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Se déclarant élu et messager de Dieu, Lee Messuy entreprit d'éveiller l'humanité au sujet du déclin de la Terre. Puis il créa un mouvement auquel il donna le nom de « salutisme », lequel devint, au fil du temps, un parti politique influent. Fort de son aura, il fut élu Président des États-Unis. Il s'agissait, en fait, de la première étape d'une ambition mégalomaniaque, à savoir celle d'accéder à l'enviable statut de maître du monde. Ce qu'il parvint à concrétiser grâce au concours d'individus participants de sa cause. Sous sa coupe, le monde sombra dans d'épaisses ténèbres. Sous l'impulsion de sa vanité, l'homme sert, bien souvent, Satan plutôt que Dieu.
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Seitenzahl: 470
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Du même auteur
Romans
Au nom du Saint-Esprit, je vous dis …
L'Arche des Temps Nouveaux
Folie de l'Homme ou Dessein de Dieu
Le Tiraillement
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L'islam tisse sa trame en Occident
Poésies
Murmures de mon âme
Envolée métaphysique
Scénario de film
Magnesia
Je me consacre à l'écriture depuis 2002, après avoir rédigé plusieurs ouvrages entre 1990 et cette date. Mes écrits ont un même fil conducteur spirituel, reflet de l'inaltérable foi en Dieu animant mon cœur. Ce qui m’a conduit à écrire, parfois, des histoires insolites et à devenir un auteur difficile à classer dans un genre.
Entre libre arbitre et destin, l'homme évolue dans son humanité
Partie 1
L'état du monde en 2099
L'organisation mondiale
L'emprise technologique
Considérations sociales
Un monde décadent
La Terre en péril
Partie 2
L'ère d'un nouvel ordre
Sauvons la Terre !
-2107-
Un drame propice
-8 Novembre 2107-
L'engrenage
-20 juin 2109-
D'insolites manifestations
-16 mars 2110-
Le dilemme électoral
-Septembre 2112-
L'envers de la salucratie
-Novembre 2114-
Un mal étrange
Partie 3
Une terrible escalade
Un triste constat
25 décembre 2116
La scission
-Février 2119-
La mafia salucrate
-Février 2122-
La mascarade
-24 Mars 2123-
Une invasion surprise
-Janvier 2128-
Le sursaut
-Octobre 2131-
La montée du refus
-Avril 2134-
Au bout du sacrifice
-Février 2136-
Un combat inégal
-Avril 2137-
Une salucratie satanique
-5 janvier 2140-
Une disparition salutaire
Partie 4
Une époque de transition
La remise en ordre
-Décembre 2141-
Le roi président
-Juillet 2142-
La cause juive
-6 novembre 2144-
Le trône présidentiel
Janvier 2145
Une secrète intuition
Partie 5
Le prodrome d'une chute
-12 décembre 2145-
Un signe du Ciel ?
-11 février 2149-
L'abominable décision
-24 décembre 2149-
L'épreuve
Épilogue
La planète était désormais divisée en grands pôles. Chaque super-nation regroupait donc en son sein plus ou moins de pays, jadis indépendants. Hormis une cinquantaine qui avait choisi de ne point faire alliance avec quiconque.
Ainsi, on trouvait :
- l'USAC : United States of America and Canada ou Union des États-Unis et du Canada (748 millions d'habitants) ;
- la FEC : Federation of Europe Countries ou Fédération des Pays d'Europe que la Russie avait accepté de rejoindre ; concernant l'intégration de la Turquie, elle ne s'était opérée qu'après un effort effectif de démocratisation (1125 millions d’habitants) ;
- la FNC : Federation of New China ou Fédération de la Nouvelle Chine qui était née suite à un éclatement des 34 provinces. Le Tadjikistan et le Kirghizistan avaient choisi de rejoindre ce grand pôle de 1648 millions d'habitants ;
- l'UAI : Union of Asiatic Isles ou Union des Iles du Sud Asiatique qui rassemblait tous les pays de l'Asie du sud (1192 millions d'habitants) ;
- l'Inde : qui avait fédéré le Népal, le Bengladesh, le Sri Lanka et le Pakistan (2028 millions d'habitants) ;
- la FLA : Federation of Latin America ou Fédération de l'Amérique Latine qui unissait tous les pays de l'Amérique du Sud (671 millions d'habitants) ;
- l'USI : United of Southern Islands ou Union des Iles du Sud qui réunissait l'Australie, la Nouvelle Zélande, la Papouasie-Nouvelle Guinée, le Tuvalu, les Iles Salomon, l'île de Samoa, le Tonga, les îles Fidji, le Vanuatu et autres petites îles alentour (79 millions d'habitants) ;
- le Japon : un pays qui restait inchangé depuis deux cents ans au moins (396 millions d'habitants) ;
- l'AEU : African Economical Union ou Union Économique Africaine, un continent qui n'avait pas réussi à former une nation unique (1817 millions d'habitants) ;
- MEC : Maghreb Economical Community ou Communauté Économique du Maghreb qui était constituée de la Tunisie, du Maroc et de l'Algérie (198 millions d'habitants) ;
- les pays d'Orient indépendants : l'Égypte, la Syrie, le Liban, la Jordanie, l'Irak, l'Arabie Saoudite, le Yemen, Oman, l'Iran (qui incluait l'Afghanistan) la Palestine et l'Israël (229 millions d'habitants) ;
- les autres pays indépendants : Libye, Turkménistan, Kazakhstan et Ouzbékistan (87 millions d'habitants).
L'euro et le dollar rivalisaient au sein de l'économie mondiale, le yuan jouant quant à lui un rôle d'arbitre. Le yen ne tenait plus depuis longtemps aucun rôle sur la scène internationale, son cours s'étant peu à peu amenuisé au fil des crises.
Un groupe d'économistes cherchait un modèle économique apte à suppléer au capitalisme, quoique conscients de la difficulté de changer un existant vieux de deux siècles. La plupart des gouvernements ne niaient plus désormais que nombre de dégâts écologiques lui étaient imputables. Concernant les experts, ils jugeaient rédhibitoires certaines dégradations de l'environnement. Les Amercandiens (habitants de l’Amercand, pôle USA et Canada) et les Chinois étaient grandement responsables de cette situation ; vu qu'ils n'appliquaient pas les mesures arrêtées lors des différents sommets – dont ils avaient pourtant reconnu l'importance –, montrant ainsi beaucoup d'arrogance. Si l'Europe paraissait plus soucieuse de la santé de la planète, elle accordait de même un trop grand privilège à l'intérêt économique et participait, de fait, à cette détérioration. De toute façon, celui-ci primait en tous lieux dorénavant.
Le commun des mortels ne réalisait pas son statut d'instrument, voire de chose sous la houlette des publicitaires et technocrates de toutes sortes. Car les individus étaient initiés, dès leur plus jeune âge, au culte du profit.
Si l'organisation en grands pôles tendait à restreindre les conflits internationaux, la concentration du pouvoir dans les mains de gouvernements très puissants comportait un risque. D’autant plus qu'ils ne jugeaient pas opportun de sacrifier la croissance économique pour des raisons écologiques. Aussi les trois nations les plus importantes menaient-elles ce monde dans une impasse. Elles agissaient avec un égoïsme insolent comme si l'avenir de la planète – dont elles épuisaient les réserves par leur consommation boulimique –, et celui de l'humanité, ne méritaient pas qu'on s'appesantît sur eux. La poursuite de la croissance à tous crins mettait donc en péril l'équilibre de la Terre.
