La Sainteté des gens ordinaires - Madeleine Delbrêl - E-Book

La Sainteté des gens ordinaires E-Book

Madeleine Delbrêl

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Beschreibung

La Sainteté des gens ordinaires est une porte d’entrée dans l’œuvre de Madeleine Delbrêl

Le lecteur la suivra dans sa démarche de chrétienne convertie en plein monde, elle qui dit : » Le converti est un homme qui découvre la merveilleuse chance que Dieu soit. » Ce livre rassemble les textes missionnaires écrits entre 1938 et 1950. Une part de son contenu est déjà connue, mais éparpillée. Nous autres gens des rues, mais aussi Missionnaires sans bateaux sont pour beaucoup les titres même de la spiritualité de Madeleine Delbrêl. D’autres textes furent partiellement publiés, tels que Notre pain quotidien et Pourquoi nous aimons Charles de Foucauld ; des chapitres entiers en avaient été écartés, et des mots retirés ou changés. Enfin, une troisième part de ce tome VII est totalement inconnue, en particulier un texte publié par Madeleine Delbrêl, puis perdu de vue, et maintenant bien d’actualité : Liturgie et vie laïque.

Cet ouvrage sera suivi de deux autres volumes de textes missionnaires, concernant les années 1950 à 1958, puis 1958 à 1964, années particulièrement significatives de l’avant et du début du Concile Vatican II. L’œuvre de Madeleine Delbrêl se trouve peu à peu donnée dans sa progression et ses étapes décisives. Son itinéraire autant que sa pensée intéressent un nombre croissant de lecteurs.

Voici enfin publié le corpus le plus vaste de l’œuvre écrite de Madeleine Delbrêl.

EXTRAIT DE NOUS AUTRES GENS DES RUES

Nous autres, gens de la rue, savons très bien que tant que notre volonté sera vivante nous ne pourrons pas aimer pour de bon le Christ.
Nous savons que seule l’obéissance pourra nous établir dans cette mort. Nous envierions nos frères religieux si nous ne pouvions, nous aussi, mourir un peu plus à chaque minute.
Les menues circonstances sont des « supérieures » fidèles. Elles ne nous laissent pas un instant et les « oui » que nous devons leur dire succèdent les uns
aux autres. Quand on se livre à elles sans résistance on se trouve merveilleusement libéré de soi-même. On flotte dans la Providence comme un bouchon de liège dans l’eau. Et ne faisons pas les fiers ; Dieu ne confie rien à l’aventure ; les pulsations de notre vie sont immenses car il les a toutes voulues.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Poète, assistante sociale et mystique, Madeleine Delbrêl (1904 - 1964) est considérée par beaucoup comme une des figures spirituelles majeures du 20e siècle. Par ses engagements sociaux à Ivry (banlieue parisienne), son témoignage de vie évangélique et communautaire en milieu défavorisé et déchristianisé, et par l’ampleur de ses écrits aux accents pionniers, elle atteint, petit à petit, un large public sensible à la vérité et à la pureté de sa vie et de sa parole. Sa cause de béatification a été introduite à Rome.

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INTRODUCTION À L’ENSEMBLE DES TEXTES MISSIONNAIRES

Voici que débute par le présent tome VII la publication du corpus le plus vaste de l’œuvre écrite de Madeleine Delbrêl. Il s’ouvre en 1938 par le célèbre « Nous autres gens des rues ». Il se termine par une conférence donnée à des étudiants quelques semaines avant sa mort. Madeleine Delbrêl décrit l’Église dans sa mission, sous la forme d’articles, de conférences, de notes personnelles ou adressées à tel ou tel de ses interlocuteurs. Trois volumes seront nécessaires à leur publication, couvrant successivement les années 1938-1950, 1950-1958 et 1958-1964. L’ordre chronologique suivi permet de lire au plus près le cheminement de la pensée de Madeleine Delbrêl. Cependant, afin de prendre en considération le fait qu’elle est revenue plus particulièrement sur certains sujets à différentes périodes de sa vie et afin de faciliter la lecture, des écrits sur le même thème sont parfois rapprochés dans un tome. Il en sera ainsi des textes à propos de Charles de Foucauld dans le tome VII, et des femmes puis des prêtres-ouvriers dans le tome VIII. Le tome IX, lui, fera place à un cycle de réflexions donné dans le cadre œcuménique des rencontres de Bossey, ainsi qu’à des dossiers préparatoires au concile Vatican II.

