L'Arche des Temps Nouveaux - François de Calielli - E-Book

L'Arche des Temps Nouveaux E-Book

François de Calielli

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Beschreibung

Suite à une crise économique sans précédent, l'Occident se trouva contraint d'accepter le secours des pétrodollars des monarchies du Golfe. Ce qui eut lieu, évidemment, après de nombreuses tensions et des rebondissements politiques. Il s'ensuivit un engouement croissant pour l'islam. La déferlante de conversions à cette religion en vint à marginaliser la chrétienté et, même, à la réduire à peau de chagrin. Dès lors, les partis musulmans eurent la voie libre pour diffuser leurs principes étayés par le Coran. Après l'instauration de cet ordre nouveau, l'humanité fut confrontée à de douloureuses épreuves ; quoiqu'il s'agissait, en définitive, d'un chemin tracé par Dieu jusqu'à la fin des temps. Ce livre n'est pas une fiction politique, mais une histoire au dénouement profondément spirituel.

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Veröffentlichungsjahr: 2023

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François de Calielli

L'Arche des Temps Nouveaux

Un long chemin d'épreuves jusqu'à Dieu

 Tous droits d'adaptation, de reproduction et de traduction réservés pour tous pays.
François de Calielli © 2022
ISBN: 9782322013036
Editions: BoD - Books on Demand, Norderstedt

« Il faut que l'homme expérimente les chemins que lui inspire son ego, qu'il souffre  de ses mauvais  choix avant d'accepter  de se tourner vers la lumineuse Sagesse du Créateur ».

« En transcendant ses ténèbres, une religion devient une voie de lumière »

Citations de l'auteur

En l'an 2030, les astronomes signalèrent une étrange distorsion de la constellation d'Orion. Les astrologues en déduisirent le prodrome de crises, de conflits et de drames humains. 

2030

L'ouverture

Alors qu'il ne leur avait été permis, jusque-là, que des placements dans l'immobilier et les secteurs secondaires, les pétromonarchies réussirent à investir, à partir de 2030, dans des domaines stratégiques, tels que le nucléaire, le spatial ou les hautes technologies, notamment, mais sans effectuer le moindre apport technique. À cause d'une crise économique persistante, les grandes démocraties d'Occident --- fragilisées par un endettement apparemment irrémédiable ---, avaient accueilli l'argent des pays riches d'Orient comme du pain béni. Par conséquent, obnubilés par les résultats à court terme et dénués d'une vision politique à long terme, ces gouvernants avaient ouvert une belle brèche dans laquelle de riches arabes s'étaient engouffrés avec un dessein autre qu'économique.

En Occident, durant les décennies postérieures à la seconde guerre mondiale, il y avait eu une accélération de l'immigration. L'année 2025 avait été témoin d'un grand exode d'orientaux et d'africains vers l'Europe suite à des conflits persistants dans cette zone. Des millions de migrants, surtout des adeptes de l'islam, avaient ensuite passés les frontières européennes. Depuis cette date, les musulmans revendiquaient leur identité religieuse ainsi que la construction de plus de mosquées; vu que celles en place ne leur permettaient guère une vraie pratique de leur culte. Certes, les avis divergeaient sur le sujet en Europe. De façon à éviter les actes criminels des intégristes islamistes sur leur sol, les États-Unis concédèrent l'édification d'une mosquée supplémentaire dans les cent vingt villes les plus peuplées et dont les dimensions tenaient compte de l'importance de ces dernières. Or les citoyens musulmans trouvaient cette concession bien insuffisante et que le gouvernement ne les traitait pas à l'égal des chrétiens.

Un député d'extrême-droite allemand émit l'idée d'une loi remplaçant le droit du sol par le droit du sang ; une intention qui fut relayée en Italie, en France et en Espagne par des leaders du même bord. Les abondants commentaires des médias à propos de cette éventualité engendrèrent de nombreux débats. Au sein de pays à la démographie très mélangée, beaucoup se demandaient, en outre, ce que deviendraient toutes ces personnes issues de l'immigration dans un tel contexte. Les démocrates des grands partis européens estimaient, quant à eux, qu'une telle loi ferait régresser les droits de l'homme.

Au cours des confrontations entre élus d'extrême-droite et de gauche ou de droite, la vraie raison de cette proposition transpira. Aussi les musulmans s'alarmèrent-ils d'une telle ostracisation de la part d'une frange, évidemment, marginale de la société. Ils craignaient que celle-ci ne fît son chemin dans les esprits. Des imams appelèrent les fidèles à manifester --- tout en les enjoignant au calme --- dans les grandes capitales d'Europe. Les télévisions filmèrent ces rassemblements ordonnés où chacun suivait au mieux l'appel au civisme. Interviewés par des reporters, les contestataires confiaient vouloir vivre en harmonie avec les autres confessions religieuses. Un désir qui toucha les non-musulmans, puisque des sondages effectués par plusieurs grands instituts indiquaient qu'une majorité d'entre eux jugeait un tel souhait légitime. Visiblement, un intérêt naissait pour cette religion que nombre d'individus jugeaient tolérante et humaine.

En définitive, l'année 2030 fut le point de départ d'un assouplissement législatif et, partant, d'une abrogation de certaines interdictions ; ce qui autorisa l'accès à tous les postes au sein des administrations ainsi que dans les hôpitaux ou les entreprises par les femmes voilées, punissant d'une forte amende toute personne coupable de ségrégation religieuse ou ethnique. Partant, la loi signa la fin du bannissement des signes ostentatoires.

Sous couvert d'un nécessaire progrès social, une voie nouvelle se dessinait dans les vieilles démocraties européennes.

2033

L'incursion politique

Depuis les années 1980-1990, la France, l'Allemagne et l'Italie, entre autres, avaient anticipé le futur vieillissement de leurs populations par une immigration massive de sujets âgés de moins de cinquante ans, suivant ainsi les inquiétantes prévisions des démographes à l'horizon 2030-2050. Des jeunes venus du Maghreb et d'Afrique, principalement, avaient donc accouru vers ce qu'ils croyaient être un eldorado. Censés occuper les emplois non qualifiés ou ne nécessitant qu'une formation basique, un pourcentage non négligeable d'entre eux avaient instauré des zones de non-droit avec une économie parallèle alimentée par des trafics maffieux. Assurément, en refusant de prendre les mesures drastiques adéquates, les gouvernements successifs avaient montré un grand laxisme.

En 2033, la situation en Occident était la suivante :

Aux États-Unis :

La récession économique s'y était doublée d'une crise sociale. En 2033, Ronald Jefferson, le président républicain en place depuis un an, tentait d'imposer une politique drastique. Il clamait qu'il s'agissait là d'une nécessité propre à permettre à la nation de vivre en paix et, parallèlement, de retrouver le chemin de la croissance économique. Catholique fervent, il jugeait que les musulmans prenaient leurs aises suite à la tolérance des démocrates, lesquels étaient responsables, selon lui, de l'élection de sénateurs de confession musulmane dans quatre États. Homme trapu, le visage carré et les yeux enfoncés dans les orbites, Ronald Jefferson confiait en privé qu'ils étaient le ver dans le fruit et qu'ils s'apprêtaient à corrompre l'Amérique, voire d'autres continents. Le parti « Islam and Humanity » (Islam et Humanité), né en 2026, qui défendait l'idée d'un islam tolérant et attentif aux valeurs humaines, n'hésitait pas à critiquer ce président prôneur d'un catholicisme sectaire. Un tel jugement ne manquait pas d'ulcérer, évidemment, Ronald Jefferson, de même que l'ensemble de la communauté catholique. Ce dernier avait fait procéder à une enquête sur le leader de ce mouvement, un dénommé Omar Al-Kâtib, mais qui n'avait pas débouché sur des éléments probants et aptes à affadir l'image de cet orateur charismatique. Fait inquiétant, « Islam and Humanity » s'étoffait grâce à l'adhésion de nouveaux convertis à l'islam.