L'USAC (pôle USA et Canada) et la FNC (Federation of New China, pôle chinois) étaient les plus voraces, suivis par la FEC (Federation of European Countries, pôle européen). Quant aux autres pays, il leur fallait acquiescer à cette autolâtrie et subir. Elles n'avaient pas leur mot à dire, alors que le destin de la Terre les concernait tout autant. Les sommets mondiaux constituaient, en fait, des simulacres de démocratie, puisque les États hautement pollueurs continuaient ensuite leurs politiques criminelles envers l'environnement.
En y eût-il une jusqu'alors, la démocratie avait l'air, dans la plupart des nations du globe, d'une mascarade et d'une coquille vide de contenu. En Occident, le pouvoir des réseaux économiques et financiers avait entraîné un changement radical du monde politique. Pour cette raison, nul État n'était réellement républicain.
L'extraction du charbon, très polluant et responsable d'un volume important de gaz à effets de serre, avait toujours lieu en quantités non négligeables en FNC (pôle chinois) essentiellement. Le pétrole aux conséquences néfastes sur l'écologie servait à la fabrication de matières plastiques et ses dérivés à celle de médicaments, de textiles, de peintures ou de matériaux de construction. Il n'était plus utilisé par contre dans les secteurs de l'automobile, de l'aéronautique et du spatial. Les centrales nucléaires à fusion deutérium tritium, des isotopes de l'hydrogène disponibles en quantités considérables, limitaient le transport des matières radioactives. De longues recherches avaient été nécessaires pour régler, notamment, les problèmes techniques liés à la température. Par ailleurs, des mini-centrales sous-marines avaient été conçues en 2040, puis vendues dès 2043 à des pays émergents ou n'ayant pas de gros besoins énergétiques. Rendues plus performantes, à partir de 2046, elles avaient peu à peu suppléé aux installations existantes. Le solaire s'était, quant à lui, beaucoup développé. Son exploitation requérait de fabriquer des panneaux solaires, une opération coûteuse et fortement consommatrice en énergie. On trouvait ensuite le gaz naturel, les éoliennes aériennes ou marines, l'hydraulique et la biomasse, en dépit du rendement plutôt médiocre de ces deux dernières. Le défi consistait à diminuer la consommation d'énergie, de façon à freiner le processus d'épuisement bien avancé de la Terre.
Àla veille du début du deuxième siècle du troisième millénaire, l'humanité avait développé à outrance les technologies dans tous les domaines. Elle confondait à présent technicité et évolution, persuadée qu'elle passerait un cap grâce à celle-ci. Elle n'avait pas conscience que certains pseudo-progrès l'éloignaient au contraire de sa vraie humanité. Sa vanité l'empêcherait même de s'élever à ce statut.
Les voitures volantes hybrides construites en matériaux composites (matériaux composites à base d'alliages de résine ou de verre), et appelés « FIV » (Flying Individual Vehicle et, plus communément, « flivic »), fonctionnaient à l'électricité et à l'hydrogène avec un système de récupération d'énergie ; elles pouvaient atteindre désormais une vitesse de 190 kilomètres heure dans les airs et de 80 kilomètre-heure sur la route. Intelligentes et totalement automatisées, elles ne laissaient en vol aucune initiative au conducteur. Celui-ci devait, par conséquent, indiquer son lieu de destination afin que l'ordinateur de bord, relié aux satellites « Traskas » ou « Otsys », dirigeât l'engin, puis déterminât la plate-forme d'atterrissage la plus proche. Les ailes repliées, l'automobile continuait ensuite le parcours déterminé par l’ordinateur. En dépit de systèmes ultraperfectionnés permettant un haut niveau de sécurité, des collisions ou autres accidents se produisaient et qui faisaient, parfois, de nombreux morts. Les camions et les véhicules utilitaires étaient équipés de moteurs, et de systèmes informatisés, quasiment identiques à ceux des FIV. Quant aux motos et autres engins à deux roues, ils fonctionnaient avec des moteurs essentiellement électriques. Les individus pouvaient également se déplacer à l'aide de propulseurs hybrides, appelés « indroflit », sur des distances n'excédant pas trente kilomètres. Les routes étant automatisées via des systèmes de télécommunications et des capteurs ultra-performants, les véhicules se trouvaient en communication constante avec des bornes routières.
Les grandes villes étaient surveillées par une multitude de caméras connectées à des centraux informatiques qui archivaient les images, et ce, en vue d'une facilitation des recherches policières. Les habitants s'étaient accoutumés à cette surveillance permanente de leurs faits et gestes en dehors de leur domicile. Les écoutes du téléphone universel – puisqu'il n'existait plus de distinction entre téléphone fixe et téléphone portable – étaient fréquentes ainsi que les connexions internet par le biais d'une informatique omniprésente et très performante. Une réalité qui attisait la délinquance, le jeu consistant à brouiller les caméras ou à déjouer la sécurité des systèmes informatiques et à infecter les fichiers sensibles par de puissants virus, voire à s'emparer de plusieurs téraoctets de données stratégiques. Les autorités se trouvaient sans cesse dans l’obligation de réfléchir à la mise au point de barrages aptes à mettre ces piratages en échec, lesquels bloquaient parfois d'importants réseaux institutionnels.
La prolifération technologique, et le carcan qui s'ensuivait, donnaient lieu à de nombreux débats. Des associations s'étaient constituées qui revendiquaient une minimisation des surveillances multiples et croisées, jugeant qu'elles représentaient une atteinte à la liberté des citoyens. Or les gouvernements arguaient que la sécurité passait par cette contrainte, puisque les informations n'étaient exploitées qu'avec l'accord d'un juge. Trop de sécurité avait ôté, cependant, toute âme aux grandes villes.
Concernant les armes à feu, les policiers étaient équipés d'armes à rayon tétanisant (appelées « storg ») ou à rayon foudroyant (du nom de « whitan ») qui provoquaient, pour les secondes, une mort sans douleur. Quant aux militaires, ils continuaient d'utiliser des armes traditionnelles plus précises et efficaces.
Extra-plats et souples, les écrans avaient envahi depuis longtemps les foyers, les bureaux, les villes … la société d'une façon générale. Grâce à internet et aux images 3D, ils ressemblaient à des tableaux vivants et changeants, à des fenêtres sur le monde. La « minatech » (contraction de miniaturisation et nanotechnologie), plus réduite encore que la nanotechnologie, avait fortement participé à la révolution de l'informatique ; celle-ci était donc incluse dans les matériels de toutes sortes et à une quantité de matériaux. Les claviers, souris, fils et autres appareillages n'existaient plus depuis une dizaine d’années environ, ayant été remplacés par la voix et l'impulsion mentale.
Des progrès considérables avaient été accomplis, de même, au niveau de la domotique. Ainsi chaque habitation était pilotée dorénavant par un système intelligent. Quant aux robots, ils s'étaient grandement multipliés dans tous les secteurs et, donc, aux niveaux domestique et de l'espace de vie.
La formidable évolution de l'informatique avait impacté le secteur vestimentaire, les tissus – infroissables, hygiéniques et pratiques – étant fabriqués à partir de fibres synthétiques ou végétales. Les « microcapsules » intelligentes avaient donc révolutionné ces derniers. Ainsi les vêtements, très près du corps, et les chaussures s'étaient peu à peu transformés, devenant extrêmement fonctionnels et intelligents. La capacité d'adaptation des tissus à la température ambiante n'obligeait plus de s'emmitoufler l'hiver et de souffrir l'été.
