Eveline, aventures et intrigues d'une jeune miss du grand monde - Anonyme - E-Book

Eveline, aventures et intrigues d'une jeune miss du grand monde E-Book

Anonyme

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Beschreibung

D'apparence chaste, Eveline, héroïne au tempérament de feu, expérimente les plaisirs charnels...

POUR UN PUBLIC AVERTI. À seulement 18 ans, Éveline est belle, intelligente et, par-dessus tout, elle occupe l'esprit de tous ses admirateurs. Dans le Londres de l'époque victorienne, l'audacieuse jeune fille va découvrir son amour pour les plaisirs charnels grâce à un domestique et deviendra bientôt elle-même l'initiatrice de nombreuses passions.

Publié anonymement en 1840, Éveline se range aujourd'hui parmi les incontournables de la littérature érotique.

EXTRAIT

Que le lecteur s’imagine une jeune fille de moyenne taille, mince comme une sylphide, dont le cou, les bras, les mains égalaient en perfection, si elles ne les surpassaient pas, ceux de la Vénus de Médicis ; des seins blancs d’un contour adorable, fermes comme une pomme et brûlant d’un feu ardent de désirs ; qu’il se représente tout cela éclairé par deux yeux lumineux, plus bleus que l’azur du ciel, ombragés par des sourcils sombres et arqués, un nez qui descendait d’un front uni, des lèvres purpurines semblables à des pétales d’une rose nouvellement éclose et un menton fin et délicat finissait l’ovale de la figure, dont les joues rosées annonçaient la brillante santé.

À PROPOS DE LA COLLECTION

Retrouvez les plus grands noms de la littérature érotique dans notre collection Grands classiques érotiques.
Autrefois poussés à la clandestinité et relégués dans « l'Enfer des bibliothèques », les auteurs de ces œuvres incontournables du genre sont aujourd'hui reconnus mondialement.
Du Marquis de Sade à Alphonse Momas et ses multiples pseudonymes, en passant par le lyrique Alfred de Musset ou la féministe Renée Dunan, les Grands classiques érotiques proposent un catalogue complet et varié qui contentera tant les novices que les connaisseurs.

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1Mes parents – Mon éducation – Mes premières amours – Trahison de mon amoureux

Je suis la fille unique de Lord S. G., lieutenant général dans l’armée britannique et fus de bonne heure placée dans une pension renommée près de Portman square, où je devins bientôt un modèle accompli dans tous les arts et les études de mon âge. La danse, le dessin, la harpe, le piano, le luth m’étaient aussi familiers que les langues française, allemande et italienne.

À seize ans, toutes les finesses de ces langues m’étaient connues, et j’avais fait une étude si constante de Milton, Shakespeare, Dryden, Pope, Voltaire, Racine, Molière, Corneille, Arioste, Casso Cafieri et autres auteurs célèbres français, anglais et italiens, que je pouvais citer leurs plus beaux passages aussi facilement que je pouvais nommer les constellations du ciel et les régions de toute la Terre. L’arithmétique, la géométrie, la botanique, l’histoire naturelle et les éléments de la chimie même n’avaient plus de secret pour moi.

À cet âge où les jeunes filles anglaises sont encore en bouton, j’étais déjà une femme parfaitement formée et une des plus belles qui aient jamais traversé la Manche. Que le lecteur s’imagine une jeune fille de moyenne taille, mince comme une sylphide, dont le cou, les bras, les mains égalaient en perfection, si elles ne les surpassaient pas, ceux de la Vénus de Médicis ; des seins blancs d’un contour adorable, fermes comme une pomme et brûlant d’un feu ardent de désirs ; qu’il se représente tout cela éclairé par deux yeux lumineux, plus bleus que l’azur du ciel, ombragés par des sourcils sombres et arqués, un nez qui descendait d’un front uni, des lèvres purpurines semblables à des pétales d’une rose nouvellement éclose et un menton fin et délicat finissait l’ovale de la figure, dont les joues rosées annonçaient la brillante santé. Des cheveux châtains, souples et brillants, tombaient en boucles, découvrant parfaitement le front élevé ; si à cela on ajoute un pied et une jambe, l’envie de toutes les femmes, on aura une légère idée de l’auteur de ces mémoires.

Mon frère, un garçon de quatorze ans, étant à Eton, mes parents résolurent de me conduire à Paris pour y faire mon éducation pendant un couple d’années ; en conséquence, nous partîmes donc de Douvres le 5 mai 18 sur la Louise, paquebot français, et nous devions arriver à Calais le même jour sur les trois heures de l’après-midi.

