Couronne poétique de Napoléon - Anonyme - E-Book

Couronne poétique de Napoléon E-Book

Anonyme

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Extrait : "TE DEUM - Carthage, Athènes, Rome, élevez moins vos têtes Elevez moins vos noms ! riez moins de vos fêtes ! Etalez moins aux yeux de cent siècles ouverts Les blasons de vos dieux remplissant l'univers ! Nous avons notre Dieu ! nous avons notre Rome ! Nous avons notre histoire et notre premier homme ! Nous avons, pour répondre à vos bruits insolens, Notre Napoléon qui sortit de nos flancs ?" À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN : Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants : ● Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin. ● Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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Avis des éditeurs

Lorsque nous avons fait un appel à tous les poètes pour leur demander de nous aider à élever un monument littéraire à la mémoire de Napoléon, nous avons pensé qu’il serait d’abord entendu et compris par ces hommes de génie dont la France s’honore et qu’il n’est point nécessaire de désigner ici, car ceux qui lisent ces lignes les ont déjà nommés dans leur pensée. Nous nous étions imaginés, dans la naïveté de notre enthousiasme pour la mémoire d’un grand homme, que toute préoccupation de parti, d’opinion ou de vanité disparaîtrait devant la facile et noble tâche d’aider à tresser une couronne pour la déposer ensuite sur une tombe, et nous avons gardé longtemps cette illusion. Aujourd’hui elle n’est plus possible, et tel est notre peu de rancune envers ceux qui nous ont refusé leur concours, que nous le regrettons plus encore pour eux que pour notre livre, qui reste protégé par le nom le plus prestigieux des temps modernes.

Le silence de nos grands poètes nous a été pénible, mais il ne nous a pas donné la moindre hésitation. Si notre œuvre avait été une entreprise, s’il s’était agi pour nous de renommée ou d’argent, nous n’aurions pas été aussi hardis et nous aurions pensé que nous ne pouvions pas nous passer de ces noms qui assurent le succès d’un ouvrage. Mais quand on peut mettre sur le titre d’un livre qu’il est un hommage à la mémoire de l’empereur, ne serait-ce pas insulter à cette mémoire que de conserver le moindre doute sur la manière dont il sera accueilli.

C’est donc avec confiance que nous offrons au public la Couronne poétique de Napoléon, annoncée le lendemain même du jour où son cercueil a été promis à la France. Cette confiance nous ne la puisons pas dans le mérite littéraire de notre ouvrage, mais dans le grand nom qui le protège et dans la pureté des motifs qui nous en ont inspiré la pensée. Le même sentiment qui a dicté notre appel, nous a soutenus dans notre résolution et préside aujourd’hui à la publication de notre volume : c’était d’abord de faire une chose nationale et populaire et de la mettre à la portée de toutes les fortunes. Ce double but est atteint puisque nous donnons la Couronne poétique à un prix dont personne ne pourra contester la modicité.

Quand nous disons que notre confiance dans le succès de notre livre, n’est pas puisée dans sa valeur littéraire, nous ne prétendons pas faire de la modestie aux dépens des hommes de cœur et de talent qui nous ont si généreusement apporté leur concours ; mais nous voulons dire que le nom de Napoléon aurait suffi à lui seul pour nous mériter la faveur du public. Maintenant nous dirons avec autant de sincérité que si les grands noms de la poésie française manquent dans notre livre, les grandes beautés et les nobles sentiments n’y manquent pas, et nous sommes sûrs que nos lecteurs seront de cet avis. Nous n’avons ni Lamartine ni Victor Hugo, mais si nous avons des vers que ces grands poètes ne désavoueraient pas, que ferait de plus leur signature sur un ouvrage qui porte son succès dans sa destination ?

L’Empereur avait appelé toutes les opinions à le servir, nous les avons appelées toutes aussi à le chanter, et toutes nous ont entendus. Il en est résulté que chacune d’elles s’est placée à son point de vue pour juger le grand Capitaine et le grand Législateur ; mais comme toutes ont été unanimes dans le respect pour sa mémoire, nous n’en avons exclu aucune, et cet hommage universel est sans doute le plus flatteur que Napoléon ait jamais obtenu, même au temps de sa puissance ; il est vrai, comme dit Montaigne, que la mort ajuste toute chose ; cependant nous connaissons tel souverain qui, pour sa gloire, ne gagnerait pas plus à mourir qu’à vivre.