Les progrès de l'intelligence artificielle avaient aussi entraîné un fort développement de la téléphonie. Le téléphone intuitif solaire du nom de « sntechtone » permettait d'appeler un correspondant par l'émission d'un code vocal. L'activation de la fonction save déclenchait l'appel de trois personnes répertoriées qui étaient informées sur l'identité et la localisation de l'appelant grâce à « satiloz » (système sophistiqué de géolocalisation). D'autre part, « l'IAS » (Intelligent Analysis System) était en mesure de décoder les données transmises par un bracelet (bracelet équipé d'une puce intelligente), posé au poignet, et d'appeler trois personnes choisies en cas d'accident cardiaque ou autre. Cette haute technologie, plus particulièrement la fonction « save », s'avérait particulièrement intéressante lors d'une agression ou pour déclencher une action d'extrême urgence. Grâce au système d'analyse de la circulation routière géré, de même, par « satiloz », le « sntechtone » pouvait effectuer une prévision des temps de trajet. Fort de la mémorisation de l'agenda de la journée, des messages d'alerte rendaient possible une gestion efficace des rendez-vous.
Vu son coût modique, chaque foyer disposait d'une connexion internet. Son extension s'était étoffée concomitamment à une nouvelle organisation et à la reconnaissance juridique des messages. Depuis 2050, le réseau avait été progressivement réorganisé et divisé en trois couches – public, privé, confidentiel – afin qu'il ne ressemblât plus à la pétaudière de ses débuts et qu'il contînt des garde-fous. Les mineurs pouvaient ainsi accéder à la couche publique, mais jamais aux deux autres sans l'assistance d'une personne majeure.
L'aviation était entrée dans l'ère du troisième millénaire. Outre les avions hypersoniques solaires – bientôt propulsés par un rayon laser – et à décollage vertical1, l'industrie aéronautique avait construit un type d'appareil appelé Aero G capable de transporter plus de trente tonnes de marchandises en version cargo ou d'effectuer des missions d'inspection environnementale dans le cadre de la pollution de l'air, voire des opérations d'évacuation de victimes. Une autre sorte d'avion à décollage vertical s'était peu à peu substituée aux hélicoptères. Très silencieux, il était utilisé pour la surveillance, la reconnaissance, la recherche, les secours en montagne ou en mer. Il s'avérait efficace, également, pour les épandages sur les champs ou pour la lutte contre les incendies de forêts. Il pouvait transporter une quarantaine de passagers sur de courtes distances. Les ailes volantes, initialement conçues pour le militaire, avaient été étendues à l'aviation civile après des années de développement et le dépassement d'une barrière psychologique propre à freiner ce progrès. À présent, elles pouvaient contenir jusqu'à 900 passagers en toute sécurité. La généralisation de la voiture volante ou FIV avait diminué les voyages aériens nationaux. Tous ces appareils étaient construits avec des matériaux composites ultra-performants.
Dans les années 2055-2065, l'ancien réseau ferré avait fait l'objet, pour sa part, d'une véritable mutation. Après d'interminables tests, le « Transcap » s'était enfin généralisé. Il avait fallu beaucoup communiquer, de façon à rassurer les usagers ; car beaucoup avaient critiqué l'énorme danger de ce système de transport quasi supersonique. Celui-ci consistait en un déplacement de capsules, transportant des passagers ou du fret, sur des coussins d'air le long d'une voie faite d'un tube à basse pression. Ainsi il atteignait en moyenne une vitesse de 900 kilomètres heure et permettait des gains de temps considérables. Ils étaient pilotés à distance par un centre de contrôle qui assurait aussi la gestion des mouvements et paramètres techniques.
Dans les centres-villes, la circulation des véhicules n'était plus autorisée que deux à trois jours par semaine pour la livraison des commerces. Quant aux individus, ils circulaient majoritairement à pied, à vélo ou à l’aide des transports en commun. Les bicyclettes avaient connu une importante métamorphose puisque l'ensemble – chaîne, câbles et rayons dans les roues – avait été remplacé par un système constitué de pignons à entraînement direct. Les vélos électriques, appelés vilects – achetés ou loués – étaient devenus un moyen de locomotion largement utilisé.
Au niveau spatial, les progrès avaient été considérables. Il y avait eu, d'abord, l'ELSV de première génération en 2065, un vaisseau alimenté à distance par un rayon laser2 de haute énergie. Concentré sur la partie arrière, celui-ci provoquait une explosion après chauffage et faisait avancer l'engin. Suite à de nouvelles recherches, l'ELSV de deuxième génération vit le jour en 2082, lequel fonctionnait via une centrale d'énergie orbitale qui envoyait un rayon laser, ou à onde courte, capable de produire neuf millions de kilowatts d'électricité et d'alimenter un moteur à propulsion d'air vers le bas. Ce vaisseau de vingt-cinq mètres de long pouvait transporter quinze passagers et atteindre la Lune en cinq heures. Fort de ces inventions, les navettes spatiales n'étonnaient plus le quidam qui les percevait désormais comme des choses banales. Elles transportaient des voyageurs dans l'espace – surtout des personnes aisées – qui avaient ainsi la possibilité de s'offrir une excursion, encore onéreuse, au-delà de l'atmosphère pour contempler le globe terrestre. Seuls les plus riches avaient l'opportunité de poser le pied sur la Lune ; une planète où existaient deux vaisseaux laboratoires (pour les recherches médicales, météorologiques, fossiles, etc.) et plusieurs autres, très spacieux, tenant lieu d'habitation pour les chercheurs en mission, mais aussi pour les visiteurs occasionnels. Quant à l'hôtel orbital, équipé de chambres de sept mètres de long sur quatre mètres de large, il pouvait contenir soixante-quinze personnes. Depuis qu'une soixantaine de spationautes avaient péri sur Mars3 dans des conditions insolites, et certainement horribles, ni l'Amercand (Union de l'Amérique du Nord et du Canada) ni l'Europe ou, même, la Chine – ces pays ayant uni leurs intérêts spatiaux au sein de l'I.S.A (International Spatial Agency) – n'avaient essayé de réitérer cette périlleuse entreprise ; car ils la jugeaient, pour l'heure, vouée à un échec certain. Les images du satellite envoyé par l'Amercand pour filmer les lieux, où plusieurs groupes de spationautes s'étaient posés à l'époque, n'avaient point fait état de la moindre capsule ou de la présence de restes humains. Les revers répétés avaient amené la NASA, l'ESA et la CNASA (China National Space Agency) à déduire que Mars se révélait être une planète hostile où l'homme ne pourrait jamais réussir à survivre. Les astrophysiciens ne désespéraient pas de trouver, un jour, les raisons de cet empêchement. D'ailleurs, certains d'entre eux escomptaient qu'une nouvelle mission verrait enfin le jour et que ces courageux astronautes prouveraient la possibilité pour l'homme de s’adapter aux rudes conditions de cette immense planète. Les mystiques prétendaient, pour leur part, que la vie habitait ce lieu, mais que l'œil humain ne saurait jamais en percevoir la forme. Ainsi ils déconseillaient aux gouvernements de poursuivre leur vaniteuse entreprise.
Curieux de pousser leurs investigations de l'Univers, les scientifiques avaient incité les ingénieurs à développer des vaisseaux adaptés aux voyages lointains, vers les étoiles se profilant au-delà de Mars. Les équipes amercandiennes et européennes avaient donc œuvré de concert et développé des vaisseaux propulsés à l'antimatière, une technologie révolutionnaire qui vit le jour en 2093. Ils fonctionnaient grâce à un système piégeur d'antiprotons, à raison de mille milliards séquestrés dans un petit boîtier durant quinze jours. Ce qui permettait de déclencher une réaction de micro-fusions à antiprotons et d'envisager des missions aller-retour de quatre mois environ. L'antimatière piégée dans un champ électromagnétique à très basse température, et provoquant toutes les secondes une explosion équivalente à une petite bombe hydrogène, pouvait alimenter des vaisseaux spatiaux de très grandes dimensions. Le consortium spatial « européo-amercandien », la Chine ayant tout à coup décidé de mener ses propres programmes dans le domaine, projetait une mission appelée « Uniend » au cours de laquelle les astronautes seraient volontaires pour une exploration de trente années du profond univers. Ce procédé de propulsion constituait une grande évolution ; en effet, la mission aurait duré cinquante ans par l'énergie nucléaire.
