La Saga des Limousins - Tome 13 - Yves Aubard - E-Book

La Saga des Limousins - Tome 13 E-Book

Yves Aubard

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Beschreibung

Une grande aventure basée sur des faits réels pour plonger dans la France et l’Aquitaine au cœur du Moyen Âge !

Les Brodeuses, de Cantorbéry à Bayeux, est le tome 13 de La Saga des Limousins, il se déroule entre les années 1066 et 1071. Guillaume de Normandie devra faire face à de nombreuses difficultés pour asseoir son autorité sur l’Angleterre dont il vient d’accaparer la couronne. Les femmes de la famille, quant à elles, trouvent un moyen original pour immortaliser les préparatifs et la conquête de l’Angleterre par les Normands : elles vont réaliser une immense broderie qui relatera chaque étape de cette épopée. Le jeune roi Philippe de France, en manque de conseillers qualifi és à ses côtés, va recruter son cousin Vladimir et sa cousine Ingrid, qui vont prendre ses affaires en main en commençant par lui trouver une épouse.

Découvez le treizième tome d'une saga historique palpitante, et plongez dans l'Aquitaine des années 1066 à 1071.

EXTRAIT

— L’opération ferait moins de bruit, effectivement, admit Jason.
— Le roi Philippe ne pourrait-il pas nous aider dans cette affaire, s’enquit Adémar, et faire un geste pour la belle-fille de son médecin personnel ?
— Philippe ne peut intervenir dans un procès intenté par l’Église, répondit Abella, c’est d’ailleurs l’évêque qui détient Ajiba dans ses geôles sur la rive droite de la Seine, pas le roi.
— J’entends bien, intervint Lou, mais le sergent qui commande les geôliers de l’évêque ne refuserait certainement pas d’embaucher un gardien recommandé par le roi lui-même.
— Probablement pas, effectivement, concéda Abella, qui voyait où le Limousin voulait en venir. Je pense qu’Anne, la mère du roi et sœur d’Igor, saura m’obtenir une lettre de recommandation pour mon lointain cousin du Limousin qui cherche du travail à Paris.
Deux jours plus tard, Lou se présentait au Fort-l’Évêque, la prison que Geoffroy venait de se faire construire, sur la rive droite de la Seine, entre le fleuve et l’église de Saint-Germain-l’Auxerrois.
— Je voudrais voir le chef des gardes de monseigneur l’évêque, demanda le Limousin, prenant son air le plus aimable.
— Que lui veux-tu ? répondit l’homme de faction, d’un ton bourru.
— Voir s’il cherche quelque soldat de bonne volonté à embaucher, précisa Lou.
— Tu perds ton temps, on n’embauche pas, nous sommes bien assez nombreux pour garder l’évêque.
— J’aimerais que tu remettes cette lettre à ton chef, reprit Lou, et que tu le laisses en juger.
Le garde jeta un œil morne sur le pli que lui tendait cet importun, et il y reconnut le sceau du roi.
— Ventredieu ! jura-t-il, v’là qu’le roi écrit à not’ sergent, ça va lui faire une belle jambe, vu qu’y sait pas lire.
Lou n’avait pas envisagé ce problème, mais il imagina rapidement une solution.
— Tu trouveras bien dans le palais de l’évêque quelque clerc capable de la lui lire !
L’homme se gratta l’occiput en envisageant Lou d’un air renfrogné. Le sergent n’aimait pas qu’on l’emmerdoie pour rien et celui-là avait bien la tête d’un emmerdoyeur de première. Mais d’un autre côté, le sceau du roi pouvait annoncer quelque affaire d’importance. Il laissa Lou sur le pas de la porte et rentra dans la prison de l’évêque.
Il en ressortit une bonne demi-heure plus tard :
— Suis-moi, le sergent va te recevoir.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Né en 1957, Yves Aubard est professeur de gynécologie au CHU de Limoges. Dans ce nouvel ouvrage, il nous emmène du nord au sud de l'Europe pour vivre les grands événements de cette période : la première « guerre sainte» en Espagne et la fondation d'un nouveau royaume d'Angleterre. Ses héros limousins seront encore sur tous les fronts...

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La Saga des Limousins

Tome 13 : Les Brodeusesde Cantorbéry à Bayeux(1066-1071)

© La Geste – 79260 La Crèche

Tous droits réservés pour tous pays

Yves AUBARD La Saga des Limousins

Tome 13 : Les Brodeusesde Cantorbéry à Bayeux(1066-1071)

Livres du même auteur, déjà parus Aux éditions La Geste

Dans la série « La Saga des Limousins »

– Tome 1 : Le Seigneur de Châlus, du Limousin au Périgord – octobre 2012

– Tome 2 : L’An Mil, de Rome en Anjou – mars 2013

– Tome 3 : Les Grands Voyages, de Salerne aux Vikings –septembre 2013

– Tome 4 : Le Roi Robert, de la Bourgogne à Jérusalem – mars 2014

– Tome 5 : Racines et honneurs, de Barcelone à Ispahan –septembre 2014

– Tome 6 : Troisième Génération, de Sens à Dreux – mars 2015

– Tome 7 : Le Roi Henri, de la Normandie à Châlus – septembre 2015

– Tome 8 : La Main de Fer, de Bretagne en Hongrie – mars 2016

– Tome 9 : Du Bâtard au Duc, de Val-ès-Dunes à Kiev – octobre 2016

– Tome 10 : Le grand schisme, de Rome à Constantinople –mars 2017

– Tome 11 : Régences, de Germanie en Francie – octobre 2017

– Tome 12 : Du Duc au Roi, de Barbastro à Hastings – mars 2018

Hors série « Saga des Limousins »

– Le Sang et la Pierre – mars 2017

Dans la série « 7 »

– 7 opus 1 – mars 2016

– 7 opus 2 – mars 2017

Résumés des tomes précédentsTome 1 : Le Seigneur de Châlus

En l’an 968, sous le règne du roi Lothaire, Tristan, le forgeron du village de Châlus, en Limousin, trouve en forêt un enfant abandonné âgé de deux ans environ, qu’il fait baptiser du nom de Lou par Ignace, le curé du village. Lou grandit dans le foyer de Tristan et Gilberte, et son père l’initie au travail de la forge. Lou épouse Mathilde, jeune guérisseuse du village. Ils auront trois enfants, Eudes, Jean et Isabelle. Lou sauve la vie de son seigneur, le vicomte Guy de Limoges. Guy l’anoblit pour le remercier et lui confie le fief de Châlus avec mission de le fortifier. Peu après le miracle des Ardents à Limoges, les Périgourdins assiègent, sans succès, Lou dans son fief. Le vicomte Guy et ses Limousins décident de mener campagne en Périgord pour punir leurs belliqueux voisins. Boson le Bel, le chef périgourdin, s’est réfugié dans le château de Commarque, au sud-est de ses terres. L’armée limousine met le siège devant cette forteresse et finira par la prendre après moult péripéties, rétablissant Boson le Vieux, le comte légitime du Périgord, dans ses prérogatives.