Globalement, en Europe :

À cause de l'ouverture de leurs frontières par les vieilles démocraties en son sein, l'Europe comptait un fort pourcentage de musulmans sur la majeure partie de son territoire. Afin de signaler leur rejet de cette société intransigeante et leur rancœur envers leur marginalisation, les immigrés sous-qualifiés prenaient le chemin de la délinquance. Par conséquent, l'Europe était devenue le lieu d'une violence grandissante. Les gouvernements peinaient à lutter contre le fléau des exactions dans les zones urbaines sensibles --- ou aires infra-urbaines --- et à résoudre le problème relatif à la précarité de ces individus … mais pas seulement.

Et plus précisément :

En France :

Un mouvement « Nous, les Exclus » naquit à l'initiative « d'Aubervilliers Land », un quartier bouclé par une organisation mafieuse qui tenait tête aux forces de sécurité. Hamid Cheirouf, le leader de ce mouvement fit des émules dans les diverses banlieues sensibles de France et d'ailleurs. Partant, il eut droit à des heures d'antennes sur les grandes chaînes de télévision. Fort de cette médiatisation, les immigrés d'autres pays européens créèrent des mouvements concurrents. Ni pacifistes, ni ordonnées, leurs manifestations dans les rues engendraient des affrontements musclés avec les forces de l'ordre. Tout en profitant de cette extension internationale de sa petite idée, Hamid Cheirouf tentait de se faire une place au sein de l'échiquier politique français. Certes, les militants de sa formation étaient des casseurs prêts à semer le désordre à la moindre occasion et à en découdre de façon très violente avec la police ; ce qui desservait son ambition de devenir un homme politique respectable. Le public français ne regardait pas d'un bon œil ces contestations, réclamant même l'emploi de la manière forte, via des unités spéciales de police ou de gendarmerie. N'étant plus considéré comme un parti d'extrême-droite, le « Front d'Union Républicain » s'attirait, de fait, la sympathie des personnes ulcérées par l'excessive tolérance du gouvernement de droite aujourd'hui au pouvoir. D'ailleurs, le nombre de celles-ci croissait grandement. Nul ne croyait plus que la gauche mènerait une politique plus volontariste, malgré la fermeté du discours de son leader … un dénommé Georges Borguès. Lors de sa gestion des affaires de l'État, de 2020 à 2025, elle n'avait guère montré une grande efficacité. Depuis, elle s'époumonait pour retrouver du crédit auprès d'une opinion publique excédée par la détérioration de la société. Ayant récupéré tous les déçus de gauche et de droite, le « FUR » (Front d'Union Républicaine) caracolait donc en tête des sondages. Cela permettait à Etienne Gamblain, son leader, d'être déjà crédité d'une belle majorité à l'occasion de la toute prochaine élection présidentielle.

En Allemagne :

Une sorte de gauche écologiste se trouvait, depuis peu, au pouvoir. Le chancelier Arnold Hauptmann, un homme au regard bleu clair et plutôt charismatique, parviendrait-il à aplanir les tensions responsables d'un grand malaise social ? L'effritement progressif de son économie n'autorisait plus ce pays à se poser en donneur de leçons en Europe. Là aussi, les laissés-pour-compte et les marginalisés par le système existant, ou s'estimant comme tel, s'étaient regroupés au sein d'un mouvement qu'ils avaient appelé Beliebte Aktion dans lequel les islamistes cherchaient à faire pression sur le gouvernement et à obtenir des concessions. Comme en France, ils revendiquaient le même traitement religieux que les catholiques. Soucieux d'apparaître tolérant, équitable et de réussir là où son prédécesseur avait échoué, le nouveau chancelier accepta de dialoguer avec ce rassemblement hétéroclite de quatre cent mille militants environ. Il s'ensuivit un progrès législatif qui accordait aux musulmans une identité sociale plus forte. Cela ne manqua pas, évidemment, de provoquer des échauffourées entre ces derniers et les tenants de la vieille tradition catholique.

Dans les autres nations européennes :

Certains autres États de la zone Euro, gouvernés par des régimes centristes, populistes, de gauche ou d'extrême-droite, comme l'Italie, l'Espagne, la Belgique, l'Autriche, souffraient de la même maladie que la France et l'Allemagne, deux grands pays fondateurs de l'Europe et, aujourd'hui, déclinants : une forte instabilité économique, une société en rupture, un fort accroissement de la précarité et de la violence. Les coupes budgétaires drastiques ne permettaient pas, en outre, la mise en place d'une politique offensive  et, surtout, en  mesure de  rétablir  l'ordre ; car  quatre-vingts  pour cent des citoyens de cette vaste zone enduraient les actes condamnables d'une minorité mafieuse, laquelle s'évertuait à répandre la haine et la pagaille. La criminalité, les viols, les vols à la tire, les cambriolages, … avaient cru de manière exponentielle. Quant à la police, elle affichait  une flagrante incapacité à reprendre la main. Malgré un discours apaisant, les ministères de l'Intérieur de ces pays semblaient totalement dépassés ; quoiqu'ils se livraient à une pitoyable désinformation, par le biais de statistiques erronées, afin de ne pas accentuer la psychose. Les partisans des États-Unis d'Europe réclamaient l'élection d'une autorité forte à Bruxelles, arguant que la disparité des régimes ne se révélait guère propice à la mise en place d'une politique répressive bien orchestrée sur l'espace européen.

Concernant les pays du Nord de l'Europe, ils avaient fait montre, depuis longtemps, de vigilance et d'équité ; ce qui les plaçait dans une situation différente, comparativement à leurs voisins du Sud. Ayant régulé l'immigration au mieux, les nations de l'Europe de l'Est ne pâtissaient pas, de leur côté, des délits et autres brutalités que celles, précédemment citées, devaient supporter.

En Angleterre :

Dans ce pays, non adhérent à l'Union Européenne, un certain Hichem El-Fassi avait créé un parti semblable à I&H (Islam et Humanité) après plusieurs rencontres avec Omar Al-Kâtib à New-York. L'Angleterre étant par tradition très ouverte au multiculturalisme, et plutôt permissive dans beaucoup de domaines, l'arrivée d'un parti musulman au sein de l'échiquier politique ne choquait pas la population autochtone. Le gouvernement travailliste, qui avait réussi à juguler jusque-là les velléités de violence grâce à une politique équitable, n'estimait pas dangereuse cette formation musulmane. Selon lui, elle demeurerait marginale ; car les sunnites et les chiites, essentiellement, n'arriveraient jamais à s'entendre sur un projet commun. Le premier ministre Marwin Dobson invita Hichem El-Fassi au 10 Downing Street pour un entretien courtois, mais surtout destiné à montrer aux musulmans qu'il leur reconnaissait une légitimité politique. Ne pouvant prendre parti, le roi Charles III s'en tenait, quant à lui, à prévenir le Premier Ministre sur le danger d'une tolérance excessive. Il pressentait que sa chère nation enclenchait un processus qui ferait inévitablement son chemin au-delà d'elle.

2036

L'alliance

Majid Chawkif, un français d'origine syrienne par son père et tunisienne par sa mère, déposa à la Préfecture de Nanterre les statuts d'un mouvement politique auquel il avait donné le nom de « Démocratie Islamique ». Cette association ne comptait, pour l'heure, qu'une trentaine de membres. Peu après, il traversa la Manche, afin d'aller quérir les conseils du sieur Hichem El-Fassi ; vu qu'il aspirait à devenir un acteur respecté du monde politique français.

Hichem El-Fassi, un homme de quarante-quatre ans au regard ténébreux, de taille moyenne, mais athlétique, reçut l'impétueux et longiligne Majid Chawkif --- qui portait bien ses cinquante-trois ans --- dans son bureau de Notting Hill à Londres. De prime abord, le calme du premier contrastait avec le tempérament hyperactif du second. Après un préliminaire de courtoisie, ils entrèrent dans le vif du sujet. Chawkif ne maîtrisant pas la langue de Shakespeare, ils conversèrent en arabe.

- J'aimerais avoir tes conseils sur le discours que je devrais tenir aux musulmans de France pour qu'ils rejoignent mon parti, confia Chawkif.

- Comment il s'appelle déjà … ce parti ?

- Démocratie Islamique.

- Démocratie Islamique, ...Mm, répéta El-Fassi d'un air songeur.

- C'est ça.

- Bon … ajouta laconiquement l'anglais.

- Tu as l'air dubitatif. Pourquoi donc ?

