La Saga des Limousins - Tome 14 - Yves Aubard - E-Book

La Saga des Limousins - Tome 14 E-Book

Yves Aubard

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Beschreibung

Dans ce roman historique, un enfant disparu a bien du mal à admettre qu'il n'est pas un loup...

Dans ce volume, nous retrouverons un enfant disparu qui aura quelques difficultés à admettre qu'il n'est pas un loup. Nous verrons également le début des luttes et de la querelle dite « des investitures » entre la papauté et les empereurs de Germanie, qui durera plusieurs décennies. En Angleterre, Guillaume aura bien du mal avec ses barons et de l'autre côté de la Manche, avec son fils aîné, tous rebelles à son autorité. Philippe, le roi de France, ne manquera pas de se réjouir des difficultés de son puissant voisin. Enfin, nous assisterons à la mainmise progressive des Normands sur le sud italien, d'où ils chasseront progressivement les Lombards, les Byzantins et les Arabes. Naturellement, les descendants du seigneur de Châlus seront aux premières loges de tous ces événements et même bien souvent sur la scène elle­même.

Installez-vous, tout comme les descendants du seigneur de Châlus, aux premières loges de ces événements historiques rocambolesques !

EXTRAIT

— On dit qu’ils sont menés par un être maléfique, lança un autre homme à l’air hirsute, plusieurs d’entre nous l’ont vu.
— Allons bon ! s’impatienta le vicomte, voilà maintenant que c’est le diable en personne qui les mène. Et à quoi ressemble-t-il, votre « diablotin », il a la queue fourchue ?
— Point de queue, reprit le chef, il a le poil noir comme les loups, mais il court debout comme un humain, il a des bras à l’avant et des pattes de loup à l’arrière.
— Il a des griffes et des crocs, ajouta le vieux souffreteux.
— Vous dites que ces loups n’attaquent pas les humains, intervint l’abbé, mais j’ai su que l’année passée, deux marauds ont voulu détrousser l’ermite étienne et que les loups les ont mis en pièces.
— C’est vrai, admit un vilain qui n’avait encore rien dit, d’ailleurs l’ermite semble être de connivence avec ces bêtes, c’est peut-être même lui qui les commande.
— Fichez donc la paix à étienne ! s’impatienta l’abbé, il est bien incapable de nuire à quiconque, il passe ses journées en prières et c’est un saint homme.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

À propos du tome 1 : Je tire ici officiellement mon heaume à Yves Aubard, son travail est tout simplement prodigieux. Il faut posséder de vastes connaissances sur l'époque et en être passionné pour écrire avec autant de talent et de précision, je suppose aussi pour l'avoir vécu, qu'il a procédé à un nombre incalculable de recherches et s'est documenté avec force professionnalisme.- Sebastien Vidal, Le Souffle des mots

À PROPOS DE L'AUTEUR

Né en 1957, Yves Aubard est professeur de gynécologie au CHU de Limoges.
Dans ce nouvel ouvrage, il nous emmène du nord au sud de l'Europe pour vivre les grands événements de cette période : la première « guerre sainte» en Espagne et la fondation d'un nouveau royaume d'Angleterre. Ses héros limousins seront encore sur tous les fronts ...

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La Saga des Limousins

Tome 14 : L’Enfant loup (de Pampelune à Canossa)

(1073-1079)

www.gesteditions.com

© – 79260 La Crèche

Tous droits réservés pour tous pays

Yves AUBARD

La Saga des Limousins

Tome 14 : L’Enfant loup (de Pampelune à Canossa)

(1073-1079)

Livres du même auteur, déjà parus aux éditions La Geste

Dans la série « La Saga des Limousins »

– Tome 1 : Le Seigneur de Châlus, du Limousin au Périgord – octobre 2012

– Tome 2 : L’An Mil, de Rome en Anjou – mars 2013

– Tome 3 : Les Grands Voyages, de Salerne aux Vikings –septembre 2013

– Tome 4 : Le Roi Robert, de la Bourgogne à Jérusalem – mars 2014

– Tome 5 : Racines et honneurs, de Barcelone à Ispahan –septembre 2014

– Tome 6 : Troisième Génération, de Sens à Dreux – mars 2015

– Tome 7 : Le Roi Henri, de la Normandie à Châlus – septembre 2015

– Tome 8 : La Main de Fer, de Bretagne en Hongrie – mars 2016

– Tome 9 : Du Bâtard au Duc, de Val-ès-Dunes à Kiev – octobre 2016

– Tome 10 : Le grand schisme, de Rome à Constantinople –mars 2017

– Tome 11 : Régences, de Germanie en Francie – octobre 2017

– Tome 12 : Du Duc au Roi, de Barbastro à Hastings – mars 2018

– Tome 13 : Les brodeuses, de Cantorbéry à Bayeux – octobre 2018

Hors série « Saga des Limousins »

– Le Sang et la Pierre – mars 2017

– Ambroise – mars 2019

Dans la série « 7 »

– 7 opus 1 – mars 2016

– 7 opus 2 – mars 2017

– 7 opus 3 – mars 2019

Résumés des tomes précédents

Tome 1 : Le Seigneur de Châlus

En l’an 968, sous le règne du roi Lothaire, Tristan, le forgeron du village de Châlus, en Limousin, trouve en forêt un enfant abandonné âgé de deux ans environ, qu’il fait baptiser du nom de Lou par Ignace, le curé du village. Lou grandit dans le foyer de Tristan et Gilberte, et son père l’initie au travail de la forge. Lou épouse Mathilde, jeune guérisseuse du village. Ils auront trois enfants, Eudes, Jean et Isabelle. Lou sauve la vie de son seigneur, le vicomte Guy de Limoges. Guy l’anoblit pour le remercier et lui confie le fief de Châlus avec mission de le fortifier. Peu après le miracle des Ardents à Limoges, les Périgourdins assiègent, sans succès, Lou dans son fief. Le vicomte Guy et ses Limousins décident de mener campagne en Périgord pour punir leurs belliqueux voisins. Boson le Bel, le chef périgourdin, s’est réfugié dans le château de Commarque, au sud-est de ses terres. L’armée limousine met le siège devant cette forteresse et finira par la prendre après moult péripéties, rétablissant Boson le Vieux, le comte légitime du Périgord, dans ses prérogatives.

Tome 2 : L’An mil

Grimoald, l’évêque d’Angoulême, dérobe les présents faits au mariage de Will (un compagnon d’armes de Lou) et Jeanne. Il est démasqué par Lou et ses fils, et il est emmené prisonnier à Limoges. Lou et toute sa famille accompagnent Guy qui va à Rome, accompagné de Grimoald, pour le faire juger par le pape Sylvestre. Jean devient un élève du pape. Il se lie d’amitié avec Avicenne et tombe amoureux d’Anne. Mais Sylvestre meurt, Jean et Anne doivent quitter Rome et rentrent en Limousin. À Limoges, Foulques Nerra, le comte d’Anjou, demande à Guy la main de sa fille Hermine. Eudes et Hermine découvrent qu’ils s’aiment. Foulques Nerra a organisé un grand tournoi pour fêter son mariage avec Hermine. Les joutes sont sanglantes. Foulques tente de faire assassiner Lou et sa famille, tandis que Jean utilise les terreurs nocturnes du comte d’Anjou pour le faire renoncer à la main d’Hermine. Eudes et Hermine s’aiment, mais un fils de seigneur ne peut demander la main d’une fille de vicomte. Jean n’ose déclarer sa flamme à Anne, qui se lasse et décide de quitter Limoges pour aller servir le duc d’Aquitaine. Ainsi les deux fils de Lou ont des chagrins d’amour. Jean, très déprimé, décide de partir pour étudier la médecine à Salerne.

