmure des vagues, les heures s’étirent sans contrainte ni obligation, m’offrant un espace pour me perdre dans la douceur de l’instant présent.
Mais très vite, la réalité reprend le dessus !
Depuis combien de temps sommes-nous en Israël ?
Déjà trois mois ! Trois mois et vingt jours pour être précis.
Le temps s’échappe à toute vitesse, cependant, je ne cesse de me poser cette même question lancinante qui persiste et ne me quitte pas, comme une mélodie obsédante et qui refuse de se taire.
Nous venions d'entamer notre retraite, emportant avec nous de nombreux projets passionnants. Notre emploi du temps comporterait des voyages de découverte, ponctués de moments simples avec nos petits-enfants.
Notre retraite s'annonçait prometteuse en termes de sensations et d'émotions, mais voilà que dans le doux écrin de nos espérances, un soudain désordre s’emmêla et nos projets, minutieusement élaborés, étaient menacés par les vents imprévisibles du destin.
Notre avenir, déployé avec soin, a été chamboulé par les caprices du destin, et nous nous trouvons à danser avec l'imprévu, dans un mélange troublant de réalités contraires.
Cette harmonie paisible, dans ce cadre idyllique, n'était pas inscrite à notre programme initial, et tout cela me questionne et provoque en moi une angoisse persistante que j’essaie de dissimuler.
Ai-je pris la bonne décision ?
Était-il réellement nécessaire de tout abandonner et de s'installer de manière permanente dans ce décor de vacances ?
Nos amis perçoivent notre retraite ensoleillée comme une opportunité fortunée, mais je m'interroge sur les sacrifices et les ajustements nécessaires pour maintenir cette illusion de vacances éternelles.
Si seulement ils savaient pourquoi…
L'idée de passer nos journées dans un lieu de villégiature baigné de soleil aux paysages pittoresques dans une atmosphère détendue ne peut que plaire. Seulement, derrière cette façade ensoleillée, je me demande si ce choix radical a réellement enrichi notre vie.
Les moments de bonheur sont incontestables, mais ils sont accompagnés d'une pointe de nostalgie pour ce que nous avons laissé derrière nous, impliquant l'abandon de notre vie quotidienne et la déchirante séparation d'avec nos proches. Être éloigné de notre famille serre nos âmes dans une angoisse silencieuse de l’impossibilité d’étreindre leurs corps, et je sais que mon épouse tiendra la douleur sous silence.
Je demeure perplexe, et le temps nous dira si cette décision était vraiment la meilleure !
Pour l’heure, mon esprit occupé à résoudre ce conflit m’empêche de me concentrer sur mes mots croisés, ma passion. Mes yeux, mis clos sont à la contemplation de ce ciel bleu et de cette mer qui se confondent à l’horizon. Un tableau parfait que l'on souhaiterait garder à jamais.
Le soleil caresse mon visage et je me laisse aller à une douce somnolence. Je m’apaise en pensant à cette chance de pouvoir vivre une existence paisible dans le pays de nos ancêtres et de réaliser ce désir profond enfoui en nous au fil des générations. Et puis, après tout, la fréquence des vols et la concurrence entre compagnies aériennes ont raccourci les distances.
Mais très vite, une autre réalité perturbe mes pensées, celle causée par une blessure dont je n’arrive toujours pas à cicatriser et qui est au cœur de cette décision implacable de partir.
Tout s’était joué quelques mois auparavant par une soirée pluvieuse dans les rues de Paris. Cette ville qui a toujours été le théâtre de ma vie, de celle de ma famille, de mes amis, de ma communauté, a été le témoin silencieux du choc vécu, de cette incompréhensible injustice qui mêlait mon âme avec l’histoire de mon peuple.
Ce jour-là, en quelques instants, je n'eus plus l'impression d'être quelqu'un. Moi, l'homme fort, à la répartie facile et cinglante, j'étais tétanisé, sans réaction, comme étranger à ce qui m'arrivait.
Un individu inconnu s’était soudainement arrêté devant moi. Ses yeux perçants et mauvais me fixaient, déclenchant en moi une peur panique.
Il m’avait identifié comme juif et, cela l’avait mis en transe !
Pourtant, rien ne laissait supposer que j’en sois un. Je ne portais aucun signe distinctif, et les deux sacs à provisions que je tenais faisaient de moi un père de famille tranquille rentrant chez lui.
L’inconnu s’était mis à hurler, ponctuant ses insultes de mots en arabe.