- Je réfléchissais tout simplement.

- D'accord et alors ?

- Tu sais, c'est surtout ce que tu comptes dire qui a de l'importance. Quelle ligne as-tu l'intention de donner à ce parti ?

- En fait, j'envisage de porter haut les valeurs du coran.

- C'est-à-dire ? s'enquit Hichem.

- Eh bien, de discourir sur ces hautes valeurs qui permettent à l'homme de devenir un vrai musulman. Elles sont écrites noir sur blanc dans le coran, non.

- Combien y a-t-il en France de musulmans … vraiment musulmans ?

- Je n'en sais fichtre rien. Mais, dis-moi, j'imagine que tu as entendu parler de Hamid Cheirouf, le fondateur de « Nous les Exclus ».

- Oui, bien sûr. La télé a parlé de lui ici et il y a aussi des articles le concernant dans Internet.

- Figure-toi qu'il a réussi à constituer un mouvement de trois cent mille personnes en racolant seulement des exclus. Je ferais une bonne pêche si j'arrivais à ramener ses ouailles vers mon parti.

- Cheirouf a l'air d'avoir une forte personnalité et pas mal de gueule aussi. Si tu lui fais la guerre, il va te renvoyer dans tes buts et, à mon avis, ça va faire désordre. Vos ennemis à l'extérieur compteront les points et, à tous les coups, ton parti s'éteindra. Écoute, manœuvre avec diplomatie plutôt ! Fais donc alliance avec Cheirouf et tu verras ensuite comment lui tailler des croupières.

- Tu as raison. Si tu l'as vu à la télé, tu t'es sûrement aperçu qu'il a un look de zonard. Sans doute, son langage t'a échappé. Aussi, crois-moi, c'est celui d'un type des quartiers sensibles. Tu ne connais pas Aubervilliers, j'imagine. Voilà un coin peu recommandable … vraiment !

- Auber … comment ? s'enquit El-Fassi.

- Aubervilliers ! C'est le nom de cette banlieue où, à coup sûr, Cheirouf a vu le jour. Ce coin est un ramassis de voyous.

- Je ne comprends pas pourquoi tu cherches alors à amener ces gens vers toi.

- Pour que mon mouvement prenne du volume et fasse populaire. Comme ça, j'en attirerai d'autres venant des classes sociales défavorisées, mais qui sont intégrés dans la société.

- Si tu veux faire alliance avec Cheirouf, dans un premier temps, il va falloir quand même que tu lui trouves quelques qualités et un peu de sympathie. Sinon ton projet échouera.

- C'est sensé ce que tu me dis là. Les exclus sont en fait une rampe de lancement, car je veux aller plus loin et plus haut.

- Qu'entends-tu par plus haut ?

- En France, tous les musulmans ne sont pas dans la précarité. Il y en a beaucoup, heureusement, qui sont, comme je te le disais tout à l'heure, bien intégrés et qui participent donc à l'effort national.

- Je vois que tu as des principes, Majid. C'est bien.

- Mon grand-père était magistrat en Syrie et mon père était enseignant. J'ai appris d'eux les vraies valeurs musulmanes. Et puis … j'aime la France. Ce pays part à la dérive. C'est bien dommage ! Mon intention est de l'amener à retrouver sa grandeur. Nous, les musulmans, nous avons un rôle à jouer en Europe, désormais, et nous avons aussi le devoir de faire grandir l'islam.

- Tu m'intéresses, Majid. Quelle est ta formation ?

- J'ai fait des études de droit, puis je me suis lancé dans le commerce. J'y ai bien réussi somme toute. Ceci dit, la politique m'a de tout temps intéressé et je sens que c'est l'heure de prendre le gouvernail.

- Quel âge as-tu ?

- Cinquante-trois ans et toi ?

- Cinquante-et-un comme mes cheveux grisonnants l'indiquent, lança El-Fassi en découvrant sa dentition bien blanche.

- La politique est un métier, tu sais, poursuivit celui-ci. Si tu veux y exceller, il te faut apprendre à nager dans des eaux troubles tout en évitant de te faire écharper par les requins. Passons du temps ensemble et je t'enseignerai ce que l'expérience m'a appris.

- Voilà une bonne idée, Hichem, que je prends pour du pain béni.

- Je pense que tu as du potentiel. Si tu suis mes conseils ainsi que ceux de mes cadres, tu devrais aller loin, confia l'anglais.

- Merci pour ces bonnes paroles, rétorqua Chawkif avec une pointe d'émotion dans le regard.

Hichem El-Fassi invita Chawkif à déjeuner. Il trouvait en cet homme une religiosité bien ancrée ; ce qui avait fait germer une idée dans sa tête, mais qu'il préférait encore laisser mûrir. Il lui fallait, en outre, mieux cerner le personnage.

2037

La prophétie

En 1985, Sadden El-Faouly --- un membre de la tribu Touareg de Lybie à la peau noire --- avait reçu une prophétie, via un songe, qu'il s'était empressé d'écrire sur une peau d'agneau tannée, puis de rouler et d'attacher avec une cordelette avant de la ranger dans un petit sac de laine. Vu l'impénétrable ésotérisme de celle-ci, il s'était étonné d'avoir réussi à la transcrire. En 2000, juste avant de s'envoler vers ce jardin céleste où l'attendaient ses aïeuls, il avait rapporté cette insufflation à Fahd Abouadi, le plus jeune fils de son cousin --- un jeune homme tout en rondeur et dont la barbe épaisse et très brune contrastait avec une calvitie précoce --- qu'il savait être un expert du coran. Il avait enjoint Fahd à la discrétion jusqu'à ce qu'un ange lui inspirât à qui remettre ou comment faire connaître cette prophétie.

Par conséquent, Fahd Abouadi l'avait gardée à la manière d'une sainte relique dans le petit sac de laine de Sadden El-Faouly. À l'heure de son trépas, en 2035, il avait transmis la précieuse révélation à l'imam Tarik Husmeini avec la recommandation suivante : « Tu as le devoir de la faire entendre à l'humanité »; or, dans l'incapacité d'en décoder le contenu, ce dernier la montra à un autre imam, réputé pour sa science religieuse, certain qu'il l'instruirait sur son abstraction. Pourtant, ce religieux afficha la même incapacité que son prédécesseur à décrypter le texte. En désespoir de cause, Tarik Husmeini confia le document à Ali Salaâr, un ermite soufi. Fort de sa clairaudience, celui-ci parvint à en faire une traduction, quoique très éloignée du contenu initial. Car l'ange, qui veillait sur la prophétie, avait empêché son déchiffrage.

Se croyant investi de la mission d'éclairer l'humanité sur la volonté de Dieu pour ce monde, Tarik Husmeini divulgua donc le texte d'une prophétie tronquée.

L'œil malicieux sur un visage avenant qu'une barbe épaisse et grisonnante soulignait, il déclama :

« Voici ce que je suis chargé de révéler : l'islam a le devoir de gouverner le monde. Allah, le Miséricordieux, va faire descendre sur la Terre le mahdi (Le guide ou sauveur que tous les musulmans attendent). Oui, le  dernier  imam, qui  est  dit  le  douzième, dominera  ce  monde  et  le débarrassera du Mal. Ce jour sera l'avènement de l'Oumma. Moi, je n'ai pas d'autre mission que celle de vous avertir de sa venue. Réjouissez-vous du grand changement qui est en cours ! Grâce à lui,  les hautes valeurs  de l'islam uniront enfin les hommes. Ils seront guéris du péché et il n'y aura plus que des frères et des sœurs sur la Terre. Vous qui êtes nés musulmans, vous êtes bénis. Mais vous, qui avez le destin de rejoindre bientôt la communauté musulmane, vous allez connaître un grand bonheur. Qu'Allah bénisse ce monde ! ».

L'intervention de l'imam Tarik Husmeini, retransmise par les chaînes de télévision du monde entier, ravissait les musulmans. Elle inquiétait toutefois les chrétiens, même si ces derniers trouvaient prétentieuse cette affirmation d'une ère nouvelle par l'entremise d'un messie de lignée mahométane.