Tome 3 : Les Grands Voyages

Jean arrive à Salerne. Il y obtiendra son diplôme de médecin et deviendra l’amant de Christine, un magister de l’école. Il apprend que Christine est enceinte de lui peu de temps avant d’être incarcéré à Naples car il a tué Etarus, un autre magister de l’école, pour venger la mort d’un ami. Pendant ce temps-là, en France, Eudes s’illustre dans les tournois, et Guy accepte de lui donner la main d’Hermine. Lou et ses enfants décident d’aller porter secours à Jean, ils parviennent à le libérer par la ruse ainsi que son compagnon de prison : Knut, le fils du roi du Danemark. Les Limousins rentrent à Châlus. Guy décide de marier son fils Adémar à Sénégonde du Périgord, et Jean retrouve Anne, à laquelle il déclare son amour. Ce sont donc trois mariages, avec celui d’Eudes, qui sont célébrés à Limoges. Peu après, Emma, Mathilde et Isabelle sont enlevées par des Vikings. Lou, ses fils et quelques compagnons partent pour libérer les femmes enlevées. Ils y parviendront mais devront voyager jusqu’au mythique Vinland. Isabelle y trouvera un époux viking, Bjarni, et Anne donnera naissance à Jason après une opération miraculeuse. Lou et ses compagnons regagnent ensuite le Limousin. Eudes découvre qu’Hermine a mis au monde sa fille Adalmode. Jean reçoit un courrier de Christine lui annonçant la naissance de leur enfant, Trotula.

Tome 4 : Le Roi Robert

Lou et ses enfants font la connaissance de Robert II, le roi de France. Ce dernier propose à Jean, Anne, Isabelle, Eudes et Bjarni de rentrer à son service. Les jeunes gens acceptent. De leur côté, Guy, Lou, Mathilde, Raoul de Couhé et Aline de Bruzac partent en pèlerinage à Jérusalem. Sur leur route, ils sont incarcérés à Mâcon par l’évêque Brunon de Roussy. Eudes, Isabelle, Jean et Bjarni parviendront à les libérer. Les pèlerins reprennent leur route vers Jérusalem. Ils assistent au massacre des Bulgares par le basileus à la bataille de la Passe de Kleidion. En France, grâce à Eudes et Bjarni, la ville de Sens tombe et Dijon ouvre ses portes au roi, qui prend ainsi possession du duché de Bourgogne. Hermine a accouché à Limoges de Guy-Lou, son second enfant. Jean, Eudes, Anne et Bjarni partent en Italie pour assister au sacre de l’empereur germanique Henri II et ils poussent jusqu’à Salerne. Pendant ce temps, les pèlerins ont visité Jérusalem et ils sont repartis par la mer. Ils font une halte à Salerne, ce qui leur permet d’aider Eudes, Bjarni et Jean à repousser une attaque sarrazine. Puis tout le monde rentre en France. Foulques Nerra remporte la victoire de Pontleroy sur Eudes de Blois, mais il échoue à prendre la ville de Tours. Tandis qu’Isabelle met au monde un garçon, Lou-Leif, le roi Robert fait couronner Hugues, son fils aîné, à Compiègne.

Tome 5 : Racines et honneurs

Ignace donne un indice à Lou qui lui permet de retrouver ses origines : le seigneur de Châlus est un descendant des comtes de Barcelone. Pour retrouver ses racines, Lou se rend en Catalogne avec Mathilde, Eudes et Robert de Ruffec. Lou aide la comtesse de Barcelone à repousser une attaque des Sarrazins et découvre qu’il a une sœur, Clémence, qui va épouser Robert de Ruffec. Lou renonce à revendiquer des droits en Catalogne et il rentre dans son fief de Châlus. Adémar de Chabannes et les moines de Limoges prétendent que saint Martial fut contemporain du Christ et serait donc le treizième apôtre. Le roi Robert condamne au bûcher des hérétiques à Orléans. Les enfants de Lou, accompagnés de Bjarni et Nénad, décident d’aller libérer Avicenne qui est emprisonné à Hamadhan, en Perse. En route, ils croiseront l’empereur Henri II, Étienne, le roi de Hongrie, et Basile II, l’empereur de Constantinople. Jean découvre la formule du feu grégeois, ce qui permet de prendre la ville d’Hamadhan et de libérer Avicenne. Le roi Robert récompense ses fidèles dès leur retour en France : Isabelle et Bjarni se voient attribuer le comté de Dreux, Eudes et Hermine, celui de Sens, tandis que Jean et Anne sont faits seigneurs de Noisy. Hugues, le fils aîné du roi, meurt du « mal du côté », au grand désespoir de Jean. La mort frappe également l’empereur Henri II, le pape Grégoire VII, l’empereur Basile II et le vicomte Guy de Limoges. Jean parvient à découvrir la manière de soigner le mal du côté et guérit ainsi Lou-Leif qui en était atteint.

Tome 6 : Troisième Génération

Les enfants de Lou sont menacés de toutes parts : Isabelle et Bjarni sont emprisonnés à Rouen par Richard III, le nouveau duc de Normandie, Jean est enlevé par Eudes de Blois qui veut lui faire avouer la formule du feu grégeois et Eudes est assiégé à Sens par ce même Eudes de Blois. Lou et ses vieux compagnons décident d’aller porter secours aux enfants, car le roi Robert dispose de peu de moyens. Tandis que Jean s’enfuit tout seul, il rejoint la troupe de Lou et, ensemble, ils parviendront à libérer Isabelle et Bjarni et à mettre en déroute les armées d’Eudes de Blois qui faisait le siège de Sens. Jason et Adalmode participeront largement à ces succès. Jason va suivre les traces de son père : il part faire des études de médecine à Salerne. Il y tombe amoureux d’Abella, jeune étudiante italienne, et il sauve Trotula, sa demi-sœur, d’un « faux germe de la trompe ». En France, Adalmode succombe au charme d’Aurèle, un jeune novice, qui renonce à ses vœux pour elle.

Il y aura à nouveau un triple mariage à Châlus : Jason épouse Abella, Trotula épouse Gariopontus (un collègue salernitain) et Adalmode épouse Aurèle. Les enfants du roi Robert se révoltent contre leur père, Eudes et Bjarni les ramèneront dans le droit chemin, mais le roi est las de toutes ces querelles familiales et rend son âme à Dieu à Melun.

Tome 7 : Le Roi Henri

Henri, dès son avènement, est menacé par une coalition menée par sa mère, Clémence d’Arles, qui veut mettre la couronne de France sur la tête de Robert, son second fils. Isabelle, Bjarni, Eudes, Jean et Jason décident d’aider le jeune roi et, avec l’appui des Normands, ils remportent une victoire décisive à Villeneuve-Saint-Georges. Cependant, Bjarni et Isabelle décident de ne plus servir Henri qui s’est montré injuste envers ceux qui ont sauvé sa couronne. La reine Clémence meurt à Melun, un an après son époux. Johan, le prince de Salerne, envoie à Paris des assassins pour tuer Jason et enlever Abella. Jean sauvera son fils et ce dernier devra aller jusqu’en Italie pour retrouver son épouse.

Robert le Magnifique part en pèlerinage à Jérusalem avec Bjarni, mais seul le Viking reviendra de ce périple. Ainsi, Guillaume le Bâtard se retrouve duc de Normandie à l’âge de huit ans. Lou-Leif devient son garde du corps. Bjarni finit par retrouver Eudes de Blois dans un duel et le tue. Tandis que Lou et toute la famille passent la Noël à Châlus, ils sont assiégés par une « milice de Dieu », menée par un moine fanatique et Lisois d’Amboise. Guy-Lou et Lou-Leif tomberont amoureux de deux sœurs jumelles, Hélène et Élise. Le seigneur de Châlus montrera qu’il a de la ressource et les assiégés mettront leurs ennemis en déroute. Lou est gravement blessé lors du siège et demande à son fils Jean de ne pas le soigner. Mais c’est sans compter sur Jason et Abella qui tireront le seigneur de Châlus des griffes de la mort.