- Hé toi, l’iyoudi 3 , sale race de merde, vous n’avez plus votre place ici en France, allez-vous-en, cassez-vous dans votre pays de merde !
La haine qu'il dégageait et cet aplomb de me menacer sans crainte et en pleine rue m’avaient terrifié. Les regards fuyants des passants qui gardaient un silence coupable m'ont fait autant de mal que les paroles de mon agresseur.
La peur s'était emparée de moi, car rien ne m’avait laissé prévoir cette menaçante agression.
Et puis, comme un éclair, sa main gauche s’abattit sur mon visage, projetant violemment ma tête sur la grille métallique d’un magasin encore éclairé. Je n’ai pas ressenti la douleur, tétanisé par l’éclat de la lame de son couteau dirigé vers ma gorge, et qu’il avait jusque-là dissimulé.
Il hurlait, il vociférait.
- Cassez-vous, cassez-vous tous en Israël ! On vous chassera d’ici, comme on vous a tous chassé du Bled.
Puis il disparut tout aussi vite en me menaçant encore ;
- Je sais où tu habites !
Ce coup de tonnerre, empreint d'une hostilité antisémite flagrante, avait résonné tel un avertissement sinistre, présageant la crainte d’un futur pour les miens et pour moi-même. Ce rappel amer et brutal des temps passés m’avait surpris et abattu. J’étais peiné, assommé par ces paroles, sentant le poids du rejet sur mes épaules. Jamais je n’avais été insulté de la sorte, même dans mon pays natal pourtant musulman, la Tunisie, et je n’aurais jamais imaginé qu’un jour, on s’en prendrait à moi dans les rues de France.
Je me tenais là, prostré, figé comme vide de toute réaction, à l’exception d’une très jeune femme qui s’empressa gentiment de ramasser mes provisions éparses sur le trottoir.
- Monsieur, voulez-vous vous asseoir ? Je vais appeler la police, cet homme est un fou !
- N’en faites rien, Mademoiselle, je veux tout simplement rentrer chez moi. Merci, merci beaucoup.
Sur le chemin vers la maison, tout tremblant, je m’étais aperçu que des larmes incontrôlées coulaient le long de mon visage.
Était-ce de la rage pour ses propos abjects, était-ce de la lâcheté ou était-ce machinalement un instinct de survie ? En m’essuyant, je vis que mon mouchoir était taché de sang, probablement dû à l’éraflure de mon cuir chevelu. Subitement, je m’étais senti vieux et vulnérable. Le choc m’avait désorienté et m’avait fait prendre une route inverse.
Aurais-je dû laisser cette jeune fille appeler la police ?
Elle n'a probablement pas compris pourquoi je ne voulais pas poursuivre l'affaire. Je savais que cela n'aurait pas contribué à retrouver mon agresseur. La mécanique judiciaire n’a pas pris la mesure de la gravité des actes antisémites. Même face à certains faits considérés comme graves, des plaintes ont été classées sans suite ou simplement suivies d’un "rappel à l’ordre". Cette inaction ou cette apathie, qui aboutit souvent à l’impunité ou à des sanctions mineures, nous a fait perdre confiance en la justice.
Désormais, je suis contraint de rejoindre la cohorte de mes coreligionnaires qui ont été lâchement agressés ces derniers temps, tout simplement en raison de notre foi juive. C'est hélas une réalité douloureuse et consternante qui persiste à nous prendre pour cible uniquement pour notre appartenance religieuse en dépit des avancées de la société.
Sur mon chemin, un banc public m’offrait une place. J’avais pris un instant de repos afin de retrouver mes esprits et, surtout éviter en rentrant d’effrayer ma fragile épouse.
Tout était confus, j’avais mal à la tête et mes mains tremblaient. Ses cris d’insultes emplissaient encore ma tête. Dire que moins de dix minutes auparavant, j’étais dans un monde totalement étranger à ce que je venais de vivre.
Oui, je l’avoue, ce soir-là, j'avais eu très peur.
Comment, lui, l'éventuel étranger me demandait de quitter la terre de France, ce pays que mes parents, mes grands-parents et moi-même avions tous servi avec dévouement dans les rangs de l'armée.
Nous, aux racines profondément ancrées dans cette nation par l'engagement et la loyauté à la patrie depuis des générations. Une fois de plus, on voulait nous exiler, et cela venait de quelqu’un dont les ascendants nous avaient forcé à quitter l’Afrique du Nord.
"Mais où aller ailleurs ? C'est ici, chez moi !