Le pape Sixte VI provoqua la tenue d'un concile, qu'il nomma Secretum concilium (Concile Secret), afin de débattre avec les ministres de l'Église de la préoccupante extension de l'islam en Occident. Sa petite voix lui soufflait que le christianisme allait connaître, à court ou moyen terme, une période difficile. Cet homme au regard clair et intelligent refusait cependant de laisser périr doucement l'Église. Aussi ordonna-t-il aux cardinaux d'opérer avec détermination, en vue d'une mobilisation des catholiques. Il espérait, en outre, que les chefs des autres obédiences chrétiennes réagiraient, voire emboîteraient le pas de sa crainte.

Conformément à un haut dessein, la prédiction dictée à Sadden El-Faouly resterait voilée pour longtemps encore. Quant à sa diffusion sous une forme altérée, elle n'était pas œuvre humaine.

2038

Une poussée subtile

Les journaux télévisés, ainsi que la presse-papier et internet, continuaient d'épiloguer sur le message de Tarik Husmeini. Des débats avaient lieu également entre les élus politiques de tous bords. Les religieux catholiques demeuraient réservés, quant à eux, suite à l'invitation du pape à une totale discrétion. Celui-ci voulait ainsi montrer aux autorités islamiques son absolu mépris de l'élucubration de l'imam. Certes, cette prophétie --- résultat, selon lui, d'une foi aveugle dans le coran --- ne méritait pas la moindre considération. Dans un court message intitulé Sequuntur Christum (Suivons le Christ), il écrivit :

« Jésus-Christ est le chemin qui mène au Père. Nul prophète ne saurait prétendre au statut de Fils Unique. Par conséquent, le Tout-Puissant n'enverra plus de Messie jusqu'à cette fin des temps où le Seigneur Jésus-Christ reviendra pour séparer le grain de l'ivraie et conduire le peuple des justes dans Sa Lumière. Depuis Abraham, Dieu a annoncé le Christ et, aujourd'hui encore, Il enjoint l'humanité à le reconnaître. Évidemment, Il est seul à savoir la nature des épreuves par lesquelles celle-ci doit passer ».

Dans les mosquées, les imams --- principalement les sunnites --- dénigrèrent cet appel de Sixte VI à voir le prophète Jésus comme le Fils de Dieu. En public, ils critiquaient, de même, l'irrespect des prélats catholiques envers la Volonté Divine tout en précisant que le Très Haut avait bel et bien exprimé celle-ci par la bouche de Tarik Husmeini. De surcroît, le coran consignait cet avènement du douzième imam ou mahdi, envoyé dans le monde pour le purifier, puis le sauver.

La différence des points de vue en la matière entre les sunnites, les chiites, les salafistes, les wahhabites, les alaouites et les kharidjites, notamment, était cause de dissonances au sein du peuple musulman. Toutefois, la primauté des sunnites en Orient et au Proche Orient tendait à faire croire au reste de la planète en une unicité du discours islamique.

Ainsi les sunnites entreprirent de rabaisser le christianisme et de vilipender ses hauts représentants  à l'aide d'un livre écrit  par un  journaliste  de renom, un certain Aziz Benjoar. La papauté y était discréditée à travers son histoire depuis l'élection du premier vicaire de Rome, à savoir Anastase Ier. La corruption de nombreux ecclésiastiques, et non des moindres, les affaires de pédophilie, l'hypocrisie du célibat et le « faites ce que je dis et non ce que je  fais » éloignaient peu à peu l'Église catholique de ses propres fidèles. L'auteur ne ménageait pas, non plus, l'Église Orthodoxe. Diffusé en vingt-huit langues, cet ouvrage créa un grand trouble au sein de la population des chrétiens, toutes obédiences confondues ; malgré la division de celle-ci, vu que les uns reconnaissaient les déviances de nombre d'ecclésiastiques et que les autres prenaient ce dénigrement des prélats --- surtout celui relatif au saint père --- pour une offense inadmissible. Concernant les athées, ou se déclarant comme tels, ils aspiraient à voir la fin des systèmes religieux. Ils affirmaient aussi la nécessité de dépasser la croyance en la toute-puissance d'un Dieu invisible, arguant qu'elle freinait le progrès de l'homme.

Au-delà de cette action malsaine des musulmans, l'Église s'inquiétait, depuis une vingtaine d'années, de la dégradation continue de la participation des baptisés aux messes dominicales. Les imams profitaient de cette désaffection des catholiques pour susciter des conversions à l'islam par le biais de prosélytes dans le milieu étudiant et par l'utilisation de toutes les méthodes possibles, en vue de convaincre sur les belles valeurs de cette religion. Les jeunes disciples, surtout, voyaient leur zèle discrètement récompensé. Les clubs sportifs, et autres associations, étaient ainsi le lieu d'une insufflation islamique qui portait ses fruits au fil des mois.

De leur côté, les évêques demandaient avec insistance aux curés des paroisses de faire preuve de créativité ; car ils mesuraient le danger de cette mainmise des musulmans sur la société. Homme pétri d'humanisme, le pape invitait les cardinaux à dispenser un message de tolérance à l'image de celui de Jésus-Christ. « Notre divin Seigneur a su montrer beaucoup d'Amour et de grandeur d'âme en toutes circonstances », aimait-il à répéter. Le souverain pontife restait persuadé que cette attitude chrétienne servirait l'Église à terme et que ceux qui convoitaient sa disparition en serait alors pour leurs frais. Il s'agissait là, toutefois, d'une position optimiste et idéaliste de Sixte VI qui ne faisait pas l'unanimité au sein de la communauté ecclésiale. Certains, à l'instar des cardinaux de Paris et de Madrid, prétendaient même qu'un propos de ce type n'œuvrait pas pour le bien de l'Église. La situation critique imposait, au contraire, d'agir avec opiniâtreté et de manière plus offensive.

La destinée de la chrétienté n'était-elle pas finalement déjà décidée dans le secret du Ciel ?

2039

Une intention avortée

De retour en France, Majid Chawkif contacta Hamid Cheirouf, le président du « NLE »(1), projetant d'amener ce dernier à accepter la constitution d'une formation commune. Ils se rencontrèrent dans le pub du café de la Paix à Paris, un lieu qui respectait leur désir mutuel de neutralité. Après un préambule, au cours duquel chacun s'appliqua à jauger l'autre, ils abordèrent le vrai sujet de ce face à face.

- J'espère que nous arriverons à nous accorder sur un tronc idéologique commun, lança Chawkif.

- A tous les coups, nos envies sont les mêmes, répliqua abruptement Cheirouf.

- Que veux-tu dire par là ? s'enquit Majid.

Il avait bien compris cependant le sens de la réflexion du leader du « NLE » (Nous, les Exclus)

- Que nos ambitions risquent de faire tout foirer.

Ce langage ne plaisait guère à Chawkif, mais il s'en accommoderait pour tenter d'arriver à ses fins.

- Ah, bien sûr, il faut que nos intérêts convergent, mais il faudra aussi faire preuve d'intelligence.

Le regard sombre de Cheirouf scruta les yeux bleus clairs de Chawkif.

- Vois, je suis un keum d'Aubervilliers Land, c'est comme ça qu'on appelle ce teci d'arlbouches (quartier d'arabes). Mais si on m'a bien rancardé t'es un bourge du dix-septième. Alors, je vais vite devenir un blaireau, une fiotte (minable) et à la marge si on fait ça tous les deux.

- Écoute, Hamid, parle-moi normalement, si tu veux bien, car je ne saisis pas, sinon, ce que tu cherches à me dire.

- Ok, Majid, je rectifie, répondit Cheirouf avec un petit sourire rusé. Tu sais, y va falloir que tu pipes le lingo (jargon) si tu veux causer aux gars du NLE. Bon, je disais, en fait que je suis un mec de la cité d'Aubervilliers et que t'es plutôt un bourge des quartiers chics. Si on fait cet accord ensemble, je vais me retrouver pour sûr ton binlar … euh, pardon, ton larbin.

- Bon, je vois que tu as de la personnalité et que tu es du genre lucide, objecta Chawkif. Entre nous, ce serait plutôt à moi de m'inquiéter.

Hamid plissa légèrement les yeux. Majid sentit  que sa  remarque avait  flatté l'orgueil de ce dernier.