Tome 8 : La Main de Fer

Lou doit restaurer Châlus et reconstruire son église. Il fait appel à un bâtisseur limougeaud. Il en profite pour améliorer l’ancestrale araire de ses paysans. Guy-Lou et Lou-Leif se marient avec Hélène et élise. Bjarni, aidé de Jason et Jean, dévie le Couesnon, petit fleuve frontalier entre Bretagne et Normandie, de manière à ce que le Mont-Saint-Michel devienne normand. Alain III, le duc de Bretagne, menace d’envahir la Normandie, Isabelle et Brunehilde vont négocier avec lui. Le duc tente d’abuser de Brunehilde qui doit l’empoisonner pour ne pas être violentée. En Germanie, l’empereur Henri envoie Guy-Lou espionner le roi Samuel Aba de Hongrie, qui martyrise les Chrétiens sur ses terres. Les Germains iront ensuite destituer ce roi païen pour remettre sur le trône le très chrétien Pierre Orseolo. Edouard, le cousin du jeune duc Guillaume, est sacré roi d’Angleterre. Guillaume nomme Lou-Leif connétable de Normandie. En France, la reine Mathilde de Frise et sa fille meurent de la diphtérie. Guy est atteint par ce mal, mais Jean et Jason le sauvent en réalisant une trachéotomie. Après une dernière campagne en Gascogne, Lou rentre à Châlus, il souffre depuis plusieurs mois d’angine de poitrine qui l’oppresse comme « une main de fer ». Lou fait un infarctus lors d’une partie de pêche dans la Tardoire et il décède au pied de son château. Mathilde décède à son tour quelques semaines plus tard.

Tome 9 : Du bâtard au duc

Les barons normands complotent contre le jeune Guillaume, lui reprochant sa bâtardise. Bjarni décide d’aller raisonner les rebelles, mais il tombe dans une embuscade et est empoisonné sur ordre des conjurés. Golet, le bouffon de Guillaume, avertit son maître qu’une troupe d’assassins veut lui faire un sort à Valogne. Guillaume échappe à cette attaque. Le jeune duc fait alliance avec le roi Henri pour affronter ses ennemis à la bataille de Val-es-Dune. Il remporte la victoire et les descendants du seigneur de Châlus font justice des meurtriers de Bjarni. Isabelle est envoyée en délégation pour convaincre Mathilde de Flandre d’épouser Guillaume, et Anne de Kiev d’épouser le roi Henri. Ces deux missions sont couronnées de succès et se solderont par des mariages. Brunehilde trouve l’homme de son cœur en Russie en la personne d’Igor, le frère de la reine Anne. Adémar devient novice à Cluny. Tibelle devient moniale et conseillère du pape Léon, tandis que Guy-Lou sera le garde du corps du souverain pontife. Hermine décède d’une pneumopathie à Sens. Jean a convoqué Trotula, Jason et Abella pour leur faire part de la grande œuvre de sa vie : il a décrit l’anatomie humaine à l’aide de dissections qu’il a menées clandestinement sur des cadavres, un moine allemand illustrant ses descriptions. Les trois jeunes sont enthousiasmés par ce travail, ils décident néanmoins de tenir secrètes ces découvertes qui pourraient valoir une condamnation à mort à Jean et à son dessinateur. Jean décède, épuisé par le labeur qu’il mène depuis des années.

Tome 10 : Le Grand Schisme

Jason et Abella vont assister deux grandes dames lors de leur accouchement. La duchesse Mathilde de Normandie et la reine Anne de France donneront des héritiers mâles à leur époux. Le jeune Lou II est devenu le meilleur écuyer d’Aquitaine, il est adoubé chevalier et tombe amoureux de Sybille, une Châlusienne. Le comte d’Anjou, Geoffroy-Martel, a enlevé Eudes pour régler son vieux contentieux avec les descendants du seigneur de Châlus. La famille ira délivrer Eudes de sa prison angevine, mais lors de son évasion ce dernier est blessé, il rend son âme à Dieu dans les bras de Lou II, son petit-fils. Entre le duc de Normandie et le roi de France, la situation s’envenime. Isabelle et ses enfants aideront le jeune duc à vaincre Henri, pourtant allié à Geoffroy-Martel, à la bataille de Mortemer. Henri s’en prend à Isabelle qu’il emprisonne à Paris, mais la famille veille, la comtesse de Dreux sera rapidement libérée. à Rome, le pape Léon tente d’épurer l’Église de ses vices les plus notoires. Cela ne se fait pas sans heurts, il est vaincu à Civitate et retenu prisonnier par les Normands d’Italie, tandis que ses émissaires prononcent la rupture avec le patriarche de Constantinople, c’est le grand schisme. Tibelle et Adémar rétablissent cependant les relations entre les Églises de Rome et de Constantinople, tandis que Guy-Lou obtient la libération du pape. Cependant Léon IX ne se remet pas de sa capture, il meurt en rentrant à Rome. Son successeur, Victor, est choisi par l’empereur Henri III. Pour clore ce volume, les trois enfants d’Adalmode et Aurèle : Mathilde, Emma et Lou, se marieront à Châlus, cédant à la tradition familiale des triples mariages.

Tome 11 : Régences

L’empereur de Germanie, Henri III, meurt brutalement, son fils, le futur Henri IV, n’a que six ans. Une régence dirigée par Agnès d’Aquitaine, l’épouse du défunt, débute en Germanie. Golet s’éprend d’Hermine, la fille aînée de Guy-Lou et Hélène. Il est anobli par Guillaume qui le nomme seigneur de Gisors. Le roi de France, Henri Ier, s’allie avec Geoffroy Martel d’Anjou, pour attaquer Guillaume de Normandie. Ce dernier remporte une victoire sur ses ennemis à Varaville. Igor et Bjarni II accompagnent Edgar l’Exilé, qui est de retour en Angleterre. Bjarni tombe amoureux de la sœur de lady Godiva, Roxana. Cette dernière part en écosse, accompagner Duncan Canmore, qui veut venger la mort de son père. Bjarni l’accompagne pour la protéger, ils sont bientôt rejoints par Igor. Bjarni demande la main de Roxana sur le champ de bataille à Lumphanan. Le roi de France, dépressif depuis ses défaites contre les Normands, meurt à son tour, laissant lui aussi un fils de six ans et une régence à la tête de son royaume. Pendant ce temps-là, à Châlus, Sybille est devenue maître verrier. Lou de son côté sert Guillaume VII d’Aquitaine, mais le duc décède d’une dysenterie. De dépit, le Châlusien fracturera le nez du comte d’Anjou, une vieille tradition familiale. Le petit Lou III, le fils de Lou II et Sybille, tombe dans la Vienne, dans les bras d’Anne, sa grand-tante. Alors que cette dernière se noie, l’enfant est emporté par les flots dans son berceau et recueilli par des loups qui vont l’élever. à Limoges, les clunisiens s’installent à l’abbaye Saint-Martial, Adémar, le frère de Tibelle, est le premier abbé venu de la célèbre institution bourguignonne.

Tome 12 : Du duc au roi

Un ermite prénommé étienne va s’installer à Muret, dans les forêts au nord d’Ambazac, il y rencontre un enfant élevé par des loups, qu’il baptise Lupus. Bjarni devient comte de Mercie sous le nom d’Edwin. Le pape Alexandre prêche une guerre sainte, qu’il appelle « croisade », contre les Maures d’Espagne. Dans cette armée du Christ, on retrouve de nombreux membres de la famille du seigneur de Châlus, qui seront tous écœurés par le grand massacre perpétré par les Chrétiens à Barbastro. En portant secours à une Sarrazine, Ajiba, la fille de l’émir de Saragosse, Guy va en tomber amoureux et il finira par l’épouser, s’installant à la cour de son beau-père. à la mort du roi d’Angleterre, Edouard le Confesseur, le Saxon Harold s’empare de la couronne. Guillaume de Normandie s’estime lésé, car cette couronne lui avait été promise. Le jeune duc prépare minutieusement une invasion de l’Angleterre pour aller prendre son dû. Harold est attaqué par les Vikings du roi Harald de Norvège, qu’il va vaincre et tuer à la bataille de Stanford Bridge. Pendant ce temps-là, Guillaume a débarqué dans le sud de l’Angleterre, il s’installe à Hastings, un petit village côtier. Harold traverse le pays à marche forcée pour aller rejeter à la mer les envahisseurs normands. La bataille a lieu sur la colline de Senlac à quelques lieues d’Hastings. L’issue en est indécise, mais Lou parvient à tuer le roi Harold d’une flèche tirée avec un arc métallique à longue portée qu’il a confectionné. Igor, Lou-Leif, Guy-Lou et Lou parviennent à faire une brèche dans la terrible ligne des Housecarls saxons, ce qui permet aux Normands de remporter la bataille. Épuisés, Guillaume et ses compagnons se couchent et s’endorment à même le sol sur le champ de leurs exploits.

