La fin des haricots - Christian de Maussion - E-Book

La fin des haricots E-Book

Christian de Maussion

0,0

Beschreibung

Fin du monde, fin du mois. Nous sommes coincés entre deux apocalypses. Entre un quotidien récurrent et le grand lendemain qui déchante. Le pays des ploucs ne figure plus sur aucune carte. Aucun GPS ne conduit aux ornières de la détresse. Le pays est une poudrière jaune fluo, un quartier difficile élargi, une sorte de banlieue parisienne inflammable à la première étincelle.
Gustave Flaubert écrivait : « De toute la politique, il n’y a qu’une chose que je comprenne, c’est l’émeute. »  Quand j’étais petit, j’allais à l’école de ski où la monitrice nous enseignait des rudiments de glisse. Dans mon oreille aujourd’hui, retentit l’énoncé en trois parties d’une vérité à appliquer pour vivre en sécurité : tester, tracer, isoler. J’y vois une continuité avec le lancinant « planté, flexion, extension » des instructeurs de christania. Le virus ressuscite mes souvenirs de poudreuse. Quand j’étais petit, l’institutrice m’apprit à lire des livres essentiels pour ma survie intellectuelle. Pourquoi diable, dans une république si belle, cher­chons-nous un ciel dans des biens non essentiels ?

De Gaulle est une étoile morte. Gracq, l’ami de Pompidou, le plus gaullien de nos grands écrivains, témoigne du paysage littéraire de manière lapidaire: « Entre le quelconque et l’excellent, la distance est stellaire. » Nous vivons sous une forme insidieuse de tyrannie, de dictature du quel­conque, sous une sorte de suffisance du quelconque. À vrai dire, on n’a jamais tué de Gaulle qu’un demi-siècle après sa mort.


À PROPOS DE L'AUTEUR

Jadis chef d’entreprise, Christian de Maussion désormais ouvrier a entrepris d’écrire des chefs-d’œuvre. Il cofonda l’Institut Multi-Médias. Il présenta ses premiers travaux littéraires à Théâtre Ouvert. Il fit paraître des textes dans Le Monde, Le Figaro, La Croix, Libération. Il publia des romans, des récits singuliers sur Charles de Gaulle, Nicolas de Staël, Michel Serres. Avec « La fin des haricots », chronique urticante du dernier quinquennat, il signe un dixième ouvrage.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 140

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



 

Christian de Maussion

La fin des haricots

Chronique d’un fiasco national

 

2017-2022

Du même auteur

Les fées de Serres

5 Sens Editions, 2021

Tita Missa Est

5 Sens Editions, 2021

À défaut d’écho

5 Sens Editions, 2020

Dancing de la marquise

5 Sens Editions, 2020

Fred

5 Sens Editions, 2019

L’Amitié de mes Genoux

5 Sens Editions, 2018

La Cicatrice du Brave

5 Sens Editions, 2017

Ainsi soit Staël

Editions du Bon Albert, 2013

C’est encore loin de Gaulle ?

Editions du Bon Albert, 2002

Cahier de L’Herne Simone Weil

Editions de L’Herne 2014

Cahier de L’Herne Michel Serres

Editions de L’Herne, 2010

Blog À la diable

alladiable.blogspot.com, 2008-2022

 

Au grand Charles, général comme la loi,

singulier comme de Gaulle

 

« Essayer encore. Rater encore. Rater mieux encore. Ou mieux plus mal. Rater plus mal encore. Encore plus mal encore. Jusqu’à être dégoûté pour de bon. Partir pour de bon. Une fois pour toutes pour de bon. »

 

Samuel Beckett (Cap au pire, Editions de Minuit, 1991, pages 8/9)

 

Macron séduit les patrons, un peu moins les corons. Le fils de Hollande apprécie les paillettes et les guirlandes, la discrétion comme Sarkozy et le grand monde à la Rotonde. Il sourit à Paris, aux embrassades de brasserie. Il lève les poignets comme un haltérophile un peu niais. Sur la scène, main dans la main, on dirait Stone et Charden, on croit revoir la morgue sympa des temps giscardiens.

Fillon s’est pendu dans sa prison. L’humiliation est le prix de sa vilaine action. Il est déjà déchiqueté par les vautours saisonniers. Il n’a pas volé sa conduite de petit valet.

Mélenchon est en rogne. Mélenchon ronchonne un texte en vers de mirliton, aussi alambiqué qu’un nullissime poème de Christiane Taubira.