- Bon, t'a quoi au juste dans le ciboulot ?

- Le ciboulot ?

- Ouais, bon, la caboche. Ah, y a du boulot avec toi ! s'amusa Cheirouf.

- Alors ? Tu veux quoi en fait ? insista Hamid.

- Mon idée est très simple. Je ne poursuis pas ma propre gloire, vois-tu, mais celle de l'islam. Grâce à lui, l'humanité sera enfin sous le regard d'Allah.

- Ouais, astucieux ! T'es sincère ?

- Ne pense pas que j'essaie de t'endormir avec de belles paroles. Face à toi, tu as un musulman dont l'idéal serait de participer à la construction d'un monde islamisé.

- Moi, je rêve de sortir les pauvres des banlieues crades … les politicards y disent eux … sensibles. L'égalité et la justice, c'est pour les cefran (français de souche) et pas pour les bougnoules. Enfin, t'as compris j'espère.

- Oui, bien sûr.

- Tout ça passe par un respect des minorités, renchérit Cheirouf.

- Je suis d'accord. Pour aller dans le sens que tu défends très justement, il faut constituer un parti islamique fort et qui ait part, donc, au débat démocratique. Vois-tu, si nous travaillons ensemble pour l'union des différents niveaux de la communauté musulmane et que notre but soit d'accéder à des postes clés, nous enclencherons un processus irréversible. J'en suis convaincu.

- Combien de militants t'as dans ton parti ? interrogea Cheirouf.

- Je sais que tu es bien informé et que tu n'ignores pas que j'ai créé ce mouvement récemment.

- T'as bien parlé, Majid. T'es un mec honnête et sincère. Bon, ok, je résume. Tu veux mes militants pour filer un peu de gueule à ton truc minuscule. Alors, chouf (regarde !) ceci! Les gars qui sont dans « NLE » vont pas comprendre à quoi je joue et pourquoi je les pousse vers un parti de bourges.

- « L'Union Démocrate Islamique » n'est pas un rassemblement de bourges comme tu dis. Mon projet est d'en faire un parti représentatif des musulmans sans distinction de classe, répliqua Chawkif sur un ton ferme.

- Nous on est des révolutionnaires et on croit pas que les bouffons démocrates  vont  changer  les  choses. Y  savent  que jacter et jamais agir … enfin, dans le bon sens. Dans d'autres bleds de l'Europe, des « NLE » existent et à nous tous on va faire péter le système.

Chawkif réalisait qu'un grand fossé intellectuel, voire idéologique, le séparait de ce chef désireux de désordre. Il lui fallait donc faire progresser son parti autrement et oublier cette idée d'alliance qui le discréditerait à coup sûr. Il clôtura cet entretien avec courtoisie et en précisant que son mouvement devait mûrir avant de contracter une union. Cheirouf l'approuva, conscient lui aussi que leurs idéaux n'arriveraient pas à se rencontrer. Ainsi leurs routes ne se croiseraient plus assurément ou, alors, dans un contexte d'affrontement.

Quelques jours plus tard, Majid Chawkif eut l'idée d'écrire un livre expliquant que les valeurs de l'islam pourraient permettre à l'humanité de vivre dans un monde fraternel et juste. Il prit son temps, afin que celui-ci parlât à un public plus large que la communauté des musulmans de France. Il imaginait, en effet, un rassemblement fédérant des centaines de millions d'individus sur la planète.

2040

La foire d'empoigne

-1-

En 2040, l'action des mahométans de tous bords avait fait son chemin en Occident. Surtout chez les jeunes, une cible privilégiée, vu qu'ils représentaient la société de demain et celle en mesure de permettre le triomphe de l'islam.

Soucieuse d'imprimer l'époque présente de son empreinte, la jeunesse se vêtait d'habits portés habituellement par les musulmans, mais que les fabricants avaient pris soin d'occidentaliser : sarwals (large pantalon porté par le passé dans le Sahara) en jean et autres tissus, qamis (vêtement long des hommes musulmans) raccourcis, abayas (vêtement long passé au-dessus des autres par les femmes musulmanes) dans de belles étoffes et soieries aux couleurs vives. Le vert des drapeaux nationaux des pays d'Orient devint aussi à la mode. Les publicitaires exploitaient le désir des jeunes gens de promouvoir les principes d'un monde nouveau. Motivés par le profit, ils n'avaient cure des questions philosophiques. Peu leur importait, de ce fait, que ce mimétisme comportemental ou d'adhésion intellectuelle servît le progrès de l'islamisme. Par contre, celui-ci tracassait les partisans d'une Europe chrétienne ou, tout au moins, fidèle à la tradition de leurs aïeuls. Ils réalisaient combien cet endoctrinement d'un nombre sans cesse croissant de jeunes, via des méthodes hypocrites, menait l'Occident vers un dangereux assujettissement. Les partis de droite et d'extrême-droite multipliaient, de même, les appels à la prudence.

A ce jour, les États européens n'avaient réussi à s'accorder que sur le transfert d'une partie du pouvoir économique et sur la centralisation des politiques extérieure et de défense vers le Conseil de l'Europe à Bruxelles. La majorité d'entre eux était gouvernée par une gauche qui s'évertuait à critiquer les propos alarmistes d'une droite qu'ils qualifiaient de passéiste. Un laxisme que les musulmans prenaient pour une aubaine.

N'étant pas suffisamment unie, la communauté musulmane peinait encore à convaincre ceux qui considéraient d'un œil sympathique les hautes valeurs prônées par les sunnites principalement. Car le radicalisme tendait à effrayer ces candidats à la conversion. Dominant dans les banlieues sensibles, le salafisme affirmait que l'homme n'en viendrait à suivre le chemin vers Allah que par la contrainte. Une position qui gênait des modérés  désireux de mettre en avant l'image d'un islam évolué. Majid Chawkif tirait à présent une grande satisfaction de la traduction de son livre dans les principales langues d'Europe. Il défendait la thèse d'un coran dispensateur d'amour, de justice et d'humanité lors des nombreuses interviews auxquelles les médias le conviaient. À la question : « Que pensez-vous de cette montée du salafisme en Occident ? », il répondait invariablement : « Il s'agit d'une secte non représentative de l'islam, tel que nous l'a légué le Prophète. Nous, les sunnites, sommes majoritaires en ce monde et porteur du vrai message de ce dernier ». En parlant de la sorte, il s'attirait l'inimitié des leaders salafistes. Des fondamentalistes fortunés, installés en Orient, manœuvraient pour l'extension de cette mouvance.

« L'Union Démocratique Islamique » était restée squelettique et menaçait même de « s'éteindre suite aux manœuvres de Billal Abdelkrim, un politicien haut en couleurs qui avait réussi à devenir maire de Roubaix, contrairement à Majid Chawkif qui ne s'était guère préoccupé, quant à lui, de briguer le moindre mandat ; quoique ses excellentes prestations à la télévision ou à la radio avaient fait de lui un personnage public.

Homme pétri d'ambition, Billal Abdelkrim --- cinquante-quatre ans, les yeux noisettes, les cheveux grisonnants et l'air sympathique --- avait noué des alliances avec des politiciens de la diaspora iranienne d'Allemagne, d'Italie, d'Angleterre et des États-Unis. Grâce au « Parti Islamique Universel », une formation dont il prévoyait de devenir l'élément-clé sur le plan international, il espérait accéder à la fonction suprême en France. Que le chiisme, religion dominante dans son Iran natal, notamment, fut minoritaire en Occident ne le complexait guère. Orateur né, il avait foi en sa capacité à effacer les clivages et, partant, à réunir au sein de son mouvement les partisans d'un islam de progrès. Sur le site internet du « PIU » (Parti Islamique Universel), il développait le thème d'un islam adapté au troisième millénaire en prenant soin de ne pas heurter les convictions des sunnites. En tout état de cause, sa vision plaisait à Mohammed Mansaldi,  le sénateur du Massachusetts,  lequel  décida de créer une copie de ce parti sous le nom de « Universal Islamic Party ». Ce qui encouragea ses alliés d'Allemagne, d'Angleterre et d'Italie à changer le nom du leur, de façon à permettre la construction d'un rassemblement des musulmans de toutes convictions. Billal Abdelkrim les avait convaincus sur l'importance d'un discours approprié à la mentalité occidentale et capable d'attirer les non-musulmans de ce continent.