Tome 13 : Les brodeuses

Adalmode, accompagnée d’Ulrich, s’est fait embaucher dans les cuisines du duc Conan de Bretagne, afin de l’espionner. Pour différentes raisons ils décident de l’empoisonner. Le lendemain de la bataille d’Hastings, Guillaume cherche le corps d’Harold et fait appel à édith dite « au col de cygne », pour identifier le Saxon. édith est ensuite assaillie par des soldats normands qui veulent abuser d’elle. Pierre, le fils de Lou-Leif, défend la jeune fille et l’emmène loin de l’armée normande, jusqu’à Londres, où il va chercher refuge auprès de son frère, Bjarni, le comte de Mercie. Guillaume se fait sacrer roi d’Angleterre à Westminster, puis il rentre en Normandie, laissant son royaume sous la garde de son frère Odon de Bayeux. Il y aura à nouveau trois mariages dans la famille : Adalmode et Ulrich, Pierre et édith, et Tristan qui épouse Constance, une jeune servante. Ajiba, venue au mariage avec son mari Guy, est arrêtée à Paris car un moine l’a reconnue comme Sarrazine. Il faudra toute la sagacité de Golet pour plaider la cause de la jeune fille et la faire libérer. En Limousin, l’abbé Adémar rénove l’église abbatiale de Saint-Martial. Gauvin, un des fils de Lou, devient apprenti tailleur de pierre. Guillaume doit rentrer en Angleterre car les Saxons se révoltent. Il y mène une campagne de représailles impitoyables. Isabeau a l’idée de faire une grande broderie qui représenterait tous les préparatifs puis la conquête de l’Angleterre. Odon accepte cette idée, John un moine anglais dessine la trame de la broderie, et les femmes de la famille se rendent à Cantorbéry pour broder ce que l’on appellera la tapisserie de Bayeux. John est tombé amoureux d’Isabeau pendant la confection de la broderie, il renoncera à ses vœux de moine pour l’épouser. Aurèle rend visite à étienne de Muret en plein hiver, il est victime d’une attaque, il rend son dernier souffle dans les bras d’un enfant sauvageon, élevé par des loups, qu’il reconnaît comme étant son petit-fils, Lou III, disparu en bas-âge. Vladimir et Ingrid conseillent au roi Philippe d’épouser Berthe de Hollande. Cette dernière arrive à Paris, mais elle est bien loin d’avoir la grâce d’Isabelle de Kiev, la reine précédente.

Arbre généalogique

Il devient un peu difficile de s’y retrouver dans la descendance du seigneur de Châlus. Je vous conseille de vous reporter régulièrement à ce tableau si vous êtes perdu parmi les personnages de la famille de Lou et Mathilde.

En gras sont listés les descendants directs, en maigre les « pièces rapportées ».

En fond grisé, les personnages décédés au début de ce volume.

1re génération

2e génération

3e génération

4e génération

5e génération

Lou Ier

(966-1045)

et

Mathilde

(968-1045)

Eudes (984-1052)

et

Hermine (987-1050)

Adalmode (1010-)

et

Aurèle (1008-)

Mathilde (1032-)

Hugues (1034-)

Richilde (1059-)

Hugues (1065-)

Emma (1034-)

Guy (1034-)

Guy (1060-)

Englacie (1064-)

Lou II (1038-)

Sybille (1038-)

Lou III (1060)

Isabelle (1062)

Gauvin (1064)

Géraud (1068)

Hugues (1071)

Guy-Lou (1015-)

et

Hélène (1020-)

Hermine (1040-)

Golet (1029-)

Anthelme (1066-)

Clotilde (1070-)

Sénégonde (1041-)

Ulrick (1040-)

Melissende (1048-)

Adémar (1022-)

Tibelle (1022-)

Jean (985-1051)

et

Anne (989-1062)

et

Christine (982-1045)

Jason (1010-)

et

Abella (1012-)

Tristan (1032-)

Clémence (1040-)

Guy (1038-)

Ajiba (1040)

Youssef (1065)

Ali (1070-)

Zamora (1072-)

Yves (1040-)

Trotula (1010-)

Gariopontus (1002-)

Guelduin (1033-)

Hagrold (1035-)

Sebelia (1040-)

Isabelle (986-1060)

Lou-Leif (1016-)

et

élise (1020-)

Bjarni II (1040-)

Roxana (1040-)

Robin (1065-)

Cyrielle (1070-)

Pierre (1042-)

édith

Isabeau (1047-)

John (1040-)

Bjarni Ier

(985-1046)

Mahaud (1048-)

Brunehilde (1023-)

et

Igor (1020-)

Vladimir (1051-)

Ingrid (1054-)

Situation géographique des différents membres de la famille au début de notre histoire

Les deux Adémar

n ce début d’année 1073, dans la bonne ville de Limoges, l’abbé Adémar de l’illustre monastère Saint-Martial avait entrepris d’aller rendre visite à son cousin Adémar, le vicomte du Limousin. Si ces deux Adémar avaient un lien de parenté, le même prénom et chacun la cinquantaine, là s’arrêtaient cependant leurs similitudes. L’abbé était un homme puissant respecté de tous ; depuis dix ans qu’il était à la tête de la célèbre abbaye, cette remarquable institution avait retrouvé toutes ses lettres de noblesse dans le monde chrétien. Le scriptorium et la bibliothèque étaient parmi les plus réputés de France. Les moines enlumineurs avaient acquis une renommée immense. Une bible magnifique, écrite et décorée par leurs soins, était considérée comme l’une des plus belles jamais réalisées. Les chantres de l’abbaye étaient les grands novateurs du chant polyphonique et ce malgré la disparition récente du plus célèbre d’entre eux, Aurèle, le seigneur de Châlus. Enfin les moines donnaient également la main aux artisans émailleurs de la région qui commençaient à faire connaître Limoges dans tout le monde civilisé, grâce à leur technique dite « au champ levé ». L’abbé était au cœur de ces activités multiples et remarquables, qu’il savait orchestrer de main de maître au sein de son abbaye et parmi les cent moines de sa communauté.

La renommée du vicomte était malheureusement toute autre. On le savait batailleur, querelleur et même pillard à ses heures. Ses vassaux ne lui témoignaient aucun respect tant il avait tenté de les spolier à de nombreuses reprises. Il s’était même fait deux ennemis irréductibles des seigneurs Guy de Lastours et Gaucelm de Pierre-Buffière, qui l’avaient mis en déroute à plusieurs occasions. Adémar devait se contenter d’une guérilla et de pillages au cours desquels son dernier exploit en date avait été la mise à sac de l’église d’Arnac. Enfin le vicomte avait même réussi à froisser son suzerain, Guillaume VIII d’Aquitaine, en courtisant ostensiblement Guillaume IV Taillefer, proposant à celui-ci de rattacher la vicomté du Limousin à son comté de Toulouse.

L’abbé franchit le pont qui enjambait le fossé devant la fontaine d’Aygoulène et donnait accès à la tour du vicomte. Les gardes l’amenèrent dans la salle de réception, où Adémar II, prévenu de la visite de son cher cousin, l’attendait.

— Adémar, mon ami, quel bon vent t’amène jusqu’à moi ? s’enquit le maître des lieux.

— Une simple visite de courtoisie, mon cousin, répondit aimablement l’abbé.

— Le vicomte savait bien que cette visite n’avait rien de courtois et que son voisin de l’abbaye devait avoir une bonne raison pour se déplacer. Il attendit donc la suite.

— J’ai reçu, pas plus tard que la semaine dernière, reprit l’abbé, le curé de l’église d’Arnac qui a miraculeusement survécu à ton dernier passage sur les lieux, m’a-t-il dit.