Tome 2 : L’An mil

Grimoald, l’évêque d’Angoulême, dérobe les présents faits au mariage de Will (un compagnon d’armes de Lou) et Jeanne. Il est démasqué par Lou et ses fils, et il est emmené prisonnier à Limoges. Lou et toute sa famille accompagnent Guy qui va à Rome, accompagné de Grimoald, pour le faire juger par le pape Sylvestre. Jean devient un élève du pape. Il se lie d’amitié avec Avicenne et tombe amoureux d’Anne. Mais Sylvestre meurt, Jean et Anne doivent quitter Rome et rentrent en Limousin. À Limoges, Foulques Nerra, le comte d’Anjou, demande à Guy la main de sa fille Hermine. Eudes et Hermine découvrent qu’ils s’aiment. Foulques Nerra a organisé un grand tournoi pour fêter son mariage avec Hermine. Les joutes sont sanglantes. Foulques tente de faire assassiner Lou et sa famille, tandis que Jean utilise les terreurs nocturnes du comte d’Anjou pour le faire renoncer à la main d’Hermine. Eudes et Hermine s’aiment, mais un fils de seigneur ne peut demander la main d’une fille de vicomte. Jean n’ose déclarer sa flamme à Anne, qui se lasse et décide de quitter Limoges pour aller servir le duc d’Aquitaine. Ainsi les deux fils de Lou ont des chagrins d’amour. Jean, très déprimé, décide de partir pour étudier la médecine à Salerne.

Tome 3 : Les Grands Voyages

Jean arrive à Salerne. Il y obtiendra son diplôme de médecin et deviendra l’amant de Christine, un magister de l’école. Il apprend que Christine est enceinte de lui peu de temps avant d’être incarcéré à Naples car il a tué Etarus, un autre magister de l’école, pour venger la mort d’un ami. Pendant ce temps-là, en France, Eudes s’illustre dans les tournois, et Guy accepte de lui donner la main d’Hermine. Lou et ses enfants décident d’aller porter secours à Jean, ils parviennent à le libérer par la ruse ainsi que son compagnon de prison : Knut, le fils du roi du Danemark. Les Limousins rentrent à Châlus. Guy décide de marier son fils Adémar à Sénégonde du Périgord, et Jean retrouve Anne, à laquelle il déclare son amour. Ce sont donc trois mariages, avec celui d’Eudes, qui sont célébrés à Limoges. Peu après, Emma, Mathilde et Isabelle sont enlevées par des Vikings. Lou, ses fils et quelques compagnons partent pour libérer les femmes enlevées. Ils y parviendront mais devront voyager jusqu’au mythique Vinland. Isabelle y trouvera un époux viking, Bjarni, et Anne donnera naissance à Jason après une opération miraculeuse. Lou et ses compagnons regagnent ensuite le Limousin. Eudes découvre qu’Hermine a mis au monde sa fille Adalmode. Jean reçoit un courrier de Christine lui annonçant la naissance de leur enfant, Trotula.

Tome 4 : Le Roi Robert

Lou et ses enfants font la connaissance de Robert II, le roi de France. Ce dernier propose à Jean, Anne, Isabelle, Eudes et Bjarni de rentrer à son service. Les jeunes gens acceptent. De leur côté, Guy, Lou, Mathilde, Raoul de Couhé et Aline de Bruzac partent en pèlerinage à Jérusalem. Sur leur route, ils sont incarcérés à Mâcon par l’évêque Brunon de Roussy. Eudes, Isabelle, Jean et Bjarni parviendront à les libérer. Les pèlerins reprennent leur route vers Jérusalem. Ils assistent au massacre des Bulgares par le basileus à la bataille de la Passe de Kleidion. En France, grâce à Eudes et Bjarni, la ville de Sens tombe et Dijon ouvre ses portes au roi, qui prend ainsi possession du duché de Bourgogne. Hermine a accouché à Limoges de Guy-Lou, son second enfant. Jean, Eudes, Anne et Bjarni partent en Italie pour assister au sacre de l’empereur germanique Henri II et ils poussent jusqu’à Salerne. Pendant ce temps, les pèlerins ont visité Jérusalem et ils sont repartis par la mer. Ils font une halte à Salerne, ce qui leur permet d’aider Eudes, Bjarni et Jean à repousser une attaque sarrazine. Puis tout le monde rentre en France. Foulques Nerra remporte la victoire de Pontleroy sur Eudes de Blois, mais il échoue à prendre la ville de Tours. Tandis qu’Isabelle met au monde un garçon, Lou-Leif, le roi Robert fait couronner Hugues, son fils aîné, à Compiègne.

Tome 5 : Racines et honneurs

Ignace donne un indice à Lou qui lui permet de retrouver ses origines : le seigneur de Châlus est un descendant des comtes de Barcelone. Pour retrouver ses racines, Lou se rend en Catalogne avec Mathilde, Eudes et Robert de Ruffec. Lou aide la comtesse de Barcelone à repousser une attaque des Sarrazins et découvre qu’il a une sœur, Clémence, qui va épouser Robert de Ruffec. Lou renonce à revendiquer des droits en Catalogne et il rentre dans son fief de Châlus. Adémar de Chabannes et les moines de Limoges prétendent que saint Martial fut contemporain du Christ et serait donc le treizième apôtre. Le roi Robert condamne au bûcher des hérétiques à Orléans. Les enfants de Lou, accompagnés de Bjarni et Nénad, décident d’aller libérer Avicenne qui est emprisonné à Hamadhan, en Perse. En route, ils croiseront l’empereur Henri II, Étienne, le roi de Hongrie, et Basile II, l’empereur de Constantinople. Jean découvre la formule du feu grégeois, ce qui permet de prendre la ville d’Hamadhan et de libérer Avicenne. Le roi Robert récompense ses fidèles dès leur retour en France : Isabelle et Bjarni se voient attribuer le comté de Dreux, Eudes et Hermine, celui de Sens, tandis que Jean et Anne sont faits seigneurs de Noisy. Hugues, le fils aîné du roi, meurt du « mal du côté », au grand désespoir de Jean. La mort frappe également l’empereur Henri II, le pape Grégoire VII, l’empereur Basile II et le vicomte Guy de Limoges. Jean parvient à découvrir la manière de soigner le mal du côté et guérit ainsi Lou-Leif qui en était atteint.

Tome 6 : Troisième Génération

Les enfants de Lou sont menacés de toutes parts : Isabelle et Bjarni sont emprisonnés à Rouen par Richard III, le nouveau duc de Normandie, Jean est enlevé par Eudes de Blois qui veut lui faire avouer la formule du feu grégeois et Eudes est assiégé à Sens par ce même Eudes de Blois. Lou et ses vieux compagnons décident d’aller porter secours aux enfants, car le roi Robert dispose de peu de moyens. Tandis que Jean s’enfuit tout seul, il rejoint la troupe de Lou et, ensemble, ils parviendront à libérer Isabelle et Bjarni et à mettre en déroute les armées d’Eudes de Blois qui faisait le siège de Sens. Jason et Adalmode participeront largement à ces succès. Jason va suivre les traces de son père : il part faire des études de médecine à Salerne. Il y tombe amoureux d’Abella, jeune étudiante italienne, et il sauve Trotula, sa demi-sœur, d’un « faux germe de la trompe ». En France, Adalmode succombe au charme d’Aurèle, un jeune novice, qui renonce à ses vœux pour elle.

Il y aura à nouveau un triple mariage à Châlus : Jason épouse Abella, Trotula épouse Gariopontus (un collègue salernitain) et Adalmode épouse Aurèle. Les enfants du roi Robert se révoltent contre leur père, Eudes et Bjarni les ramèneront dans le droit chemin, mais le roi est las de toutes ces querelles familiales et rend son âme à Dieu à Melun.