En tout état de cause, l'infini de l'Univers resterait inaccessible à l'homme et invisible à sa fatuité. Victimes de leur profond orgueil scientifique, les astrophysiciens étaient persuadés que le cerveau humain parviendrait tôt ou tard à décrypter cette incommensurable énigme. Or l'ingéniosité humaine connaîtrait à perpétuité la limite imposée par le Créateur dont l'Esprit Parfait était seul à détenir la clé de l'infinité des mondes vibratoires au sein de l'Univers.
1 Avions équipés d'un fuselage ayant de grandes surfaces transparentes et permettant, donc, aux passagers d'admirer l'espace. Le métropolitain avait évolué, par la suite, sur la base de ce modèle, lequel était guidé, de même, par des systèmes informatiques
2 Laser extrêmement puissant en mesure de franchir des milliers de kilomètres avec le minimum de dispersion et capable de propulser un vaisseau dans l'espace intersidéral
3 Les voyages sur Mars ayant été effectués à l'aide de fusées équipées d'un moteur nucléaire et hautement radioactif, il avait fallu protéger le module par une forte carapace antiradiations. Une station orbitale servait de relais et de rampe de lancement. Cette technologie permettait d'atteindre Mars en 3 mois (plus 1,5 mois à 2 mois de période d'exploration) au lieu de trois ans (plus la même durée d'exploration) avec l'ancien moteur chimique. À une vitesse de 50 000 kilomètres à l'heure, il était possible de revenir sur la Terre avant qu'elle ne disparût derrière le soleil
Au niveau social, les importantes disparités généraient de grandes injustices. Le sempiternel fossé entre les riches et les pauvres suscitait des débats à la télévision, mais jamais dans les ministères ou les assemblées. Il s'agissait, d'ailleurs, d'une gageure impossible que celle consistant à promouvoir une vraie égalité dans le giron du capitalisme. Ce système ne permettrait guère, non plus, de concrétiser l'idéal d'une grande fraternité dans laquelle l'humain présiderait sur l'économique.
La prolifération technologique avait finalement restreint la liberté individuelle. Une privation que les gens acceptaient, l'estimant nécessaire à une amélioration des conditions de vie. Désinformés, ils ne réalisaient pas la multiplicité des surveillances ou contrôles derrière ces réseaux technologiques. Ils percevaient même ces avancées comme une évolution au plan humain. Ce modernisme à tous crins enchaînait les individus et créait des dommages psychologiques. Le niveau élevé de la criminalité en USAC (pôle USA et Canada) et en FEC (pôle chinois), notamment, avait obligé les gouvernements de ces pays à entreprendre la construction de prisons supplémentaires. La peine de mort ayant été abolie depuis plus d'un siècle en Europe et une cinquantaine d'années en Amercand (Union de l'Amérique du Nord et du Canada), ceux-ci avaient instauré un régime spécial pour les crimes de sang ou crapuleux. Ainsi, ces condamnés étaient forcés, toutes les deux heures, à une épreuve de culpabilisation sur leurs actes. Ils disposaient d'une pilule de cyanure dans un petit boîtier sur la table de leur cellule – étant isolés dans une geôle d'un quartier hautement surveillé – et de la possibilité d'interrompre ce supplice par leur suicide. Peu réussissaient à résister et la quasi-totalité de ces condamnés en arrivaient à cette extrémité ; un procédé qui ne dérangeait guère les consciences. Celles et ceux qui ne franchissaient pas cet ultime passage sombraient dans la folie et finissaient dans des hôpitaux psychiatriques où les traitements inhumains les conduisaient forcément à la mort. Hormis les pays qui préféraient voir les criminels souffrir sous la main d'un bourreau, les autres avaient adopté, eux aussi, cette forme de condamnation.
Certaines associations se rebellaient régulièrement contre ces pratiques ; or elles n'avaient qu'un faible écho dans le public, celui-ci pensant que ces individus nuisibles ne méritaient pas un meilleur traitement.
La violence de cette société rendait compte du déficit d'élévation de l'homme et du chemin qu'il lui fallait parcourir avant l'atteinte du statut de vrai humain.
Au niveau alimentaire, en Amercand (pôle USA et Canada) et en Europe surtout, les populations préféraient la nourriture végétarienne à l'animale. Les élevages de bœufs, de porcs, de poulets, de moutons et autres animaux avaient été drastiquement réduits dans ces deux grandes nations, puisqu’une minorité de personnes consommait de la viande désormais. Ces nouvelles habitudes alimentaires, étendues à des pays surpeuplés, posaient toutefois un problème de surfaces agraires. Ainsi, des serres avaient envahi les toits des immeubles et les ingénieurs avaient travaillé dur, afin de rendre cultivables les régions arides d'Afrique. Le progrès agricole et le développement de l'énergie solaire auraient dû permettre aux habitants de ces contrées d'accéder à un meilleur niveau de vie, mais la corruption et une mafia omniprésente maintenaient ces derniers dans les strates de la pauvreté. Un fossé immense séparait la caste des nantis au cœur corrompu et la majorité des pauvres forcés à la survie.
La cigarette et les drogues étant prohibées dans les nations précédemment citées, elles y étaient introduites et vendues illégalement par des trafiquants. La Sécurité Sociale n'existait plus depuis longtemps en Europe, ni en Amercand où elle n'avait été qu'un squelette. Aussi les habitants devaient-ils contracter des assurances privées qui ne prenaient plus en charge les affections provoquées par la consommation de substances nocives, telles que le tabac et les stupéfiants. Un fait qui avait dissuadé les gens, en général, à s'adonner à ce vice. De toute façon, la vente des cigarettes ou des drogues avaient lieu clandestinement et à un prix tel que beaucoup ne pouvaient s'offrir ce luxe. Les gens répugnaient à courir le risque de finir dans un mouroir misérable ou dans une affreuse agonie sans le moindre soutien thérapeutique.
Dans ce monde enceint de subtiles ténèbres, les jeunes se donnaient l'allure de spectres. Le « two-faces », c'est-à-dire une coiffure différente d'un côté et de l'autre de la tête, une moustache, une barbichette, un maquillage hideux d'un seul côté du visage et le port de vêtements dans ce même esprit, voire clownesques, leur donnaient une apparence étrange. Fort de cette mode, ils ne semblaient guère épanouis. Leurs visages traduisaient finalement l'angoisse minant leur cœur.
Les nations riches avaient édifié des îles de béton sur leurs eaux territoriales, voire au-delà, où des gens fortunés habitaient des villas luxueuses dotées des technologies les plus sophistiquées. À bord de leurs FIV (Flying Individual Vehicle et, plus communément, « flivic ») au sifflement strident, ceux-ci allaient et venaient de leur petit univers sans âme vers le continent proche. Un pseudo-progrès … reflet de la vanité et de l'absurdité économique !
La mondialisation avait entraîné un accroissement des produits de tous ordres et, parallèlement, une surconsommation généralisée. Les bonnes volontés se trouvaient donc dissuadées par la nécessité de placer le profit au-dessus de la préservation de l'environnement. De leur côté, les nations privilégiaient l'économique tout en faisant de beaux discours sur l'écologie et le devenir de la planète. Ces politiques irresponsables menaient assurément le monde vers une sombre déchéance.