— Le bougre a dû rêver, je n’ai point visité l’église d’Arnac récemment, assura le vicomte.

— Le « bougre » en question, continua l’abbé imperturbable, m’a expliqué que pour ravager les lieux, tu étais accompagné du seigneur de Hautefort.

— Pure divagation, je n’ai pas vu mon ami Hautefort depuis des mois.

— Etonnant, car je suis allé le consulter et il m’a tout d’abord raconté à peu près la même chose que toi.

— Ah ! tu vois, il confirme mes dires.

— Oui, mais c’était avant que mon bâton ne lui caresse les côtelettes, car ensuite, il m’a chanté une toute autre chanson : il a admis avoir mis à sac l’église d’Arnac en ta compagnie.

— Tu sais ce qu’il faut penser des aveux obtenus sous la torture, déclara le vicomte.

— Je sais, admit l’abbé, mais quelques coups de bâton sur le râble ne sont pas torture. Peut-être cette thérapie pourrait-elle te faire retrouver la mémoire d’un éventuel passage à Arnac ?

— Viendrais-tu chez moi pour me menacer ? gronda Adémar.

— Moi ? s’étonna l’abbé, prenant un air angélique. Loin de moi cette idée saugrenue ! Mon bâton est mû par Dieu, je ne le contrôle plus quand il veut appliquer sa justice, et je sens justement qu’il frémit dans ma main, comme celui de Moïse juste avant qu’il ne frappe Pharaon.

— Bon, cesse donc cette pantomime, que faut-il pour apaiser le courroux de Dieu ? Je ne retiendrai pas les Juifs s’ils veulent partir pour la Terre promise, ironisa le vicomte.

— Eh bien, comme tu le sais, je suis en train de faire de grands travaux à l’abbaye, continua le moine.

— Oui, un nouveau cloître et une nef voûtée pour la basilique, je l’ai entendu dire.

— Tout à fait exact, confirma l’abbé, et il se trouve que Dieu, pour pardonner tes dernières exactions, te propose de choisir entre deux pénitences.

— Je t’écoute, dit le vicomte qui s’attendait au pire.

— L’idéal serait que tu te rendes en Terre sainte pour expier tes fautes, comme le fit ton grand-père Guy, en compagnie du mien, Lou de Châlus.

— En Terre sainte ! s’exclama le vicomte que l’idée n’avait même pas effleuré un bref instant, mais c’est fort loin !

— Effectivement, confirma l’abbé, c’est pourquoi Dieu, qui est miséricorde, te propose une autre expiation, tu pourrais mettre la main à ta bourse pour financer les travaux de son abbaye.

Ainsi, voilà où voulait en venir son rusé cousin, songea le vicomte.

— Tu plaisantes ! mes coffres sont vides, tenta Adémar.

— Il m’arrive effectivement parfois de plaisanter, admit l’abbé, mais à Dieu jamais.

— Et combien te faudrait-il pour apaiser son courroux ?

— Disons que 10 000 serait un bon chiffre.

— Sous ? tenta le vicomte.

— Livres, rectifia l’abbé.

— Mais tu m’étrangles !

— Ce n’est qu’un juste retour des choses, tu as toi-même, paraît-il, étranglé de tes propres mains quelques chanoines à Arnac.

— Mais où puis-je trouver une telle somme ?

— C’est à peu près la valeur de ce que tu as pillé récemment.

— Mais je dois partager avec Hautefort.

— Ah ! oui, j’ai oublié de te dire que le seigneur de Hautefort, après que le bâton de Dieu l’eut ramené à de pieux sentiments, avait décidé d’abandonner toute sa partie du butin. Voilà, tu l’avoueras qui tombe assez bien.

Le vicomte réfléchit un moment. Ses dernières exactions à l’encontre des églises de la région lui avaient valu la colère de l’évêque Itier Chabot, qui menaçait de l’excommunier. Si l’abbé de Saint-Martial y mettait son grain de sel, la sentence de l’église ne faisait aucun doute. Il décida de négocier à son tour.

— Plaideras-tu ma cause devant l’évêque ?

— Je suis certain que Monseigneur Chabot, dont la santé s’altère mais qui vénère le même Dieu que nous, sera sensible au geste d’apaisement que tu vas faire envers le Seigneur, assura l’abbé.

— Bien, si je ne suis pas excommunié, tu auras tes 9 000 livres.

— 10 000, rectifia l’abbé qui ne voulait rien lâcher, il serait dommage d’irriter Dieu pour 1 000 malheureuses livres.

Les deux cousins en étaient là de leurs tractations quand un soldat de la garde fit irruption dans la pièce.

— Monseigneur, lança l’homme à son maître, il y a là une troupe de vilains qui demandent audience.

— Eh bien ! disperse-les, maraud ! s’emporta le vicomte, mis de mauvaise humeur par la somme qu’il venait de perdre. On ne vient pas ainsi exiger une audience dans ma maison.

L’abbé, qui était toujours là, se racla le gosier et intervint :

— Il serait malheureux, aux yeux de notre évêque, que le vicomte, qui vient de faire preuve de contrition, malmène à nouveau ses sujets les plus humbles.

— Bon d’accord, fais-les rentrer, maugréa le vicomte qui avait bien compris qu’il lui faudrait boire le calice jusqu’à la lie en cette journée.

Une dizaine de paysans firent ainsi irruption dans la salle d’audience. L’un d’entre eux, qui avait une grosse verrue sur le nez et semblait être le meneur, prit la parole :

— Vot’ seigneurie, nous venons quérir votre aide contre un mal qui ravage nos terres.

— Quel mal ? demanda le vicomte, étonné qu’on vienne demander secours à celui qui était justement la cause des ravages.

— Les loups, vot’ seigneurie, ils déciment nos troupeaux.

— Vous ne pouvez pas organiser des battues ? s’emporta le vicomte. J’ai autre chose à faire que de traquer quelques bêtes faméliques !

— C’est que nous en avons fait des centaines, de battues, et nous revenons toujours bredouilles, reprit le verruqueux.

— Ces loups ont une intelligence diabolique, ajouta un autre vilain.

— Je crois plutôt que c’est vous qui avez une intelligence de mule, déclara Adémar. Dans quelle partie de la vicomté sévissent-ils, vos loups intelligents ?

— Au nord de votre cité, Monseigneur, depuis Chaptelat jusqu’à Ambazac et la montagne de Muret.

— Je voyage parfois dans cette région quand je vais rendre visite à l’ermite étienne, intervint l’abbé, et il est vrai que les loups y sont fort nombreux, mais ils ne m’ont jamais attaqué.

— Ils n’attaquent pas les humains, reprit le chef des vilains, mais ils font de grands carnages dans les troupeaux et ils ont des manières de chasser très inhabituelles.

— Que font-ils de si merveilleux, vos « loups intelligents » ? s’enquit le vicomte.

— Ils font des diversions, expliqua un vilain, ils attaquent une bête isolée, nos bergers accourent pour les chasser et pendant ce temps-là, le gros de la meute se jette sur nos troupeaux où ils font grand carnage.

— On dit qu’ils sont menés par un être maléfique, lança un autre homme à l’air hirsute, plusieurs d’entre nous l’ont vu.

— Allons bon ! s’impatienta le vicomte, voilà maintenant que c’est le diable en personne qui les mène. Et à quoi ressemble-t-il, votre « diablotin », il a la queue fourchue ?

— Point de queue, reprit le chef, il a le poil noir comme les loups, mais il court debout comme un humain, il a des bras à l’avant et des pattes de loup à l’arrière.

— Il a des griffes et des crocs, ajouta le vieux souffreteux.

— Vous dites que ces loups n’attaquent pas les humains, intervint l’abbé, mais j’ai su que l’année passée, deux marauds ont voulu détrousser l’ermite étienne et que les loups les ont mis en pièces.

— C’est vrai, admit un vilain qui n’avait encore rien dit, d’ailleurs l’ermite semble être de connivence avec ces bêtes, c’est peut-être même lui qui les commande.