Hamon avale. Hamon avale une couleuvre, deux couleuvres, trois couleuvres. Il n’y aura pas d’ordonnance sur les perturbateurs endocriniens.

Le Pen exulte au spectacle réjouissant de l’uhèmepéesse renaissant. D’avance, Marine se pourlèche les babines. Elle a désormais le monopole de la grande gueule.

Le candidat Abstention manque d’un cheveu la première place en finale. Macron devra composer un gouvernement avec ce parti réfractaire, au silence encombrant.

Les primaires n’étaient ni faites, ni à faire. Elles ont été improvisées pour dissuader les tueries d’écuries. Ratage dans les grandes largeurs. Elles n’ont économisé ni l’échec cuisant ni le charnier des petits roitelets. La machine à perdre, venue d’Amérique, n’aura servi qu’à différer les lynchages et les représailles d’appareil. Macron 1er, despote d’une république des potes patriotes, a l’embarras du choix pour nier la réalité : le pompilisme (Barbara, chef de file), le collombisme (Gérard, petit patron) ou le modémisme (le faux frère de Lassalle).

 

Il a griffonné au crayon le mot Révolution. Le jeune lion se recommande d’une rébellion. Son best-seller orne le présentoir des caissières. Macron est révolutionnaire, n’a pas l’intention de se ranger des autocars. Avant, je prenais Macron pour Boris Vian. À cause du bedonnant président Hollande et de ses bajoues de trompettiste. Mais j’ai changé d’avis. D’auteur de La Pléiade, aussi. Car Macron, c’est Jean d’Ormesson. Il est l’ami des académies. Sa voix est perchée dans les sonorités Bruel. Il arbore un sourire à guérir les écrouelles. Emmanuel lève le nez au ciel. Il regarde les nuées sur la pointe des pieds.

La dernière décennie a rabougri le pays. La politique s’organise à la sauvette. On vit une période talonnette de la République : Sarkozy, Hollande, Macron. Les grands dadais ont débarrassé le plancher. De Gaulle, Giscard, Chirac se sont fait souffler les hochets de l’Élysée. Le sérail admet les petites tailles. Macron la crevette aspire au rond de serviette présidentiel. Comme d’Ormesson, Macron soigne le bon ton, pointe le menton vers les beaux horizons. Il quitte son visage sans couper la lumière. Il n’éteint jamais son sourire. Il sait même l’élargir pour le bonheur d’une rosserie. Être de bonne compagnie, c’est pour lui servir les intérêts supérieurs du pays.

C’est un chef de bande qui chevauche les plates-bandes. La randonnée est son support de pensée. Le raid de bipède s’accomplit de bled en bled. L’ange de Bercy apporte la bonne nouvelle à Saint-Denis. Macron marche, pas tout à fait au hasard, direction le marché. Il endimanche l’économie, le jour du Messie. Il a du cœur, lu Ricœur. Il enjambe les échéances avec les dents de la chance. Le fils de toubibs vante l’argent des nababs. Il est épatant à plein temps. C’est un guerrier mimétique de l’économie numérique. Il est prolixe en paradoxes. Il évacue le vieil Aristote et son principe du tiers exclu. Il fait taire les contraires, réconcilie les antinomies. Sa logique est fondée sur la solidarité des chics types.

À cause de ses autocars, il restera dans l’Histoire. Emmanuel est le prénom favori des manuels. Il aura démarché des tas de marcheurs. Il écrira une suite à Révolution, peut-être une saga sur l’ambition, revêtira comme Giscard l’illustre habit vert. C’est le costard réglementaire qui sied aux auteurs de textes divers. Car un beau jour, parolier de Nabilla, toujours pétillant de sympathie, il succédera à Dabadie, déjà centenaire, achèvera Quai de Conti, sa carrière de révolutionnaire exemplaire.

 

Ouf ! Le projet qu’il « portait » est arrivé à quai. La révolution qu’il porte ne restera pas lettre morte. Macron a soulevé les foules avec un projet porté. Ses épaules sont d’acier comme son regard bleuté. Notre prince martial a des biceps d’haltérophile. Il brandit ses réformes comme de la fonte, bombe le torse et s’éponge le front. Cet athlète gros porteur exhibe un abdomen de lutteur de foire.