De son côté, Majid Chawkif continuait de prôner, à sa manière, les valeurs d'un islam traditionnel --- n'hésitant pas à citer fréquemment des versets du coran ---, certain d'avoir le soutien d'Allah qu'il répugnait, par conséquent, à décevoir. Aussi dénigrait-il la voie moderniste d'Abdelkrim. Son nouveau livre, intitulé « Le dessein de Dieu », fut préfacé par Tarik Husmeini (Le religieux qui rapporta une prophétie altérée que Sadden El-Faouly avait reçue d'un ange). Cela lui valut derechef de nombreuses interviews et, par la suite, un regain d'intérêt de la part des sunnites qui apprécièrent la belle sincérité de sa foi. Aussi l'UDI (Union Démocratique Islamique) eut-elle droit à une exceptionnelle arrivée d'adhésions au détriment du « Parti Islamique Universel » qui se mit, par contre, à marquer le pas.

Abdelkrim chercha à rencontrer Chawkif qui refusa, estimant inutile de perdre son temps dans un stérile face à face. Vexé par ce mépris, le charismatique chef du « PIU » (Parti Islamique Universel) déclara la guerre à son homologue de « l'UDI »,lequel décida de contre-attaquer en tentant d'étendre son mouvement au-delà de l'hexagone. Pour ce faire, il retourna voir son ami Hichem El-Fassi en Angleterre. D'un tempérament calme et positif, ce dernier le reçut avec la même courtoisie que la fois précédente. Après les banalités d'usage, les deux hommes en vinrent à l'essentiel.

- Qu'attends-tu de moi exactement, Majid ?

- Si tu as lu mes deux livres, tu sais maintenant que je suis un musulman sincère et qui ne se sert pas de la politique pour réaliser sa propre ambition.

- J'avais senti ça lors de ta dernière visite. J'ai lu tes livres et trouvé tes idées intéressantes, quoique parfois un peu trop religieuses.

- L'islam est l'islam, rétorqua Chawkif un peu sèchement. Je défends ses valeurs et non un projet politicien au nom d'un islam tronqué. Il nous faut être vigilants et purs si nous ne voulons pas qu'on nous mette sur la sellette, nous les démocrates musulmans. L'extrême-droite pourrait bien arriver à tourner l'opinion publique contre nous.

Grâce à ses yeux bleus clairs et souriants, Chawkif pondéra, heureusement, sa réponse un tantinet mordante. Fort d'une bonne maîtrise de ses émotions, El-Fassi demeura de marbre.

- Pour le moment, les gens … les jeunes surtout … ne sont pas hostiles à l'islam. Ici, en Angleterre, le nombre des conversions grandit. J'ai vu qu'il en est de même partout en Europe. Il est important, à présent, que nous tenions un discours rassurant parce que l'extrême-droite brandit la peur de l'islam radical.

- Les salafistes n'aident pas l'expansion de l'islam. Les gens font facilement des amalgames et confondent musulman et islamiste.

- On ne peut pas les blâmer pour ça. Après tout, quelle que soit notre mouvance, nous nous réclamons tous du même coran. Aussi les non-musulmans en arrivent à penser que le coran est un livre aux principes radicaux et que les musulmans modérés cachent quelque chose.

- Que veux-tu dire par là ?

- Je ferais probablement pareil à leur place et je me dirais qu'en final les musulmans, radicaux ou non, poursuivent le même but.

- C'est pour ça que je suis venu te voir, Hichem. Il faut que les modérés s'allient et marginalisent les fondamentalistes. Nous sommes plus nombreux et en mesure, donc, de montrer le vrai visage de l'islam.

- J'avais deviné ton intention, Majid, répondit Hichem en souriant.

Le regard ténébreux d'El-Fassi scruta celui de Chawkif.

- Qu'en dis-tu alors ?

- Les alliances ne sont pas évidentes, en fait. Il y a presque toujours un problème de leadership à terme. Vois ! Abdelkrim essaie de se rapprocher de toi et tu t'es fait de lui un ennemi en refusant le dialogue.

- Nous ne poursuivons pas le même objectif, lui et moi. Aussi à quoi bon discuter pour rien.

- Il serait plus intelligent de trouver un consensus, non. Cette division ne sert pas les intérêts de l'islam. En outre, elle te permet de réaliser combien l'union des modérés est difficile à cause des conceptions diverses et antinomiques sur certains points.

- Tu oublies que cet Abdelkrim est un opportuniste qui se moque bien de l'islam. Sa seule passion est le pouvoir et peu importe la manière. Je ne peux pas composer avec un tel personnage. Conviens-en, Hichem.

- Je comprends, Majid. Mais c'est un loup et tu es un agneau. En final, ce sont toujours les loups qui mangent les agneaux. Aussi sois plus fin que lui.

Hichem El-Fassi comprit que Majid Chawkif n'entendrait pas raison. Par conséquent, il invita plutôt celui-ci à un moment de détente dans un bon restaurant sis dans le quartier huppé de Marylebone. Puis il le raccompagna à Heathrow airport où il lui promit de réfléchir à sa proposition d'un parti commun tout en lui recommandant de prendre le dessus sur Abdelkrim. Certes, le leader de « l'UDI » n'avait pas l'intention de suivre le conseil d'El-Fassi … même par stratégie. Quoique les différentes remarques du chef « d'I&H » (Islam and Humanity, Islam et Humanité) indiquaient que cette alliance entre leurs partis était déjà une chimère.

Bien informé, Etienne Gamblain --- le président du Front d'Union Républicaine ---, espérait tirer profit de cette haine que Majid Chawkif et Billal Abdelkrim se vouaient ; car elle discréditait la référence à la fraternité de l'islam par les musulmans. Ainsi il s'époumonait, de façon à inciter une réaction de ses semblables avant que l'élargissement en cours de l'islamisme ne devînt irréversible. La campagne pour les élections de 2042 promettait d'être animée entre le « PSD » (Parti Social Démocrate), le « RRU » (Rassemblement pour une République Universelle), le « FUR » (Front d'Union Républicaine) et les partis musulmans. Au sein de cette jungle, aux discours disparates et mensongers, le choix des électeurs prendrait sûrement un tour inattendu.

-2-

Les journaux télévisés des chaînes européennes annoncèrent: « Majid Chawkif a perdu la vie à bord d'un petit avion de tourisme piloté par son fils aîné qui n'a pas survécu également ». En France, la gendarmerie nationale ouvrit une enquête, afin d'éclaircir, à l'aide des boîtes noires, les circonstances exactes de cet accident. L'épouse et les deux autres enfants de feu Chawkif pensaient plutôt à un sabotage de l'appareil ; car, à l'évidence, celui-ci avait dérangé de son vivant, voire gêné les envies de pouvoir d'individus prêts à tout pour parvenir à leurs fins.

- Madame Chawkif, votre fils a indiqué qu'il ne s'agit pas d'un accident, mais d'un meurtre. Avez-vous des éléments permettant d'étayer cette accusation ? questionna le journaliste.

Femme distinguée au regard marron-vert et très cultivée, l'épouse du disparu portait bien ses 50 ans ... malgré les traits du visage creusés par les chancres du cœur à cause du chagrin.

- Mon fils et moi-même n'avons aucune preuve, bien sûr. Nous espérons que la gendarmerie rétablira la vérité.

- Comme tout homme politique, votre mari était exposé. Lui connaissiez-vous des ennemis capables d'un tel acte ?

- Évidemment, il gênait les ambitions politiques de certains.

- A qui pensez-vous tout particulièrement, Madame Chawkif ?

- Vous comprendrez ma réserve, Monsieur. J'ai confiance en la justice de notre pays et qu'elle saura donc dénouer cette affaire.

Hors antenne, le journaliste discuta un petit moment avec cette dernière. Il lui demanda d'excuser son insistance et elle lui répondit n'avoir pas été choquée par sa curiosité, une inclination propre à la profession journalistique.