L'énorme croissance de l'humanité, depuis un siècle et demi, constituait un sujet tabou peu évoqué par les politiciens et les intellectuels. Elle s'élevait à dix milliards deux cent dix-huit millions d'individus ; une surpopulation mondiale qui réclamait de modérer la consommation, de recycler et, en final, de changer totalement les modes de vie. Mais les peuples de la planète n'avaient pas encore assimilé l'impératif de cette sagesse. Dans les pays favorisés, cette prise de conscience était étouffée par l'aisance économique. Ceux dits défavorisés vivaient, pour leur part, dans une situation de survivance et avec le désir de parvenir à un meilleur statut de développement.
La thérapie génique n'avait pas permis une évolution de la médecine. Suite à la succession des crises économiques, une détérioration des politiques sociales avait eu lieu dans les pays privilégiant le social au capital et provoqué une dégradation des systèmes de santé. Seules les personnes aisées et riches pouvaient, par conséquent, accéder à des soins de qualité ou à la thérapie génique. Les autres, c'est-à-dire la majorité, devaient se satisfaire d'une médecine plus rudimentaire. La financiarisation de la Santé se traduisait par une grande injustice que des médias en quête d'audience relataient, mais que les gouvernements refusaient de corriger. Les gens s'étaient fait une raison. Quant aux médecins et professeurs renommés, ils ne soignaient plus que les individus en mesure de régler, par leurs propres deniers ou par le biais d'assurances, leurs hauts honoraires. L'Europe avait sonné le glas de la Sécurité Sociale et choisi de renforcer, de ce fait, le modèle capitaliste. Ainsi les compagnies d'assurances garantissaient la couverture santé des personnes moyennant finance, laissant sur le bord de la route celles aux revenus modestes ou en position de précarité. Si des organismes de secours existaient, ils ne donnaient accès qu'à des soins d'une qualité discutable.
Les barrières éthiques n'avaient pas résisté aux assauts des financiers. Aussi la manipulation de l'embryon n'en venait-elle plus à susciter des revendications ou des débats houleux. Il s'était même développé une économie dans le domaine.
Il aurait été salutaire de mener un combat contre cette pseudo-civilisation, contre la pensée matérialiste elle-même à cause de l'esprit de lucre et de pouvoir qui n'engendraient que des effets dévastateurs.
Dans ce monde décadent, nul ne s'étonnait plus de rien.
Les efforts envers l'environnement, dans un contexte capitaliste, n'avaient pas permis de juguler le déclin de la planète qui se trouvait dans une situation critique. La surexploitation des ressources, l'extinction d'une grande quantité d'espèces, la destruction des forêts tropicales constituaient des facteurs propres à conduire cette dernière vers une inexorable catastrophe écologique. En cent vingt ans, l'humanité avait consommé soixante-dix pour cent environ des ressources naturelles de la Terre et, peu ou prou, tous les écosystèmes planétaires affichaient à ce jour une courbe déclinante. À force de prélever sur le milieu naturel, et très au-delà de la capacité de celui-ci, « Homo technicus » (l'homme technique) rendait sa chute quasiment inévitable. Il faisait preuve d'un laxisme impensable, voire absurde. Ce privilège qu'il accordait au financier, plutôt qu'à l'humain, paraissait tout aussi insensé. Comment l'humanité pouvait-elle ne pas être sensibilisée par l'inestimable trésor planétaire, une oasis trépidante de vie et de magnificences au sein d'un infini sidéral dans lequel d'autres joyaux – peut-être encore plus beaux – existaient. Voilà un secret dont le Créateur, seul, détenait la clé. Tout cela mettait en exergue la faillite de l'intelligence humaine et l'obscurantisme auquel l'homme acquiesçait, en dépit de ses connaissances. À moins que cette descente dans de sombres abysses ne correspondît à un dessein occulte.
Nul ne savait plus à quoi ressemblait un magnifique ciel d'azur, une splendide mer turquoise, de belles forêts aux riches nuances ou les sublimes merveilles chromatiques de la nature. Car les gens s'étaient habitués au bleu gris de la mer, aux forêts asphyxiées, aux paysages sans âme. Les couleurs de jadis semblaient appartenir à des récits fantasques, à une fiction poétique. Des écologistes dénonçaient cependant la diminution des deux tiers du parc de coraux, la disparition de nombreuses espèces sous-marines et le dangereux amenuisement de la biodiversité. Bientôt, les fonds sous-marins se confondraient avec le Léthé (fleuve des enfers). Le globe étant composé de soixante-dix-sept pour cent d'océans, de trente pour cent de continents, mais seulement de deux à trois pour cent de glaciers désormais, cette dégradation écologique témoignait de l'agonie de la planète. La fonte des trois quarts de la banquise, à cause du réchauffement de la Terre, impactait de façon dramatique le Nord de l'Europe. D'ailleurs, cette zone avait été le théâtre d'une inondation mémorable en 2076. Jouant un rôle primordial dans la régulation du climat terrestre en réfléchissant les rayons solaires et en assurant la continuité des courants océaniques comme le Gulf Stream, la détérioration de la banquise arctique avait provoqué un réchauffement de l'atmosphère associé à une accélération de la fonte des glaces du Groenland. Ainsi le niveau de la mer était monté de trois à quatre mètres. Le ralentissement de la montée des eaux chaudes et salées de l'Atlantique nord vers l'océan arctique et le refroidissement de l'Europe occidentale avait, de même, entraîné un bouleversement climatique au-delà des régions arctiques et subarctiques. Certes, il y avait eu des retombées géopolitiques et socio-économiques. Depuis lors, on assistait de façon courante à des extrêmes climatiques : neige pendant le mois de juillet ou d'août dans des régions réputées chaudes, sécheresse dans d'autres tempérées, voire froides comme les provinces du nord de l'Europe ou du Canada.
La dégradation de la biosphère – recensant toutes les espèces du vivant – occasionnait un grave déséquilibre terrestre. L'ensemble de la communauté scientifique reconnaissait que la planète s'essoufflait dangereusement. Les spécialistes savaient que ce monde était arrivé à une échéance et que l'humanité devrait, tôt ou tard, en payer le prix, en subir l'épouvantable contrecoup. Ils étaient toutefois invités à la modération, afin de ne pas effrayer l'opinion publique et, partant, d'éviter d'installer un climat de psychose. Par contre, les nombreuses associations de défense de l'environnement n'hésitaient pas à dramatiser la situation, évoquant même une prochaine fin du monde. Les astrologues, les numérologues et autres voyants, cherchaient à se faire valoir, de leur côté, via des prédictions catastrophiques. La peur montait dans les esprits à cause de cette conjonction des avis sur l'empirement de la sclérose de la Terre et de la menace pesant sur la survie de l'humanité.
Les bronches des êtres humains s'étaient accoutumées à un air vicié, vu que celui-ci avait définitivement perdu sa relative pureté. Fini les parcours de santé où l'on pouvait respirer l'air pur et revigorant à pleins poumons.
En des temps reculés, l'évolution s'étalait sur des millénaires. Depuis cent cinquante ans, les phénomènes se ressentaient d'une année sur l'autre ; ce qui accentuait, de façon exponentielle, la ruine de la planète. Les indicateurs de la température, des émissions de gaz carbonique et autres pollutions, de l'épuisement des ressources naturelles, de l'érosion de la biodiversité avaient atteint la zone couleur rouge vif. Quoique désinformés, les populations des pays riches n'ignoraient plus la gravité du problème. Vivant dans des mégapoles, des villes géantes sans charme et investies par toutes sortes de technologies, de plus en plus de personnes pensaient que la limite ne pourrait plus être longtemps repoussée.