Nous aurions pu donner un volume plus considérable que celui que nous publions, mais il nous aurait fallu en augmenter le prix et alors notre but aurait été manqué. Nous avons reçu de tous les coins de la France et de l’Europe plus de huit cents pièces de vers, et nous avons dû en refuser beaucoup. Un grand nombre n’étaient pas signées, d’autres contenaient des personnalités dont il ne nous convenait pas d’accepter la responsabilité, d’autres enfin sont arrivées trop tard. Ces considérations ont été les seules écoutées et pour tout le reste nous n’avons fait de faveur ou d’injustice à qui que ce soit. Maintenant nous prions les personnes dont, pour les motifs ci-dessus indiqués, nous n’avons pu recevoir les pièces, de n’en pas moins agréer ici l’expression de notre gratitude et de nos vives sympathies.

Nous aurions pu donner aussi beaucoup de pièces allemandes, anglaises, polonaises et espagnoles, mais notre livre s’adresse à la France et nous avons dû nous borner à l’enrichir de deux odes qui nous ont été adressées par deux des meilleurs poètes dont l’Italie s’honore aujourd’hui.

Quand nous avons dit que les grands noms manquaient à notre livre, nous n’avons parlé que des poètes, car Horace Vernet nous a donné, après l’avoir signé, un admirable dessin.

14 décembre 1840.

Te Deum
Carthage, Athènes, Rome, élevez moins vos têtes
Élevez moins vos noms ! riez moins de vos fêtes !
Étalez moins aux yeux de cent siècles ouverts
Les blasons de vos dieux remplissant l’univers !
Nous avons notre Dieu ! nous avons notre Rome !
Nous avons notre histoire et notre premier homme !
Nous avons, pour répondre à vos bruits insolents,
Notre Napoléon qui sortit de nos flancs ?
 
Oui, la France enfanta l’aigle des cent batailles,
Dont le monde aujourd’hui sonne les funérailles.
La France a dans ses murs, sous son toit, dans son cœur
Annibal, Alexandre, et César le vainqueur !
Elle a tout dans sa cendre et dans sa seule tombe !
Vos gloires, vos combats, merveilleuse hécatombe,
Ne sont plus, retracés à l’horizon lointain,
Qu’un fantôme des nuits qu’efface le matin !
Découvrez vos manteaux et vos riches bannières !
Déployez ! déployez vos reliques altières !
Sur ses restes sacrés, nos immortels flambeaux,
Nous, Français, aujourd’hui nous levons nos drapeaux !
 
Univers, lève-toi ! venez siècles et mondes !
Terre ! éveille aujourd’hui tes entrailles profondes !
Ciel, revêts ton manteau splendide et solennel !
Martyrs, chantez là-haut votre chant éternel !
 
Guerriers, jeunes soldats, apportez pour hommage
Votre sang de vingt ans et votre beau courage,
L’ardeur que vous transmit le maître souverain
Qui grava votre nom sur un arbre d’airain !
 
Peuple, rassemble-toi ! mêle ton flot immense
À l’onde des regrets qui murmure en silence !
Vieillards, femmes, enfants, joignez vos douces voix
Aux pleurs de la nature, à la terreur des rois
 
Cœurs d’audace brûlants, corps altiers, âmes fortes,
Napoléon revient ! ouvrez toutes vos portes !
Venez tous assister à son large convoi
Où la gloire de l’homme efface l’or du roi !
Venez couverts de deuil autour du char funèbre :
Son poids hausse la France entre toutes célèbre :
Levez sur le cortège un suprême regard,
Car vingt ans de hauts faits forment son corbillard !
À celui qui créa sceptres, lois, culte, trônes,
Nous pouvons donc tresser d’odorantes couronnes,
Effeuiller sur son corps parfums, lierres et fleurs !
Et rafraîchir sa cendre aux ruisseaux de nos pleurs !
Comme un dais généreux qu’aux jours des saintes fêtes
Le prêtre du seigneur met sur les jeunes têtes,
Nous conduirons l’enfant que notre orgueil rêva
Sous les cyprès d’Arcole et de la Moskowa !
L’étranger qu’il domptait avec sa main loyale
N’approchera jamais de l’urne impériale :
Notre mort exilé dont nous étions jaloux,
Nous saurons le sceller désormais parmi nous.
Notre voix n’ira plus vers le noir Sainte-Hélène
Porter nos souvenirs, nos regrets, notre haleine :
Pour voir sa tombe ouverte et prier désormais
Nous n’aurons plus recours au geôlier de l’Anglais !
Nous pourrons, protégés par son ombre visible
Qui vainquit tout orgueil en restant invincible,
Apprendre à nos voisins de la sombre cité
Ce qu’ils devaient d’égards à son adversité ;
Honorés de son pas qui désigna leur côte,
Ce qu’ils devaient de gloire à l’empereur, leur hôte !
À son tour il viendra, ce puissant ennemi,
Lorsqu’il voudra revoir Charlemagne endormi :
Il viendra, chapeau bas, toucher l’aigle magique
Qui troubla par son vol le clocher britannique,
Et tandis que plus fiers, plus grands, plus généreux,
Pour garder nos trésors nous veillerons sur eux,
Lui, honteux du cyprès qui sur son nom retombe,
En détournant les yeux il ouvrira sa tombe !
 