Parallèlement à tout ce travail et particulièrement à partir de 1954, Madeleine Delbrêl est conduite à mettre par écrit son expérience de la mission en milieu marxiste. Elle élaborera progressivement un ouvrage, Ville marxiste, terre de mission, qu’elle publiera en 1957 et qui l’entraînera ensuite à répondre à de nombreuses demandes de conférences et de causeries un peu partout en France. Tout cet ensemble fera l’objet d’une publication spécifique, rendue nécessaire par son abondance, mais aussi par son caractère central dans le parcours de Madeleine Delbrêl.

INTRODUCTION AU TOME VII

Comment le tome VII se présente-t-il ? Une part de son contenu est déjà bien connue : « Nous autres gens des rues », mais aussi « Missionnaires sans bateaux » offrent les titres mêmes de la spiritualité de Madeleine Delbrêl. D’autres textes sont mal connus car partiellement publiés, tels que « Notre pain quotidien » et « Pourquoi nous aimons Charles de Foucauld » ; des chapitres entiers en avaient été écartés, des mots furent retirés ou changés, et les citations n’étaient pas reprises. « Église et mission », lui au contraire, s’est vu agrandi de quelques paragraphes issus d’un autre texte. Enfin, une troisième part de ce tome VII est totalement inconnue.

À ce sujet, il convient de rappeler que le titre du livre de 1966, Nous autres gens des rues, est celui du célèbre article de 1938. Nos prédécesseurs avaient voulu, dans les mois qui suivirent le décès de Madeleine le 13 octobre 1964, faire connaître son œuvre. Ils ont emprunté le titre d’un article pour en faire celui du livre, avec le succès que l’on sait.

Cinq des onze textes qui suivent avaient déjà été publiés. Ils étaient éparpillés dans des revues différentes. Les Études carmélitaines publient « Nous autres gens des rues » en 1938. Puis, c’est « Notre pain quotidien » sous le premier titre, Contemplation, de la collection « Rencontres », en 1941. Après la guerre, « Pourquoi nous aimons le Père de Foucauld » se trouve dans le n° 4 de La Vie spirituelle, en 1946. En 1947, un des « Cahiers de La Vie spirituelle » publie « Liturgie et vie laïque ». Enfin, un bref article, « Le peuple de Paris va à l’enterrement de son Père », dans le numéro du 17 juin 1949 de l’hebdomadaire Témoignage chrétien.

Pour mesurer la production de cette période de la vie de Madeleine Delbrêl, il faut ajouter deux textes déjà publiés dans le tome III des œuvres complètes : « Joies venues de la montagne » dans Études carmélitaines de 1947 ainsi que le « Bal de l’obéissance » dans La Vie spirituelle en 1949.

On pourra s’étonner de la rareté des signes de ponctuation. Madeleine les utilisait peu et de façon assez fantaisiste. Nous avons ajouté le minimum opportun pour une lecture aisée. Les mots soulignés par Madeleine Delbrêl sont transcrits ici en italique gras.

Madeleine Delbrêl traverse l’histoire de façon étonnante. Si ses écrits portent la marque de leur temps, Jacques Loew témoignait déjà de « cette femme préparée par Dieu durant trente ans pour nous faire vivre l’après-concile 1 ». Des pages pour aujourd’hui. Bonne lecture.

Au fil des mois et des années, toute une équipe contribue aux différentes phases de l’édition. Izabela Jurasz assure la saisie informatique, d’après les archives. Un groupe renouvelé de correcteurs intervient aux différentes phases d’élaboration. L’Association des amis de Madeleine Delbrêl continue fidèlement à apporter le soutien indispensable à la poursuite de l’édition et à ceux qui y travaillent. Nous remercions tout particulièrement les éditions Nouvelle Cité et leur directeur Henri-Louis Roche, qui travaillent au coude à coude avec nous dans cette entreprise de longue haleine. Il s’agit d’un service de la vie spirituelle qui déborde l’espace d’une génération et d’un pays unique.

Nota : l’expérience montre que ces publications éveillent l’attention de ceux qui détiennent des archives encore inconnues de Madeleine Delbrêl. Merci d’avance de nous faire la confiance de les porter à notre connaissance.