Notre suite se composait de deux femmes de chambre, d’un cocher et de deux valets de pied, de trois voitures, de chevaux de trait et de quatre chevaux de selle.

Le temps étant mauvais et la mer agitée, les femmes furent horriblement malades du mal de mer, et furent obligées de quitter le pont. Je me jetai moi-même sur un sofa dans ma cabine, si malade que mon père envoya pour me prêter assistance son domestique, un beau gars de vingt-deux ans. Il me trouva couchée sur le côté, souffrant horriblement, et presque suffoquée par mon corset très serré.

« Voulez-vous que je vous délace votre corset, miss ? »me dit-il, il empêche votre respiration, et vous fera certainement beaucoup de mal.

Une simple inclination de tête lui accorda l’autorisation qu’il sollicitait.

« Je ne puis pas défaire le nœud, puis-je le couper ? »

Un autre assentiment muet lui permit d’user de son canif pour trancher la difficulté, puis mettant sa main dans mon corset, il dégagea mon sein droit ; le choc fut électrique, tout mon corps fut parcouru d’une sensation exquise, délicieuse, qui me fit frissonner de la tête aux pieds. William s’aperçut de mon agitation et par un autre mouvement de son doigt il se mit à caresser gentiment mon petit nichon. Cette nouvelle sensation me fit presque évanouir, mais, ce qui est fort étrange, mon mal de mer disparut comme par enchantement. Voyant le désordre de mes sens, et l’incapacité dans laquelle j’étais de me dégager, il se pencha sur moi et me déposa un baiser sur la nuque (car je lui tournais le dos). Ce baiser, le premier qu’un homme, excepté mon père, m’eût donné, me fit monter le sang au visage ; William enhardi par ma passivité et mon silence, voyant que son baiser avait été reçu avec plaisir, resserra son étreinte, et par un rapide mouvement de son bras, il retira sa main de ma poitrine pour la porter à un endroit que je ne savais pas encore nommer, mais que je sentais brûler d’une chaleur intense.

Mon premier mouvement fut de retirer sa main, mais son attouchement m’ôta toute force et je restai dans ses bras, tremblante et inerte. Les rideaux étaient tirés de façon à ce que l’on ne puisse nous voir. William, la main sur le siège du plaisir, écarta mes cuisses que j’ouvris même légèrement pour lui en faciliter l’accès.

Quelle délicieuse sensation ! Pourquoi ne dure-telle pas toujours ? Que peut égaler le premier attouchement d’un homme ? Quelle joie sur terre peut être comparée au bonheur que je ressentis ?

Sentant que je ne faisais aucun mouvement pour me retirer, William introduisit son doigt entre les lèvres de mon mont et les chatouilla doucement, ce qui me fit soupirer. Mais, peu satisfait de me toucher par-dessus mon linge, il releva ma robe et ma chemise et introduisit cette fois son doigt dans le bon endroit, il baissa la tête en même temps et chercha mes lèvres avec les siennes. Délicieux baiser ! Céleste sensation !

— Ma douce Éveline !

— Oh ! assez William.

— Je vous adore. Oh ! 

Et je m’évanouis.

Combien de temps restai-je insensible ? Je ne sais, mais la première chose que je vis en revenant à moi, ce fut Mary, ma femme de chambre, qui me disait :

— Levez-vous, Miss, nous sommes arrivés, et Lord et Lady vous attendent sur le pont pour débarquer.

— Je ne peux, Mary, il faut que vous m’aidiez, lacez mon corset.

— Le lacet est coupé, Miss.

— C’est vrai, je me rappelle que je me suis servie d’un canif, me sentant incapable de le dénouer.

— Souffrez-vous, mon amour, dit ma mère, vous êtes excessivement pâle.

— Ma pâleur est le résultat du mal de mer, chère maman, et je vais être tout à fait bien quand je serai à terre.

— William, aidez Miss Éveline à descendre.

À demi-couchée sur sa poitrine, je m’avançai sur le plat-bord, sentant la pression de sa main, que je savourai silencieusement. J’aurais volontiers souffert qu’il me portât ainsi jusqu’à l’hôtel, mais les lois de la société sont contraires à une telle familiarité, et mon père m’offrit son bras.

En arrivant à l’hôtel, je me retirai dans ma chambre pour changer d’habits, puis je me rendis au salon où William était occupé avec les bagages. Aussitôt qu’il me vit, il vola vers moi, saisit une de mes mains, et, pliant un genou devant moi, il me dit d’une voix suppliante :

— Me pardonnerez-vous la violence de mon amour ?