Tome 7 : Le Roi Henri

Henri, dès son avènement, est menacé par une coalition menée par sa mère, Clémence d’Arles, qui veut mettre la couronne de France sur la tête de Robert, son second fils. Isabelle, Bjarni, Eudes, Jean et Jason décident d’aider le jeune roi et, avec l’appui des Normands, ils remportent une victoire décisive à Villeneuve-Saint-Georges. Cependant, Bjarni et Isabelle décident de ne plus servir Henri qui s’est montré injuste envers ceux qui ont sauvé sa couronne. La reine Clémence meurt à Melun, un an après son époux. Johan, le prince de Salerne, envoie à Paris des assassins pour tuer Jason et enlever Abella. Jean sauvera son fils et ce dernier devra aller jusqu’en Italie pour retrouver son épouse.

Robert le Magnifique part en pèlerinage à Jérusalem avec Bjarni, mais seul le Viking reviendra de ce périple. Ainsi, Guillaume le Bâtard se retrouve duc de Normandie à l’âge de huit ans. Lou-Leif devient son garde du corps. Bjarni finit par retrouver Eudes de Blois dans un duel et le tue. Tandis que Lou et toute la famille passent la Noël à Châlus, ils sont assiégés par une « milice de Dieu », menée par un moine fanatique et Lisois d’Amboise. Guy-Lou et Lou-Leif tomberont amoureux de deux sœurs jumelles, Hélène et Élise. Le seigneur de Châlus montrera qu’il a de la ressource et les assiégés mettront leurs ennemis en déroute. Lou est gravement blessé lors du siège et demande à son fils Jean de ne pas le soigner. Mais c’est sans compter sur Jason et Abella qui tireront le seigneur de Châlus des griffes de la mort.

Tome 8 : La Main de Fer

Lou doit restaurer Châlus et reconstruire son église. Il fait appel à un bâtisseur limougeaud. Il en profite pour améliorer l’ancestrale araire de ses paysans. Guy-Lou et Lou-Leif se marient avec Hélène et Élise. Bjarni, aidé de Jason et Jean, dévie le Couesnon, petit fleuve frontalier entre Bretagne et Normandie, de manière à ce que le Mont-Saint-Michel devienne normand. Alain III, le duc de Bretagne, menace d’envahir la Normandie, Isabelle et Brunehilde vont négocier avec lui. Le duc tente d’abuser de Brunehilde qui doit l’empoisonner pour ne pas être violentée. En Germanie, l’empereur Henri envoie Guy-Lou espionner le roi Samuel Aba de Hongrie, qui martyrise les Chrétiens sur ses terres. Les Germains iront ensuite destituer ce roi païen pour remettre sur le trône le très chrétien Pierre Orseolo. Édouard, le cousin du jeune duc Guillaume, est sacré roi d’Angleterre. Guillaume nomme Lou-Leif connétable de Normandie. En France, la reine Mathilde de Frise et sa fille meurent de la diphtérie. Guy est atteint par ce mal, mais Jean et Jason le sauvent en réalisant une trachéotomie. Après une dernière campagne en Gascogne, Lou rentre à Châlus, il souffre depuis plusieurs mois d’angine de poitrine qui l’oppresse comme « une main de fer ». Lou fait un infarctus lors d’une partie de pêche dans la Tardoire et il décède au pied de son château. Mathilde décède à son tour quelques semaines plus tard.

Tome 9 : Du bâtard au duc

Les barons normands complotent contre le jeune Guillaume, lui reprochant sa bâtardise. Bjarni décide d’aller raisonner les rebelles, mais il tombe dans une embuscade et est empoisonné sur ordre des conjurés. Golet, le bouffon de Guillaume, avertit son maître qu’une troupe d’assassins veut lui faire un sort à Valogne. Guillaume échappe à cette attaque. Le jeune duc fait alliance avec le roi Henri pour affronter ses ennemis à la bataille de Val-es-Dune. Il remporte la victoire et les descendants du seigneur de Châlus font justice des meurtriers de Bjarni. Isabelle est envoyée en délégation pour convaincre Mathilde de Flandre d’épouser Guillaume, et Anne de Kiev d’épouser le roi Henri. Ces deux missions sont couronnées de succès et se solderont par des mariages. Brunehilde trouve l’homme de son cœur en Russie en la personne d’Igor, le frère de la reine Anne. Adémar devient novice à Cluny. Tibelle devient moniale et conseillère du pape Léon, tandis que Guy-Lou sera le garde du corps du souverain pontife. Hermine décède d’une pneumopathie à Sens. Jean a convoqué Trotula, Jason et Abella pour leur faire part de la grande œuvre de sa vie : il a décrit l’anatomie humaine à l’aide de dissections qu’il a menées clandestinement sur des cadavres, un moine allemand illustrant ses descriptions. Les trois jeunes sont enthousiasmés par ce travail, ils décident néanmoins de tenir secrètes ces découvertes qui pourraient valoir une condamnation à mort à Jean et à son dessinateur. Jean décède, épuisé par le labeur qu’il mène depuis des années.

Tome 10 : Le Grand Schisme

Jason et Abella vont assister deux grandes dames lors de leur accouchement. La duchesse Mathilde de Normandie et la reine Anne de France donneront des héritiers mâles à leur époux. Le jeune Lou II est devenu le meilleur écuyer d’Aquitaine, il est adoubé chevalier et tombe amoureux de Sybille, une Châlusienne. Le comte d’Anjou, Geoffroy-Martel, a enlevé Eudes pour régler son vieux contentieux avec les descendants du seigneur de Châlus. La famille ira délivrer Eudes de sa prison angevine, mais lors de son évasion ce dernier est blessé, il rend son âme à Dieu dans les bras de Lou II, son petit-fils. Entre le duc de Normandie et le roi de France, la situation s’envenime. Isabelle et ses enfants aideront le jeune duc à vaincre Henri, pourtant allié à Geoffroy-Martel, à la bataille de Mortemer. Henri s’en prend à Isabelle qu’il emprisonne à Paris, mais la famille veille, la comtesse de Dreux sera rapidement libérée. À Rome, le pape Léon tente d’épurer l’Église de ses vices les plus notoires. Cela ne se fait pas sans heurts, il est vaincu à Civitate et retenu prisonnier par les Normands d’Italie, tandis que ses émissaires prononcent la rupture avec le patriarche de Constantinople, c’est le grand schisme. Tibelle et Adémar rétablissent cependant les relations entre les Églises de Rome et de Constantinople, tandis que Guy-Lou obtient la libération du pape. Cependant Léon IX ne se remet pas de sa capture, il meurt en rentrant à Rome. Son successeur, Victor, est choisi par l’empereur Henri III. Pour clore ce volume, les trois enfants d’Adalmode et Aurèle : Mathilde, Emma et Lou, se marieront à Châlus, cédant à la tradition familiale des triples mariages.