Je l’exhorte à surveiller son dos sollicité. Autant que ses mots de communiqués. On peut se tordre la colonne à en faire des tonnes. On rature un mot. Pas grave. On se fracture le dos. Plus grave. Le mal dorsal guette le jeune Emmanuel.

Édouard s’interdit de porter quoi que ce soit. Il est dégingandé d’avoir trop boxé. Assez cogné. Édouard, il coche. À écouter la bonne presse, il coche même toutes les cases. C’est pourquoi il a raflé le premier des ministères comme on valide un questionnaire. On ne peut pas décocher des flèches assassines sur une cible qui coche l’intégralité des cases. Édouard épouse la cause du peuple avec ses maudites cases. Il est intelligent. Il ne lui en manque aucune. Une seule lui ferait défaut, on le traiterait d’idiot.

Je traverse la rue et j’achète mon recueil de sudokus, niveau « Makiavélic ». Machiavel m’instruit la cervelle à défaut de conseiller Emmanuel. J’éparpille mes chiffres sur les grilles. Je coche sans tricher. Je sais le bonheur de remplir toutes les cases au crayon noir. Quand je rate, j’envie Édouard qui coche sans que rien ne cloche. Il m’épate, Édouard. Lui et son « n plus un » se démènent comme de beaux diables : l’un porte, l’autre coche.

 

Il ruse avec le hasard. L’escogriffe brouille les pistes, consent au poste honorifique. Il boxe des deux poings. Sa droite flanche. Il esquive du gauche. Il craint l’uppercut d’un peuple souverain.

Au jeu des visages, il ressemble à Darroussin, l’excellent comédien. On savait que Berling avait prêté sa tête de beau quartier au locataire de l’Élysée. Les premiers noms du casting ont été testés par un institut de marketing. Le film est tourné en cinq semaines sur les lieux des vraies gens, en décor naturel. Titre provisoire : « Législatives pour l’histoire ».

Dans la cour de Matignon, le double mètre d’Édouard Philippe serre les mains de la famille, disposée en rang d’oignons. L’échalas d’apparat s’acquitte de sa besogne, piaffe d’impatience d’en finir de sourire à la dernière trogne. La feinte empathie n’a pas de prix. Il enjambe les marches du perron, débarrassé de sa pesante bonne action.

Les dieux tutélaires de la République sont convoqués dare-dare. Ils légitiment la grenadine des discours protocolaires. L’escogriffe chipe Blum et Mendès, ajoute de Gaulle et Clémenceau, martèle Juppé. Or l’escogriffe commet sa première gaffe. Il a suffi d’un oubli pour qu’il se disqualifie. Chirac ne figure pas parmi ses mentors historiques. Il rature, biffe l’action d’un visionnaire grandeur nature. Chirac est grand par son refus téméraire des malheurs de la guerre. À l’obligatoire JT du soir, l’escogriffe réitère son coup de griffe, tacle nommément Chirac.

Me choque l’entêtement du débutant à dézinguer Chirac. Moi j’aime bien le grand Corrézien. Chirac va mourir, est mort, nous évitant le pire. Cet homme, fêlé de l’intérieur – qui ne s’aime pas –, livre à notre mémoire un sens énigmatique, saturé d’interrogations millénaires.

 

Il y a de tout dans ce gouvernement, même Bayrou. Chaque danseur de ministère hérite d’une cavalière paritaire. Le jeune despote est très entouré, ceinturé du cordon de sécurité des oncles de proximité : Collomb, Le Drian, Ferrand.

S’ils sont socialistes, c’est parce qu’ils sont vieux. Il faut respecter les pedigrees du passé. Le maire de Lyon ne sanglote plus comme une madeleine. Il trotte comme un lapin, visite les commissariats avec une caméra, serre les mains qui pendent sur son chemin. Bref, il joue à fond la carte de la révolution.

Hulot est là. On s’étonne que Noah n’y soit pas. Son patrimoine n’est sans doute pas celui d’un moine. La société des vraies gens sans entregent est illustrée par les profs et les pédégères du CAC 40. On sait que les PME ne sont pas au mieux sous nos cieux brouillardeux. Nos petits patrons sont bannis de la représentation du pays. Ils sentent le soufre, le populisme à plein nez.

Autrement dit, il manque – non pas Minc, il est partout –, il manque à la belle alliance d’Édouard un garagiste de Loudun, à doigts cerclés de cambouis, un Monory lourdingue, rugueux, madré, à trogne de Galabru bourru. Séduire l’opinion avec de mignons sourires est le schéma de communication, directeur, marcheur, jusqu’aux élections de Palais Bourbon. Le gouvernement d’Édouard coalise les amateurs de traîtrise, installe à leur aise ses squatters de ministères.