— Il ne faudra pas recommencer William, vous savez bien que je ne puis vous écouter.

— Céleste charmeuse ! Quel homme pourrait vous voir sans vous adorer ?

— Et si mes parents nous surprenaient ?

— Pouvez-vous supposer que je vous exposerais à leur colère ?

— Chut ! J’entends quelqu’un qui vient.

Au dîner, je mangeai peu. J’avais la fièvre, je me sentais mal à l’aise, craignant les regards de mon père et de ma mère, et évitant soigneusement les yeux de William, mais le morceau de poulet qu’il me servit était le plus tendre que j’aie jamais mangé, et le verre de vin qu’il me versa était le plus délicieux que j’aie bu.

Après dîner, nous fîmes une courte promenade pour visiter les environs, mais je trouvai que les marais qui entourent Calais sont plus humides que les marais ordinaires. Les fleurs que je cueillis semblaient sans couleur et sans odeur, et les oiseaux ne me semblaient pas chanter de la même façon que ceux de mon pays natal.

Cette promenade me parut longue, insipide, ennuyeuse, et c’est avec joie que j’obéis quand mes parents me commandèrent de tourner mes pas du côté de l’hôtel.

Pendant toute la soirée, je fus agitée et incapable de rester un moment en place ; je sentais un but nouveau à mon existence, quelque chose de manquant à mon être, que je ne pouvais définir nettement, et je me retirai dans ma chambre avec plaisir quand la pendule sonna dix heures, heure habituelle de notre retraite.

Quand ma femme de chambre fut partie, j’essayai de dormir, mais ce fut en vain ; il m’était impossible de fermer les yeux, je me tournai et me retournai sans pouvoir trouver le sommeil. J’entendis la cloche de la cathédrale sonner onze heures, puis douze, et j’étais sur le point de me lever pour appeler Mary, quand la porte de ma chambre s’ouvrit doucement et quelqu’un entra.

—  Est-ce vous, Mary ? demandai-je.

— C’est moi, charmante Éveline, murmura une voix douce et musicale, l’homme qui vous adore !

— Ciel ! William ! Qu’est-ce qui vous amène dans ma chambre à cette heure de la nuit ?

— Je voulais savoir, belle Éveline, si vous aviez besoin de quelque chose.

— Mon Dieu, si mes parents, qui sont là à côté, vous entendaient !

— Ils dorment trop profondément pour cela. Oh ! je vous en prie, ne retirez pas cette jolie main !

— Non, non, William, il faut vous en aller !

— Vous ne serez pas si cruelle que de me renvoyer.

— Vous ne pouvez pas rester, vous m’étouffez avec vos baisers, non, ne mettez pas votre main là ; eh bien ! Que faites-vous ? Vous vous couchez dans mon lit, non ; non, ne mettez pas votre genou entre mes cuisses, laissez ma chemise, oh ! vous me faites mal, vous me faites terriblement mal, oh ! mon Dieu, vous me déchirez. Oh ! Dieu ! Oh ! Seigneur ! Oh ! Oh !

—  Un peu de patience, chère Éveline, je ne vous ferai pas mal longtemps !

— Oh ! Mon Dieu ! Oh ! Ciel !

— Chère, chère Éveline, quel paradis !

— Oh ! Mon William bien-aimé, comme vous m’avez fait souffrir !

Et j’inondai son sein d’un torrent de pleurs.

Il n’essaya pas de me consoler, mais me laissa pleurer pendant deux minutes, sachant bien que les larmes d’une femme, dans une telle occasion, sont de courte durée et qu’elles se sèchent même naturellement.

Mes sanglots ayant cessé, il commença de me caresser par tout le corps, imprimant de chauds baisers sur mes lèvres, sur mon cou, sur ma poitrine, et murmura tout bas à mon oreille :

— Ma chère Éveline me permettra-t-elle de lui donner une autre preuve de mon amour ardent ?

— Vous me faites beaucoup trop souffrir, mon cher William.

— J’irai très doucement.

— Vous allez me promettre de ne plus me faire de mal !

— Je vous le jure, mon adorée, couchez-vous sur le dos.

— Oh ! Vous me faites mal.

— Ouvrez un peu plus vos cuisses.

— Allez doucement.

— Mettez vos bras autour de mon cou, voyez, il est entré complètement.

— Oh ! Cher… cher !…

— Mon adorée ! Quel céleste bonheur d’être dans vos bras !