Oh ! qu’il devait souffrir cet auguste lion
Loin de son beau pays ! la superbe Sion !
Que de soupirs cachés pour ses splendides charmes
Pour elle que de pleurs ! pour elle que de larmes !
Pour ses Français aimés que de sombres regrets !
Combien son cœur allait et revenait auprès !
Que de fois il a dû dans son âme fidèle
Rêver de plans encore pour la rendre plus belle !
Armé de son génie, il mesurait ses pas
Qu’il traînait à la gloire et qu’il n’arrêtait pas !
Comme un jeune taureau sans lisières aux cornes,
Il la voyait courir un espace sans bornes,
Parcourant les chemins par son compas ouvert
Il la suivait au loin dominant l’univers,
Et, grandissant son nom, dans sa noble espérance,
Il ne voyait qu’un mot pour les mondes, la France !
 
Oh ! merci ! bien merci pour notre grand martyr ?
Car votre cruauté l’en fit plus grand sortir :
Merci ! nous l’aimons mieux ; il prend mieux sa demeure
Dans notre siècle ému qui le garde et le pleure :
S’il eut dans son orgueil un noble égarement,
Vous l’avez bien absous par votre enseignement ;
Il est sanctifié pour la jeune mémoire,
Par ses six ans de lutte inscrits dans notre histoire ;
Merci de ce cercueil où son esprit mouvant
Conserva son courage et s’éteignit vivant !
Merci de ton exil, bienfaisante Angleterre ?
De ses beaux jours jetés dans ton noir monastère,
De l’étroite fournaise où tu l’as mis bouillant,
Comme la foudre altière au gouffre étincelant :
Merci ! car il a pu, dans ces jours d’agonie,
Découvrir de sa main l’éclair de son génie :
Il a pu, de l’étude appelant le soutien,
De son trône sans nom se faire historien ;
Il a pu, déposant sa glorieuse épée,
De sa grande existence expliquer l’épopée,
Apprendre à l’univers, ô spectacle étonnant,
Ce que seule eût pu faire une ombre en revenant !
Comme un soldai au camp avec la main qui saigne,
Il a lui-même écrit le rapport de son règne :
Il a noué lui-même avec les frais lauriers
Les anneaux chargés d’or de ses lustres guerriers ;
Aux siècles qui viendront il a tracé la route,
Et découvert son âme à l’avenir qui doute !
Plus heureux que ces rois embaumés dans l’orgueil,
Qui, déposant leur sceptre au penchant du cercueil,
Alors qu’un peuple entier interrogeait leur cendre,
Se sentaient accuser sans pouvoir se défendre,
Pharaons, mourants rois dans leur pourpre en lambeau,
Et que l’on condamnait sur le froid du tombeau ?
 
Aux petits enfants qui s’élèvent,
Et qui déjà de lauriers rêvent,
Nous raconterons ses combats :
Nous dirons sa carrière immense,
Noble sitôt qu’elle commence,
Plus noble encore à son trépas
 
Nous dirons ce que peut la haine,
Corbeau croassant sur la plaine,
Brisant l’épi qui penche au bas ;
Ce que peut le vent de l’envie
Sur la fleur d’une belle vie,
Poison qui ne se montre pas !
 
Nous dirons qu’il couvrit la terre
De la magnifique poussière
De l’Empire et du Consulat,
Qu’il fit rejaillir sur leurs têtes
Le lustre ardent de ses conquêtes,
Soleil qui s’effeuille en éclat !
 
Nous dirons à ces jeunes âmes
Les noms des riches oriflammes,
Ombre où faibles on les berçait :
À ces petits-fils de la gloire
Nous occuperons la mémoire
De ce que l’aïeul amassait.
 
Fiers d’eux-mêmes, fiers de la France,
Ils couveront sous l’espérance
Féconde d’un germe puissant :
La gloire a la gloire pour gage ;
Naître noble à noblesse engage ;
L’œuf de l’aigle est aigle en naissant.
 