Tome 11 : Régences

L’empereur de Germanie, Henri III, meurt brutalement, son fils, le futur Henri IV, n’a que six ans. Une régence dirigée par Agnès d’Aquitaine, l’épouse du défunt, débute en Germanie. Golet s’éprend d’Hermine, la fille aînée de Guy-Lou et Hélène. Il est anobli par Guillaume qui le nomme seigneur de Gisors. Le roi de France, Henri Ier, s’allie avec Geoffroy Martel d’Anjou, pour attaquer Guillaume de Normandie. Ce dernier remporte une victoire sur ses ennemis à Varaville. Igor et Bjarni II accompagnent Edgar l’Exilé, qui est de retour en Angleterre. Bjarni tombe amoureux de la sœur de lady Godiva, Roxana. Cette dernière part en Écosse, accompagner Duncan Canmore, qui veut venger la mort de son père. Bjarni l’accompagne pour la protéger, ils sont bientôt rejoints par Igor. Bjarni demande la main de Roxana sur le champ de bataille à Lumphanan. Le roi de France, dépressif depuis ses défaites contre les Normands, meurt à son tour, laissant lui aussi un fils de six ans et une régence à la tête de son royaume. Pendant ce temps-là, à Châlus, Sybille est devenue maître verrier. Lou de son côté sert Guillaume VII d’Aquitaine, mais le duc décède d’une dysenterie. De dépit, le Châlusien fracturera le nez du comte d’Anjou, une vieille tradition familiale. Le petit Lou III, le fils de Lou II et Sybille, tombe dans la Vienne, dans les bras d’Anne, sa grand-tante. Alors que cette dernière se noie, l’enfant est emporté par les flots dans son berceau et recueilli par des loups qui vont l’élever. À Limoges, les clunisiens s’installent à l’abbaye Saint-Martial, Adémar, le frère de Tibelle, est le premier abbé venu de la célèbre institution bourguignonne.

Tome 12 : Du duc au roi

Un ermite prénommé Étienne va s’installer à Muret, dans les forêts au nord d’Ambazac, il y rencontre un enfant élevé par des loups, qu’il baptise Lupus. Bjarni devient comte de Mercie sous le nom d’Edwin. Le pape Alexandre prêche une guerre sainte, qu’il appelle « croisade », contre les Maures d’Espagne. Dans cette armée du Christ, on retrouve de nombreux membres de la famille du seigneur de Châlus, qui seront tous écœurés par le grand massacre perpétré par les Chrétiens à Barbastro. En portant secours à une Sarrazine, Ajiba, la fille de l’émir de Saragosse, Guy va en tomber amoureux et il finira par l’épouser, s’installant à la cour de son beau-père. À la mort du roi d’Angleterre, Édouard le Confesseur, le Saxon Harold s’empare de la couronne. Guillaume de Normandie s’estime lésé, car cette couronne lui avait été promise. Le jeune duc prépare minutieusement une invasion de l’Angleterre pour aller prendre son dû. Harold est attaqué par les Vikings du roi Harald de Norvège, qu’il va vaincre et tuer à la bataille de Stamford Bridge. Pendant ce temps-là, Guillaume a débarqué dans le sud de l’Angleterre, il s’installe à Hastings, un petit village côtier. Harold traverse le pays à marche forcée pour aller rejeter à la mer les envahisseurs normands. La bataille a lieu sur la colline de Senlac à quelques lieues d’Hastings. L’issue en est indécise, mais Lou parvient à tuer le roi Harold d’une flèche tirée avec un arc métallique à longue portée qu’il a confectionné. Igor, Lou-Leif, Guy-Lou et Lou parviennent à faire une brèche dans la terrible ligne des Housecarls saxons, ce qui permet aux Normands de remporter la bataille. Épuisés, Guillaume et ses compagnons se couchent et s’endorment à même le sol sur le champ de leurs exploits.

Arbre généalogique

Il devient un peu difficile de s’y retrouver dans la descendance du seigneur de Châlus. Je vous conseille de vous reporter régulièrement à ce tableau si vous êtes perdu parmi les personnages de la famille de Lou et Mathilde.

En gras sont listés les descendants directs, en maigre les « pièces rapportées ».

En fond grisé, les personnages décédés au début de ce volume.

Localisation des différents membres de la familleau début de notre histoire

Cuisine bretonne

n ce début du mois de décembre de l’année de grâce 1066, Sénégonde apprit la nouvelle en même temps que toute la cour du duc Conan de Bretagne : Guillaume de Normandie avait remporté une importante victoire sur le sol anglais, au cours de laquelle il avait, paraît-il, occis son rival pour la couronne d’Angleterre, le Saxon Harold Godwinson.

Le duc Conan était en campagne au moment où cette nouvelle lui parvint. Profitant de l’affaiblissement des comtes d’Anjou et des occupations outre-mer de Guillaume, il avait entrepris de renforcer ses possessions vers le Maine. Il avait tout d’abord séjourné à Pouancé, fief de Sylvestre de la Guerche, un noble breton de ses proches. De là il avait pris Segré. Son désir était d’étendre les frontières de la Bretagne jusqu’à la Mayenne, telles que les avait définies son illustre prédécesseur le roi Erispoë deux siècles plus tôt. Pour ce faire il avait construit, entre les deux rivières de la Mayenne et de la Seiche, une ligne fortifiée s’étendant de Bazouges à Availle.

— Ainsi Guillaume est parvenu à vaincre Harold, déclara le duc Conan, je ne donnais pourtant par cher de ses chances quand il s’est embarqué à Saint-Valéry.

— Cela va l’occuper outre-Manche pour un moment, fit remarquer le beau-frère du duc, le comte Hoël de Cornouailles et de Nantes.

— En effet, car vaincre Harold est une chose, prendre la couronne d’Angleterre en est une autre, affirma Conan. Les Saxons sont une race indocile et ils détestent les Normands, je prédis de grandes difficultés pour notre ami Guillaume.

— Cela arrange assez bien nos affaires, intervint Havoise, la sœur du duc et épouse d’Hoël, tant qu’il est outre-Manche, Guillaume ne nous cherchera pas noise.

— Je pense que si noise il y avait, le Normand aurait quelques difficultés à faire valoir son point de vue, renchérit Conan.

— Il en va de même dans le duché d’Anjou, précisa Hoël, le torchon brûle entre Geoffroy et Foulques, ces deux-là se déchirent à qui mieux mieux.

— Voilà pourquoi, mes amis, il est temps que les Bretons s’enhardissent quelque peu, déclara Conan, je projette de prendre la forteresse de Château-Gontier dont Renaud II est le seigneur.

— Un piètre seigneur ! estima Sylvestre de la Guerche, à courtiser tantôt l’Anjou, tantôt la Bretagne.

— C’est exact et je compte bien le faire pencher définitivement vers la Bretagne, ajouta le duc, qu’en penses-tu mon ami Ulrich ?

Le jeune Germain, qui avait accompagné Sénégonde à la cour de Bretagne, était devenu le favori du duc. Il faut dire que si Conan n’avait pas le fâcheux penchant de son père pour la gent féminine (penchant qui avait poussé Brunehilde à l’occire), on commençait à se demander s’il n’avait pas un autre penchant, peut-être encore plus fâcheux aux yeux de l’Église : à trente-deux ans, toujours pas marié, il était soupçonné d’incliner plutôt pour la gent masculine. Quoi qu’il en soit, le bel éphèbe germain lui avait tout de suite tapé dans l’œil et lorsque Sénégonde et son garde du corps se présentèrent à sa cour avec les lettres de recommandation de l’empereur de Germanie lui-même, il confina sans hésitation la jeune fille dans ses cuisines, mais exigea qu’Ulrich soit attaché à sa garde personnelle. La fille de Guy-Lou avait trouvé la situation des plus cocasses, mais le Germain, qui n’avait quant à lui aucun penchant pour la bougrerie, trouva la chose beaucoup moins drôle.