Et puis, ce pays des Juifs comme il l’appelle, n’est-ce pas ce pays dont les voisins n'ont comme seule aspiration que de rejeter ses habitants à la mer" ?
Comme une ombre pesante que je refuse de projeter sur ceux que j’aime, je prends la décision de cacher au plus profond de moi mon agression. Mon épouse, fragile et bienveillante, et mes enfants ne méritent pas de porter le fardeau de mes tourments.
Je traîne quelques instants avant de regagner mon domicile. Mon épouse attentionnée m’attendait, ne comprenant pas mon retard. J’ai bredouillé quelques fausses explications avec un sourire forcé après qu’elle ait remarqué une tache de sang sur le col de ma chemise.
"Une branche d’un arbre m’a écorché au crâne, avais-je menti".
Dans l’obscurité de ma douleur, je dissimule cette cicatrice qui marque mon âme, car je crains que sa révélation brise l’équilibre fragile de nos vies. Ainsi, j’ai choisi le mutisme, espoir illusoire de préserver l’innocence qui règne dans le foyer que j’ai bâti.
Si ces insultes n’affectent aucunement mon droit de vivre dans le pays que j'aime, je ne peux m'empêcher de reconnaitre que cet évènement a produit un impact désastreux sur ma santé et sur mon équilibre mental. Les images de mon agression tourbillonnent sans relâche comme des fantômes dans mes pensées. Tant de nuits sans sommeil. Chaque insomnie devient le théâtre d’une reconstitution cruelle, où chaque détail éclairé se mêle à l’amertume de l’impuissance ressentie.
À mesure que le poids de l’angoisse semble transformer mon esprit, la peur qui s’est installée inconfortablement en moi suscite l’idée insidieuse de partir, de fuir.
Partir, oui, il me fallait peut-être partir...
Quitter le pays devenait la lueur fragile d’une échappatoire dans l’océan de mes pensées tourmentées. L’idée prenait forme lentement, comme une graine qui germe dans un sol de désespoir. Partir devenait la seule issue pour préserver égoïstement mon équilibre.
Ce besoin impératif s’insinuait telle une mélodie triste dans le silence de mes réflexions, cette rupture que je devais dissimuler à ceux qui m’étaient chers.
Les jours qui ont suivi ont été particulièrement éprouvants. Après la perte de sommeil, la nourriture perdit tout attrait. Mon être était plongé dans une obscurité où l'appétit de la vie s'étiolait. Chaque nuit devenait une épreuve, chaque repas un défi que mon esprit me refusait d'affronter.
Cette fixation, en apparence irrationnelle, développait ses racines profondément enfoncées dans le terreau de la peur et de l'incertitude. Elle s’était infiltrée dans les coins vulnérables de ma pensée comme une vigne envahissante, trouvant d'autres points d'ancrage dans la situation que notre communauté traversait depuis déjà un certain temps.
Sournoisement, le poids de l'histoire s'abattait de nouveau sur nos épaules. Je ressentais désormais l'épreuve que vivaient de nombreux membres de ma communauté, éloignés de ce que certains qualifient, de manière pudique et trompeuse, de "sentiment d'insécurité".
Ma cicatrice personnelle semblait résonner en écho avec les blessures collectives de notre communauté et se fondait dans un tableau plus large, tissé par l'ombre des récents attentats qui ont laissé en nous une empreinte douloureuse et indélébile. De nombreux événements ces derniers temps ont ravivé des souvenirs malveillants et ont réveillé nos craintes ancestrales, conduisant à des réalités impensables.
Dans la France de l’après-guerre, on a de nouveau tué des juifs, "parce que juifs".
"Que s’est-il passé pour que le monde en arrive là ?
Pourquoi en sommes-nous arrivés à cette situation dans laquelle la violence devient une réponse banalisée ?
Les larmes, les deuils, les moments commémoratifs se multiplient, mais la douleur, elle, ne s’apaise jamais.
C’est inacceptable de voir l’humanité se déchirer ainsi.
Nous nous regardons dans le miroir, cherchant des réponses, mais n'y trouvons que des visages fatigués, épuisés par le chagrin et l'impuissance, et nous nous demandons comment inverser cette spirale infernale et reconstruire un monde dans lequel nos enfants pourront grandir sans crainte.
Depuis quelques années, nous assistions impuissants à toutes sortes d’attentats à travers le monde. Toutes ces vies innocentes fauchées par la violence aveugle. Ces familles brisées, ces rêves annihilés en un instant par des explosions de haine.