Gilles François, prêtre du diocèse de Créteil, Cécile Moncontié, au service des archives de Madeleine Delbrêl, Bernard Pitaud, prêtre de Saint-Sulpice, sont les coresponsables de cette édition et forment, avec Suzanne Perrin, Laurence Tassi, Muriel Fleury et Henri-Louis Roche, le comité d’édition.

1Nous autres gens des rues, Seuil, Paris 1966, p. 9 ; éd. de poche 1995, p. 9.

CHRONOLOGIE ABRÉGÉE DE LA VIE DE MADELEINE DELBRÊL

1904 (24 oct.) : Naissance à Mussidan (Dordogne) de Madeleine Delbrêl, fille de Jules et Lucile, née Junière. Jules, entré aux chemins de fer Paris-Orléans, sera successivement en poste à Lorient, à Nantes et à Bordeaux ; chef de gare à Châteauroux (1911), puis à Montluçon (1913-1916).

1915 : Première communion de Madeleine à Montluçon. Santé fragile qui nécessite des leçons particulières. Toute sa vie, elle souffrira d’une mauvaise santé qu’elle négligera trop souvent.

1916 : Jules Delbrêl est nommé chef de gare à Paris-Denfert en septembre. La famille s’installe 3 place Denfert-Rochereau, Paris XIVe. Madeleine (12 ans) étudie le piano et écrit des poèmes depuis 1914.

1920-1921 : Études littéraires et de philosophie à la Sorbonne. Études de dessin et de peinture en atelier rue de la Grande-Chaumière. Madeleine se définit « strictement athée ».

1922-1923 : Rencontre de Jean Maydieu pour lequel elle a une forte inclination, mais qui entrera chez les dominicains en 1925. Elle écrit « Dieu est mort… vive la mort » (voir les trois versions de ce texte, pp. 29-42 du tome I).

1924 : « Conversion violente ». Son père devient aveugle et doit cesser son activité. La famille s’installe 78 place Saint-Jacques, Paris XIVe, près de l’église Saint-Dominique. Dépression d’une année, soignée dans une maison de santé de la vallée de Chevreuse.

1926 : Ses poèmes reçoivent le prix Sully Prudhomme de l’Académie française. « Épuisement complet » (cf. lettre de l’automne 1926 à Louise Salonne). Elle rencontre l’abbé Lorenzo, aumônier scout, qui lui propose d’être cheftaine de louveteaux.

1927 : Elle édite ses poèmes en un volume, La Route. Elle renonce au Carmel pour raisons familiales et décide de travailler pour Dieu dans le monde.

1928-1929 : Mise au repos pour trois mois dans une maison de soins à Chevreuse. Problèmes de santé de sa famille et d’elle-même jusqu’au début 1930.

1931 : Entrée à l’École d’infirmières des Peupliers.

1932 : Élaboration du directoire de la « Charité de Jésus » (cf. lettre du 21 décembre 1936 à une demoiselle inconnue et lettre du 19 janvier 1939 à Louise Salonne).Diplôme simple de l’École des Peupliers. Entrée à l’École Pratique de Service Social, boulevard Montparnasse, à Paris.

1933 (sept.) : Premier voyage à Rome, alors que vient d’être décidée l’installation de la première équipe à Ivry. Madeleine souffre beaucoup de l’estomac.

(oct.) : Engagement dans la « Charité de Jésus » avec Suzanne Lacloche et Hélène Manuel à Saint-Jean-Baptiste d’Ivry pour vivre l’Évangile et au service des paroisses. Installation dans l’enceinte paroissiale, 207 route de Choisy.

1934 : L’abbé Lorenzo est nommé curé d’Ivry.Premier examen de l’École Pratique de Service Social, mention Très Bien.Colonie de vacances. Santé déplorable.

1935 (avril) : Installation 11, rue Raspail, à Ivry.

1936 : Après des années de mésentente, les époux Delbrêl se séparent. Jules s’installe à Mussidan et Mme Delbrêl à Paris. Madeleine continue à veiller sur eux.(nov.) : Deuxième examen de l’École Pratique de Service Social, mention Très Bien.

1937 : Brevet de capacité professionnelle d’assistante de service social. Son mémoire de fin d’études, Ampleur et dépendance du service social, est publié chez Bloud et Gay.

1938-1939 : Causeries à des publics divers.

1939 (sept.) : Madeleine est embauchée par le GASSS et nommée assistante sociale à la Mairie d’Ivry.