Jadis, de Gaulle évoquait les centristes, les élus du marais, en des termes colorés : « Ce sont des enfants de chœur qui auraient bu les burettes. » Dieu et l’Europe, les totems des bonnes âmes, disposent de solides portefeuilles : Blanquer, Goulard, Le Drian.

Un toubib à la santé n’affranchit pas des nababs des laboratoires, de la prison des lobbies. Un prof à la Recherche ne préserve pas des corporatismes d’usage. L’homme de l’art ne garantit pas de l’indifférence aux intérêts des pairs et confrères.

Il faut que le buste de Macron s’incruste dans l’opinion. Je me décoiffe devant sa posture martiale, gravée en image d’Épinal. Son tour des Champs-Élysées, en véhicule de combat, encadré d’un quarteron de généraux galonnés, est désormais l’acte fondateur du despote patriote.

 

Macron dispose désormais de la légitimité de tapoter la joue de ses aînés. Il se venge sans délai des suspectes privautés du dernier locataire de l’Élysée. La caresse de nuque du 8 mai a ranimé sa niaque. Dès lors, Macron se libère d’une réserve de gentil junior. Il passe en revue le cercle d’une vieille garde chenue. Il dégrade du regard. Bayrou est giflé sur l’oreille décollée ; Collomb est empoigné aux épaules, secoué comme un prunier ; Ferrand fait l’objet d’une bourrade sur l’omoplate. Macron leur pince le menton avec un aplomb de chef divisionnaire. Cette forme de majesté est un pied de nez.

L’observation des papouilles de palais instruit sur le déroulement de la bataille électorale. Le décryptage des attouchements de primates républicains nécessite une scrupuleuse attention de politologue averti. La gourmandise de Macron à palper la joue de son quarteron de vieux tromblons signale une réactivité de guerrier revanchard. Il se souvient des petites humiliations de stagiaire de gouvernement. Il inverse le rapport de force, se saisit de l’autorité mordante d’ordonnance, s’octroie le droit d’affectueuse fessée.

 

Après Charles de Gaulle, général fabriqué sur le tas, buriné par la guerre, nous héritâmes des nains de l’Ena, formatés à l’école d’État. J’exclus Pompidou, dernier grand timonier qui soit authentiquement lettré. Il causait cinéma, rue de Varenne, avec Julien Gracq. Je le retranche. La promotion Elysée est composée de Giscard, Chirac, Hollande, Macron, soit un quarteron d’ambitieux félons. Un nain recalé s’agite sans collier ni blason : c’est Sarkozy. Mitterrand, le Vichyssois, était trop vieux pour fréquenter l’établissement fondé par son rival abhorré. Il confia à l’entourage le soin d’étudier l’économie des livres. Attali et Fabius s’acquittèrent de notes abstraites.

Les nains de l’Ena sont des cyclistes de terrain plat. Or l’Histoire de France, à l’instar de la Grande Boucle, se forge dans les étapes de montagne. De Gaulle gagne au Ventoux, à l’Alpe d’Huez et à Luchon. Il franchit la ligne en solitaire. En revanche, les petits présidents d’intérim sprintent à Bordeaux comme de sympathiques Darrigade. Nos capitaines de petit vélo rechignent devant les raidillons.

Aujourd’hui, les nains de l’Ena sont des géants de l’opportunisme d’État. Aucune grande querelle n’élève ces apprentis rebelles. Ils ont flanqué dehors les sans-papiers de la scolarité : Fillon, Valls, Hamon. Ils tiennent les manettes avec des pincettes, les menottes bien serrées des récalcitrants patriotes. Ils ne lâcheront pas le pouvoir comme ça. Ils pratiquent la passe à dix, exécutent l’entre-soi incestueux, sur un terrain de jeu à leur mesure. Je les nomme par taux de fréquence des selfies. Macron 1er, sorte de Kouchner, jeune et premier. Il est suivi d’Édouard, le dégingandé, l’échalas du Havre, Édouard le deuxième, comme le pape Benoît, mais à cause de Balladur. Donc Macron, suivi d’Édouard et Bruno, tandem de haine mutuelle, un classique de la République. Puis vient Wauquiez, le méchant d’Auvergne, ancien gentil des taudis du Caire, et derrière, Philippot, le paroissien de Colombey, Croix de Lorraine au veston de clergyman. J’ajouterai une diablesse. Je boucle avec Pécresse et je diminue l’amende du non-respect paritaire. : cinq gars et une fille de l’Ena. En voilà six qui se prévalent du Général, six énarques qui se rêvent en Jeanne d’Arc. Ils ont raflé la mise. Le désert politique français, c’est l’Ena et puis rien, sorte de Paris sans la province. Dans quinquennat, il y a « Ena » avec une faute d’orthographe. C’est cela La Révolution. Les nains de l’Ena ont l’État bien en main.