L'égoïsme des trois plus grandes puissances condamnait la belle planète bleue à une tragique mutation et à se transformer, par conséquent, en un immense désert. Les écologues les plus pessimistes arguaient que les décisions ou actions constructives n'auraient plus d'effet, qu'elles ne parviendraient guère de ce fait à inverser la courbe ; étant donné le processus irréversible dans lequel cette dernière se trouvait engagée. En tout état de cause, les gouvernements pollueurs n'en arriveraient pas à mettre en place, à court ou moyen terme, un plan d'austérité écologique au plan mondial.
Ainsi, une partie de l'humanité se voilait la face, tandis qu'une autre se rendait compte que sa survie dépendait d'un changement radical de la politique économique à l'échelle de la planète. Dieu avait placé sous la responsabilité de l'homme un sublime patrimoine que celui-ci s'évertuait à enlaidir. Par ses actes insensés, il n'assumait pas la charge assignée par le Tout-Puissant. Partant, il se rendait coupable d'un affreux matricide. Il ne percevait pas la Terre comme une Mère nourricière et grâce à qui la vie se manifestait sous une infinité de formes. Elle n'était, de son point de vue, qu'une chose matérielle qu’il pouvait exploiter à sa guise. À cause de cela, il n'imaginait pas qu'elle pût avoir besoin de son amour ni qu'elle pût souffrir de cette lente marcescence.
En ces temps difficiles et incertains, un mouvement de sauvegarde de la planète naquit en USAC (pôle USA et Canada). Ces individus préconisaient la lucidité et prétendaient que l'humanité pourrait éviter le pire en modifiant radicalement ses habitudes de vie. Des groupes de croyants prévenaient, quant à eux, que la colère de l'Éternel s'apprêtait à frapper ce monde de son imparable foudre.
Dans ce contexte d'espoir, de réalisme et de crainte, un homme du nom de Lee Messuy se mit à parler en public. Il commençait invariablement ses discours par : « Sauvons la Terre ! », puis il déclamait : « La Terre est en péril ! Au nom du Tout-Puissant, j'exhorte les gouvernements de toutes les nations à remettre en cause leurs politiques économiques et à tout faire pour empêcher l'avènement d'un irrémédiable désastre ! ». Le propos de cet homme et, notamment, son appel à sauver la Terre ne laissait guère indifférents toutes celles et tous ceux qui l'entendaient. Ces gens tremblaient de peur à cause de l'affreuse hécatombe qu'il annonçait. Quant à lui, il cherchait à apparaître sous les traits d'un Messie, convaincu que Dieu l'avait investi d'une haute mission ici-bas.
Tim Palton, le président républicain en place à la Maison-Blanche, faisait la sourde oreille. Il souhaitait montrer à ses administrés que ce prophète aux vues utopiques, manifestement un opportuniste, ne méritait pas qu'on s'appesantît sur ses piètres dires ni qu'on s'en alarmât. Tandis que les médias mettaient cette sorte de messager en avant, les gouvernements des autres nations reconnaissaient, à l'instar de Palton, qu'il ne convenait pas d'accorder du crédit à ses déclamations pessimistes. Ils considéraient toutefois qu'il s'agissait, pour l'instant, d'une question intra-amercandienne (propre à l’Amercand, le pôle Amérique-Canada).
Le président Tickeldnoos de la FEC (pôle européen) n'étant pas pro-amercandien, il n'hésitait guère à afficher son désaccord avec son homologue lorsque nécessaire. L'Europe comptait à présent un milliard cent vingt-cinq millions d'âmes et l'Amercand sept cent quarante-huit millions. Depuis longtemps déjà, le cours de l'Euro dépassait de vingt-cinq à trente pour cent environ celui du dollar. Le dynamisme de son économie, grâce à une monnaie plus compétitive, plaçait néanmoins l'Amercand à la première place des grandes puissances. Toutefois, et en dépit de leurs conceptions économiques et politiques différentes, ces deux États s'efforçaient de collaborer intelligemment, voire de trouver un consensus chaque fois que cela s'avérait utile. Ils le faisaient en outre pour contrecarrer les ambitions larvées de la Fédération de la Nouvelle Chine. Si cette dernière avait été affaiblie par les divisions passées en son sein, elle se maintenait à sa place de troisième puissance mondiale tout en guettant l'heure de prendre le leadership et d'étendre l'esprit chinois au-delà de ses frontières, d'abord, et sur la planète entière ensuite ; quoique la race chinoise était déjà largement implantée dans les pays d'Asie et dans le reste du monde. Les autres nations se tournaient plutôt vers l'Europe ou l'Amercand que vers une Chine jugée rigide, intolérante et peu soucieuse de l'humain. Celle-ci représentait cependant un important marché que les économies riches courtisaient.
En fin stratège, Lee Messuy prit le parti de ne pas se laisser écraser par les manœuvres sournoises de Tim Palton. Suite au fort succès de son mouvement en Amercand, il prévoyait de porter cette idée dans la vieille Europe, puis vers d'autres pays, certes, moins faciles à convaincre. Aidé par un physicien acquis à sa cause, il réussit à approcher le monde scientifique et à présenter sa théorie. Certains hommes ou femmes de science acquiescèrent au bien-fondé de son courant « Sauvons la Terre ! », une sympathie qui fit boule de neige. Ainsi ces derniers lui fournirent des éléments techniques propres à consolider son discours, tel l'un d'eux qui écrivit un article publié par le journal Earth et disant ceci :
« Nous vivons une crise écologique sans précédent. Les gouvernements irresponsables ne font rien pour préserver l'avenir de la Terre et de la biosphère ? Évidemment, les défis à relever sont cruciaux. Quelles solutions seraient les plus appropriées ? L'humanité se trouve à un moment important de son histoire, car son développement se heurte aux limites de la biosphère. Ainsi ses actes mettent en danger son avenir. Il est ici un challenge qui va réclamer des décisions draconiennes. Bientôt, il faudra de quatre à six fois les ressources de la Terre pour satisfaire les besoins de cette humanité trop dense. Celle-ci consomme avidement et ne laisse pas le temps à la planète de reconstituer les réserves. J'ai l'impression d'écrire un truisme en déclarant que la planète est limitée en taille et en capacité. Ce serait faire preuve de responsabilité que de reconnaître qu'elle ne peut plus supporter nos impacts dévastateurs. Oui, notre civilisation est en déclin ! Elle achève sa croissance douloureuse, meurtrière et suicidaire. Dès lors, les maladies iront en empirant. La dégradation des écosystèmes menace notre survie. Nous vivons au-dessus de nos moyens ou, plus exactement, au-dessus des possibilités de la Terre. Par conséquent, quatre-vingts pour cent des écosystèmes se trouvent à présent surexploités ou endommagés. Comme déjà spécifié, l'être humain consomme aujourd'hui plus de ressources que l'ensemble de ses prédécesseurs des millénaires passés. Il ne peut y avoir de croissance infinie sur une planète finie. Considérés comme les vertébrés les plus anciens de notre planète, et qui ont assisté à la naissance des grands singes bipèdes, les amphibiens ont presque complètement disparu à cette heure. Qu'en est-il à présent des forêts, des savanes et des océans ? Leur fonction régulatrice et les éléments qu'ils recèlent s'avèrent indispensables à la survie de l'homme. Ils purifient l'air, fournissent l'eau douce, les stocks de pêche et les médicaments ; de même ils stabilisent le climat, limitent l'érosion des sols et l'impact des catastrophes naturelles. Soyons lucides ! Nous n'avons que peu de temps désormais, une dizaine d'années tout au plus, pour renverser la tendance. En continuant ainsi, nous condamnons les générations futures, puis l'humanité finira par s'éteindre dans des souffrances atroces. En trop grand nombre sur cette planète, nous ne pourrons cependant nous évader vers une planète de rechange que les meilleurs télescopes, d'ailleurs, ne seraient pas en mesure de localiser. La réaction doit venir de l'humanité, sinon mère Terre nous enverra, nous les enfants ingrats, dans les abysses du néant avant de se régénérer de cette cancérisation. L'espèce humaine présente actuellement des signes de dégénérescence et d'épuisement biologique, prémices de son déclin qui pourrait advenir en quelques années, quelques mois ou quelques jours. Sous son règne, des milliers d'espèces – mammifères, singes, éléphants, reptiles, oiseaux – auront disparu. Quoique la Vie soit toujours victorieuse, vu qu'elle ne dépend pas de la volonté humaine. Les cycles des espèces suivent un mouvement programmé, intelligent et universel. Pour toutes ces raisons, le contenu du mouvement « Sauvons la Terre ! » me paraît être une voie intéressante à considérer et propre à mener ce monde vers plus de responsabilité. Il représente aussi une belle tentative pour sauver la planète d'un désastre certain ».