1940 : La municipalité communiste est destituée. Le petit personnel communiste reste en place, Madeleine est nommée Déléguée technique chargée de la coordination des services sociaux à Ivry.

1941 : Entrée au Service Social de la région parisienne (jusqu’au 1er octobre 1945). Embauche au Secours national.

(été) : Madeleine accompagne sa mère à Lisieux où elle rencontre le P. Augros, supérieur du futur séminaire de la Mission de France qui vient d’être fondée.

1942 : Participation à des colloques à Lisieux, au séminaire de la Mission de France, mais refus d’y implanter une Équipe.

1943 : Année importante pour les orientations de la Charité. L’équipe comprend Christine de Boismarmin, Louise Brunot, Germaine Gérôme, Marie-Aimée Jouvenet, Raymonde Kanel, Suzanne Lacloche, Hélène Manuel, Paulette Penchenier, Suzanne Perrin, Andrée Saussac, Marthe Sauvageot, Andrée Voillot. Installation à Cerisiers (Yonne) de Marthe Sauvageot et Suzanne Lacloche et à Vernon (Eure) de Christine, Paulette et Suzanne Perrin jusqu’à la Libération en 1945.

1944 (fin août) : La mairie d’Ivry est reprise par les communistes. Madeleine travaille avec des « grands types du Parti ».

1944-1945 : Début de collaboration avec Venise Gosnat, adjoint au maire d’Ivry. En octobre, elle cesse son activité d’assistante sociale.

1945-1946 : Nombreuses méditations poétiques.

1947-1950 : Intense activité des Équipes : en 1949, Hélène Manuel, Monique Joubert et Suzanne Perrin partent pour Herserange, dans le bassin minier de Longwy.

1950 : Rencontre de Jean Durand, en demi-retraite de son poste de professeur à l’École Centrale, qui aidera Madeleine sur tous les plans et en particulier dans ses difficultés familiales.

1951 (août) : Libération, par le Président Vincent Auriol, de Miguel Grant, ancien FTP, injustement emprisonné, défendu par Madeleine depuis 1949 et pour lequel elle avait demandé une audience au Président de la République en juillet.

1952 (mai) : Deuxième pèlerinage à Rome, une journée de prière à Saint-Pierre pour l’unité de l’Église. Madeleine fait connaissance avec le P. Guéguen.

(déc.) : Lettre de Mgr Feltin au sujet de la « Charité de Jésus », demandant à voir Madeleine à son retour de Rome.

1953 (jan.) : Rédaction d’un placet pour les époux Rosenberg, porté par un avocat à Rome. Ils seront exécutés le 20 juin.

(été) : Troisième pèlerinage à Rome lors de la crise des prêtres-ouvriers. Plusieurs rencontres avec Mgr Veuillot en poste à la Curie romaine. Audience semi-privée de Pie XII à Castel Gandolfo.

(automne) : Notes et lettres à propos de la Mission de France et l’expérience des prêtres-ouvriers dont l’arrêt a été décrété par Rome.

1954 (juin) : Première conférence à des curés de Paris sur le marxisme, sous l’autorité du cardinal Feltin, de Mgr Veuillot et Mgr Lallier, dont Madeleine avait fait la connaissance dans le scoutisme.

(oct.) : Quatrième pèlerinage à Rome. Rappelée auprès de sa mère au bout de deux jours.

1955 : Grande activité de réflexion sur le marxisme, exposés et mémoire sur le marxisme. Audience auprès du cardinal Feltin qui l’encourage à continuer.

(3 juin) : Mort de sa mère.

(été) : Cinquième pèlerinage à Rome. Mgr Veuillot communique le « Mémoire sur le marxisme » au P. Paul Philippe o.p.

(18 sept.) : Mort de son père. Très mauvais état de santé de Madeleine.

1956 : Madeleine met en forme ses notes sur le marxisme pour en faire un livre, tout en faisant des exposés en province. Sa santé est toujours aussi mauvaise. Son mémoire, approuvé par le cardinal Feltin, est emporté à Rome par le P. Guéguen.

(oct.-nov.) : Sixième pèlerinage à Rome. Mgr Veuillot et le P. Paul Philippe donnent leur accord pour la publication.