Le secrétaire général de l'Union Démocratique Islamique, un dénommé Bakkar Ammâr, s'empressa de redonner un nouveau souffle au mouvement en essayant d'exploiter la sympathie des sunnites, ainsi que celle d'autres mouvances musulmanes, envers le regretté Majid Chawkif dont les livres connurent  un nouveau succès. Quant  à sa vision  d'une  oumma (nation musulmane) gouvernée par Dieu, elle suscita une série de débats. Bien que le disparu ne l'avait  jamais évoqué, beaucoup pensaient qu'il avait caché son intention fondamentaliste, et due à un excès de religiosité. Aussi Bakkar Ammâr eut-il à s'expliquer sur les objectifs réels de « l'UDI » (Union Démocratique Islamique). Contrairement à feu Chawkif, qui n'avait jamais affiché sa religion via des signes ostentatoires, ce dernier paraissait sur le petit écran avec une généreuse barbe et vêtu d'un qamis (long vêtement des hommes musulmans). De surcroît, il s'exprimait plus à la manière d'un imam que d'un homme politique.

Brièvement évoqué, un mois plus tard, par les grandes chaînes de radio et de télévision lors du journal télévisé, le rapport de la gendarmerie sur la mort de Majid Chawkif confirmait finalement la thèse de l'accident. Le classement du dossier déçut beaucoup l'épouse du défunt ; bien qu'elle s'en tint à un propos très digne.

Le bouillant leader du Parti Islamique Universel entreprit d'affaiblir l'Union Démocratique Islamique par une critique acerbe de son nouveau chef. Il déclara donc publiquement qu'une enquête avait révélé l'amitié du sieur Bakkar Ammâr avec Nader Tayoud, le chef salafiste de Justice Islamique pour le Combat ; un mouvement qui avait son siège en Algérie. Cette révélation entraîna la mise à l'écart du secrétaire général par le comité des secrétaires nationaux du parti. Pendant que celui-ci peinait à désigner un remplaçant, nombre de militants disaient avoir été trompés et ne plus vouloir adhérer à une formation aux visées salafistes.

Le soi-disant intégrisme caché de l'UDI eut des retombées négatives sur les mouvements frères d'Allemagne et de Belgique. Hichem El-Fassi, le chef d'Islam and Humanity en Angleterre, fit le déplacement à Paris pour rencontrer Abdelkrim et signer avec lui une alliance. L'idée d'un islam de progrès lui semblait être, en effet, porteuse d'avenir. Prévoyant, mais aussi faisant feu de tous bois, le président du Parti Islamique Universel n'hésitait pas à mettre en concurrence ce nouvel allié et le responsable du mouvement de même nom dans ce pays. Les médias relatèrent abondamment le développement du PIU (Parti Islamique Universel) en Occident, comme les sunnites venaient y adhérer désormais en nombre. En outre, Billal Abdelkrim avait l'intelligence de présenter l'islam sous un jour universel ; ce qui avait séduit plus d'un millier de français, les amenant donc à se convertir.

En apprenant cet accord, le leader du siège « d'Islam and Humanity » aux USA --- un certain Elyas Hattayat --- téléphona à Hichem El-Fassi.

- À quoi rime cette alliance avec le « PIU », s'enquit Hattayat d'une voix autoritaire.

Homme pondéré, El-Fassi s'arrangeait toujours pour adoucir la discorde. Il répondit donc sur un ton professoral :

- Il est crucial de trouver des points de convergence et, surtout, avec les personnes que nous n'apprécions pas. L'objectif est d'évoluer vers l'unité et non de stagner à cause d'une triste division.

- Abdelkrim est un faux jeton qui va tout faire pour miner notre cher parti et ramasser ensuite les morceaux.

- Elyas, je sais à qui j'ai affaire et comment le maîtriser. En outre, c'est un homme habile qui fera grandir notre cause, rétorqua El-Fassi.

- À coup sûr, ce sera une guerre permanente pour ne pas tomber dans ses filets. D'ailleurs, il n'a accepté cette alliance que pour absorber « l'I&H » (Islam and Humanity, Islam et Humanité) . Crois-moi, Hichem !

- Là, tu me prends pour un néophyte en politique. Alors, laisse-moi faire et je te prouverai qu'Abdelkrim n'est pas aussi redoutable.

- En tout cas, cette association avec ce prétentieux me déplaît au plus haut point. Je refuse de me laisser inféoder par lui. De plus, l'islam n'en retirera rien de bon. Aussi, je te demande maintenant de choisir entre « l'I&H » et le « PIU ».

La conversation s'arrêta sur cet ultimatum. Dès le lendemain, El-Fassi décida de changer le nom de son mouvement, certain que les militants adhéreraient à sa démarche. Cette brouille enchanta Abdelkrim, vu qu'elle affaiblissait le « PIU » anglais que dirigeait Abdelaziz ben Chamy. Un individu petit et sec, mais ambitieux, qui n'attendait que l'occasion d'évincer celui qu'il appelait le North African; vu que Billal Abdelkrim était d'origine marocaine et ben Chamy d'origine égyptienne. « L'Union Démocratique Islamique » s'était éteinte, quant à elle, après une mésentente entre les cadres du parti et la démission des deux ou trois capables d'en reprendre efficacement les rênes. Aujourd'hui, le « PIU » possédait des représentations dans la plupart des grands pays d'Occident et Billal Abdelkrim gardait encore pour lui sa secrète ambition, à savoir l'unification des musulmans dans un parti pareil à une « oumma » mondiale.

Certes, son tempérament dominateur l'exposait. Cela le contraignait, en outre, à composer avec des loups comme lui.

Hichem El-Fassi prit la décision de baptiser son parti Pluralistic Unity (Union Pluraliste) et de rompre son partenariat avec Abdelkrim. Si en vieux briscard de la politique, il n'avait jamais été dupe, les paroles d'Elyas Hattayat n'étaient pas tombées dans l'oreille d'un sourd. Aussi préférait-il s'éloigner de ce prédateur qui se servait de l'islam pour parvenir à ses fins.

Les journalistes des vieilles démocraties d'Europe et d'Amérique, ayant une éducation catholique ou protestante, s'inquiétaient de cette expansion de l'islam. Aussi s'efforçaient-ils de mettre en exergue la présence d'un hiatus entre les comportements des différents leaders des formations musulmanes et les hautes valeurs que ceux-ci disaient défendre. À l'approche d'élections capitales, ils estimaient crucial d'amener leurs semblables à réaliser que l'islamisation en cours de la société occidentale était plus une régression au plan humain qu'un progrès. Par des témoignages sur les violences abominables endurées par des chrétiens dans les pays d'Orient, le Proche-Orient, le Maghreb et certains États africains islamisés, ils cherchaient à montrer combien la religion musulmane était encore, en 2041, loin de ces valeurs fraternelles qu'elle prétendait inscrites dans le coran. En voulant prendre le leadership et défendre la cause musulmane, Billal Abdelkrim tomba dans le piège tendu par les médias ; quoiqu'il s'employa à mettre sur le compte des salafistes cette violence et ce rejet évoqués par la presse. « Les musulmans sont attachés, dans leur majorité, à la paix, à la justice et à la fraternité », répétait-il. Le Parti Islamique Universel organisa des manifestations en Europe et aux États-Unis qui réunirent plus de six millions d'individus de confession musulmane. Ceux-ci réclamaient l'égalité politique tout en clamant  la belle opportunité  que l'islam représentait pour l'humanité.

De concert avec ses homologues, Abdelkrim avait engagé les militants à défiler dans le calme ; mais l'impétuosité des jeunes transforma la plupart d'entre elles en un combat contre des forces de l'ordre, parfois, dépassées.

Les partis d'extrême-droite des pays européens s'indignèrent du laxisme des gouvernements en place et prédirent l'islamisation de l'Occident en l'absence de mesures aptes à enrayer le processus. Or, dans la majorité des États européens, les présidences de gauche, ou assimilées, relativisaient le phénomène et critiquaient ce discours alarmiste ; car elles le jugeaient contraires à l'harmonie sociale.