— Je ne sais que dire, monseigneur, avoua Ulrich, Château-Gontier est un fief du Maine, Angevins et Normands se disputent cette région, je me demande s’il est opportun de venir s’en mêler.

— Ah ! beau comme un Dieu, mais pas politicien pour un sou notre Germain, se lamenta le duc. Bien sûr qu’il est opportun de s’en mêler ! C’est même l’occasion ou jamais.

— Probablement monseigneur, si vous le dites, acquiesça Ulrich, qui ne tenait pas à argumenter avec Conan.

— Nous mettrons l’ost en route dès demain, assura ce dernier. Mes amis, je ne vous retiens pas, une bonne nuitée nous fera le plus grand bien. Ulrich tu restes avec moi, j’ai encore deux trois choses à te dire.

Les membres du conseil de Conan quittèrent la tente de leur chef en échangeant des regards entendus : le duc voulait tâter du Germain, à n’en pas douter. Ulrich en était arrivé à la même conclusion et cela ne l’enchantait guère. Il se retrouva bientôt seul avec Conan, ne sachant trop que faire de sa grande carcasse.

— Ulrich mon cher, déclara le duc, j’ai le sentiment que tu es fort timide et mal à l’aise en ma présence. Je ne veux que ton bien, ne souhaites-tu pas devenir mon ami ?

— Votre ami, bien volontiers, monseigneur, assura le Germain.

— Eh bien, viens donc m’aider à me dévêtir et à passer ma chemise de nuit ! Entre amis, la chose est normale.

— Je vais appeler votre chambrière, monseigneur, proposa le jeune homme.

— Laisse donc cette fille où elle est ! répondit le duc, elle n’a aucune manière, comme la plupart des femmes d’ailleurs, n’es-tu pas de mon avis ?

— Euh ! bafouilla Ulrich, pas de manière… les femmes… oui, c’est certain.

— Voilà qui est heureux, reprit le duc, tu es de mon avis, allons ne sois pas timide, passe-moi donc cette chemise.

Tandis que Conan se dévêtait, la mort dans l’âme Ulrich saisit sur une chaise la tunique de nuit du duc. Bientôt Conan fut totalement nu, écartant les bras pour qu’Ulrich lui passe sa chemise. Le Germain s’énervait à en défaire les liens, tout en s’efforçant de ne pas voir le spectacle que lui exhibait le duc.

— Oh, on est ému ! ironisa le Breton, la vue de ton duc tout nu te donnerait-elle quelques troubles ?

— Ce n’est pas cela, monseigneur, plaida le Germain, mais les liens de cette maudite chemise sont noués si fort qu’il est difficile de les défaire.

Ulrich finit par ouvrir complètement le vêtement non sans avoir arraché deux ou trois de ces liens récalcitrants.

— Quelle violence dans tes gestes, mon cher Ulrich ! assura le duc en passant sa chemise, mais je ne déteste pas ça. On sent néanmoins que tu n’es pas habitué à vêtir ou dévêtir les hommes.

— Homme ou femme, monseigneur, je n’ai effectivement guère d’expérience dans ce domaine.

— Tiens donc ! notre beau Germain serait puceau, ironisa le duc. Comme la chose est touchante ! Je craignais que tu aies eu quelque commerce avec cette Germaine que tu as accompagnée.

— Avec damoiselle Sénégonde ? s’enquit Ulrich.

— Oui, cette cuisinière, elle pourrait plaire à certains hommes, je le crains, mais elle est un rien vulgaire, ne trouves-tu pas ?

Ulrich, qui était en grande adoration devant Sénégonde, se demanda bien comment Conan pouvait lui trouver un air vulgaire ; elle avait au contraire tout d’un ange à ses yeux. Le duc s’était mis au lit et il reprit la parole.

— Je vois que tu restes coi, mais ton silence en dit long : tu n’aimes guère les femmes, c’est bien ça ? Allez, éteins donc ma bougie, nous reparlerons de tout cela demain.

Ulrich, pas fâché de prendre congé du duc, se baissa pour souffler la chandelle au chevet de Conan ; ce dernier le saisit alors par les épaules et l’embrassa à pleine bouche. Le Germain, beaucoup plus fort que le duc, n’eut aucune peine à se défaire de cette étreinte qui l’avait pris au dépourvu. Le duc éclata de rire et reprit :

— Ah ! farouche et timide, mon beau Germain ; viens me voir demain au réveil, nous reprendrons cette discussion.

Ulrich remercia le ciel que la pénombre soit tombée sous la tente et que Conan ne puisse voir sa tête : il était à deux doigts d’étrangler le bonhomme, tout duc qu’il fût. Il quitta la tente à grands pas avant de commettre l’irréparable.

Sénégonde de son côté avait encore eu une dure journée. Elle devait jouer, depuis trois mois, le rôle d’une cuisinière venue de Germanie pour apprendre la manière d’accommoder les mets chez les Bretons. Rien de très amusant, d’autant plus que le maître queux du duc Conan n’était pas des plus agréables et avait, qui plus est, les mains baladeuses. Quand on lui avait présenté cette jeune Germaine venue pour apprendre son art, il l’avait trouvée beaucoup plus avenante que ses aides et assistantes cuisinières habituelles. Dès le lendemain de son arrivée, il avait réussi à coincer Sénégonde dans un débarras et à appliquer ses grosses pattes sur les fesses de la jeune fille à travers son bliaud. Cela lui avait valu un grand coup de louche sur le crâne, mais l’incident l’avait fait beaucoup rire.

— Ah ces Germaines, de vraies tigresses ! avait-il déclaré en retournant à ses fourneaux.

Depuis ce jour-là Sénégonde évitait soigneusement de se retrouver isolée avec le chef des cuisines, mais elle devait également se méfier de toute la gent masculine qui fréquentait les lieux. Depuis le départ en campagne du duc, les choses ne s’étaient pas arrangées le moins du monde, car Sénégonde devait également se protéger de tout l’état-major de l’ost breton, qui n’avait pas manqué de repérer cette belle cuisinière. Ulrich faisait ce qu’il pouvait pour éloigner tous ces prédateurs, mais le duc Conan le voulant auprès de lui, le jeune Germain était moins disponible pour assurer sa mission de protection. Sénégonde en était là de ses réflexions et elle s’apprêtait à se dévêtir pour se coucher quand elle entendit justement la voix d’Ulrich qui l’interpellait au-dehors :

— Damoiselle Sénégonde, puis-je entrer ? demandait le Germain.

— Vous le pouvez, messire Ulrich, répondit la jeune fille, intriguée par cette requête.

Le jeune homme pénétra sous la tente et sans prendre la peine de saluer la locataire des lieux, avisant une cruche pleine d’eau, il se jeta dessus et y fit rapidement quelques ablutions pour se laver la bouche et les lèvres, sur lesquelles il sentait encore le baiser du duc.

— Sommes-nous à court d’eau dans le camp, que vous deviez venir chez moi pour y faire votre toilette ? s’enquit la jeune fille, estomaquée par le comportement d’Ulrich.

— Il faut le pourfendre, répondit le Germain, tout de suite, l’estourbir, la chose ne peut attendre.

— Qui donc ?