1957 (février) : Septième pèlerinage à Rome pour discuter de la 4e partie du livre avec Mgr Veuillot.Révision sans trêve des quatre parties et des annexes, jusqu’en mars. Le livre s’appellera Ville marxiste, terre de mission. Les premiers exemplaires d’auteur sont envoyés en septembre.

1958 : Mort du P. Lorenzo.

Huitième pèlerinage à Rome. Audience générale de Pie XII.

Élaboration de la charte de la « Charité de Jésus », par Mgr Veuillot, et décision de renoncer à un institut séculier, envisagé depuis deux ans.

(été) : Neuvième pèlerinage à Rome. Première pensée pour l’Afrique noire.

1959 : Dixième pèlerinage à Rome. Mgr Veuillot est nommé évêque d’Angers.

1960 (mars) : Madeleine refuse de s’associer à l’accueil de Khrouchtchev à la Mairie d’Ivry.

1960-1961 : Conférences sur le marxisme dans divers milieux.

1961 (nov.) : Départ pour Abidjan de Suzanne Perrin et Guitemie Galmiche.

Voyage en Pologne.

1962 : Madeleine est sollicitée pour un travail sur les athéismes contemporains par un ancien évêque de Tananarive, en vue du Concile.

Le P. Loew accepte de décharger en partie Mgr Veuillot nommé en 1961 archevêque coadjuteur du cardinal Feltin, pour s’occuper des Équipes.

1963-1964 : Écrits et conférences sur l’athéisme.

1964 (13 oct.) : Mort subite de Madeleine.

1988 : Mgr Frétellière, évêque de Créteil, décide l’ouverture du procès de béatification de Madeleine Delbrêl.

1996 : Le procès est reconnu valide par Rome.Madeleine Delbrêl est déclarée « Servante de Dieu ».

(chronologie révisée en juin 2007)

NOUS AUTRES GENS DES RUES (1938)

En 1937, la « Charité de Jésus », qui est le nom du groupe de femmes avec lesquelles Madeleine Delbrêl est engagée à Ivry-sur-Seine depuis 1933, voit ses effectifs doubler au long de l’année. Elles étaient trois en 1933 et 1934. En 1935, six participent à la retraite de septembre, mais elles restent trois engagées. Il y a une entrée en 1936, et quatre en 1937. C’est donc au nom de huit femmes que Madeleine Delbrêl écrit, en janvier 1938, « Nous autres gens des rues » dans les Études carmélitaines. Discrètement d’ailleurs car l’article est signé M. D.

Cette signature est accompagnée d’une note importante qui mérite d’être lue attentivement : « Ces notes nous parviennent d’un groupe de laïcs de la banlieue : âmes décidées à vivre l’Évangile sans restriction. Ces âmes ont horreur de l’irréalisme : leur apostolat est celui de la vie. Leur formule n’est pas : travailler pour le Christ, mais revivre le Christ au milieu d’un monde déchristianisé. Dans ce but, ce groupement vise à faire des “agis”, non des “actifs” (N. D. L. R.). »

Elles se définissent comme un « groupe de laïcs de la banlieue ». Le type d’engagement est nouveau, ce sont des laïcs. L’objectif missionnaire est nouveau aussi : la banlieue de Paris, car depuis quelques années, les prises de conscience d’un monde déchristianisé se sont multipliées. La tonalité rejoint d’emblée la profonde veine mystique qui irrigue les missionnaires : être des agis, car c’est Dieu qui agit. Madeleine Delbrêl écrira en 1943, dans « Pays païens et charité », à lire dans le présent volume : «… des agis qui sur les doigts du Saint-Esprit sont un gant de peau bien souple ». C’est la main qui agit, non le gant. Le groupe prit cette orientation dès 1931. Il voulait être « moins animé d’un esprit missionnaire, très actif, que désireux de vivre à la Foucauld. Non plus : “travailler pour le Christ”, mais : “être le Christ, pour faire ce que fait le Christ” 2 ». Madeleine Delbrêl n’entraîne pas d’abord son groupe dans l’action. Voilà qui peut étonner, puis bien guider le lecteur.