Fort de cet article et des remarques d'autres savants, les médias s'intéressèrent plus encore à ce mouvement écologique. Ils le présentèrent sous le jour d'un rassemblement responsable et soucieux de l'avenir de l'humanité. De surcroît, le charisme de son leader galvanisait l'intérêt des participants lors de chaque manifestation. Au cours d'une émission télévisée sur la chaîne « CNN », à l'heure de grande écoute, il lui fut donné l'opportunité d'exposer ses convictions ainsi que l'objectif de son mouvement.
- Monsieur Messuy, ne trouvez-vous pas présomptueux de vouloir sauver la Terre, alors que la communauté scientifique reconnaît que la dégradation de celle-ci est dorénavant irréversible ?
Ce journaliste faisait partie des sceptiques et, donc, de ceux qui voyaient en Messuy un fieffé profiteur de la situation.
- Je n'ai jamais affirmé que je pourrai sauver la Terre à moi tout seul, Monsieur Farwood. Il ne m'appartient pas de mettre en place les mesures aptes à inverser la vapeur. Ma mission consiste pour le moment à prévenir ce monde qu'il court à sa perte s'il continue à se comporter de manière aussi irresponsable.
- Comment vous est venue l'idée de cette mission ?
- Elle n'est pas mon idée, mais la volonté de Dieu.
- De Dieu ? Répéta le journaliste avec un petit sourire.
- Seriez-vous athée, Monsieur Farwood ? Répliqua Messuy sur un ton ironique.
- Ce à quoi je crois ou non n'a pas d'intérêt, Monsieur Messuy, objecta abruptement et avec arrogance le commentateur de la CNN. Dites-moi plutôt si vous croyez sincèrement que ce Dieu, auquel vous faites référence, se préoccupe vraiment de parler à l'homme.
Messuy prit une grande bouffée d'air tout en regardant Glenn Farwood dans les yeux. Ce dernier détourna le regard pour ne pas lui offrir la joie d'un moment d'ascendant. Car il convenait en lui-même que cet homme possédait une certaine force d'âme.
- Le Créateur ne dédaigne pas sa pauvre créature, contrairement à vos insinuations. En tout cas, j'ai foi que ces messages que je donne à entendre à mes semblables me viennent de Lui. N'imaginez pas que je sois un opportuniste en mal de publicité.
- Je n'imagine rien, Monsieur Messuy. Venons-en maintenant à ce mouvement dont vous êtes le promoteur et qui porte le nom de « Sauvons la Terre ! ». Espérez-vous, par lui, amener les gens à opter pour un comportement plus responsable vis-à-vis de l'environnement ?
- Tous les signaux d'alerte sont au rouge. Cela montre que nos modèles d'organisation sont obsolètes. Il est l'heure pour mes semblables d'évoluer dans leur mentalité et leurs comportements. D'ailleurs, si j'en juge à la croissance exponentielle du nombre d'adhésions chaque semaine, de plus en plus de gens souhaitent participer à cette belle cause dont je suis le messager, argua-t-il d'un air satisfait.
- La reconnaissance par le milieu scientifique de l'utilité de votre concept était-il indispensable à son expansion dans la société ? Interrogea Farwood avec un regard de défi.
- Il ne serait pas bon que la communauté scientifique se détourne de ce débat crucial pour l'avenir de notre Terre. En vérité, voyez-vous, il me suffit de recevoir l'inspiration et le soutien de Dieu sans lesquels je ne pourrais accomplir cette difficile mission.
- Ce courant de pensée a-t-il convaincu des personnes au-delà de l'Amercand ?
- Pour l'instant, j'ai choisi de parler aux amercandiens uniquement. Les peuples des autres pays suivront bientôt l'exemple de notre belle nation. De cela, je ne doute pas. Je souhaite répéter que ce n'est pas ma voie, mais celle de Dieu pour la sauvegarde de la Terre et, donc, pour celle de l'humanité tout entière.
- Que diriez-vous de vous, Monsieur Messuy ? Que vous êtes un prophète, un messie, un grand sage ?
- Un humble serviteur de Dieu, Monsieur Farwood … oui, rien d'autre qu'un serviteur de Dieu, se contenta de répondre celui-ci.
Son visage reflétait une bonne sérénité émanant du cœur. Glenn Farwood pensait que cet homme s'était composé un personnage qu'il jouait avec brio.
L'interview se continua par des questions détournées. Via celles-ci, le journaliste cherchait à mettre Messuy en porte-à-faux et à tenter de prouver qu'une autre personne se cachait derrière ce pseudo-messager de Dieu. Son intuition lui soufflait que cet homme suivait en réalité un plan secret.
Après cette émission, les adhésions à « Sauvons la Terre ! » crurent fortement. Partant, ce courant de pensée connut un tournant. Les arguments développés par Messuy convainquirent finalement le public que la flamme de l'humanisme brûlait dans le cœur de cet homme et qu'il bénéficiait d'une belle inspiration de surcroît. Dès lors, les médias sollicitèrent ce bon messager qui choisissait dorénavant les commentateurs de radio ou de télévision, voire les journalistes de la presse internet en mesure de renforcer son image de leader. Il commençait à se soucier de la manière dont les gens le percevaient, assisté en cela par un excellent conseiller en communication. Ainsi, parallèlement à ses apparitions sur les écrans et à ses interviews, il faisait des annonces alarmantes en des lieux judicieusement choisis. Il effectua donc une tournée des grandes villes de l'Amercand au cours de laquelle il délivra le même message : « Notre mère la Terre s'est vidée de son énergie. Il s'ensuit un grave déséquilibre qui aura forcément un impact sur l'humanité. Quel avenir, ce monde peut-il espérer sur une planète délitescente ? Ne croyez pas que je me plaise à vous effrayer ! Car je ne retirerais aucun bénéfice d'une telle attitude. Je ne serais pas non plus le messager de Dieu. Sachez que je viens vers vous parce que Celui-ci me commande de le faire. Il se sert de ma voix pour vous avertir que l'heure est grave et qu'il faut absolument agir avant que le dernier grain ne soit passé dans le grand sablier divin. Loin de moi l'intention de jouer les Cassandres, mais si nous ne faisons rien, la planète nous forcera à changer dans la douleur. Aussi unissons-nous et sauvons-la avant d’atteindre le point de non-retour ! Beaucoup, parmi vous, trouvent insensé sans doute de vouloir sauver la Terre. Je vous engage alors à lire les articles de plusieurs scientifiques expliquant son stade de dégradation avancée. C'est par une prise de conscience de la gravité du problème qu'il vous viendra le désir de l'aimer et de la respecter. Sans cela, vous continuerez vos actes égoïstes et destructeurs. Décidez, dès maintenant, de relever le défi du retour en santé de la Terre et vous verrez un jour les mers retrouver leur belle couleur bleue, le soleil briller dans un splendide ciel d'azur, les arbres produire à nouveau d'excellents fruits et, enfin, les fleurs exhaler de délicieux parfums ! » Il termina sa déclamation en appelant, une dernière fois, à suivre avec détermination la voie de son mouvement « Sauvons la Terre ! ».