— Le duc, nous sommes venus pour ça, eh bien faisons-le, il faut le tuer !

— Mais pourquoi donc ? demanda Sénégonde, Guillaume a bien dit de ne l’occire que s’il devenait menaçant pour les terres de Normandie.

— Il projette de prendre Château-Gontier, répliqua Ulrich, il dépasse donc les frontières de la Bretagne, la prochaine étape sera Falaise.

— Comme vous y allez ! s’étonna Sénégonde, certes Château-Gontier est tourné vers le Maine et donc désormais la Normandie, mais tout de même, de là à attaquer Falaise, il reste au moins 150 lieues à parcourir.

— Il est capable de tout, rien ne l’arrêtera, je le sens bien.

— Hier encore, vous me disiez que le duc n’était pas une grave menace pour Guillaume.

— Oui, mais là, il a passé les bornes, il a…, il a…

— Il a quoi ? demanda Sénégonde qui voyait bien qu’il fallait tirer chaque mot de la bouche d’Ulrich.

— Il a essayé de m’embrasser, voilà ! avoua le Germain, révulsé rien qu’en prononçant le mot.

— Ah ! c’est donc cela, s’esclaffa Sénégonde. Mais moi je passe mes journées à éviter de tels désagréments !

— Mais la chose est très différente, s’exclama Ulrich, c’est dégoûtant !

— Ah oui, parce que vous ne trouvez pas dégoûtant que tous les mâles avinés de ce camp veuillent me voler un baiser ou me tripoter le croupion ? s’insurgea Sénégonde. Ça vous fait le plus grand bien de voir ce qu’est la vie d’une femme au milieu de la gent masculine.

— Pardonnez-moi, se reprit Ulrich, songeant qu’effectivement les femmes n’avaient pas tous les jours la vie rose, j’avoue que je n’avais pas réalisé ce que c’était que d’être harcelé de la sorte.

Voyant qu’elle avait touché son compagnon, Sénégonde entreprit de le taquiner en peu.

— À voir votre empressement à vous laver la bouche, j’en conclus qu’il a fait plus qu’essayer de vous embrasser. Lui avez-vous rendu son baiser au moins ?

— Par le Christ, Sénégonde ! pour qui me prenez-vous ? Ne plaisantez pas de la sorte, c’est là sujet trop grave

— Pardonnez-moi, reprit la jeune fille, qui ne put retenir une perfidie : ainsi, vous n’êtes pas bougre ? ajouta-t-elle.

— Mais enfin, qu’est-ce qui a pu vous faire croire que je pourrais être atteint d’une telle perversité ?

— À dire vrai, vous êtes bien le seul dans ce campement, avec le duc justement, à ne pas avoir tenté de me courtiser, alors je me demandais…

— Par tous les saints madamoiselle ! j’ai pour mission de vous escorter et de vous protéger, messire Guy-Lou vous a confiée à ma garde, il ne saurait être question de vous offenser de la moindre des façons en vous courtisant !

— Ah bon ! déclara Sénégonde, boudeuse.

— Eh bien… c’est-à-dire, bafouilla Ulrich, que ce n’est pas l’envie qui m’en manque, il faut bien l’avouer, mais le devoir…

— … Ah oui, le sens du devoir des Germains ! soupira Sénégonde. Bon, revenons-en au duc Conan, ajouta-t-elle, changeant de sujet. L’envoyer ad patres simplement parce qu’il est bougre me semble tout de même un peu sévère.

— Mais enfin, reprit Ulrich qui cherchait d’autres arguments et fut heureux d’en trouver un, il a dit que vous étiez vulgaire.

— Il a dit ça ?

— Par la croix, je le jure !

— Vous avez raison Ulrich, il faut l’occire de toute urgence.

Le duc Conan fut tiré de son sommeil par les premiers rayons du soleil que la fine toile de sa tente ne parvenait pas à arrêter totalement.

— Qu’on apporte mon déjeuner ! lança-t-il à sa domesticité qui se trouvait au-dehors.

Une minute plus tard, sa chambrière pénétra sous la tente, transportant sur un plateau le brouet que le duc prenait chaque matin.

— Comment se fait-il qu’Ulrich ne me serve pas lui-même mon repas ? demanda le duc.

— Le jeune Germain est souffrant ce matin, déclara la servante, mais c’est lui qui a préparé votre soupe, il a même dit qu’il avait mis toute son affection dans cet ouvrage.

— Bien, reprit le duc, « l’affection » d’Ulrich lui suffisant pour le moment, va lui dire tout de même que malade ou pas, je veux le voir sous ma tente dans une heure au plus tard.

— Il sera fait selon votre désir, monseigneur, assura la servante avant de se retirer.

Conan but son brouet d’un seul trait. Il avait deux forteresses à prendre dans la journée, qui s’annonçait belle : Château-Gontier et un beau Germain, et il ne doutait pas de son succès sur les deux fronts. Ses pensées cependant s’arrêtèrent là, il tomba foudroyé, raide mort, sans comprendre ce qui lui arrivait.

Sa chute provoqua quelque bruit, car il renversa la table sur laquelle la servante avait déposé le déjeuner. Un garde passa son nez par l’entrée de la tente pour voir si tout allait bien et c’est lui qui donna l’alarme.

Cinq minutes plus tard, le comte Hoël, son épouse Havoise et Sylvestre de la Guerche étaient sous la tente et ne pouvaient que constater le décès de leur maître.

— Il a été empoisonné, c’est sûr, constata Hoël, il a encore son bol de soupe à la main.

— Qui a servi le déjeuner du duc ce matin ? lança Sylvestre aux gardes qui se trouvaient là.

— La chambrière, répondit l’un d’entre eux.

On mit cinq minutes pour trouver la malheureuse servante, qui éclata en sanglots en voyant le duc mort au milieu de sa tente.

— Est-ce toi qui as mis quelque poison dans la soupe de mon frère ? demanda Havoise.

— Oh non, madame, je le jure sur la sainte mère de Dieu !

— Qui a préparé le déjeuner du duc ? s’enquit à son tour Hoël, qui doutait que cette servante terrorisée ait pu attenter à la vie de Conan.

— C’est le seigneur Ulrich et la cuisinière germaine qui ont tout apporté ce matin, expliqua la servante entre les sanglots.

— Trouvez-moi les Germains, ordonna Hoël.

Il fallut un bon quart d’heure aux gardes du duc pour s’apercevoir qu’Ulrich et Sénégonde étaient introuvables. Enfin on amena un palefrenier qui expliqua que les deux Germains étaient venus le matin de bonne heure chercher leurs chevaux pour partir en promenade dans le voisinage.

Hoël lança plusieurs groupes de soldats dans les différentes directions, à la poursuite des fugitifs. Tous revinrent bredouilles dans la journée, mais on sut que les probables assassins du duc avaient pris la route du nord-est, celle qui menait vers la Normandie.

Édith au Col-de-Cygne

’est le lendemain de la bataille d’Hastings, au petit matin, quand il s’éveilla sur le champ de bataille, couché sur son manteau au milieu de ses compagnons morts et vivants, que Guillaume réalisa l’ampleur de sa victoire mais aussi l’horreur des lendemains de carnage. Les détrousseurs de cadavres étaient déjà passés, ils avaient œuvré toute la nuit, profanant les corps, les dénudant pour emporter armes et habits, coupant les doigts pour arracher les bagues, les têtes pour emporter les précieuses brognes. La rapacerie n’avait pas de patrie, Saxons et Normands étaient dépouillés de la même manière. Au bord de la nausée en découvrant cela, Guillaume, préoccupé, se leva. Il secoua Igor et Lou-Leif qui dormaient à quelques coudées de lui.