— Lui serez-vous fidèle, au moins, à votre Éveline ?

— Jusqu’à la fin de mes jours.

— Oh ! Cher William, je le sens jusqu’au cœur !

— Vous fais-je mal, maintenant ?

— Non, mon bien-aimé, vous me donnez un plaisir délicieux. Ah !… Ah !…

Et je sentis qu’il versait en moi un torrent de délices ; la sensation fut trop forte et je m’évanouis.

Quand je revins à moi, je me trouvais entre ses bras. Il avait élevé une de mes jambes sur lui, nos chemises étaient relevées à nos tailles, nos chairs se touchaient et je sentais son affaire dure et raide tout contre mon petit orbite.

— Éveline aimera-t-elle bien son William ?

— Oui, si William promet d’être fidèle à son Éveline !

— Pourrai-je venir vous voir la nuit ?

— Oui, si vous prenez bien vos précautions pour ne pas être vu.

— Ma chère, permettez-moi de jouir de vous encore une fois ?

— Oui, mon amour, aussi souvent que vous voudrez.

— Voulez-vous rester couchée, ou voulez-vous que je me mette à votre place ?

— Couchez-vous sur le dos, mon cher William, je vais monter sur vous.

Je me levai, je l’enjambai, et, mettant mon petit orifice en contact avec cette grosse chose dure, je la fis glisser dans moi. Je ressentis d’abord une légère petite douleur et de la difficulté, mais la souffrance s’évanouit bientôt quand il commença à bouger ; il entrait et sortait avec beaucoup de facilité ; nos lèvres étaient collées, nous sucions mutuellement nos langues, et, quand au bout de quelques minutes, je sentis son membre se gonfler, je précipitai mes mouvements.

— Qu’est-ce qui fait grossir comme cela, tout d’un coup, mon cher William ?

— Parce que je suis prêt à décharger dans vous la liqueur divine ; sentez-vous plus de plaisir à ce moment, mon amour ?

— Certainement, chéri, c’est le moment d’un délice exquis ; serrez-moi sur votre cœur, cher William !

— Oh ! Chérie, je vais décharger !

— Versez-le dans votre petite Éveline. Oh !… Oh !…

Quand nous nous fûmes calmés, je fis remarquer à William qu’il ne serait pas prudent de rester plus longtemps, que nous nous endormirions, et que si on nous surprenait, ce serait notre perte à tous deux ; et que devant partir à six heures, il fallait prendre un peu de repos auparavant. Il n’y consentit qu’après m’avoir fait promettre de le recevoir la nuit suivante. J’y consentis avec plaisir, et après beaucoup de tendres baisers et d’adieux répétés, il me laissa.

Aussitôt qu’il fut parti, je m’endormis d’un profond sommeil réparateur, rempli de songes délicieux, et quand l’alouette annonça l’aurore, je me levai plus fraîche et plus belle que la déesse dont les doigts rosés ouvrent les portes de l’Orient. Les souvenirs des joies de la nuit répandaient une douce langueur sur toute ma personne.

Je songeais avec délices aux embrassements de mon bien-aimé, et j’aurais volé avec joie dans ses bras pour recevoir sa rosée divine si j’avais pu le faire sans obstacle.

Ciel ! Qu’est-ce ceci ? Du sang sur ma chemise. C’est donc vrai qu’une femme saigne quand elle voit un homme pour la première fois ; que vais-je faire ? Comment vais-je cacher cela à ma femme de chambre ? Bah ! je vais simplement la mettre en pièces.

Aussitôt dit, aussitôt fait, et la chemise déchirée en mille morceaux, s’envola sur les ailes du vent.

« Là ! Partez, comme cela vous ne direz rien. »

En entrant dans le salon, mon cher père me prit dans ses bras, déclarant que j’étais la plus jolie fille qu’il eût jamais vue. Je rougis avec modestie. Qu’est-ce qui rend une femme plus belle, le matin de ses premières voluptés ? Est-ce le souvenir de ses plaisirs ou est-ce le jus rafraîchissant de l’homme ? Dites-moi cela vous, savants et philosophes.

Pendant le déjeuner, je rencontrai plusieurs fois les yeux de William attachés sur moi ; ils étaient pleins d’amour, les miens lui disaient mille choses !

Mon père étant sorti immédiatement après déjeuner pour donner quelques ordres, et ma mère étant allée payer la note de l’hôtel, je me trouvai un moment seule avec l’objet de mon amour.