Ils admireront le génie
Qui voulut la France infinie,
Et, libérale ambition,
Proclameront l’indépendance
Qui n’enchaîna pas par prudence
L’élan de la création !
 
Oh ! c’est qu’il savait bien, l’homme de la pensée,
Jusqu’où la nation, par la peur abaissée,
Peut descendre dans son malheur
Il savait que la ville, à la crainte venue,
Est la prostituée à la chasteté nue,
Qui souillera bientôt son cœur.
 
Il savait que le peuple aime, chérit, vénère
L’étendard glorieux où son œil lit : Espère !
Que pauvre, c’est son hochet d’or ;
Car sa patrie à lui, c’est sa seule noblesse,
Son seul bien, son seul droit, et l’unique richesse
Qui, pauvre, le fait riche encor.
 
Il connaissait aussi, comme naît la jeunesse ;
Qu’au sortir de son lange, un noble orgueil l’oppresse,
Que l’amour du beau la conduit.
Il savait son ardeur pour toute renommée,
Aussi belle à ses yeux que la maîtresse aimée
Dort le prestige l’a séduit !
 
Il savait tout, cet homme ! Il savait que le monde
Porte dans sa racine une langueur profonde,
Que les jours froids ont leur dégoût :
Qu’il faut pour l’âme humaine une source où s’abreuvent
L’esprit, les sens, la vie ; un ressort où se meuvent
Et ce grand rien et ce grand tout !
 
Hélas ! il en est mort de ses longs jours sans phare,
Mer sans fond, port sans rive où notre âme s’égare
Incessante et morne prison ;
Son corps et son esprit s’abîmaient dans l’espace.
Son existence allait comme une tête lasse,
Dont le cerveau perd sa chanson.
 
Lui, restreint dans son vol ! lui rasant de ses ailes
Le roc de sa prison, le mur de ses tourelles,
Ployé sur un hamac petit ;
Lui mendiant de l’air, des chevaux et des chaumes ;
Lui qui pétrissait l’or, les états, les royaumes ;
Lui dont on pèse l’appétit !
 
Lui qui prit autrefois l’univers pour demeure,
Qui conduisit du doigt comme un cadran sans heure
Des jours qui n’avaient pas de nuit ;
Lui qui glanait les rois sur son champ de bataille,
Sans trouver un boulet au niveau de sa taille ;
Lui qu’un vassal anglais conduit !
 
Oh ! qu’il a dû souffrir ! Dieu lui fit pour épreuve
Une autre coupe à boire, une souffrance neuve,
Un calice large et profond :
Il le surnomma Job, l’abreuva de misères,
Retourna dans son cœur le poison des ulcères
Dont sa mort a trouvé le fond !
 
Et comme Job aussi quelle humilité sainte !
Quelle douleur sans fiel ! quel désespoir sans plainte !
Comme il souffrit ! comme il mourut !
Il reçut du Seigneur ce châtiment sublime,
Comme une âme chrétienne aspirant Dieu sans crime,
Et sans tache au ciel il courut !
 
Ô Seigneur ! pourquoi sa jeunesse ?
Pourquoi son ardeur en naissant ?
À son lever tant de richesse ?
Tant de larmes en finissant ?
 
Pourquoi son enfance si belle,
Son unique et large cerveau,
Foyer dont la flamme étincelle
À peine aux portes du berceau ?
 
Pourquoi le seul parmi ses frères
Fut-il la sève qui germa ?
Pourquoi les fleurs qui te sont chères
Sont celles que ta main ferma ?
 
Pourquoi tant donner à l’enfance,
Construire un arbuste orgueilleux,
Du souffle élargir sa puissance
Pour l’abattre si près des cieux ?
 
Est-ce, ô Dieu ! pour que ta présence
Soit la seule unique et sans fin,
Et que l’homme en son insolence
Ne t’atteigne pas de la main ?
 
Est-ce une leçon pour la gloire,
Une ombre à son sublime pas,
Un enseignement pour l’histoire ?
Fais-tu la crèche et le trépas ?
 
Qu’importe, Dieu puissant, ta volonté cachée ?
Le but que ta main donne à la gerbe couchée,
Grande et belle apparition !
Qu’importe où va l’étoile après sa bienvenue,
Qu’elle serve à la terre ou retourne en la nue ?
Elle est de ta création !
 