Les coups de sang de Mélenchon sont l’outil de communication idéal pour légitimer une douce technocratie, conforter l’experte aristocratie qui quadrille un pays à qui tout sourit, à commencer par les selfies d’un président qui se croit tout permis.

Mais des nains, pourquoi des nains ? Parce que ce sont des serviteurs. Ils appartiennent au larbinat d’État. Le mot « ministre », suffixe « mini », le dit suffisamment. Ils sont aux ordres du maître, celui qui exerce un magistère, suffixe « maxi ». La question est donc la suivante, sempiternellement la même depuis les origines de l’État : ils servent qui et quoi, ces braves gens ? La réponse est aussi complexe que la prétendue pensée de l’actuel président, chevalier servant du peuple de France.

Il parle d’un(e) aparté comme d’une tasse de thé. La parité a besoin d’un coup de pouce. Il féminise les mots, maintient que « bordel » est populaire plus que vulgaire. Dans les contrées refoulées d’une nation à « passion triste » – merci Spinoza –, il traîne ses manières et tournures de petit minet déterminé. Chirac aurait dit « roquet ».

Il est cassant faute d’être fracassant. Il pâtit d’un manque d’empathie. Une ostentatoire « fraternité » trône à sa droite. Frère Emmanuel en rajoute dans le signe extérieur de bon cœur.

Aucune question ne lui nuit puisqu’elle occasionne la démonstration d’une brillante vélocité d’esprit. Ce Macron des autocars est digne des prouesses cérébrales du déjà jeune Giscard. Il a réponse à tout, s’approprie les meilleurs mots, les balade dans des phrases fourre-tout.

Il est autoritaire comme un grand frère arguant d’un droit d’aînesse héréditaire. Sur sa table de travail, Gide et Malraux se laissent photographier comme des starlettes négligemment effeuillées. De Jean Guéhenno, André Gide disait : « Il parle du cœur comme d’autres parlent du nez. » Virage sur l’aile. La paraphrase est tentante : « Macron parle des investisseurs comme d’autres parlent du nez. »

 

L’État vibrionne d’un mouvement macronien. La « céessegeai » grimpe au ciel. Tollé citoyen. La taxe est une souffrance comme l’imposition d’une brutale main d’ostéopathe sur un nerf de la chair. On dit aussi « nerf de la guerre ». L’État calme le jeu, cautérise une cicatrice. Il panse. Il pense à compenser.

Les trois-quarts des écorchés ne seront pas assujettis à la taxe de logis. La feuille de labeur sera déchargée de cotisations de mutuel bon cœur.

Depuis sa création par Rocard, l’inspecteur des finances, la « céessegeai » est un oiseau-impôt d’envol aisé. Elle jouit d’un taux propulsé. La hausse est dans ses gênes. Ce qui contrarie même les classes moyennes, cette grande famille nombreuse d’une nation « passionnément triste ». D’où la fine stratégie de la contrepartie. Même les débonnaires fonctionnaires, sans embarras de chômage, auront droit à un dédommagement de « céessegeai » augmentée.

J’ai l’impression de figurer parmi les derniers idiots de village. Mais pourquoi diable accroître une taxe dont les dégâts sociaux imposent immédiatement d’en neutraliser l’effet par la suppression d’autres prélèvements ? Bougisme fiscal et statu quo se ressemblent comme deux gouttes d’eau. Tout se passe comme si le choix du compliqué (« pensée complexe » du président) prévalait sur la simplicité.

On célèbre une caricature de « made in France ». La confection d’usine à gaz est une spécialité nationale. Elle comble d’aise une technocratie inventive en tracasseries.

J’aimerais baptiser cette chronique « Les talents compensés ». Dans la vieille Athènes, le talent mesurait un poids d’argent.