— Fichez donc la paix à étienne ! s’impatienta l’abbé, il est bien incapable de nuire à quiconque, il passe ses journées en prières et c’est un saint homme.

— Monseigneur, reprit le chef des vilains, si vous vouliez envoyer vos soldats nous aider à détruire cette meute de loups, nous vous en serions fichtrement reconnaissants.

Adémar aurait bien exigé quelques compensations sonnantes et trébuchantes pour prix de son intervention, mais devant l’abbé il n’osa se montrer trop rapace.

— Je verrai ce que je peux faire, dit-il, mes hommes ont d’autres chats à fouetter, cette maudite famille des Lastours nous menace sans arrêt, ce n’est pas le moment que je dégarnisse mes domaines pour aller à la chasse aux loups.

Les vilains comprirent que l’entrevue était terminée, et qu’ils n’obtiendraient rien de plus qu’une vague promesse de leur vicomte. Ils quittèrent la pièce en maugréant.

— étrange, cette histoire, fit remarquer l’abbé après le départ des paysans.

— Bah ! des affabulations de manants ! Ces marauds sont toujours prêts à voir quelque diablerie dans les parages.

— Je tâcherai de demander à étienne ce qu’il en est lors de ma prochaine visite, assura l’abbé.

— Oui, mais ne fais pas la même folie que notre pauvre Aurèle de Châlus qui a voulu aller le voir en plein hiver au milieu des neiges, on n’a même pas retrouvé son corps.

— Oh ! j’attendrai le printemps, pour sûr, affirma l’abbé. D’ailleurs si Aurèle m’avait écouté, il serait toujours parmi nous ; je regrette de n’avoir pas su le convaincre d’attendre les beaux jours pour se rendre chez l’ermite.

Grégoire VII

n son palais du Latran, le pape Alexandre avait fait mander ses deux principaux conseillers : le moine Hildebrand et la moniale Tibelle.

— Mes amis, leur dit le souverain pontife, je suis heureux de vous voir tous deux fidèles à mes côtés, comme au premier jour de mon élection, il y a maintenant près de 12 ans.

— Votre Sainteté, le temps passé à vos côtés nous a paru à peine 12 jours, assura Tibelle.

— Ah ! si je ne te connaissais, je te taxerais bien de vile flagornerie, mon amie, répondit le pape, mais sache que votre séjour à mes côtés touche à sa fin, notre Seigneur m’appelle à lui, je ne vais pas tarder à le rejoindre.

— Votre Sainteté, que nous dites-vous là ? s’inquiéta Hildebrand. L’église a besoin de vous sur cette terre, votre place au ciel à côté de notre Seigneur attendra bien encore quelque temps.

— Ah ! reprit le pape, si je ne te connaissais toi aussi, mon cher ami, je te dirais que tu ne vaux guère mieux que ton amie Tibelle pour les flatteries. Mais trêve de salamalecs, je vais passer sous peu et il faut songer au prochain Saint-Père.

Tibelle et Hildebrand échangèrent un regard. Ils avaient bien noté que la santé du pape n’était pas des plus florissantes ces derniers temps, mais rien ne laissait présager une fin aussi précipitée : Alexandre avait 63 ans, et personne n’avait envisagé le moins du monde de lui trouver un successeur.

— Depuis plus de 30 ans, c’est vous qui choisissez les papes, reprit-il, alors qui proposez-vous pour prendre ma suite ?

— Mais enfin ! Votre Sainteté, d’abord vous surestimez largement notre influence sur le choix des papes et ensuite, la question n’est pas d’actualité.

— Eh bien moi, j’ai une idée, continua le pape, comme s’il n’avait pas entendu les protestations de la moniale. Je pense mon cher Hildebrand, que tu ferais un excellent souverain pontife.

— Moi ? s’étonna le moine. Mais enfin, comme le dit sœur Tibelle, il n’est pas question de cela.

— Cependant, comme tu le sais, l’opinion d’un pape, dès qu’il est mort, ne pèse pas lourd dans le choix de son successeur : il te faudra remporter l’élection devant le Sacré Collège, ce dont je te crois parfaitement capable, qu’en dis-tu ?

— J’en dis que votre succession n’est pas à l’ordre du jour, et ma candidature moins encore.

— Je ne te parle pas de cela à la légère, reprit le pape, j’ai bien réfléchi, personne n’est plus qualifié que toi pour occuper cette charge. J’ai pris l’avis de Lanfranc lors de son récent passage à Rome, où je lui ai remis son palium. Tu sais que j’ai grande confiance en lui et il est d’accord avec moi : il faut continuer ce que nous avons entrepris et ne pas laisser un pape laxiste pérenniser les abus actuels du clergé et des grands de ce monde. Il y a un autre candidat qui aurait fait l’affaire, c’est notre amie Tibelle, mais j’ai peur qu’elle faillisse lors de l’épreuve de la chaise percée1.

Hildebrand s’affala sur le fauteuil le plus proche en entendant cela.

— Bien, je vois que je vous ai donné matière à réflexion, mes amis, lança joyeusement le pape à ses conseillers, je vous laisse cogiter.

Et sur ce, il quitta le cabinet.

— Pour ce qui est de sa santé, j’ai bien peur que Sa Sainteté n’ait pas tort, déclara Tibelle, je trouve notre pape toussant et asthénique, ces derniers temps.

— Mais enfin, ses médecins me confiaient encore la semaine dernière qu’un peu de repos lui rendrait la santé de ses vingt ans.

— Tu sais ce que je pense des médecins quand ils ne sont pas de ma famille, assura Tibelle, même le jour de ses funérailles ils trouveront encore au pape une mine des plus gaillardes.

— Tu exagères. Et puis Alexandre ne peut abandonner la tâche, qui reste immense.

— C’est pourquoi il ne l’abandonne pas, en préparant sa succession, insista Tibelle, et là encore il a raison, tu seras le meilleur candidat.

— Tu me connais, reprit le moine, si j’étais pape ce serait pour lutter contre ce qui m’a toujours révulsé, je serais en guerre permanente contre le haut clergé et les grands de ce monde, je n’aurais de cesse d’éradiquer simonie et nicolaïsme.

— Je sais cela et c’est pourquoi je défendrai avec véhémence ta candidature.

— Et si j’aspirais à un peu de paix et de repos sur mes vieux jours ? plaida Hildebrand.

— Les serviteurs de Dieu n’ont droit ni à la paix, ni au repos.

— Tu n’auras donc aucune pitié pour moi ?

— Aucune, tu le sais bien, mais je t’aiderai du mieux que je le pourrai, tu le sais également.

Alexandre II ne tarda pas à avoir raison sur son état de santé : fin mars, il fut cloué au lit par les fièvres. Saignées, clystères, thériaque… rien n’y fit et le souverain pontife rendit son âme à Dieu début avril.

Le collège des cardinaux, qui avait désormais le pouvoir d’élire les papes, se réunit. Si Hildebrand était parmi les favoris pour succéder à Alexandre à la tête de l’église romaine, son élection n’était pas encore assurée. Le conseiller des cinq derniers papes avait effectivement la réputation d’un homme intransigeant, ce qui inquiétait fort de nombreux prélats, notamment les Français et les Allemands qui étaient parmi les plus influents à la curie. Comme d’autre part Hildebrand se refusait à toute promotion de sa candidature, c’est Tibelle qui décida de prendre les choses en main et de faire campagne pour son ami.

La réputation de la moniale était grande au Latran, chacun connaissait le rôle majeur qu’elle avait tenu comme conseillère auprès des derniers papes et elle rallia bien des hésitants à la cause d’Hildebrand. Enfin un autre larron vint se mêler aux débats : le peuple de Rome. Les Romains, qui avaient encore quelques années auparavant le pouvoir de désigner les papes, trouvaient toujours leur mot à dire à chaque nouvelle élection. Et ce mot était très en faveur d’Hildebrand. Le moine avait en effet le soutien des Italiens car on lui prêtait des intentions réformatrices, ce que réclamait à cor et à cri la populace, lassée des abus en tous genres des ecclésiastes. D’autre part Hildebrand avait toujours été à la tête du parti anti-impérial, il avait fait cesser la désignation des papes par l’empereur, et cela seul méritait la canonisation aux yeux des Romains.