— Mes amis, déclara le duc, des tâches moins glorieuses nous attendent aujourd’hui, il nous faut retrouver le corps d’Harold.

— Il n’est pas bien loin, assura Lou-Leif en s’étirant, nous l’avons laissé juste en haut de la butte.

— Que voulez-vous faire de sa dépouille ? s’étonna Igor.

— L’authentifier dans un premier temps, veiller à le mettre en terre ensuite ; je ne tiens pas à ce que des rumeurs de survie de mon ennemi prennent naissance, ce serait source de révoltes ou au moins de résistance des Saxons.

— Eh bien, on peut dire que tu as de la suite dans les idées ! assura Guillaume Fitz Osbern. Ne pourrions-nous pas savourer cette victoire un peu tranquillement, au moins quelques jours, avant de nous remettre à la tâche ?

— Mon ami, nous n’avons encore rien gagné, décréta le duc, la couronne d’Angleterre n’est pas sur ma tête et je gage qu’elle ne va pas y venir toute seule.

— Bon, bon, on va le chercher ton Saxon, maugréa Guillaume en étirant lui aussi ses longs abattis.

L’heure était à l’inventaire des blessures, domaine dans lequel les membres de la famille du seigneur de Châlus étaient parmi les mieux pourvus. Pour commencer Lou avait une longue entaille sur le bras gauche, celui qui avait lâché la flèche fatale à Harold.

— Normal que tu gardes une cicatrice sur le bras qui a occis un roi, commenta Igor, qui avait lui-même des ecchymoses multiples et du sang plein le visage.

— Tu dois avoir le crâne percé comme un panier, pour avoir autant saigné, assura Lou-Leif en regardant la mine patibulaire de son beau-frère.

— Bah ! le crâne est la partie la moins utile chez les Varègues, intervint Golet qui portait, quant à lui, un gros bandage sur le chef, il eût été beaucoup plus désolant qu’il s’endommageât un bras. Pour moi, en revanche, la tête est ce que j’ai de plus utile et je me la suis fait bien concasser.

— Oui, bien je ne sais pas pour vous, déclara Guy-Lou, pour ne pas s’éterniser sur le crâne de Golet, mais ces grandes chamailleries commencent à me peser, je n’ai pas un pouce de peau sans entaille et pas un os qui ne grince, ce matin.

— Il faut dire que tu es le plus vieux de notre bande, oncle Guy-Lou, assura Pierre, ces affaires ne sont plus de ton âge, tu devrais songer à te retirer dans quelque monastère.

— Non mais dis donc, vil marmot ! répondit le Germain, je n’ai que cinquante et un ans et ton père Lou-Leif en a cinquante, cela nous laisse encore de nombreuses années pour tanner le râble des jeunots de ton genre.

Tandis que les Limousins se brocardaient mutuellement, fidèles à la tradition familiale, les hommes de Guillaume cherchaient toujours le cadavre d’Harold. Bientôt on présenta au duc un corps nu et affreusement défiguré.

— Je crois bien que c’est ce bâtard d’Harold, Votre Seigneurie, assura l’homme qui avait retrouvé le corps.

— Impossible d’en être certain, constata Guillaume, plutôt horrifié par le spectacle des présumés restes de son ennemi.

— Je sais comment on pourrait s’en assurer, Votre Seigneurie, reprit l’homme qui semblait avoir de la ressource. Nous avons capturé toute la domesticité du Saxon et il y a parmi ces gens-là une fort belle pouliche qui était, paraît-il, la maîtresse de votre ennemi. Sûr qu’elle saura reconnaître certaines parties de son corps que les détrousseurs n’ont pas emportées.

L’idée parut assez saugrenue à Guillaume, mais après tout pourquoi pas, songea-t-il. Le maraud qui avait fait cette proposition partit en courant chercher la captive. Il revint bientôt, tirant par le bras et sans ménagement une jeune fille fort belle, mais qui paraissait terrorisée.

— Monseigneur, je vous présente la plus belle fille du sud de l’Angleterre à ce que l’on dit, Édith au Col-de-Cygne, comme l’appellent ces maudits Saxons. Elle a sûrement vu le comte de Wessex d’assez près pour le reconnaître en toutes circonstances, même après sa mort, plastronna l’homme en éclatant de rire.

Sa diatribe ne fit rire que lui. Guillaume et ses compagnons étaient émus par le désarroi de cette jeune fille et par sa grâce, qui justifiait parfaitement son surnom tant son port de tête, sur un cou des plus gracieux, évoquait effectivement un cygne.

— Lâche-la, maraud ! ordonna Guillaume. Damoiselle Édith, reprit-il, se tournant vers la malheureuse, nous avons une tâche désagréable à vous confier : seriez-vous capable de reconnaître le corps d’Harold Godwinson ?

La jeune Saxonne comprit enfin pourquoi on l’avait traînée jusque-là. Un nouveau malheur, après ceux qui s’étaient abattus nombreux sur elle ces derniers jours. Tout avait commencé l’avant-veille, lorsque Harold et ses Housecarls étaient arrivés dans la région. Le roi avait demandé qu’on lui amène la plus belle fille du comté. L’avis des gens du voisinage avait été unanime : Édith, dite « au Col-de-Cygne », la fille du shérif de Romney. C’est ainsi que la veille de la bataille, Harold avait invité cette Édith à sa table, l’intronisant sa maîtresse. Le roi avait assuré que forniquer avant la bataille était une vieille coutume saxonne qui devait immanquablement assurer la victoire. N’ayant pas le temps de faire venir Édith de Mercie, son épouse, qui était à Londres avec ses frères Edwin et Morcar, il comptait pour satisfaire à cette vieille tradition passer ses envies sur cette autre Édith, qui avait l’avantage d’être par ailleurs parfaitement charmante. Le fait que la jeune fille ne soit pas consentante et qu’il s’agisse d’un viol ne semblait pas être un problème dans les coutumes saxonnes.

Le roi d’Angleterre était en tenue d’Adam, ayant arraché les vêtements de la malheureuse Édith pour en faire son Ève, quand son frère Gyrth était venu l’interrompre dans ses élans : les Normands venaient de quitter Hastings et marchaient vers la colline de Senlac sur laquelle était massée l’armée des Saxons.

— Tu ne perds rien pour attendre, ma belle ! avait assuré Harold. Reste dans cette tenue, il ne me faudra guère de temps pour rejeter ce bâtard de Guillaume à la mer et je reviens.

Dieu merci, Harold n’était pas revenu ! Mais les malheurs d’Édith n’avaient pas cessé pour autant : les Saxons avaient été défaits et son père et ses deux frères tués dans la bataille. Et maintenant, voilà qu’on lui demandait de visiter un charnier pour y reconnaître le corps qu’elle avait aperçu nu la veille entre deux sanglots. Guillaume amena la jeune fille devant un cadavre horrible : le visage, une bouillie de chairs, était totalement méconnaissable ; les deux mains, qu’avaient dû orner des bagues de valeur, étaient amputées. Édith eut un haut-le-cœur, mais parvint à dominer son dégoût et ses craintes. Elle savait qu’elle pourrait reconnaître un signe sur la dépouille d’Harold : durant sa tentative de viol, le roi avait exhibé une longue cicatrice sur son flanc droit, témoin de quelque ancienne bataille. Jetant un œil sur le cadavre à ses pieds, elle vit cette cicatrice, au milieu d’autres toujours béantes.