À chacune de ses apparitions en public, les gens venaient nombreux pour l'acclamer avec ferveur. Les chaînes de radio et de télévision ne manquaient pas d'assister aux messes de cet homme qu'ils qualifiaient à présent d'envoyé de Dieu. Un soutien qui aidait grandement à l'expansion internationale du mouvement solidaire de sa mission et dont il regardait avec fierté la formidable progression. Ce succès peaufinait son image auprès de ses concitoyens et des personnes d'autres pays ; car il désirait que son aura fût la plus étendue possible. Les télévisions étrangères participaient à cette ambition, le présentant comme un défenseur de la planète et un écologiste hautement inspiré. Elles louaient l'humanisme et le courage de ce messager, grâce auquel une espérance nouvelle, voire un état d'esprit responsable naissaient.
L'épuisement des ressources de la Terre était devenu une préoccupation mondiale. Par ses messages préconisant une gestion rigoureuse des ressources de la Terre, Messuy était parvenu à imprégner les consciences de cette triste réalité. Cette force, qu'il disait tirer de Dieu, le rendait puissamment convainquant et la majorité des Amercandiens le jugeait, à présent, différent du commun des mortels. Dans ses mises en garde, il passait sous silence les niveaux de responsabilité de chacun ; car sa chère nation ainsi que la Chine et l'Europe se partageaient, à des degrés divers, ce déclin de la Terre. L'Amercand consommant en un mois ce que la planète mettait dix-huit mois à produire, les ressources de cette dernière étaient au plus bas. À ce rythme, les sept cent quarante-huit millions d'habitants, que comptait ce pays, se trouveraient tôt ou tard dans une situation dramatique. La FNC (pôle chinois) et la FEC (pôle européen) consommaient, quant à elles, deux à trois fois ce que mère Nature produisait en un an et demi à deux ans.
Le leader de « Sauvons la Terre ! » évoquait la nécessité de réagir positivement à l'égard de cette dégradation, de revoir le modèle de développement actuel plutôt que de spéculer sur les fautes de tel ou tel État, voire sur la façon qui aurait permis d'éviter cette impasse écologique. Une attitude peu objective qui masquait la réalité du problème. « Je ne suis pas un politicien et mon mouvement n'est en rien un parti politique. Le défi que je m'impose est strictement humanitaire », prétendait-il. N'étant pas économiste, il n'avait guère l'intention de proposer des solutions aptes à juguler le processus de délitescence en cours. Il s'estimait, en outre, au-dessus de basses considérations politiciennes ou technocratiques. « Dieu m'a choisi pour éveiller l'humanité à son devoir spirituel et l'amener ainsi à gérer, de façon lucide, le beau patrimoine légué par Lui ». Il disait s'être senti investi de cette mission au cours d'un rêve lors d'une retraite dans le silence.
Le président en place fit procéder par l'ASB (Amercand Security Bureau, Bureau de Sûreté Intérieure et ex-FBI) à une enquête sur la vie privée de Lee Messuy. Tout en espérant trouver ainsi matière à le discréditer, il souhaitait parvenir à semer le doute dans l'esprit des adulateurs de ce gêneur et à les faire se détourner de lui.
Informé sur ces menées souterraines par son entourage, Messuy entreprit de réagir aussitôt et de montrer à Palton qu'il ne comptait pas se laisser impunément salir. Il n'en viendrait pas, non plus, à se soumettre à la volonté du locataire de la Maison-Blanche. Cette intrigue l'induisit donc à se lancer dans l'aventure politique et à relever le défi du pouvoir. Fort de son aura auprès d'un grand nombre d'Amercandiennes et d'Amercandiens (citoyennes et citoyens de l'Amercand), il se sentait confiant et en mesure de drainer vers lui toutes celles et tous ceux qui désiraient un authentique changement de modèle sociétal. Il transforma le mouvement « Sauvons la Terre ! » en un parti mieux structuré. Ce nouveau front visait à promouvoir un courant de pensée original, du nom de salucratie (de salut et par extension « salut du monde »), dont l'idéal fondamental demeurait inchangé. Son concepteur le disait nécessaire à la mise en place d'une politique opérationnelle de sauvegarde de la planète par le biais de mesures économiques adaptées. Son statut de messager divin, qu'il ne reniait aucunement, donnait à sa campagne une couleur messianique. Il flattait l'orgueil national des citoyens de l'Amercand en clamant devant les caméras que Dieu avait choisi l'USAC (pôle USA/Canada) comme nation modèle en ce monde. De façon vaniteuse, il se servait de la phrase prononcée par Jésus-Christ il y a plus de deux mille ans : « Je suis venu pour le salut du monde ! », voulant offrir, par elle, l'image d'un Messie-dirigeant. Il croyait vraiment que son destin était solidaire de celui de l'humanité.
La campagne battait son plein dans une ambiance festive, une coutume amercandienne. Parti leader, la salucratie propulsait Lee Messuy en tête des sondages. Tim Palton avait cessé ses manœuvres hypocrites et diffamatoires, de crainte qu'elles ne l'envoyassent devant un tribunal. Car ce challenger s'avérait être un homme redoutable qui n'hésiterait guère, selon lui, à le faire condamner. De surcroît, le très médiatique Messuy paraissait désormais intouchable. En réalité, celui-ci ne se serait pas abaissé à traîner le président en exercice devant les tribunaux. Il aurait préféré le mépriser comme il l'avait fait, d'ailleurs, via son silence.
La salucratie parlait de plus en plus au cœur des électeurs, un crédit que son meneur s'appliquait à faire fructifier. Conséquence de la prodigieuse ascension de ce dernier, le parti républicain et l'union démocrate devinrent squelettiques. Le formalisme de leurs programmes ne pouvait évidemment rivaliser avec celui du mouvement salucrate. Le peuple amercandien aspirait manifestement à voir s'installer cet envoyé de Dieu à la Maison-Blanche. Un homme au destin hors du commun qui hisserait l'Amercand au sublime statut de pays de lumière. Le candidat salucrate exploitait donc avec maestria l'orgueil de ses semblables, concrétisant en même temps sa secrète ambition. Car nul n'avait la capacité de sonder son cœur. S'agissait-il d'un prophète auquel Dieu donnait la puissance de sauver ce monde ou d'un opportuniste qui s'était inventé une mission charismatique dans le but de parvenir au pouvoir, voire dans celui de se bâtir un empire ?
Après une trentaine de rencontres au moins, les républicains et les démocrates convinrent de s'unir pour faire front au raz de marée salucrate. Ils désignèrent un candidat unique en la personne de Ken Tosher, puisque le président Palton ne pouvait briguer un troisième mandat. Cet habile orateur se sentait capable de barrer la route à Messuy et de lui infliger la pire humiliation de sa vie. Il arguait que les Amercandiens étaient surtout férus de nouveauté, mais qu'ils se détourneraient de la salucratie dès que l'utopie et le vide économique de ce courant leur seraient montrés.
Le candidat du RDU (Union Républicaine et Démocrate