Histoire d'un pion - Alphonse Karr - E-Book

Histoire d'un pion E-Book

Alphonse Karr

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Beschreibung

Alphonse Karr, a renowned French author, penned the novel 'Histoire d'un pion' which delves into the complexities of human nature and social hierarchies. Set in a small village, the book follows the life of a humble pawn who navigates through various trials and tribulations, shedding light on the power dynamics at play. Karr's precise prose and keen observations elevate the narrative, offering a thought-provoking reflection on class struggle and personal growth within a structured society. The novel's seamless blend of social commentary and character development showcases Karr's mastery in capturing the essence of human experience. Alphonse Karr, known for his wit and satirical writings, drew inspiration from his own encounters with class distinctions and societal norms to craft 'Histoire d'un pion'. His ability to infuse humor and depth into the narrative highlights his unique perspective on the human condition, making the novel a compelling read for those interested in introspective literature. I highly recommend 'Histoire d'un pion' to readers seeking a profound exploration of social dynamics and individual resilience. Karr's insightful storytelling and vivid characters will undoubtedly leave a lasting impact, prompting reflection on the complexities of human relationships and personal growth.

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Alphonse Karr

Histoire d'un pion

L'emploi du temps ; Deux dialogues sur le courage ; L'esprit des lois, ou Les voleurs volés
 
EAN 8596547443728
DigiCat, 2022 Contact: [email protected]

Table des matières

L’EMPLOI DU TEMPS
DIALOGUES SUR LE COURAGE
L’ARAIGNÉE ET LE FANTOME
LE TONNERRE
L’ESPRIT DES LOIS OU LES VOLEURS VOLÉS NOUVELLE.

Pour ceux de nos jeunes lecteurs qui habitent loin de Paris et qui peuvent bien ne pas être au courant des malices et du langage de messieurs les écoliers de la capitale, il n’est pas inutile de donner la traduction du mot pion. C’est le nom irrévérencieux par lequel ils désignent entre eux les maîtres d’étude et les professeurs. Je ne pense pas qu’ils se soient jamais beaucoup inquiétés de l’étymologie de ce nom, qu’ils s’avisent parfois d’imposer à des hommes fort respectables par leur caractère et par leur science.

Pion se trouve dans quelques vieux livres français pour piéton. Dans les temps anciens, les chevaliers et les nobles ne combattaient qu’à cheval; l’infanterie, qui est devenue la principale force de nos armées, n’était alors composée que de ceux qui ne pouvaient avoir un cheval. Ce mot est resté au jeu d’échecs pour désigner les moindres pièces du jeu, les simples soldats. On a employé quelquefois le mot pion pour ivrogne, mais alors on le faisait dériver d’un mot grec qui signifie boire. Par allusion au jeu d’échecs, on appelle encore pion un homme sans importance, sans force, destiné à être pour les autres un jouet et une proie facile.

L’histoire que je veux vous raconter s’est passée sous mes yeux. J’étais alors enfant et un des plus jeunes écoliers de la pension; aussi n’y ai-je joué qu’un rôle accessoire, les plus grands, les grands, comme nous les appelions, s’étant naturellement partagé les rôles importants.

Tous les matins, vers six heures, nous passions une heure dans l’atelier de dessin; quelques-uns, qui avaient pour cet art des dispositions naturelles, y prenaient de l’intérêt et travaillaient sérieusement; les autres, condamnés à faire d’éternelles pages d’yeux, de bouches, de nez et d’oreilles, laissaient passer l’heure de la classe, et abusaient de la mie de pain qu’on leur donnait pour effacer les traits incertains de leur crayon inhabile, en se livrant, à distance, des combats peu sanglants, au moyen de petites boulettes qu’ils se lançaient avec une adresse qui eût fait honneur à des artilleurs au polygone de Vincennes.