— C’est bien le roi Harold, murmura Édith.

— En êtes-vous certaine ? insista Guillaume.

— Oui, répondit simplement la Saxonne. L’homme qui a essayé de me violer hier avait cette marque sur le corps, ajouta-t-elle en montrant l’ancienne cicatrice sur le flanc du cadavre.

— Fort bien, damoiselle Édith, merci de votre aide, déclara Guillaume satisfait. Ramène-là auprès des siens et veille à ce qu’il ne lui arrive rien, reprit-il, s’adressant à l’homme qui avait amené la jeune fille.

— Entendu, monseigneur, assura le gaillard.

Pierre, qui se trouvait au côté de Guillaume, place habituelle de l’écuyer auprès de son seigneur pendant et après la bataille, ne put refréner un élan de pitié pour cette malheureuse fille. Il regarda s’éloigner le soldat de Guillaume qui avait repris le bras de la donzelle et la ramenait tout aussi brutalement qu’il l’avait amenée. Il fut ulcéré par cette violence gratuite.

— Monseigneur, puis-je suivre ce maraud ? demanda-t-il à Guillaume, je crains qu’il ne vous désobéisse et ne violente cette jeune fille.

— Tiens donc ! ironisa Guillaume, mon écuyer aurait-il envie de jouer les preux chevaliers servants, pour secourir une belle damoiselle en détresse ?

— Il aurait en cela fort bon goût, assura Golet, cette Édith, avec son col de cygne, a de quoi émouvoir tous les canards de la mare.

— Va Pierre, reprit le duc, tu as raison, je n’ai qu’à demi confiance dans ce soudard et je n’aimerais pas qu’il arrive malheur à cette petite.

Pierre partit dans la direction prise par l’homme et la pauvre Édith. Pendant la discussion il les avait perdus de vue. Une grande agitation régnait sur la colline de Senlac : les soldats de Guillaume étaient en train de faire le tour du champ de bataille pour rassembler les cadavres des Normands afin de les mettre en terre. Les dépouilles des Saxons resteraient sur place ; les gens du voisinage viendraient bien les ensevelir plus tard, à moins qu’ils ne les laissent aux charognards : ce n’était pas le problème des vainqueurs.

Au milieu de cette grande cohue, Pierre cherchait la trace du soldat et d’Édith. Il arriva en bordure du petit bois qui jouxtait le champ de bataille vers l’ouest. Il commençait à se dire qu’il ne les retrouverait pas, quand il entendit des cris venus d’un peu plus loin dans le bois. Il partit en courant dans cette direction car les cris qu’il entendait étaient ceux d’une femme que l’on était manifestement en train de molester. Pierre déboucha rapidement dans une petite clairière où il découvrit l’homme de Guillaume, couché sur Édith et qui tentait manifestement de satisfaire lui aussi à la vieille coutume saxonne, même si cette fois-ci c’était après la bataille. La jeune fille se débattait, mais son agresseur était puissant et nettement plus volumineux qu’elle.

— Vas-tu te taire, chienne de Saxonne ! cria-t-il, ou je te tranche la gorge.

Il n’eut pas le temps d’en dire ni d’en faire davantage, Pierre l’avait attrapé au collet et fait rouler en arrière. Édith en profita pour se dégager. L’homme, furieux, se releva d’un bond et reconnut l’écuyer du duc Guillaume. Il lui fallait le tuer, sinon ce maudit jouvenceau irait tout rapporter à son maître et il finirait la journée avec une belle corde normande autour du cou. Pierre n’avait ni arme, ni heaume, ni brogne, il ne portait que la tunique et les braies dans lesquels il avait dormi. Le soldat sortit une dague de sa ceinture et se rua sur lui. Il eut tout juste le temps d’éviter un premier coup de couteau, qui entailla néanmoins sa tunique. Le maraud avait bien l’intention de le tuer, réalisa Pierre, ce serait une lutte à mort et il n’avait que ses deux mains à opposer à la lame de ce coupeur de jarret. Pierre n’était cependant pas un néophyte dans l’art de se battre : on n’était pas le fils de Lou-Leif et le neveu d’Igor sans que cela ne fasse de vous un rude guerrier.

Cependant le soldat de Guillaume était lui aussi un solide combattant, expérimenté et rusé. Ce jouvenceau évitait sa lame avec beaucoup d’adresse, mais il savait qu’il finirait par l’avoir ; il suffisait de patienter : avec la fatigue, il serait en retard sur une esquive et alors son couteau commencerait à lui entailler le cuir, le début de la fin.

Pierre en était arrivé aux mêmes conclusions : il ne faisait guère plus qu’éviter l’arme de son ennemi, qui ne se découvrait pas ; l’homme frappait de manière précise, certes dans le vent pour le moment, mais finirait bien par le toucher. Il en était là de ce constat préoccupant, quand il vit tout d’un coup son adversaire s’écrouler sur place. Édith apparut derrière la volumineuse carcasse du maraud, un gros morceau de bois à la main : la jeune fille avait assommé le soldat normand. En y regardant le plus près, Pierre constata qu’elle avait fait plus que l’estourbir : le cou faisait un angle plutôt disgracieux, il était manifestement disjoint et l’homme était mort. En relevant les yeux vers Édith, le jeune homme constata qu’elle tenait toujours son morceau de bois fermement à deux mains, prête à en faire usage à nouveau si Pierre tentait quoi que ce soit contre elle.

— N’ayez crainte madamoiselle, assura-t-il, le duc Guillaume m’a envoyé pour veiller à ce que rien de fâcheux ne vous arrive, il n’avait pas confiance dans ce rustre, à juste titre semble-t-il.

La jeune fille ne répondit rien à cela, agrippant le morceau de bois, bien décidée à s’en servir.

Voyant qu’il n’avait en rien gagné sa confiance, Pierre reprit :

— Suivez-moi, je vais vous accompagner au camp des prisonniers.

— Non, répondit Édith avec détermination.

— Pourquoi non ? s’étonna le jeune homme, vous y serez en sécurité.

— Les prisonniers sont probablement déjà tous morts avec un traitement spécial pour les femmes, qui auront été violées auparavant, assura la jeune fille.

— Certainement pas ! s’offusqua Pierre, jamais Guillaume n’autoriserait une chose pareille, les Normands ne sont pas de cette race.

— Eh bien dites à votre duc qu’il se dépêche de donner ses ordres, lança Édith avec colère, car sa race a commencé la tâche ce matin de bonne heure, et je n’ai dû mon salut qu’à ce bâtard qui est venu m’extraire des pattes de ses collègues pour la raison que vous savez.

Pierre en resta bouche bée ; était-il possible que les Normands se livrent à de telles horreurs ?

— Je n’en crois rien, répondit-il, mais je vous amènerai où vous le désirez. Où serez-vous en sécurité ?

— Le plus loin possible de votre armée, assura la jeune fille qui n’avait toujours pas lâché sa branche.

— D’où êtes-vous exactement ? s’enquit Pierre.

— De Romney.