Ce texte émerge d’un bouillonnement apostolique dont un titre de livre est emblématique, Le Christ dans la banlieue 3, publié en 1927 par le père Lhande. L’Église de Paris prend conscience de ses banlieues. Des forces vives s’y engagent. Bien qu’écrit au seuil d’une guerre qui rendra difficile les communications, « Nous autres gens des rues » circulera beaucoup. L’histoire de sa diffusion reste à écrire mais nous en connaissons au moins deux balises importantes. D’une part, la JOC, Jeunesse Ouvrière Chrétienne, en reprit de larges extraits dans le fascicule 8 d’une revue dont l’abbé Henri Godin était le directeur et diffusée en 1943, Le Levain dans la pâte, aux Éditions ouvrières. D’autre part, la jeune Mission de France, dont le séminaire débuta à Lisieux en 1942, s’inspira de Madeleine Delbrêl. Son fondateur, l’abbé Louis Augros, en témoigne : « Ce texte inspira profondément notre effort de formation durant les premières années à Lisieux. Lorsque le séminaire fut en route, Madeleine vint plusieurs fois parler à la communauté, soit avant, soit après la Libération 4. »

Madeleine reprendra abondamment dans toute son œuvre et jusqu’en 1964 les quatre thèmes qui se succèdent en sous-titre : le silence, la solitude, l’obéissance et l’amour.

Le texte qui suit est celui du manuscrit autographe.

Il y a des lieux où souffle l’Esprit ; mais il y a un Esprit qui souffle en tous lieux.

Il y a des gens que Dieu prend et met à part.

Il y en a d’autres qu’il laisse dans la masse et qu’il ne « retire pas du monde ». Ce sont des gens qui font un travail ordinaire, qui ont un foyer ordinaire ou sont des célibataires ordinaires. Des gens qui ont des maladies ordinaires, des deuils ordinaires. Des gens qui ont une maison ordinaire, des vêtements ordinaires, ce sont les gens de la vie ordinaire. Les gens qu’on rencontre dans n’importe quelle rue.

Ils aiment leur porte qui s’ouvre sur la rue, comme leurs frères invisibles au monde aiment la porte qui s’est refermée définitivement sur eux.

Nous autres gens de la rue, croyons de toutes nos forces, que cette rue, que ce monde où Dieu nous a mis est pour nous le lieu de notre sainteté.

Nous croyons que rien de nécessaire ne nous y manque, car si ce nécessaire nous manquait, Dieu nous l’aurait déjà donné.

Le silence

Le silence ne nous manque pas car nous l’avons. Le jour où il nous manque, c’est que nous n’avons pas su le prendre.

Tous les bruits qui nous entourent font beaucoup moins de tapage que nous-mêmes.

Le vrai bruit c’est l’écho que les choses ont en nous.

Ce n’est pas de parler qui rompt forcément le silence.

Le silence est la place de la parole de Dieu et si, lorsque nous parlons, nous nous bornons à répéter cette parole, nous ne cessons pas de nous taire.

Les monastères apparaissent comme les lieux de la louange et comme les lieux du silence nécessaire à la louange.

Dans la rue, pressés dans la foule, nous établissons nos âmes, comme autant de creux de silence où la parole de Dieu peut se reposer et retentir.

Dans certaines multitudes où la haine, la convoitise, l’alcool marquent le péché, nous connaissons ce silence du désert et notre cœur se recueille avec une facilité extrême pour que Dieu y résonne son nom « Vox clamans in deserto ».

Solitude

À nous, gens de la rue, il semble que la solitude n’est pas l’absence du monde mais la présence de Dieu.

C’est de le rencontrer partout qui fait notre solitude.

Être vraiment seul 5, c’est pour nous, participer à la solitude de Dieu. Il est si grand qu’il ne laisse place à nul autre sinon en lui. Le monde entier nous est comme un vaste face-à-face 6 avec Dieu dont nous ne pouvons nous évader. Rencontre de sa causalité vivante dans ces carrefours trépidants de mouvement 7.

Rencontre de son empreinte sur la terre.

Rencontre de sa providence dans les lois scientifiques.

Rencontre du Christ dans tous ces « petits qui sont à lui », ceux qui souffrent dans leur corps, ceux qui s’ennuient, ceux qui s’inquiètent, ceux qui manquent de quelque chose.

Rencontre du Christ rejeté, dans le péché aux mille visages. Comment aurions-nous le cœur de les moquer ou de les haïr ces multiples pécheurs que nous côtoyons ?

Solitude de Dieu dans la charité fraternelle : le Christ servant le Christ. Le Christ dans celui qui sert, le Christ dans celui qui est servi.