L'attentat qui blessa très gravement Billal Abdelkrim --- que le groupe radical « Allah Esprit d'Islam » revendiqua --- eut pour résultat de bloquer la progression de l'islamisme en Occident et de saper le travail effectué auprès des jeunes d'autres religions par les imams ou les associations musulmanes. Le chef du « Parti Islamique Universel » décéda après neuf jours de coma, un événement qui déclencha plusieurs règlements de compte entre des membres du « PIU » (Parti Islamique Universel) et des individus connus pour leur appartenance au salafisme dont Farouk, le deuxième fils de Majid Cheirouf. Respectivement à Marseille et à Aubervilliers, Abdelaziz el Drahou et Adras Droubekar --- des algériens actifs au sein du groupe « Combat pour l'Oumma » --- furent assassinés. Les organisations terroristes d'essence fondamentaliste ne manquaient pas depuis l'arrivée au pouvoir de partisans de l'islamisme radical en Algérie, en Tunisie, en Lybie, en Irak et en Egypte notamment.

Instiguée par le mouvement « Citoyens Catholiques d'Europe », la communauté catholique, jusque-là très discrète, défila dans les capitales européennes. Les autres obédiences chrétiennes emboîtèrent le pas de celle-ci aux USA, au Canada et dans plusieurs pays d'Amérique du Sud, histoire de montrer au monde que les musulmans ne dominaient pas en Occident.

Parallèlement, le pape Sixte VI fit un communiqué destiné à apaiser les esprits. Fort de son légendaire humanisme, il appela à une fructueuse concorde entre chrétiens et musulmans :

« Nos différences religieuses ne doivent pas nous faire oublier que nous sommes tous des enfants de Dieu. Quand un homme tue son prochain, il condamne son âme à une dure épreuve. Comme le Seigneur Jésus-Christ le déclara à Pierre dans le Jardin des Oliviers : ''Celui qui lève l'épée mourra par l'épée'' … que l'Amour soit votre arme désormais ».

Cette sage déclaration du souverain pontife depuis la Chambre de la Signature du Vatican --- une des quatre salles peintes par Raphaël --- fut saluée par les médias d'Occident et d'ailleurs.

Faisant fi de cette invitation à la fraternité, les jeunes beurs « d'Aubervilliers Land » brûlèrent plusieurs centaines de voitures dans le huitième arrondissement et profanèrent les tombes de deux cimetières en signant leurs méfaits sur internet par « Nous les Exclus ». Ils déclaraient que l'islamisme radical, tel que professé par le martyre Abdelaziz el Drahou (Chef salafiste algérien assassiné), constituait le seul culte digne de considération.

Sous l'impulsion des fondamentalistes musulmans, la haine prévalait dorénavant en Occident. Un climat qui préoccupait fortement les autorités. L'Europe et les États-Unis dressèrent une liste noire commune dans laquelle ils répertorièrent les organisations terroristes interdites sur leurs sols. Puis un mandat d'arrêt international fut lancé contre les islamistes radicaux connus dont Hamid Cheirouf, le meneur de « Nous les Exclus ». En effet, ce dernier avait fui la France après les actions criminelles d'un certain nombre de ses militants. Évidemment, le ministère de l'Intérieur français avait dissous ce mouvement et arrêté une trentaine d'individus soupçonnés de participation dans des actes subversifs passés.

Les partis de droite et d'extrême-droite exploitèrent le désordre ambiant, désireux de susciter l'aversion des non-musulmans envers l'islamisme.

Aux États-Unis, Bill Kent, le sénateur du Missouri, déclarait lors de ses discours pour l'élection à la primaire du Parti Républicain :

« Les musulmans modérés seront un jour les suppôts des radicaux. L'islam et l'apologétique de l'islam ne sont pas compatibles avec la Constitution américaine ni avec les idéaux de nos  traditions. Notre  message pour le monde n'est pas celui prôné par l'islam, vu que celui-ci ne promeut guère la liberté, la laïcité, les droits humains et, bien sûr, la démocratie ainsi que la propriété privée ».

Effectivement, depuis 2030, les politiques laxistes des dirigeants occidentaux concouraient à la promotion d'un islam positif, promoteur de paix, de liberté et de fraternité. Cela tendait à changer l'état d'esprit des individus, entraînant corollairement une acceptation des prétendus vertus de celui-ci et un accroissement des conversions. Les gouvernements n'avaient pas conscience d'ouvrir grande la porte de l'Occident aux orientaux et de le placer, à terme, sous le joug islamiste.

2042

Un Occident différencié

L'année 2042 fut celle d'une bataille virulente entre les partis principaux de gauche et de droite en France. Après le premier tour, Charles de Cottray du « RRU » (Rassemblement pour une République Universelle) et Étienne Gamblain du « FUR » (Front d'Union Républicaine) restaient les deux candidats en lice avec un petit point d'écart seulement. Au second tour, Gamblain l'emporta par une faible majorité ; ce qui l'obligea à constituer un gouvernement d'alliance. Il confia toutefois les postes stratégiques à des ministres convaincus de l'impératif d'une politique volontaire. Dans son premier discours de Président de la République, il rappela que les français ne l'avaient pas élu pour pérenniser l'irresponsable tolérance de son prédécesseur ; vu que le bilan des dix ans de gestion du pays par celui-ci s'avérait être catastrophique. Un constat qui réclamait d'opérer un tournant à trois cent soixante degrés. Sa haine pour Pierre Denjean, l'ex-président, était un fait notoire. Le début de son mandat fut donc marqué par une hypocrite chasse aux sorcières, via des enquêtes, tout d'abord, sur les cadres des mouvements islamiques. Le gouvernement cherchait à éradiquer le salafisme en affirmant que les musulmans étaient tous des fondamentalistes en puissance. Invétéré athée, cet homme large d'épaules et d'une nature stricte, voire intolérante, prônait une laïcité anti-religieuse ; ce qui l'induisait à caresser l'idée d'une loi prohibant les religions dans leur ensemble. Celles-ci n'étaient, à son avis, que des superstitions aptes à freiner l'évolution humaine. Depuis six mois à l'Élysée, à peine, il avait réussi à rassembler une large majorité de français contre sa politique trop haineuse. La soudaine tournure dictatoriale de sa présidence déplaisait et beaucoup craignaient qu'il n'en vînt bientôt à instaurer un régime comparable à ceux de la Russie ou de la Chine. Ainsi une forte tension pesait sur la société et peu trouvaient judicieux, finalement, cette marginalisation des musulmans ; même si la peur d'une islamisation de l'Europe avait incité la majorité des électeurs à voter pour l'extrême-droite.

En Amérique du Nord, le choix s'était porté sur le candidat républicain. Bill Kent, un personnage rondouillard, très directif et austère, était connu pour sa forte antipathie envers la religion musulmane qu'il n'hésitait pas à qualifier d'imposture. D'ailleurs, cette inimitié l'avait exposé à deux attentats et contraint à une protection sophistiquée. Protestant pratiquant, il aspirait à vider son pays de ces individus façonnés par l'islamisme et sans cesse enclins au meurtre. Ainsi toutes les personnes ayant un nom à consonance orientale, maghrébine ou africaine faisaient l'objet d'une surveillance particulière. Cette époque hyper-technologique permettait, en effet, l'utilisation de moyens élaborés.

En 2043, la répression des musulmans fut amplifiée par le gouvernement de « l'Union Progressiste » dirigé par le Premier Ministre anglais Jane Willot. Cette petite femme replète et d'un tempérament dominateur estimait que les travaillistes avaient accordé de trop grandes concessions à la communauté musulmane. Ayant pris ses aises, cette dernière menaçait donc l'identité anglaise. En outre, les islamistes radicaux avaient perpétré une violence inadmissible que la nouvelle dirigeante comptait juguler à l'aide de l'armée si nécessaire.

La même année, les italiens choisirent le leader extrême-droitiste Paulo Fellitti au poste de Président du Conseil ; un dur qui promettait de renvoyer par bateau vers leur pays d'origine tous les musulmans engagés dans des mouvements religieux conservateurs. Parallèlement, il entreprit de faire voter la loi du sang et non du sol concernant l'obtention de la nationalité italienne. Après un débat houleux et plus de cinq cents amendements, celle-ci fut rejetée à l'Assemblée … mais par une courte majorité toutefois. Paulo Fellitti savait à présent que sa petite intention dictatoriale ne faisait guère l'unanimité.