À chaque fois, nous pensions que ce serait le dernier, mais d’autres actes encore plus terribles balayaient les précédents, et chaque nouvelle tragédie ravive la douleur des précédentes, empilant la souffrance comme des pierres sur nos cœurs déjà lourds.
Les visages anonymes de ceux que j'avais vu souffrir dans les reportages sont devenus les miens. La douleur, la peur, la vulnérabilité, tout ce que je pensais ne jamais ressentir, m'ont envahi.
Vivant au sein de notre communauté, j'étais, comme tant d'autres, au fait de ce que nous traversons, et comme toujours, on pense que cela n'arrive qu'aux autres.
Mon agression m'a réveillé. Elle m'a montré que personne n'est à l'abri, que le mal peut frapper n'importe où, n'importe quand, et que l'illusion de la sécurité n'est qu'une barrière fragile face à la réalité. J'ai compris que chaque personne touchée par la violence n'est pas un simple fait divers, mais une vie, une existence bouleversée, une souffrance, tout comme la mienne l'a été ce soir-là.
Pendant longtemps, j'ai tenté de garder mes émotions à distance, persuadé que cette muraille fragile de protection pourrait me préserver des horreurs qui défilaient devant mes yeux. Je me suis accroché à l'espoir que les choses s'amélioreraient, que la lumière finirait par triompher. Mais aujourd'hui, cette illusion s'est dissipée, emportée par la force brutale de la réalité.
Je souffre en silence de tout cela, et je sens en moi la colère et le feu ardent qui consume mes entrailles.
"C’est insupportable" !
*
3 (Iyoudi ; juif en arabe)
Les événements, qui ne remontent pas à si longtemps, refont surface dans ma mémoire, comme ce terrible massacre qui a décimé l'illusion de l'invulnérabilité des Jeux Olympiques, plongeant le monde dans l'horreur et la consternation.
La tragédie de Munich en 1972 a contraint le monde à reconnaître que même au cœur des célébrations sportives, l'ombre de la terreur pouvait obscurcir l'éclat des exploits humains...
Onze athlètes israéliens ont été tués !
Des vies dévouées au sport, à la compétition loyale et à l'éclat de la médaille ont été brutalement fauchées.
Quelques mois après, Paris subissait une attaque aveugle à la grenade au Drugstore de Saint-Germain.
En 1975, l’aéroport d’Orly fut, à six jours d’intervalle, l’objet de deux attaques à la roquette ; la première dans un terminal et la seconde sur un avion de la compagnie El Al.
Puis ce fut en 1980 l’attentat de la rue de Copernic, face à la synagogue libérale, qui causa la mort de quatre personnes et fit quarante-six blessés.
Au-delà de cette tragédie, on relèvera la bourde historique du Premier ministre Raymond Barre au journal télévisé de TF1 : "Cet attentat odieux qui voulait frapper les Israélites qui se rendaient à la synagogue a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic" (SIC).
Pour le Premier Ministre, les Français de confession juive ne sont pas des citoyens français à part entière.
Toujours au nom de la même cause, survint en 1982 l’attentat de la rue des Rosiers, dans le quartier juif historique du Vieux Paris.
Ainsi, cette rue qui fut le témoin de tant d’histoires du passé a été le théâtre d’une tragédie qui ne sera jamais oubliée.
Ce mythique restaurant de Jœ Goldenberg, autrefois lieu de rencontres chaleureuses, a été transformé en chaos et en détresse par le jet d’une grenade. Six vies innocentes ont été perdues et vingt-deux personnes blessées à tout jamais. Il a fallu attendre quarante-huit années pour que la Norvège accepte enfin l’extradition vers la France d’un de leurs ressortissants d’origine palestinienne impliqué dans ce massacre.
Puis, une sinistre terreur s’installa dans le pays, ciblant avec une précision macabre les citoyens de confession juive par deux épouvantables affaires.
Celle de Youssouf F, chef du gang des barbares, et celle de Mohamed M, que je m’abstiendrai de nommer complétement. Un petit acte de résistance littéraire, pour éviter de leur offrir la moindre immortalité, dicté par le respect profond à leurs victimes sacrifiées sur l’autel de la barbarie.
Ma plume devient l’outil d’une mémoire soucieuse de célébrer la dignité des victimes, plutôt que de perpétuer la gloire infâme de leurs assassins. Une rébellion contre l’oubli sélectif.
En janvier 2006, L’affaire Ilan Halimi, ce jeune homme vendeur en téléphonie, évoque un cauchemar aux teintes cruelles et aux relents antisémites les plus archaïques.