Le professeur de dessin était un jeune peintre qui avait déjà du talent, mais point encore de réputation. Il aimait passionnément son art, et je pense que si cela nous ennuyait de faire des yeux et des nez, cela ne l’amusait pas beaucoup plus de nous les faire faire, et de les corriger. L’atelier, qui ne servait à rien hors des heures de la classe de dessin, lui était abandonné par le maître de la pension, et à part le temps que lui prenaient des leçons qu’il allait donner dans une autre pension du même quartier, il passait toutes les journées à travailler dans cet atelier. Malgré nos tentatives opiniâtres, nous n’avions jamais pu voir ce qu’il faisait, parce que son chevalet et les toiles sur lesquelles il travaillait étaient toujours rentrés dans une petite pièce, sorte de mansarde contiguë à l’atelier qui lui servait de domicile. Cette précaution, prise à la fois contre la poussière et contre notre curiosité, avait toujours triomphé de nos efforts persévérants.

Antoine***, le maître de dessin, avait une physionomie intelligente, expressive, mais parfois un peu singulière; ses vêtements propres, mais limés par le temps et par la brosse, n’étaient à la mode que lorsque la mode, après de nombreuses variations, recommençait son cercle et ramenait en triomphe ce qu’elle avait proscrit avec dédain.

«Multa renascentur quæ jam cecidere, cadentque Quæ nunc sunt in honore.»

«Beaucoup de choses renaîtront qui déjà ont été renversées, et nous verrons tomber à leur tour les choses qui aujourd’hui sont le plus en honneur.»

Les enfants sont durs, mais par ignorance. Virgile l’a dit: C’est à l’école de la douleur qu’on apprend la pitié. L’habit bleu, blanchi sur les coutures, de notre professeur, son chapeau rougi et devenu à moitié chauve sous les attaques de la pluie et du soleil, étaient pour les écoliers un sujet incessant de moqueries et de sarcasmes. Grâce à la sollicitude de nos parents, nous n’avions jamais manqué de quelque chose, et nous pensions que l’homme mal mis était un homme avare et ridicule. Aussi notre pauvre Antoine était-il soumis de notre part à un examen scrupuleux; aucun détail de ses tristes ajustements ne nous échappait. Le premier qui découvrait une pièce à une de ses bottes, ou une éraillure à son éternel habit bleu, poussait son voisin du coude, et avec la rapidité du télégraphe électrique, qui n’était pas encore inventé, la chose était en un instant révélée et communiquée à toute la classe.

A la classe de dessin succédaient le déjeuner et une courte récréation. Il arriva un jour qu’au moment où la cloche sonna, Antoine, dont les distractions étaient pour ses méchants élèves un sujet de joie et de moqueries, sortit de l’atelier en y oubliant un vieux parapluie bleu dont l’apparition, quelques jours auparavant, avait été l’objet de notre spéciale attention et de nombreuses facéties sur sa forme surannée et sur la variété de nuances que la pluie et le temps avaient données à sa primitive couleur bleue.

A la vue du parapluie oublié, il vint à l’un de nous l’idée de le cacher sur une planche très-élevée, couverte de ces figures en plâtre appelées bosses, d’après lesquelles on dessine quand on est arrivé à une certaine force.

Le lendemain et les jours suivants, nous assistâmes aux recherches inutiles dont le parapluie fut l’objet. Quelques paroles échangées entre nous à voix basse pendant les classes, à voix haute pendant les récréations, paroles inintelligibles pour nos maîtres, mais très-claires pour nous, portaient notre gaieté à son comble.

Les bosses, derrière lesquelles le parapluie était enseveli dans la poussière, représentaient Socrate, Platon, Apollon, Laocoon, etc. On peut penser quels éclats de rire causaient des phrases comme celles-ci, que nous échangions sans scrupule devant la victime de notre méchanceté , qui n’y pouvait rien comprendre: «Platon sait bien des choses.» — «Il y a des gens très-inquiets que Socrate pourrait facilement tirer d’embarras.» — «L’oracle de Delphes, si l’on consultait Apollon, pourrait répondre à une question très-intéressante.» — «On dit rire comme un bossu, il y a aussi des bosses qui pourraient s’en donner la joie.» — «Quand Laocoon fut attaqué par les serpents, que ne les rossait-il à coups de parapluie! » — «C’est qu’alors il n’avait pas de parapluie. »

Nous vîmes un jour rentrer le maître de dessin par une pluie violente; loin d’en avoir pitié, ce fut pour nous le sujet d’une joie cruelle: son chapeau semblable à une gouttière, ses habits ruisselants, nous nous montrions tout, en souriant.