Comment l’apostolat serait-il pour nous une dissipation ou un tapage ?

L’obéissance

Nous autres, gens de la rue, savons très bien que tant que notre volonté sera vivante nous ne pourrons pas aimer pour de bon le Christ.

Nous savons que seule l’obéissance pourra nous établir dans cette mort.

Nous envierions nos frères religieux si nous ne pouvions, nous aussi, mourir un peu plus à chaque minute.

Les menues circonstances sont des « supérieures » fidèles. Elles ne nous laissent pas un instant et les « oui » que nous devons leur dire succèdent les uns aux autres.

Quand on se livre à elles sans résistance on se trouve merveilleusement libéré de soi-même. On flotte dans la Providence comme un bouchon de liège dans l’eau.

Et ne faisons pas les fiers ; Dieu ne confie rien à l’aventure ; les pulsations de notre vie sont immenses car il les a toutes voulues.

Dès le réveil elles nous saisissent. C’est la sonnerie du téléphone, c’est la clé qui tourne mal, c’est l’autobus qui n’arrive pas, qui est complet ou qui ne nous attend pas. C’est notre voisin de banquette qui tient toute la place, ou la glace qui vibre à vous casser la tête.

C’est l’engrenage de la journée, telle démarche qui en appelle une autre, tel travail que nous n’aurions pas choisi.

C’est le temps et ses variations exquises, parce que absolument pures de toute volonté humaine. C’est avoir froid ou c’est avoir chaud. C’est la migraine et c’est le mal aux dents. Ce sont les gens que l’on rencontre, ce sont les conversations que nos interlocuteurs choisissent. C’est le monsieur mal élevé qui nous bouscule sur le trottoir ce sont les gens qui ont envie de perdre du temps et qui nous happent.

L’obéissance pour nous, gens de la rue, c’est encore de nous plier aux manies de notre époque quand elles sont sans malice. C’est d’avoir le costume de tout le monde, les habitudes de tout le monde, le langage de tout le monde. C’est, lorsqu’on vit à plusieurs, d’oublier d’avoir un goût et de laisser les choses à la place que les autres leur donnent.

La vie devient ainsi un grand film au ralenti. Elle ne nous donne pas le vertige. Elle ne nous essouffle pas. Elle ronge petit à petit fibre par fibre la trame du vieil homme qui n’est pas raccommodable et qu’il faut totalement renouveler.

Quand nous nous sommes accoutumés à livrer ainsi notre volonté au gré de tant de minuscules choses nous ne trouvons pas plus difficile quand l’occasion s’en présente, de faire la volonté de notre chef de service, de notre mari, ou de nos parents.

Et nous espérons bien que la mort même sera facile ; elle ne sera pas une grande chose, mais une suite de petites souffrances ordinaires, l’une après l’autre consenties.

L’amour

Nous autres, gens de la rue, sommes bien sûrs que nous pouvons aimer Dieu autant qu’il a envie d’être aimé de nous.

Nous ne pensons pas que l’amour soit chose brillante mais chose consumante et que faire de grandes actions pour Dieu nous le fait moins aimer que de faire de toutes petites actions avec lui et comme lui.

D’ailleurs nous pensons être très 8 mal informés sur la taille de nos actes. Nous ne savons que deux choses : la première, que tout ce que nous faisons ne peut être que petit ; la seconde, c’est que tout ce que Dieu fait est très grand 9.

Cela nous rend tranquilles devant l’action.

Nous savons que tout notre travail consiste à ne pas gesticuler sous la grâce, à ne pas choisir les choses à faire, et que c’est Dieu qui agira pour nous 10.

Il n’y a rien de difficile pour Dieu et celui qui craint la difficulté se croit capable d’agir.

Parce que nous trouvons dans l’amour une occupation suffisante nous n’avons pas pris le temps de classer les actes en prière et en action.

Nous trouvons que la prière est une action et l’action une prière.

Il nous semble que l’action vraiment amoureuse est toute pleine de lumière.

Il nous semble que, devant elle, l’âme est comme une nuit toute attentive à la lumière qui va venir. Et quand la lumière est là, la volonté de Dieu clairement comprise, elle la vit tout doucement, tout posément regardant son Dieu s’animer et agir en elle.

Il nous semble que l’action est aussi une prière implorative.

Il ne nous semble pas que l’action nous cloue sur notre terrain de travail, d’apostolat ou de vie.