Nous volâmes dans les bras l’un de l’autre et si nous avions eu le temps et l’occasion, nous aurions encore sacrifié à l’autel de cette puissante déesse dont les lois gouvernent le monde, depuis le roi de la création jusqu’aux animaux invisibles qui naissent en une heure.

— Comment vous sentez-vous ce matin, ma bien-aimée ?

— Un peu meurtrie, mon cher ami.

— Je vous ai apporté un peu de miel. Quand vous le pourrez, frottez-vous un peu avec, cela vous empêchera de souffrir et vous n’éprouverez plus aucune douleur quand je vous prendrai dans mes bras.

— Je vous remercie mon bien-aimé, je ferai ce que vous dites.

— Cachez-le bien, car si on le voyait, cela pourrait éveiller les soupçons.

— Donnez-moi un baiser avant que je m’en aille !

— Un million, mon amour !

— À ce soir.

— À ce soir.

Nous quittâmes Calais à six heures, et nous arrivâmes vers deux heures à Boulogne où nous prîmes notre second déjeuner. Dans la soirée, nous arrivâmes à Amiens, où nous devions passer la nuit. Pendant toute la journée, je n’avais pu échanger une seule parole avec William, mais j’avais rêvé tout le jour au moyen de passer la nuit dans ses bras.

Aussi quelle fut ma déception et mon désappointement, en m’apercevant qu’il fallait passer dans la chambre de mes parents pour entrer dans la mienne.

Le désespoir s’empara de moi, et quand Mary m’eût quittée, je me jetai sur mon lit, pleurant et sanglotant de dépit et de colère ; la séparation me semblait éternelle ! Je m’imaginais que je pourrais peut-être trouver une porte secrète qui permettrait à l’adoré de mon âme de venir me trouver, je cherchai dans tous les coins de l’appartement, mais hélas, je ne trouvai rien, absolument rien ! J’arpentai la chambre de long en large jusqu’à environ trois heures du matin, moment où, la fatigue l’emportant, je me jetai sur mon lit, et m’endormis d’un sommeil agité.

Mary, en entrant dans ma chambre le lendemain vers six heures, observa mes yeux rouges et gonflés, et me conseilla de les laver avec un peu d’eau de Cologne. J’essayai, mais je ne pus leur enlever leur rougeur suffisamment pour échapper à l’attention de mes parents qui s’informèrent tendrement de la cause de cette inflammation.

— Je n’ai pas pu dormir de la nuit, maman, cette ville est si bruyante.

— Mais nous n’avons entendu aucun bruit, mon amour, et votre père et moi avons dormi profondément.

— Si nous restions ici un jour de plus, ma chère ? Éveline est trop fatiguée pour continuer le voyage.

— Mais non, papa, quittons cette ville le plus tôt possible, au contraire.

— Au moins, ma chère, prenez un repos de quelques heures avant de partir.

— Il me serait tout à fait impossible de dormir, papa, et je vous en prie, ne reculons pas notre voyage, je déteste cette ville, et je ne voudrais pas pour tout au monde passer une autre nuit ici.

— Bon, bon, ma chère, nous ferons comme vous voudrez, mais si vous êtes fatiguée sur la route, aucune considération ne m’empêchera de m’arrêter, car je ne veux pas abîmer la précieuse santé de mon petit ange.

— Vous êtes vraiment trop bon pour moi, papa, je ne mérite pas tant d’indulgence, mais, je vous en prie, faites ce que je veux pour une fois et ne nous arrêtons pas en route.

— Bon, venez toujours déjeuner, William va aller commander la voiture pour six heures et demie.

Pour ajouter à la cruauté de ma situation, je ne trouvai aucun moyen de parler à William, dont je voyais clairement le dépit et le désappointement. Nos regards se rencontrèrent plusieurs fois et parlèrent pour nous plus que les mots auraient pu le faire.

Nous dînâmes à Chantilly, et arrivâmes dans la soirée à Luzarches, où mon père voulut s’arrêter pour la nuit.

— Je vous en prie, cher père, ne nous arrêtons pas, je serai beaucoup moins fatiguée de continuer le voyage que de nous arrêter ici, où nous ne trouverons que des mauvais lits.

— Mais, ma chérie, nous avons encore huit heures à faire avant d’arriver à Paris, et rappelez-vous que vous n’avez pas dormi la nuit passée. Il est huit heures passées, et nous n’arriverons à Paris que vers onze heures, avec nos mauvais chevaux, vous serez morte de fatigue, ma chère enfant.