Toutes ces intrigues de palais, ces négociations secrètes, ces manifestations dans les rues de Rome aboutirent finalement à l’élection d’Hildebrand le 22 avril 1073. Le nouveau pape prit le nom de Grégoire VII, en hommage à son mentor, le pape Grégoire VI, dont il avait été le chapelain en ses vertes années.

Le soir même de cette élection, Tibelle se retrouvait en tête-à-tête avec celui qu’elle avait largement contribué à faire élire.

— Ainsi tu as encore désigné un pape, ironisa le nouveau souverain pontife.

— Oui, et je crois que c’est le meilleur de tous ceux que j’ai pu pousser sur le siège de saint Pierre.

— Dieu t’entende, je me sens bien misérable pour mener à bien la tâche qui est désormais la mienne.

— Allons ! votre Sainteté, vous n’êtes pas seul, vous disposez pour ce faire de tous les clercs de la chrétienté.

— Clercs dont bon nombre méritent d’être chassés hors de la maison de Dieu. Je vais devoir entreprendre un grand ménage.

— J’ai hâte de voir cela, assura Tibelle.

— Avant toute chose, reprit le nouveau pape, je dois être intronisé et je te rappelle que cela requiert l’approbation de l’empereur.

— Oui, je me souviens que c’est un dénommé Hildebrand qui avait ajouté cette clause nécessaire à la nomination des papes après leur élection par le Sacré Collège. Il ne se doutait certainement pas que cet ajout s’appliquerait un jour à sa personne.

— C’est justement parce qu’il doit s’appliquer à ma personne que j’entends le respecter scrupuleusement, je ne vais pas commencer mon pontificat en violant une loi que j’avais voulue quand j’étais conseiller.

— Entièrement d’accord, admit Tibelle, même si j’avais fait remarquer à l’époque à Hildebrand que cette clause devrait être supprimée à terme, l’empereur n’ayant pas d’avis à donner sur la désignation des papes.

— Tu es bien la plus irascible de mes conseillères, admit le nouveau pontife en riant, et pour ta peine, c’est toi qui vas aller demander à l’empereur de m’introniser comme pape. Tu as une nièce qui dirige l’empire germanique, m’a-t-on dit, tu ne devrais avoir aucun problème pour obtenir cet accord.

— Si c’est Sa Sainteté qui le dit, répondit Tibelle, la chose ne fait aucun doute.

Au printemps 1073, la moniale entreprit donc le voyage vers la Germanie en compagnie de quelques hauts légats romains.

L’envoyée du nouveau pape trouva Henri IV dans la forteresse d’Harzburg, une des nombreuses places fortes qu’il venait de faire restaurer en Saxe. Avant son entrevue avec l’empereur, Tibelle voulut cependant rencontrer les membres de sa famille qui vivaient dans l’entourage du jeune souverain, pour tâter un peu le terrain hasardeux sur lequel elle s’aventurait. C’est ainsi qu’elle demanda, en arrivant au château, à voir le seigneur Guy-Lou, le chef de la garde personnelle de l’empereur. Tibelle fut ravie de retrouver son « grand frère », comme elle appelait l’aîné des garçons. Pour l’occasion Guy-Lou était entouré de son épouse, Hélène, de ses deux filles, Melissende et Sénégonde et de son gendre, Ulrich.

— Ah ! s’exclama Tibelle en voyant tout ce monde, je suis bien aise de retrouver la branche des « Germains » au grand complet et de voir que tous se portent bien.

— Tout le monde va effectivement pour le mieux, confirma Guy-Lou et Sénégonde attend même un heureux événement…

— … ce qui nous rassure définitivement sur le vil procès en bougrerie que l’on avait fait à Ulrich, précisa Tibelle.

— Définitivement, acquiesça Ulrich, et des plus vils, le procès, je le confirme.

— Fort bien mes amis, déclara Tibelle, satisfaite d’apprendre ces dernières nouvelles, mais si j’ai voulu vous entretenir en particulier avant d’aller voir l’empereur, c’est parce que j’ai besoin de connaître un peu l’état des lieux en Germanie, avant d’en rencontrer le maître.

— Eh bien ! commença Guy-Lou, les choses ne sont pas simples pour le jeune Henri, il a décidé d’installer le cœur de son gouvernement, ici-même, en Saxe.

— L’ennui c’est que les Saxons ne l’entendent pas de cette oreille, intervint Melissende, ils voient d’un très mauvais œil leur pays se couvrir des forteresses que fait bâtir Henri.

— En a-t-il fait construire tant que cela ? s’enquit Tibelle.

— Outre Harzburg, dans laquelle nous sommes, il en fait fortifier six autres, précisa Ulrich, à Wigantestein, Moseburg, Sachsenstein, Spatenburg, Heimburg et Hasenburg.

— Eh bien ! s’étonna Tibelle, il a mis tout le pays en travaux.

— Effectivement et les Saxons rechignent à la tâche, je crains même qu’ils ne se révoltent et ne viennent assiéger le roi dans l’une de ses forteresses.

— Ainsi Henri est très occupé, constata Tibelle, les affaires de la papauté ne vont guère l’intéresser.

— Nous avons appris le décès du pape Alexandre et l’élection d’Hildebrand, reprit Guy-Lou.

— élection qui doit être confirmée par l’empereur, précisa Tibelle, voilà l’objet de ma visite.

— Je crois que tu n’auras pas de peine à la lui faire entériner, intervint Melissende, Henri ne peut pas se payer le luxe d’une querelle avec Rome, il a au contraire besoin du soutien du pape dans sa politique contre les Saxons et les grands barons germains.

— Si c’est sa principale conseillère qui le dit, je suis rassurée, ironisa Tibelle. Lorsque je t’avais vue au mariage de Sénégonde, le jeune Henri désertait quelque peu le lit conjugal, tu devais prendre cette affaire en main, il me semble.

— Eh bien on peut dire que la main de Melissende fut des plus efficaces, assura Sénégonde, car depuis, l’impératrice Berthe a mis au monde trois enfants, un chaque année.

— Une petite Adélaïde tout d’abord, il y a deux ans, un jeune Henri, l’an passé et cette année, une fort belle Agnès, expliqua Hélène.

— Hélas, le prince Henri est mort peu après sa naissance, déplora Melissende, l’empereur n’a donc pas encore d’héritier mâle, il ne doit pas relâcher ses ardeurs reproductrices. Heureusement que la reine Berthe est des plus fécondes et qu’elle a les hanches larges.

— Ainsi la journée l’empereur bâtit des forteresses et la nuit il pétrit des fortes fesses, comme dirait mon cher beau-frère le seigneur de Gisors, précisa Sénégonde.

— Laisse donc à notre ami Golet ses expressions pas toujours très heureuses, gronda Hélène, qui n’aimait pas que ses filles adoptent le langage plutôt cru de son gendre, on ne parle pas ainsi de notre empereur.

— En tout cas, cela résume assez bien les rudes journées d’Henri, confirma Guy-Lou, il doit batailler sur plusieurs fronts et je m’attends à tout moment à voir les Saxons mettre le siège devant notre château.

Le chef de la garde impériale en était là de ses prévisions pessimistes quand un de ses hommes vint annoncer l’arrivée de visiteurs se disant membres de la famille du seigneur Guy-Lou.

— Par ma barbe ! quels autres membres de ma famille ont la bonne idée de venir eux aussi me visiter en ce jour ? s’étonna Guy-Lou.

Il eut bientôt la réponse à cette question quand Vladimir et Ingrid pénétrèrent dans la pièce. C’est Hélène qui prit la parole en reconnaissant les enfants d’Igor et Brunehilde :

— Mes nièce et neveu ! quel bon vent vous amène en Allemagne ?

— Une mission au service du roi Philippe, expliqua Vladimir.

— Il est vrai que vous êtes désormais au service du roi de France, se souvint Guy-Lou, votre mère m’a tenu informé de cette affaire par ses pigeons.