Et toi, Lætitia, toi, monument austère,
Tu seras en exemple aux femmes de la terre,
Tu soutiendras, leur juste orgueil.
Les siècles béniront ta divine souffrance :
Mère du Christ armé, tu le fis pour la France,
Et tu pleuras sur son cercueil !
 
Frères, désormais plus de larmes !
L’avenir dévoile ses charmes ;
De leur fourreau sortez vos armes !
Allumez vos mornes flambeaux !
Ramier que la froidure exile
Nous l’avons repris de son île,
Qu’il repose calme et tranquille :
À nous d’honorer son tombeau !
 
Du sort, des combats des tribunes,
Proclamant les gloires communes,
Au partage de ses fortunes
Il appela l’égalité :
Lorsqu’un grand acte se consomme,
Quand l’esclave veut se faire homme,
C’est Napoléon seul qu’il nomme,
Il ébaucha la liberté !

HERMANCE LESGUILLON.

Comme philosophe, comme écrivain, comme homme, je le déclare, ce n’est pas sans un certain regret d’imagination que je le verrai descendre de ce rocher où tout est souvenir, où l’admiration et la piété du monde se plaisaient à aller le chercher.

LAMART. Disc. à la Ch. des Députés.

I
Oh ! pourquoi l’arracher à sa tombe lointaine ?
Pourquoi déshériter la pauvre Sainte-Hélène
Des restes du héros, mort sur ce sombre écueil,
Qui, dans ces lieux témoins de sa lente agonie,
Mêlait un souvenir de gloire et de génie
À la tristesse de leur deuil ?
 
N’avait-il pas des droits à ce noble héritage,
L’écueil où s’acheva cet immense naufrage
Dont l’Europe a frémi jusqu’au pôle lointain,
Quand les vents et la mer ont, complices des hommes
Jeté sur ce rocher, loin des bords où nous sommes
Les débris d’un si grand destin ?
 
Là son exil de loin dominait nos patries.
Au récit de ses maux nos âmes attendries
S’y tournaient quelquefois pour pleurer sur son sort.
Là des cœurs généreux la piété sublime,
Qui n’avait point cherché sa gloire illégitime,
Le suivit au sein de la mort.
 
Ces bords l’avaient connu dans sa dernière épreuve.
Les vagues l’y pleuraient comme une voix de veuve.
L’Océan le gardait dans sa tombe endormi,
Et, lorsqu’à son sépulcre il lui venait un hôte,
Avec un chant joyeux, doucement, sur la côte,
Lui portait le navire ami.
 
Le nautonier le soir errant sur la mer sombre,
Tressaillait quelquefois en croyant voir son ombre
Chevaucher sur l’éclair, au sein de l’ouragan,
Ou, debout sur ce roc témoin de sa souffrance,
Regarder en rêvant du côté de la France,
À travers l’immense Océan.
 
Ah ! ces soupirs des vents et du flot qui murmure,
Autour de son tombeau ce deuil de la nature,
De ce morne désert la sombre majesté,
Ces pèlerins exprès venus sur l’onde amère,
Ce tombeau sur les flots, – valaient bien une pierre
Au sein d’une ingrate cité !
II
N’était-il donc pas temps de laisser à sa gloire
Cette tranquillité dont la sereine histoire
Revêt les noms fameux pour les rendre immortels,
Qui place le génie au-dessus des injures,
Et qui semble au respect des nations futures
Le consacrer sur des autels ?
 
Cette majesté sainte et que le temps imprime,
Sur ce rocher désert couronnant un abîme,
Ne semblait-elle pas s’attacher à son nom ?
Là sa cendre dormait à l’abri des outrages,
Et son ombre y donnait aux rois des futurs âges
Une grave et haute leçon.
 
Au creuset du malheur là sa gloire épurée,
Apparaissait aux yeux plus belle et plus sacrée,
Et, dominant de loin nos querelles d’un jour,
Brillant comme un soleil sur tout nuage sombre,
Ne laissait sur ces bords arriver à son ombre
Que des chants de gloire et d’amour.
 
Pour ceux qui, nés au sein des guerres intestines,
Bâtissant leur grandeur sur des tas de ruines,
Ont trompé bien des vœux, méconnu bien des droits,
Une ombre de forfait à la gloire s’attache,
Dont il faut que le temps vienne effacer la tache
Dans la splendeur de leurs exploits.
 
La lente expiation de ces jours d’agonie,
D’un tel bannissement la lourde ignominie,
En mêlant leur douleur à son grand souvenir,
Semblaient, pour le proscrit, captif de l’Angleterre,
Dans son exil lointain, sur son roc solitaire,
Hâter l’œuvre de l’avenir.