Enlèvement, séquestration, torture allant jusqu’à sa mort, puis l’abandon de son corps le long d’une voie ferrée, jeté comme l’on ne le ferait même pas pour un animal.
Son calvaire symbolisait une haine irrationnelle mise en pratique avec une précision diabolique contre une communauté innocente, mais supposée très riche, pouvant payer la rançon exigée.
En mars 2012, le terroriste islamiste Mohamed M, petit délinquant de droit commun originaire de Toulouse, condamné à de la prison ferme, identifié au départ comme un obscur "loup solitaire". La suite de l’enquête montrera que sa formation à la cause de l'islamisme radical, par ses séjours en Afghanistan et au Pakistan, n’était pas si solitaire que cela.
Classé par la DCRI comme activiste islamiste potentiellement dangereux.
Circulant sur un scooter, il commet le 11 mars 2012, à Toulouse, son premier assassinat ; un soldat du 1ᵉʳ Régiment du train parachutiste de Francazal, le maréchal des logis-chef Imad Ibn Ziaten. Quatre jours plus tard, en suivant le même mode opératoire devant le Régiment du génie parachutiste à Montauban, il ouvre délibérément le feu sur trois militaires français d'origine maghrébine. Deux d'entre eux perdent la vie sur-le-champ, : le caporal Abel Chennouf et le soldat Mohamed Farah Chamse-Dine Legouad, tandis que le troisième, Loïc Liber, subit des blessures graves. M, prétendant les punir de leur trahison à la cause arabe.
Le 19 mars, il poursuit sa chevauchée en scooter, casqué, et pénètre dans l'établissement scolaire de confession juive Ozar Hatorah, à Toulouse, et avec froideur, il exécute, à bout portant, des enfants ; Myriam Monsonégo âgée de huit ans, Arié, Gabriel et leur père Jonathan Sandler, âgés respectivement de huit, cinq et trente ans.
Ces deux terribles actes ne cicatriseront jamais.
Ils laisseront des plaies béantes et profondes dans l’âme collective, et résonneront pour toujours comme des échos sinistres dans les annales de l’horreur, du dégoût, de la tristesse et de l’indignation.
Interrogé par une journaliste alors qu'il était assiégé dans la nuit du 21 mars 2012 par le RAID, il avait déclaré avoir commis ces assassinats pour se venger de la loi interdisant le port du voile islamique, ainsi que de la participation de la France à la guerre en Afghanistan.
Refusant de se rendre, il est abattu le 22 mars par le RAID après trente-six heures de siège.
Au cœur de ces horreurs, une question douloureuse demeure en suspens :
Pourquoi la société ne s’est-elle pas levée en masse, unie dans un cri collectif de révolte et de condamnation d’actes aussi abominables ?
Pourquoi les voix ne se sont-elles pas élevées en solidarité ?
Cette apathie restera pour longtemps une incompréhension pour la communauté juive française, et bien au-delà de nos frontières, elle qui avait tant besoin de compassion. Pourtant, ces actes monstrueux visaient avant tout notre société et tout ce qu’elle représente. Les valeurs démocratiques, les principes de tolérance et de nos libertés individuelles. Mais l’esprit humain est parfois noyé dans l’incompréhension, voire la lâcheté et l’incapacité à saisir l’ampleur d’une tragédie.
Certaines paroles résonnent comme des avertissements solennels, nous rappelant les conséquences désastreuses de la complaisance et de la lâcheté face à l'injustice.
Parmi ces éclats de vérité, la citation poignante du pasteur Martin Niemöller, "Quand ils sont venus chercher…"4 demeure une admonestation saisissante, nous rappelant les heures sombres où la conscience collective s'est tue, laissant libre cours à la montée inexorable du totalitarisme.
Ces mots, empreints d'une gravité indélébile, résonnent comme un écho à travers les âges, nous invitant à méditer sur le triste chapitre de l'histoire où la peur et la complaisance ont conduit à la tragédie.
Au cœur de cette phrase, se trouve le récit déchirant de la passivité des intellectuels, des politiques, de la société alors même que des vagues de purges s'abattaient, impitoyables, sur les ennemis désignés.
L'histoire nous enseigne que lorsque la voix de la conscience est étouffée par la peur ou par l'indifférence, les fondations de la société vacillent. Ainsi, en méditant sur ces mots, nous sommes appelés à nous interroger sur notre propre responsabilité dans la préservation des valeurs fondamentales de la dignité humaine et de la justice, rappelant que le silence complice peut être aussi destructeur que le cri de l'oppression.
*Quand ils sont venus chercher :