— Il paraît même que vous lui avez dégoté une épouse qui n’est pas la plus gracieuse de la chrétienté, renchérit Sénégonde.

— Berthe de Hollande fera une grande reine de France, dès que le mariage sera consommé, assura Ingrid.

— Tu auras certainement à faire comme ma sœur Melissende, qui a dû pousser Henri dans le lit de son épouse pour l’obliger à remplir le devoir conjugal, continua Sénégonde.

— Nous avons le temps, estima Ingrid, la reine n’a que 14 ans.

— Est-il indiscret de vous demander quelle mission vous venez remplir auprès de l’empereur ? s’enquit Tibelle.

— Nous accompagnons Geoffroy de Boulogne, le chancelier de France, expliqua Ingrid, qui est missionné par le roi Philippe pour inciter l’empereur à ne pas entériner l’élection du nouveau pape.

— Eh bien ! je viens demander exactement l’inverse à l’empereur, déclara Tibelle.

— Je m’en doutais, assura Vladimir, nous savons tous les liens d’amitié que tu as avec Grégoire VII.

— Pourquoi le roi Philippe ne veut-il pas de ce nouveau pape ? s’étonna Hélène, Hildebrand a toujours été un homme droit et juste, sa réputation est excellente.

— Je vais te l’expliquer, ma chère belle-sœur, déclara Tibelle. Philippe vient de faire quelque chose qui a fortement indisposé le Vatican. Il prétend régir les investitures des évêques de son royaume, ce que le pape Alexandre lui a formellement interdit.

— Il n’est pas intervenu dans la récente nomination de l’évêque de Mâcon, plaida Vladimir.

— En effet, il a laissé élire Landéric de Brézé, mais ensuite il a interdit à tout évêque de son royaume de sacrer le nouvel élu, tant qu’il n’aurait pas payé au roi un droit d’investiture.

— J’ai bien dit à Philippe que cette manière de rançonner les nouveaux évêques allait chagriner fortement à Rome, fit observer Ingrid.

— C’est de la simonie, expliqua Tibelle avec colère, chose contre laquelle le nouveau pape entend bien lutter de toutes ses forces.

— Voilà pourquoi Philippe voudrait éviter de voir Grégoire VII coiffer la tiare, il sait qu’il sera intransigeant avec ce genre de pratiques, réalisa Guy-Lou.

— Les empereurs germaniques ont également l’habitude de nommer les évêques sur leur terre, nota Melissende, Henri aura sûrement lui aussi maille à partir avec Grégoire s’il veut pérenniser cette coutume. Finalement ton protégé, ma chère tante, pourrait bien déplaire à l’empereur tout autant qu’il déplaît au roi de France.

— Les rois et les empereurs doivent comprendre que c’est au pape de nommer les évêques et pas à eux, s’emporta Tibelle.

— Tu as certainement raison, admit Guy-Lou, mais j’en connais bien peu qui sont prêts à renoncer à ce privilège.

— Si l’empereur est un homme raisonnable, il saura que les choses doivent se faire ainsi, bougonna Tibelle.

— La raison des empereurs est bien ce sur quoi il faut le moins compter en ce bas monde, annonça Guy-Lou. Quand Henri doit-il voir la délégation française ?

— Demain matin, dit Vladimir.

— Et toi Tibelle, quand auras-tu ton audience ?

— Demain après-midi.

— C’est un bon point pour toi, assura Hélène, il vaut toujours mieux être le dernier à parler dans une affaire aussi épineuse.

— Ce Geoffroy de Boulogne, le chancelier de France, est-il bon plaideur ? s’enquit Tibelle.

— C’est lui qui avait emprisonné dans ses geôles Ajiba, l’épouse de Guy, et qui l’a libérée suite aux plaidoiries de Golet, rappela Sénégonde.

— Nous sommes censés le seconder dans sa mission, précisa Ingrid.

— Vous n’allez pas plaider la cause de ce roi inique ? s’offusqua Tibelle.

— Ce « roi inique », comme tu l’appelles, est notre maître, expliqua Vladimir, nous sommes là pour défendre ses intérêts.

— Ses intérêts sont de ne pas contrarier Dieu en rapinant dans son église et encore moins en empêchant un saint homme de devenir pape.

— Ainsi tu crois que pour le salut de son âme, il vaudrait mieux que Philippe échoue dans ses intentions de barrer la route à Grégoire, résuma Ingrid.

— Absolument, confirma Tibelle, et de bons serviteurs devraient veiller au salut de l’âme de leur maître.

Le frère et la sœur échangèrent un regard : devaient-ils trahir leur roi ?

C’est Vladimir qui expliqua comment ils allaient se sortir de cette situation délicate :

— Nous n’irons pas à l’encontre des ordres de notre roi, mais nous n’aiderons pas le Chancelier dans ses plaidoiries, c’est tout ce que nous pouvons faire sans trahir Philippe et sans nous déshonorer.

— Fort bien, dit Tibelle, je vous remercie de votre franchise et ne vous en demande pas plus.

C’est ainsi que Tibelle, accompagnée de sa nièce Melissende, se rendit dès le lendemain après-midi à l’audience que l’empereur accordait aux envoyés du pape. Elle n’avait eu aucun écho de l’entrevue du matin avec la délégation française

— Majesté, commença la moniale, je viens de la part du nouveau pape Grégoire, récemment élu par le Sacré Collège, vous apporter ses cordiales salutations.

— Vous transmettrez mon bonjour au pape Grégoire, répondit Henri, je l’ai bien connu du temps où il s’appelait encore Hildebrand, et je suis fort aise du choix qu’ont fait les cardinaux, mais ne m’appartient-il pas de donner un avis sur ce choix ?

— Naturellement, Majesté et c’est précisément l’objet de ma visite, le pape vous sollicite pour le confirmer dans son élection. Vous savez que c’est Hildebrand qui avait insisté pour que cette clause régisse la nomination de chaque nouveau pape, il a donc bien sûr à cœur d’obtenir votre approbation.

— Eh bien, je dois y réfléchir assura Henri, j’ai reçu ce matin une délégation de mon cousin Philippe de France qui me demande de ne pas entériner la nomination du nouveau pape.

— Le roi Philippe aura probablement eu quelques renseignements erronés sur Sa Sainteté, déclara Tibelle, affectant un air très étonné. Le conseiller Hildebrand a fait l’unanimité devant le Sacré Collège, tout le monde connaît ses immenses qualités et sa grande piété.

— On le dit un peu rigide sur la question des investitures, glissa Henri.

— Un pape ne saurait être rigide, majesté, il ne fait que rapporter la volonté de Dieu et veiller à ce qu’elle soit appliquée. Ainsi, quand il dira aux Saxons qu’ils doivent obéir à leur empereur, il sera intransigeant pour se faire entendre.

— Vraiment ? s’enquit Henri, il dira cela.

— Naturellement ! Dieu déteste le désordre, il est dans la bonne nature des choses que les sujets obéissent à leur empereur tout comme à leur Dieu.

— Est-ce le point de vue du nouveau pape ?

— Je ne fais que rapporter là, mot pour mot, ce qu’il m’a dit avant mon départ, assura Tibelle avec un certain culot.

Henri croisa le regard de Melissende, qui opina du bonnet pour confirmer les dires de la moniale.

— Effectivement, reprit Henri, si le nouveau pape m’appuyait dans ma politique de pacification de la Saxe, j’en serais ravi.

— Vous pouvez compter là-dessus, majesté, Grégoire souhaite rétablir l’union sacrée entre l’empire et la papauté.

— Rien ne me ferait plus plaisir, assura avec véhémence Henri. Qu’on appelle mon secrétaire, je vais tout de suite confirmer par écrit mon approbation de la nomination du nouveau pape.

Le soupir de soulagement que poussa Tibelle en entendant cela, souleva les tentures brodées d’or qui décoraient le cabinet dans lequel l’empereur avait reçu l’envoyée du Vatican.

1. Allusion à la légende qui voulait qu’un diacre vérifie à travers une chaise percée que tout nouveau pape était bien porteur de deux testicules, depuis l’histoire de la papesse Jeanne, elle-même peut être une légende.